Intervention de Sophie Primas

Réunion du 28 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Investissements d'avenir

Photo de Sophie PrimasSophie Primas :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’an dernier, la commission des affaires économiques avait donné à ce budget un avis défavorable en raison, notamment, de ses doutes quant à la privatisation d’Aéroports de Paris et du manque d’information du Parlement.

Nous savons désormais que la privatisation n’aura pas lieu en 2021, mais de nouvelles interrogations émergent sur la stratégie de l’État actionnaire et sur la pertinence du fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I). Par ailleurs, nous déplorons de nouveau le manque d’information du Parlement. Notre commission a donc donné, une nouvelle fois, un avis défavorable sur les crédits de ce compte.

L’information transmise au Parlement à propos de ce compte est bien trop lacunaire. Les montants sont « notionnels », c’est-à-dire qu’ils n’engagent en rien le Gouvernement et qu’ils ne permettent pas de connaître ses intentions en matière d’évolution du portefeuille. C’est ainsi par la presse, en dépit de nos questions, que nous avons appris, il y a dix jours, que des négociations sont en cours pour de nouveau renforcer les fonds propres d’Air France-KLM.

En outre, cet outil retrace de plus en plus des opérations qui n’ont pas de lien avec l’État actionnaire. La quasi-totalité des recettes de 2021 inscrites sur ce compte seront ainsi des versements budgétaires.

Il me semble pourtant que nous pourrions trouver des solutions plus appropriées pour la bonne information du Parlement. Aucun pan de l’action du Gouvernement ne saurait échapper à son contrôle : il s’agit là de l’une de ses missions constitutionnelles.

Ensuite, la stratégie même de l’État est source d’interrogations : il semble de plus en plus devenir actionnaire et de moins en moins stratège. Au fil de ses désengagements successifs, souvent pour des raisons budgétaires, l’État a perdu de son influence et de sa capacité à peser sur certaines décisions pourtant fondamentales pour notre souveraineté économique ou industrielle. Le fait qu’il n’ait pas pu, pas su ou pas voulu défendre ses intérêts dans l’épisode Véolia-Suez découle directement de la baisse continue de sa participation dans Engie.

De même, l’accord de cession des Chantiers de l’Atlantique à Fincantieri, toujours sur la table, illustre le privilège accordé au désengagement à court terme, alors même que cet accord est loin de présenter des garanties suffisantes, comme l’a montré un récent rapport du Sénat. Le risque est en effet important que l’acquéreur finisse par rapatrier une partie de sa production en Italie et qu’il procède à des transferts de technologie vers la Chine.

Ces constats sont particulièrement alarmants pour la reconquête de notre souveraineté économique et industrielle, qui nécessite au contraire un État doté d’une vision stratégique à long terme.

Enfin, la vraie nature du Fonds pour l’innovation et l’industrie apparaît de plus en plus clairement. C’est une usine à gaz budgétaire qui n’apporte rien de plus qu’une dotation budgétaire, mais qui possède deux inconvénients majeurs : d’une part, le Fonds soustrait au contrôle du Parlement le financement de l’innovation ; d’autre part, il ne garantit aucunement une stabilité à ce financement. Une clause de revoyure pour 2023 entraînera, en effet, une baisse de son rendement.

Voilà, mes chers collègues, les raisons qui conduisent la commission des affaires économiques à donner un avis très défavorable à l’approbation de ce compte.

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