Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » prend cette année un relief particulier en raison de la pandémie qui a bouleversé l’organisation des cours.
À cette difficulté s’est ajouté l’impensable : le tragique assassinat du professeur Samuel Paty ; un acte odieux, attaquant la République en général et la liberté d’enseigner en particulier.
Avec 76 milliards d’euros demandés pour 2021, il est coutume de dire que l’enseignement scolaire est le premier poste de dépenses au sein du budget général. Aussi, nous attendons beaucoup de notre système d’éducation nationale. Faut-il rappeler que l’école est le ciment de notre pacte républicain ?
On sait très bien tout ce qui se joue à l’école dès les premières années. C’est d’ailleurs, monsieur le ministre, ce qui a conduit le gouvernement auquel vous appartenez à engager le dédoublement des classes en 2017, une mesure longtemps attendue.
Il est en effet fondamental de persévérer dans la réduction des inégalités sociales. L’absence d’égalité dans les conditions d’apprentissage est la garantie d’une reproduction permanente des inégalités de destin.
Il faut reconnaître que le budget de la mission traduit une volonté de renforcer, en 2021, les moyens de l’éducation nationale. Alors que le nombre d’élèves diminue, les crédits de paiement ainsi que les autorisations d’engagement augmentent d’un peu plus de 2 % ; nos collègues rapporteurs l’ont souligné. C’est une équation positive, bien que je regrette un schéma d’emploi défavorable au secondaire, alors que les classes y sont également trop chargées.
Je souligne que le décrochage scolaire lié à la pandémie concerne d’abord les jeunes des lycées d’enseignement professionnel. Il faudra prévoir un plan de rattrapage pour ces établissements. N’oublions pas qu’on y forme nombre de ceux qui étaient en première ligne pendant la crise sanitaire.
Je m’inquiète également des moyens alloués à l’enseignement technique agricole, qui, comme l’a rappelé très justement notre collègue rapporteure Nathalie Delattre, ne sont pas à la hauteur des enjeux.
En revanche, je souhaite souligner les efforts qui sont portés en faveur des enfants en situation de handicap. L’école n’est toujours pas suffisamment inclusive. Si le recrutement de 4 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap va dans le bon sens, nous partons de loin : il faudra donc faire plus pour une école accessible à tous. En écho à une autre politique de votre gouvernement, monsieur le ministre, il faut « 1 élève 1 solution ».
Pour ce qui concerne le programme 230, « Vie de l’élève », je note la progression de 6, 5 % des crédits alloués aux dispositifs intitulés « Devoirs faits » et « École ouverte ». Ces dispositifs, importants en temps normal, sont devenus encore plus essentiels du fait de la crise. Malgré la mobilisation extraordinaire du corps enseignant, la crise sanitaire a délégué une partie de l’instruction à la famille, avec toutes les inégalités sociales que l’on imagine.
J’y ajouterais la question de l’accès au numérique. Dans le contexte du recours à l’enseignement à distance, la fracture numérique nous est apparue encore plus cruelle pour les familles des territoires ruraux. Monsieur le ministre, bien que vous n’ayez pas la tutelle du secteur numérique, permettez-moi d’en appeler, sur ce sujet, à la responsabilité du Gouvernement.
Je citerai une phrase de notre regretté collègue Alain Bertrand, extraite de son rapport sur l’hyper-ruralité : « Finalement, en ne construisant pas un modèle économique de desserte numérique et de téléphonie mobile à l’échelle du territoire national, l’État a organisé dès l’origine un système de creusement de l’inégalité territoriale d’accès à des services pourtant devenus universels et d’autant plus stratégiques dans les zones de faible densité. » C’est un fait.
Plus favorable aux territoires, la dotation de 50 millions d’euros pour soutenir la réhabilitation par les collectivités locales des bâtiments d’internat ainsi que la poursuite du plan Bibliothèques, qui bénéficie aux zones rurales, méritent d’être soulignées.
En revanche, monsieur le ministre, vous avez promis aux maires qu’aucune fermeture de classe ne serait programmée dans les communes sans leur accord du maire. Cette promesse sera-t-elle vraiment tenue à la rentrée prochaine ?
Mes chers collègues, le groupe RDSE envisage de voter les crédits de la mission, sous réserve de l’adoption des amendements en faveur de l’enseignement agricole.