Intervention de Paul Raoult

Réunion du 3 décembre 2005 à 23h00
Loi de finances pour 2006 — Écologie et développement durable

Photo de Paul RaoultPaul Raoult :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos par quelques réflexions sur le programme 211 « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable ».

Ce programme est essentiellement composé de dotations de personnel. Si les crédits du programme sont en accroissement, cela correspond à un changement de périmètre, puisque le budget de la mission supporte les crédits correspondants aux cotisations versées à la Caisse d'allocations familiales et au Fonds national d'aide au logement, ainsi que la prise en charge de la cotisation employeur pour les pensions.

Le fait positif est l'accroissement des effectifs d'environ soixante-dix équivalents temps plein travaillé, ETPT. Cependant, il serait souhaitable que l'on bâtisse, un jour, un véritable corps unifié de personnel lié spécifiquement à l'environnement. On y distingue, paraît-il, entre soixante et soixante-dix corps de fonctionnaires différents.

Certes, la jeunesse de ce ministère explique cette situation, mais n'est-il pas temps d'assurer les carrières à un personnel venu d'horizons très différents ? Je tiens d'ailleurs à saluer le dévouement et l'abnégation de très nombreux fonctionnaires - en particulier dans les directions régionale de l'environnement, les DIREN -, qui s'engagent avec conviction dans leur travail.

Le programme 153 « Gestion des milieux et biodiversité » est certainement celui qui suscite le plus de regrets de ma part. On constate, en effet, une forte baisse des crédits sur un certain nombre de lignes budgétaires dans le domaine de la politique de l'eau.

Il est vrai que ce sont les agences qui ont le rôle déterminant. Mais le transfert de charges des DIREN vers les agences, s'agissant en particulier de la gestion des zones humides et des milieux aquatiques, a été important. Or, en même temps, la suppression de la taxe du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, et le transfert de la solidarité « rural-urbain » pèsent lourdement dans les budgets des agences, qui sont donc difficiles à équilibrer.

En effet, il faut payer les engagements financiers pris dans le passé, honorer les arrêtés de subvention, assumer les responsabilités sur le plan des études. Je rappelle qu'il était déjà difficile de tenir les délais dans la mise en oeuvre des directives européennes en matière d'assainissement. Il nous faut donc éviter de faire subir à la France des pénalités financières.

Le voeu que j'exprime ce soir, madame la ministre, est que vous autorisiez les agences à augmenter les redevances prélevées dans une proportion suffisante pour réaliser les programmes nécessaires.

Mais, plus que jamais, je ne peux que répéter le souhait que le vote du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques intervienne dans les plus brefs délais. Les départements l'attendent pour s'assurer de nouvelles recettes affectées à la politique de l'eau, qui représente pour eux une charge de plus en plus lourde, dans un contexte financier difficile du fait des lois de décentralisation et des charges nouvelles qu'ils doivent assumer.

Enfin, nombre d'opérateurs s'inquiètent du coût élevé de la mise en place des services publics d'assainissement non collectif, les SPANC. Les contrôles payants par logement sont mal acceptés par les populations.

Les amendements en projet, semble-t-il, à l'Assemblée nationale, visant à instaurer un système unique de prélèvements pour l'assainissement collectif et non collectif, sont attendus avec une certaine impatience.

Un autre point appelle de ma part la plus extrême réserve sur votre projet de budget, madame la ministre : il s'agit du sort fait aux crédits pour le Conservatoire de l'espace du littoral et des rivages lacustres, pour les parcs naturels régionaux et les réserves naturelles, ainsi que pour les associations à but environnemental.

Alors qu'un travail exemplaire est réalisé dans tous ces organismes, je regrette très vivement un certain désengagement de l'État. Ainsi, les DIREN sont amenées à gérer des enveloppes restreintes et à opérer des coupes claires, parfois douloureuses et injustes.

Or, aujourd'hui, le mouvement associatif comme les organismes institutionnels sont souvent les fers de lance de la mise en oeuvre de la politique voulue par l'État et assumée par eux. Force est de constater un certain découragement des personnels et animateurs, qui ne comprennent pas l'absence de soutien, au plus haut niveau, de cette oeuvre précieuse, souvent anonyme et décisive, pour préserver la biodiversité.

Je sais bien que vous pouvez compter très souvent sur l'effort financier des collectivités locales et territoriales - les départements et les régions - ou de l'Union européenne, mais il me semble que le maintien du pouvoir régalien de l'État dans le domaine environnemental devrait s'accompagner, de sa part, d'un effort financier beaucoup plus incitatif, qui serait perçu comme un encouragement à poursuivre dignement le travail engagé.

L'intérêt de préserver ou d'enrichir la biodiversité n'est plus à démontrer. Il nous faut, par exemple, poursuivre nos programmes Natura 2000 avec plus de force encore. Si nous avons pris du retard, les réticences émises sur ces programmes sont aujourd'hui levées et nous pouvons avancer plus rapidement.

S'agissant des parcs naturels régionaux, nous craignons que les crédits en volume ne diminuent, alors que ces parcs jouent un rôle décisif aujourd'hui, sur plus de 12 % du territoire national et pour plus de 3 380 communes et 3 millions d'habitants.

J'en arrive au dernier point de mon intervention : comment les crédits environnementaux sont en quelque sorte « digérés » par la LOLF.

Le parlementaire de base que je suis a du mal à s'y retrouver pour lire et interpréter les chiffres qui nous sont soumis et pouvoir les comparer avec la présentation de l'année dernière.

La dispersion des crédits sur d'autres ministères rend ce budget souvent illisible. Je crains que cela n'exprime un manque de considération collective pour les enjeux environnementaux. On sent bien que les problèmes écologiques ne sont pas au coeur de notre réflexion en termes d'aménagement du territoire. Les actions d'intérêt environnemental majeures sont transférées sur un programme « Interventions territoriales de l'État » ; il en est ainsi, par exemple, du plan Loire grandeur nature ou du plan Durance. Le ministère est dit « associé ».

Cette présentation a l'inconvénient majeur de faire toujours apparaître la politique environnementale comme la cerise sur le gâteau, le pouvoir réel de décision étant ailleurs, dans d'autres ministères.

Nous apparaissons ainsi uniquement sous un aspect négatif et purement répressif, comme des « empêcheurs de tourner en rond ». Les contraintes environnementales sont toujours exprimées ou perçues comme étant subies. Or, aujourd'hui, elles sont un élément du développement économique.

Il faut donc que la maîtrise de la définition et du suivi des objectifs de la politique environnementale soit le fait du ministère de l'environnement, car les pesanteurs intellectuelles de certains aménageurs dans certains ministères sont encore telles que la bataille visant à considérer le développement durable comme facteur essentiel du développement économique et de l'emploi est loin d'être gagnée. Madame la ministre, il me semble que ce combat sera, dès demain, encore plus difficile dans ce partage des responsabilités.

Inversement, l'apparition de recettes affectées à certaines politiques environnementales, certes d'un montant parfois insuffisant, est positive. C'est là le signe probant que ces politiques seront pérennes, et que le système sera mieux garanti à l'avenir.

En conclusion, madame la ministre, mon groupe ne pourra pas voter ce budget très contraint, malgré quelques avancées positives. En effet, il n'est pas à la mesure de l'urgence et de l'importance des problèmes écologiques auxquels nous sommes confrontés.

Le marché et les prix ne peuvent, à eux seuls, réguler les contraintes environnementales. Plus que jamais, il est donc fortement nécessaire que l'État régule, maîtrise les forces économiques afin de créer les conditions d'un éco-développement qui soit assumé par tous.

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