La mission « Remboursements et dégrèvements » est composée de deux programmes, le premier est consacré aux remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, le second aux impôts locaux.
Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État sont évalués à 119, 2 milliards d’euros en 2021– une bagatelle ! Ce montant, déjà prodigieux, est de surcroît en augmentation de 1, 5 milliard d’euros par rapport à la prévision pour cette année. Ce nouveau bond s’inscrit dans le prolongement de la hausse quasi ininterrompue de ces crédits depuis 2010. Cela concerne donc au moins deux gouvernements.
D’où provient cette augmentation ? C’est simple, elle provient d’abord des remboursements de crédits de TVA, la part la plus importante des remboursements et dégrèvements d’impôts avec 56, 6 milliards d’euros. En sept ans, la sous-action relative aux restitutions de TVA a augmenté de 14, 2 milliards d’euros. Dès lors, madame la ministre, il est inutile de vous préciser que je considère comme absolument nécessaire de fournir aux parlementaires une information approfondie sur les causes de cette trajectoire de hausse !
Puisqu’il est question d’information approfondie, je rappelle que la Cour des comptes a estimé la fraude à la TVA à près de 15 milliards d’euros. Où et comment cette priorité est-elle gérée par le Gouvernement, madame la ministre ? Une action résolue permettrait de dégager de nouvelles ressources publiques, ce qui nous éviterait, par exemple, d’être suspendus à la décision de l’Union européenne de subventionner le plan de relance !
Lors des débats sur ce PLF pour 2021, j’ai aussi largement défendu la baisse des taux de TVA concernant les produits et les services essentiels aux personnes et à leur dignité. Je sais que la législation européenne nous contraint, mais la France doit être précurseur et leader, madame la ministre, comme dans d’autres domaines d’ailleurs, mais j’y reviendrai.
Un autre élément pèse sérieusement sur les remboursements et dégrèvements, à savoir le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Le coût de ce dispositif reste éminemment considérable pour les finances publiques, après avoir atteint quasiment 20 milliards d’euros en 2019. Inutile de mentionner le rapport éloquent de France Stratégie sur le sujet, largement cité dans l’hémicycle.
Par ailleurs, un autre élément abordé par cette mission concerne les coûts des grands contentieux fiscaux de droit de l’Union européenne, qui sont très élevés pour l’État. C’est un sujet qui ne souffre pas non plus d’un excès d’informations et de transparence.
Enfin, le dernier point que j’aborde ici est la question des « règlements d’ensemble ». Vous le savez, ils permettent à l’administration d’accorder au contribuable une minoration du montant des pénalités dues, mais également des droits demandés. Cette pratique est utilisée lors de redressements complexes, notamment en matière de fiscalité internationale.
Sur les 116 règlements d’ensemble opérés en 2019, portant sur une remise totale 1, 6 milliard d’euros, les droits ont été minorés de 1, 12 milliard d’euros. Si l’État renonce à percevoir autant d’argent au motif que les règles sont complexes, eh bien changeons les règles, cela rapportera plus d’argent à l’État ! Il y a là une problématique qui est posée, et pas n’importe laquelle : celle de l’égalité de traitement entre les contribuables.
Selon un rapport remis au Parlement, le règlement d’ensemble le plus important l’an dernier s’élève à 523 millions d’euros. Je n’entrerai pas dans le détail, mais il s’agit de Google, pour ne pas le citer.
Dans cette affaire, le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Paris avaient donné raison à l’entreprise au motif que « la société Google Ireland Limited ne dispose pas en France d’un établissement stable, au sens de la convention franco-irlandaise ». Mais pour solder l’affaire sur le plan pénal, Google avait décidé de transiger avec la justice et l’administration dans le cadre d’un règlement d’ensemble. Cette affaire m’inspire trois réflexions, madame la ministre.
Tout d’abord, nous devons inscrire dans le droit la notion d’établissement stable que, sur l’initiative des sénateurs communistes, le Sénat a adopté – j’en remercie d’ailleurs tous mes collègues.
Ensuite, l’administration fiscale espérait un redressement de 1, 1 milliard d’euros, mais elle n’obtient finalement que la moitié de cette somme. C’est pour le moins un accord a minima.
Enfin, ce règlement débouche sur une convention fiscale dérogatoire dont nous ne connaissons pas les termes.
En ce qui concerne à présent les dégrèvements et remboursements d’impôts locaux, en 2021, les crédits du programme s’effondrent, puisqu’ils passent de 23 milliards d’euros à 7 milliards d’euros.
Deux événements expliquent cette contraction. D’abord, la réforme de la taxe d’habitation et, ensuite, la réforme des impôts de production.
S’agissant de la réforme de la taxe d’habitation, il est utile de se rappeler que nous arrivons, en 2021, dans la deuxième phase de la réforme. Jusqu’ici, l’allégement introduit en loi de finances pour 2018 avait pris la forme d’un dégrèvement et, par voie de conséquence, son coût était retracé par la mission dont je rapporte les crédits.
La mise en œuvre progressive de ce dégrèvement s’était ainsi traduite par une hausse importante des crédits de la mission : 3 milliards d’euros supplémentaires en 2018, 6 milliards d’euros supplémentaires en 2019 et 14 milliards d’euros supplémentaires en 2020.
À compter de 2021, ce dégrèvement est transformé en exonération et le produit de la taxe d’habitation est perçu par l’État.
Au bilan, le Gouvernement s’attend à une diminution de l’ordre de 10 milliards d’euros de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) acquittée par les entreprises.
Me voilà confronté à une contradiction, mais soyez rassurée, madame la ministre, cela n’effraie pas le dialecticien que je suis : la commission des finesses