Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 28 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Investissements d'avenir

Agnès Pannier-Runacher :

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie les rapporteurs et les orateurs des groupes pour leur analyse approfondie des crédits des missions examinées cet après-midi.

Dans le temps qui m’est imparti, je m’efforcerai de leur répondre sur les principaux sujets soulevés, en structurant mon propos autour des quatre blocs de politiques publiques examinés dans cette discussion.

En ce qui concerne les remboursements et dégrèvements, la lutte contre la fraude fiscale, en particulier à la TVA, est un des objectifs prioritaires du Gouvernement.

Monsieur Savoldelli, les recommandations de la Cour des comptes, formulées dans le prolongement du rapport d’information de l’Assemblée nationale de septembre 2018 sur l’évasion fiscale internationale des entreprises, ont permis de lancer les travaux méthodologiques d’évaluation de la fraude, articulés autour de trois axes : la poursuite des travaux engagés par l’Insee sur la TVA pour déboucher sur des estimations annuelles ; la définition d’une méthode d’évaluation en ce qui concerne les autres impôts, notamment l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu ; et la mise en place de contrôles aléatoires pour enrichir les deux approches dans des secteurs tests – contrôles en cours de préparation et qui seront lancés en 2021. Ces données seront exploitées en 2022 afin d’affiner l’évaluation de la fraude à la TVA.

Au passage, je vous signale la forte augmentation des montants prélevés en contentieux fiscal intervenue ces trois dernières années, notamment dans des affaires de fraude à la TVA : elle témoigne d’une amélioration de la qualité des contrôles, liée en particulier au recours à des technologies permettant de croiser des fichiers, et plus seulement de faire l’analyse de risques des possibles évasions fiscales.

Monsieur Savoldelli, je tiens à répondre aussi aux préoccupations que vous avez exprimées sur le risque de non-compensation pour les collectivités territoriales dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme des impôts de production. Les compensations prévues par le projet du Gouvernement sont intégrales et territorialisées ; pour les régions, elles permettent de substituer à une ressource volatile, la CVAE, une ressource plus stable et plus dynamique.

S’agissant des engagements financiers de l’État, le Gouvernement partage naturellement la préoccupation exprimée par MM. Jérôme Bascher et Franck Menonville et Mme Lavarde sur le financement de la dette en cas de remontée des taux d’intérêt. Le soutien de la Banque centrale et l’avancée des programmes de financement des États devraient limiter le risque de hausse à court terme. Je rappelle aussi que des positions très claires ont été prises en Allemagne au sujet de l’arrêt de la cour constitutionnelle de Karlsruhe.

Par ailleurs, la crise a entraîné un mouvement d’aversion pour le risque favorable au marché obligataire : les taux d’intérêt sur la dette française sont proches des plus bas niveaux historiques. Il est d’ailleurs assez probable que l’épargne forcée des Français soit déjà placée sur ces produits obligataires d’État : l’épargne privée n’est donc pas perdue.

Sur le plus long terme, une hausse des taux d’intérêt est déjà intégrée à la programmation budgétaire du Gouvernement, en cohérence avec un scénario pluriannuel de raffermissement des conditions macroéconomiques. Ainsi, le projet de loi de finances se fonde sur l’hypothèse que le taux à dix ans sera de 0, 70 % à la fin de 2021.

Sur les participations financières de l’État, je précise, à titre liminaire, que, de manière constante – c’est une explication qui revient chaque année –, tous les gouvernements retiennent des montants notionnels de prévision de recettes et de dépenses, afin de ne pas envoyer de signaux aux marchés.

En effet, le Gouvernement est soumis à une double obligation : celle d’information et de transparence à l’égard du Parlement et celle de gérer au mieux les deniers publics qui lui sont confiés, donc de défendre les intérêts du contribuable, ce qui suppose de ne pas révéler ses intentions aux marchés.

Le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » sera renforcé par 20 milliards d’euros de crédits exceptionnels ouverts par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 en faveur du programme 358 de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire ».

Monsieur Lurel, ces versements seront échelonnés : ils interviendront au fur et à mesure des besoins exprimés par l’Agence des participations de l’État et les entreprises concernées en vue de la réalisation d’opérations de crise visant à soutenir, au moyen de fonds propres, de quasi-fonds propres et de titres de créance, des entreprises stratégiques particulièrement fragilisées par les conséquences économiques de la crise sanitaire.

Si la crise a fragilisé le portefeuille de l’Agence des participations de l’État, elle ne remet pas en cause notre vision de l’État stratège.

La structure financière des sociétés du portefeuille de l’agence s’est sensiblement dégradée, entraînant des fragilités qui pourraient perdurer. L’État a su mettre en place et mobiliser des outils de soutien immédiat à la trésorerie des entreprises. Il va désormais intervenir pour renforcer les fonds propres ou les quasi-fonds propres des entreprises stratégiques durablement fragilisées par la crise.

C’est l’objet du travail conduit par l’Agence des participations de l’État dès la première vague de la crise sanitaire, en mars et avril derniers, en identifiant les entreprises françaises stratégiques les plus vulnérables et en quantifiant les besoins potentiels en renforts de fonds propres.

Nouvelle génération d’investissements d’avenir, le PIA 4 permettra d’accélérer l’innovation et la transformation de notre économie.

Engagé depuis dix ans, le programme des investissements d’avenir, qui a traversé les mandatures, a des mérites qu’il n’est pas nécessaire de rappeler. Il soutient tout le cycle de vie de l’innovation, entre secteurs public et privé, au côté de partenaires économiques, académiques, territoriaux et européens. Ses investissements reposent sur une doctrine exigeante, des procédures sélectives ouvertes et des principes de cofinancement ou de retour sur investissement pour l’État.

Dans un contexte où le soutien à l’innovation est plus que jamais nécessaire, nous lançons un quatrième programme d’investissements d’avenir. Massif, il vise trois grandes finalités, désormais inscrites dans sa doctrine : la croissance potentielle, la transition énergétique et écologique et la résilience de nos organisations et de notre économie, qui conditionne notre souveraineté. Ces trois finalités traduisent les priorités et l’ambition du Gouvernement pour la transformation de notre pays sur le long terme.

Doté de 20 milliards d’euros, le PIA 4 sera mis en œuvre, comme l’a expliqué M. Bizet, selon deux logiques.

D’une part, un volet dirigé de 12, 5 milliards d’euros correspond à des investissements stratégiques et prioritaires parfaitement ciblés, en particulier en matière de transition énergétique et écologique. Des travaux ont été menés par le Conseil de l’innovation, présidé par M. Potier, pour identifier plusieurs marchés clés.

D’autre part, un volet structurel de 7, 5 milliards d’euros garantira un financement pérenne et prévisible aux écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation, dont le financement est en grande partie assuré par des dotations en capital produisant, à terme, des revenus réguliers et récurrents.

Nous voulons le PIA 4 plus agile. L’objectif est de tirer les leçons des programmes précédents, que nous avons évalués, en mettant en œuvre des outils au service d’une stratégie et non des actions limitées dans leur champ par des outils trop rigides. Cette logique permettra, en outre, une plus grande cohérence dans le suivi de l’exécution des actions par le Parlement et les acteurs de l’innovation.

La gouvernance unifiée, sur laquelle plusieurs orateurs m’ont interrogée, assurera la mise en cohérence des interventions de l’État dans le financement de l’innovation ; elle traduit l’effort de rationalisation des instruments de financement que nous opérons dans cette loi de finances.

De plus, nous proposons d’étendre les missions du comité de surveillance des investissements d’avenir, où siègent huit parlementaires, pour mieux vous associer aux grandes orientations d’investissement. C’est une réponse à l’une de vos demandes.

Par ailleurs, ce quatrième PIA comportera une dimension territoriale amplifiée, permettant d’assurer le déploiement des innovations en les adaptant aux réalités des territoires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion