Je me réjouis, par conséquent, que l'Assemblée nationale ait adopté un amendement tendant à augmenter le budget du ministère de 33 millions d'euros pour financer de nouvelles actions en faveur de la prévention des risques naturels.
Je prends également en considération le fait que le ministère disposera, en 2006, de moyens dépassant ceux qui figurent en loi de finances initiale, puisque trois établissements publics sous tutelle bénéficieront de l'affectation directe de produits et de taxes : le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ainsi que l'Agence gouvernementale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
L'affectation de recettes pérennes à ces établissements va dans le bon sens : elle leur permet de disposer d'une lisibilité à long terme, indispensable en matière de politique foncière et de développement durable. Elle met également en lumière l'importance de l'action des opérateurs extérieurs dans la mise en oeuvre des politiques initiées par le ministère de l'écologie et du développement durable.
A cet égard, je souhaite, madame la ministre, attirer votre attention et celle de mes collègues sur la situation d'un opérateur en particulier, dont l'action tient très à coeur de notre rapporteur Ambroise Dupont : il s'agit du réseau des réserves naturelles de France.
Acteurs au service de la sauvegarde de la biodiversité, les gestionnaires des réserves naturelles sont majoritairement des associations - pour près de 50 % -, dont l'action repose sur l'investissement continu de quelques hommes et de quelques femmes qui effectuent un travail sans relâche pour mobiliser les élus, les chercheurs, les populations et l'ensemble de l'opinion publique à la cause du patrimoine naturel.
Le déplacement de notre rapporteur. Ambroise Dupont dans la réserve naturelle des Ballons des Vosges et en petite Camargue alsacienne en juin 2004 - Mme Keller n'est certainement pas insensible à ce qui s'y passe ! - lui a permis de prendre la mesure de ce travail de terrain indispensable dans certaines régions pour sauvegarder la richesse de notre patrimoine naturel. Je vous rappelle que la France est actuellement au quatrième rang mondial des pays abritant le plus grand nombre d'espèces animales menacées.
En 2003 et 2004, les réserves ont subi des baisses importantes de leurs crédits d'investissement. En 2005, le versement des crédits, qui avaient été légèrement rehaussés, n'a pas été intégralement honoré. Et cette année, la dotation budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2006 est en baisse : de 8 % pour les autorisations d'engagement et de 10 % pour les crédits de paiement.
Cette baisse va concrètement accentuer les difficultés des gestionnaires, contraignant certains d'entre eux à licencier et à rendre des services a minima.
Comme Mme Keller nous l'a annoncé, la commission des finances propose de réaffecter une partie de la dotation de 7, 4 millions d'euros initialement prévue pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres au profit des services d'inspection des installations classées, et de supprimer purement et simplement l'autre partie, d'un montant de près de 4 millions d'euros.
Pour notre rapporteur pour avis, s'il est nécessaire de renforcer l'action de l'inspection des installations classées, il est également essentiel de permettre aux gestionnaires du réseau des espaces réglementés d'accomplir leur mission dans les meilleures conditions.
C'est pourquoi la commission des affaires culturelles vous propose un sous-amendement visant à rétablir la dotation de 4 millions d'euros dans le programme « Gestion des milieux et biodiversité », qui serait répartie entre les réserves naturelles de France, les parcs nationaux et les gestionnaires des grands sites. J'espère, madame la ministre, que nous bénéficierons à cet égard de votre soutien.
Par ailleurs, comme chaque année, le rapporteur a choisi de privilégier un thème, dont les enjeux lui semblent mériter une attention particulière. Cette année, il s'est penché sur la politique des grands fleuves, dont les premiers résultats de la relance de 2002 sont aujourd'hui visibles.
Il faut savoir que les populations résidant dans les zones inondables des grands fleuves ont été multipliées par dix depuis un siècle et demi : environ 2 millions d'habitants et des infrastructures d'importance nationale sont concernés. Les dommages de crues catastrophiques similaires à celles qui ont été observées au XIXe siècle seraient par ailleurs multipliés dans des proportions encore plus considérables en raison de l'extraordinaire aggravation de la vulnérabilité des infrastructures exposées aux inondations depuis cette période.
Les actions engagées par votre ministère traduisent une véritable prise de conscience de ce risque.
Si je ne peux que me réjouir du surcroît d'efficacité qui découle de la réorganisation des services de l'État, je regrette, comme notre rapporteur, la dérive, depuis 2000, des ressources disponibles consacrées à la prévention des inondations : le décalage entre les besoins de crédits nécessaires pour tenir les engagements de l'État à l'égard des populations et des collectivités territoriales s'est fait criant en 2005, et s'accroît encore en 2006.
Au-delà des difficultés financières, un point particulier préoccupe le rapporteur et l'ensemble de nos collègues de la commission, qui assument par ailleurs des fonctions d'élus locaux.
A l'heure actuelle, deux types de zones classées, formalisées par deux documents différents, coexistent au titre de la prévention du risque d'inondation.
Le premier, le « plan de prévention des risques d'inondation », ou PPRI, doit être mis en place, aux termes de la loi du 2 février 1995, à l'issue d'une concertation, trop souvent symbolique, entre les services de la direction départementale de l'équipement et les collectivités locales.
La délivrance d'un permis de construire en méconnaissance d'un PPRI entraîne la responsabilité pénale des élus, sur le fondement du manquement à une obligation de sécurité mettant en danger la sécurité d'autrui.
Un second type de zones soumis à un risque d'inondation résulte des « atlas de zones inondables », établis par les services déconcentrés de l'Etat. Ces documents portent à la connaissance des collectivités territoriales et du public les informations disponibles sur les risques d'inondation, sous forme de textes et de cartes.
Or, ces deux documents ne couvrent pas les mêmes zones. Surtout, la question de savoir si la responsabilité pénale des élus locaux peut être engagée n'est pas tranchée.
Notre rapporteur a interrogé votre prédécesseur à ce sujet. Sa réponse ne manque pas de nous inquiéter : bien que juridiquement indicatifs, les atlas doivent orienter la réflexion des collectivités territoriales sur l'aménagement de leur territoire. Le ministre a ajouté que « le juge pénal pourrait qualifier de faute caractérisée ayant exposé la vie d'autrui à un risque d'une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré la délivrance d'un permis de construire dans une zone identifiée comme soumise à un risque d'inondation important ».
On aboutit, par conséquent, à cette situation juridiquement incohérente dans laquelle des documents indicatifs, élaborés par l'État, sont susceptibles d'engager la responsabilité pénale des maires, sans que ces derniers soient éventuellement informés des modifications que les services de l'État sont amenés à apporter !
Comment peut-on sortir de cette impasse, madame la ministre ? Votre réponse est très attendue par les élus locaux.
Sous réserve de ces observations et des amendements qui seront présentés, la commission des affaires culturelles donne un avis favorable sur les crédits de la mission « Écologie et développement durable ».