… en contradiction avec la réalité démographique et la nécessité d’un accompagnement renforcé pour faire face aux réformes qui bousculent profondément, en particulier, le lycée.
Au motif de compenser ces suppressions, vous industrialisez les heures supplémentaires, qui atteignent près de 10 % du temps d’enseignement ! Si, sur le papier, vu du ministère, cet allongement du temps de travail des enseignants semble fonctionner, la réalité est tout autre : plus de 12 millions de crédits d’heures n’ont pas été consommés en 2019, et des expériences toutes plus kafkaïennes les unes que les autres nous remontent des établissements, qui ne parviennent pas à les réaliser concrètement.
L’enseignement agricole, comme il a été signalé, est le parent le plus pauvre du secondaire, au point que la commission de la culture a émis un avis défavorable sur les crédits du programme correspondant. Établissements au bord de la faillite et suppressions de postes mettant en cause le devenir même de l’enseignement agricole : nous sonnons l’alerte ! Le nombre élevé d’amendements relatifs à l’enseignement agricole en témoigne, je crois.
Aux moyens nécessaires en termes d’enseignants je pourrais ajouter le soutien aux directeurs d’école, qui n’est pas du tout à la mesure des tâches qu’ils ont à réaliser dans le contexte actuel, ni des SOS qu’ils ont lancés avec force ces derniers temps – tout cela malgré vos annonces. Sans compter la situation des AESH, encore trop peu nombreux pour accompagner les enfants en situation de handicap.
Nous assistons, dans ce projet de loi de finances, à une explosion des recrutements hors titre 2. Ce phénomène affaiblit considérablement vos annonces en ce qui concerne l’école inclusive, pourtant présentée comme une priorité. La situation salariale et le statut de ces personnels demeurent, dans nombre de cas, indécents.
De même, les élèves scolarisés en classe ULIS (unité localisée pour l’inclusion scolaire) ne sont toujours pas comptabilisés dans les effectifs généraux dans toutes les académies. C’est inhumain au sens propre du terme ! C’est aussi profondément injuste, car cela ôte des moyens aux établissements, alors qu’il leur en faudrait, au contraire, davantage.
J’en viens au plan de revalorisation des enseignants, qui n’est absolument pas de nature à répondre à la crise de recrutement que nous traversons. Ainsi, alors qu’un professeur certifié, dont le temps de travail est estimé à 44 heures hebdomadaires, est payé environ 1 600 euros, croyez-vous réellement qu’une revalorisation qui va se résumer, pour les deux tiers des enseignants à une prime informatique de 150 euros par an va susciter de nouvelles vocations ?
Par ailleurs, pourquoi vous obstinez-vous à refuser de piocher dans les listes complémentaires aux concours pour faire face aux postes non pourvus dans certaines disciplines ou académies ? Nous disposons là de personnels motivés et disponibles, qui ont déjà un pied dans la formation !
Monsieur le ministre, je suis un peu stupéfaite que vous ayez choisi de faire des annonces très inquiétantes sur l’éducation prioritaire au moment où plus d’une centaine de maires, dans une très large diversité politique, alertent sur les risques de décrochage de certains de nos quartiers et sur la nécessité que le plan de relance accorde une attention toute particulière à ces quartiers – et plus qu’une attention : des moyens.
Oui, il y a besoin de remettre le chantier de l’éducation prioritaire sur la table, car trop de communes, d’élèves et de familles qui devraient en relever en sont exclus. Non, les difficultés sociales ne sont pas l’apanage des milieux urbains, mais ce chantier doit être guidé par la promesse républicaine d’égalité et l’affirmation de notre République sociale. Car défendre la République, c’est aussi refuser une République à la carte, où tout se contractualise et se négocie dans une concurrence d’autant plus redoutable qu’elle vise à se partager des moyens qui manquent.
Je terminerai en abordant la situation des collectivités territoriales. Les 100 millions d’euros qui leur sont affectés vont essentiellement répondre à l’instruction obligatoire à 3 ans et à son corollaire de compensations à accorder à l’enseignement privé. Ce montant ignore les efforts importants réalisés par les collectivités territoriales pour mettre en place les protocoles sanitaires. Je crois qu’il y aura là un vrai sujet dans les prochaines semaines, parce qu’il va falloir qu’elles continuent à mettre en œuvre ces protocoles.
À moins que nombre de nos amendements et de ceux de nos collègues ne soient adoptés, nous ne pourrons pas, malheureusement, voter les crédits de cette mission !