Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 28 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Investissements d'avenir

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Si nous le rejoignons pour constater le coût de cette dépense fiscale, certes considérable, plusieurs études ont été entreprises pour essayer d’évaluer les effets économiques de celle-ci. Or il ressort des travaux les plus récents sur le sujet, menés en 2019 par la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, que le CIR a un effet multiplicateur supérieur à un. Ce n’est pas vraiment ce qui transparaît à la lecture du rapport ; en particulier, il y est soutenu que, lorsque le coût de la recherche diminue de 10 %, les dépenses de recherche n’augmentent, elles, que de 5 %.

Nous pensons plutôt que le CIR constitue une aide à l’innovation et doit être préservé pour soutenir l’effort de recherche de notre pays.

Je conclurai sur cette mission en posant une question au Gouvernement, au sujet du contentieux lié à la contribution au service public de l’électricité (CSPE).

Au titre de ce contentieux, 55 000 réclamations préalables avaient été déposées, et 14 000 requêtes ont été portées devant le tribunal administratif. Le risque budgétaire avait été évalué à 5 milliards d’euros, et la provision dans les comptes de l’État s’élevait, au 31 décembre 2017, à 1, 2 milliard d’euros.

Dans un arrêt du 3 décembre 2018, le Conseil d’État a fixé les règles du contentieux. Puis, en juillet 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé que la CSPE pouvait être remboursée partiellement, à proportion de la part consacrée à des finalités autres que sa finalité environnementale. À la suite de cette décision, le coût du contentieux pour l’État a été réduit à 500 millions d’euros, sous réserve d’un remboursement rapide pour éviter le paiement d’intérêts moratoires.

En tant que rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », je m’étonne de ne trouver absolument aucune mention de ce contentieux dans le projet annuel de performance de la mission « Remboursements et dégrèvements », alors même que, au sein de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », le programme 174 supporte 5 millions d’euros de frais de gestion.

Où sont donc passés les 500 millions d’euros – un montant subordonné, je le rappelle, à un remboursement rapide ?

J’en viens à la mission « Engagements financiers de l’État », dans un contexte où, avec la crise, la question de la dette française se repose, de manière vraiment urgente.

Le niveau de la dette inquiétait dès avant la pandémie de covid : en juin 2019, le FMI a exprimé des inquiétudes quant au niveau trop élevé de notre dette – une analyse qui résonne encore plus aujourd’hui.

Au-delà de son seul niveau, c’est aussi la structure de la dette qui doit nous inquiéter, puisque, en 2019, elle était détenue à près de 70 % par des non-résidents, notamment par la BCE. Si, demain, la BCE doit revoir sa stratégie d’intervention, notamment pour satisfaire la cour constitutionnelle de Karlsruhe, la Banque de France sera limitée dans ses capacités d’intervention sur le marché secondaire, en sorte que la dette nationale sera beaucoup plus sensible aux exigences des marchés.

Comme cela a déjà été souligné, le coût de la dette est décorrélé du montant de celle-ci. En effet, malgré son niveau abyssal – les besoins d’emprunt, avant même le deuxième confinement, étaient évalués dans le « bleu » à 260 milliards d’euros –, la France continue d’emprunter à des taux négatifs : -0, 11 % en moyenne cette année.

Cette décorrélation entre le niveau et la charge de la dette envoie, nous le répétons, un mauvais signal : elle laisse croire que nous gagnons de l’argent en nous endettant. Or, comme le Trésor l’a montré, une faible remontée des taux aurait des conséquences significatives sur la charge d’intérêts. Nous avons donc tous une épée de Damoclès au-dessus de notre tête.

C’est la raison pour laquelle, en première partie comme en seconde, le groupe Les Républicains a déposé des amendements visant à soutenir le tissu économique en ayant recours à l’épargne privée plutôt qu’à l’argent magique.

Encore faut-il ajouter que le volume d’endettement a été artificiellement maîtrisé, par deux outils.

D’une part, l’État recourt à l’avance de l’Union européenne pour près de 40 milliards d’euros, dont 17 milliards d’euros pour la seule année 2021, dans le cadre du plan de relance Next Generation. Ces financements sous forme de subventions viennent amoindrir l’incidence du plan de relance sur le solde, donc notre besoin d’endettement. Il faudra pourtant bien rembourser, et on ne sait pas comment…

D’autre part, l’État a utilisé un dispositif assez intéressant à court terme : les primes d’émission sur des souches anciennes. Aujourd’hui, les investisseurs nous donnent de l’argent pour bénéficier de ces souches anciennes. Mais la conséquence directe est que nous allons devoir rembourser plus vite et à un coût plus élevé. La Cour des comptes a évalué à 1 305 milliards d’euros les montants à rembourser d’ici à 2030, dont 599 milliards d’euros dès 2023. Le mur se rapproche de nous !

Le remboursement de la dette, je le répète, est un pari qui nous engage tous.

Madame la ministre déléguée, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2020 par le Trésor et la direction générale du budget, un tableau a fait son apparition dans lequel on trouve une ligne : Ressources affectées à la caisse de la dette publique et consacrées au désendettement. À ce titre, ont été prévus : 0 euro pour 2019, 2 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2020, 0 euro en 2020 et 2021. J’ai cherché dans tout le « bleu » : je n’ai pas trouvé cette ligne… Pouvez-vous nous en dire plus ? Doit-on en déduire un probable cantonnement de l’endettement public, avec la mise en place de recettes spécifiquement destinées à l’amortissement de la dette ?

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