Intervention de Jean Desessard

Réunion du 3 décembre 2005 à 23h00
Loi de finances pour 2006 — Écologie et développement durable

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce budget doit être regardé en fonction d'une idée principale et toute simple : la planète va mal. Je dirai même plus : elle va de plus en plus mal !

Du tsunami à Katrina, ce qui n'était encore, voilà quelques années, qu'une hypothèse scientifique est maintenant une certitude : le climat se dérègle, la nature s'emballe. Sous l'action de l'homme, des espèces disparaissent, la planète est en danger. Plus personne ne nie aujourd'hui cette évidence. Le diagnostic est ainsi posé : quelles sont donc les réactions des politiques ?

Le Sommet de la terre à Rio, en 1992, a marqué la prise de conscience internationale face au dérèglement climatique. Les États les plus riches, responsables des émissions les plus importantes et pour lesquels une baisse de croissance semblait plus supportable, ont pris l'engagement de stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre.

C'est le protocole de Kyoto, en 1997, qui a traduit cet engagement au niveau juridique en donnant pour objectif à ces États la réduction de 5, 5 % de leurs émissions en 2012 par rapport au niveau de 1990.

En 2004, le plan climat a instauré huit grandes orientations parmi lesquelles la sensibilisation du public - est-elle nécessaire ? -, la promotion du transport propre et de la construction HQE - haute qualité environnementale - et le développement des énergies renouvelables.

La charte de l'environnement adossée à la Constitution est venue compléter cette démarche le 1er mars 2005.

Aujourd'hui, nous examinons ce « petit » budget de la mission « Écologie et développement durable ». Faites-vous attention au symbole, madame la ministre ? Le symbole, c'est que l'on discute de ce budget tard dans la nuit de samedi à dimanche, comme s'il était relégué en fin de discussion, au moment le plus difficile.

Pourtant, au regard de la signature de la charte de l'environnement, l'obligation des politiques publiques de promouvoir un développement durable devrait réellement être inscrite dans la loi de finances. C'est une obligation constitutionnelle.

Nous avons les déclarations fracassantes de M. Chirac lors des sommets mondiaux pour la défense de l'environnement ; nous avons entendu M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, président de l'UMP, qui affirme qu'il suffit d'une ou deux générations pour résoudre les problèmes de l'environnement en France.

Or, quand je regarde les projets de loi que nous examinons à l'Assemblée nationale et au Sénat, chaque fois je m'étonne du décalage flagrant entre les déclarations d'intention et la réalité législative que l'on nous propose.

Projet de loi sur l'eau, projet de loi d'orientation sur l'énergie, projet de loi d'orientation agricole, projet de loi portant engagement national pour le logement : les projets de loi se suivent et se ressemblent. Hélas ! ils ne contiennent aucune proposition environnementale, aucune mesure écologique.

Le projet de loi de finances ne déroge pas à cette règle. Je me permettrai au passage, bien que certains de mes collègues l'aient déjà fait, de souligner que la nouvelle mouture du projet de loi finances, dans laquelle on a fait le choix d'une thématique par ministère, sous une apparence plus claire, est en fait particulièrement confuse.

La protection de l'environnement et la promotion du développement durable sont par essence des politiques transversales. Par conséquent, les mesures concernant l'environnement se retrouvent éparpillées, sans compter que les affectations de certaines taxes sont pour le moins obscures.

Quant aux crédits qui sont réellement accordés à l'environnement, il faut les chercher non seulement dans la mission « Écologie et développement durable », mais aussi dans la mission « Recherche », sans compter que les établissements publics ont leurs ressources propres.

A cela s'ajoute, sans qu'il soit vraiment possible d'en vérifier l'affectation et la gestion, un montant hypothétique de 27 milliards d'euros, identique à celui de 2003, dépensé par les collectivités locales pour la gestion des ressources naturelles. C'est dix fois plus que ce que l'État consacre à l'environnement et l'on peut légitimement se demander si cette situation est bien saine.

Le projet de budget pour 2006 accorde à la mission « Écologie et développement durable » 616 millions d'euros - on passe à 896 millions d'euros si l'on y ajoute les crédits de la mission « Recherche ». C'est la troisième année de baisse consécutive. L'an dernier, les crédits atteignaient 791 millions d'euros, soit, pour l'ensemble du budget de l'environnement, une baisse de 2 %. A croire que tout va pour le mieux sur le plan de l'écologie !

Et comment ne pas relever la disproportion colossale qui existe entre le budget de la mission « Environnement », qui s'élève à 616 millions d'euros, et le budget pharamineux de la mission « Défense », qui s'établit à 36 milliards d'euros ?

Les plafonds d'autorisation d'emplois sont tout aussi éloquents. L'environnement est le moins bien loti, avec 3 717 équivalents temps plein travaillé, dits ETPT, très loin derrière l'outre-mer, la jeunesse et les sports ou les services du Premier ministre. Et je ne parle pas des 440 000 ETPT affectés au budget de la défense.

Dans cette même optique, les crédits consacrés aux associations chutent de 20 % pour 2006, après une première baisse de 10 % en 2005, tant il est vrai qu'en France les associations de défense de l'environnement ne sont pas prises au sérieux. Leur travail de veille sur le terrain, de recherche, de sensibilisation, est pourtant fondamental.

L'affectation de taxes diverses à l'ADEME, au Conservatoire du littoral ou à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, peu claire, parfois même non avérée, est de surcroît un moyen supplémentaire de baisser les crédits.

Dans le programme 181 « Prévention des risques et lutte contre les pollutions », je constate une baisse de 40 % des crédits de l'action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » et de 78 % pour l'action 04 « Gestion des déchets et évaluation des produits ».

De même, malgré le plan de renforcement des effectifs de contrôle des installations classées, 46 ETPT ont été affectés contre 50 emplois budgétés l'année dernière.

Quand je pense à l'amiante, à AZF, à la pollution au benzène qui est survenue en Chine la semaine dernière, je suis pour le moins surpris ! Nous ne sommes pas à l'abri, nous ne sommes pas infaillibles, et la science découvre progressivement les dommages pour la santé et l'environnement d'inventions qu'elle encensait naguère : éthers de glycol, phtalates, amiante...

Je ne reviendrai pas sur l'évaluation des produits. Le vote de la directive REACH au Parlement européen a suffisamment permis de développer ce thème pour que je n'aie pas à insister sur l'importance capitale de ce type de dispositif dans le domaine de la santé publique. Je me contenterai de rappeler que le vote des députés européens de votre parti, madame la ministre, a vidé cette directive de sa substance.

Et que dire de la gestion des déchets ? Est-ce parce que nous sommes passés au tri sélectif et que nous avons voté, voilà quinze jours, le remplacement des sacs en plastique aux caisses par des sacs biodégradables que cette action doit être débudgétisée ?

Cela nous ramène à l'ADEME. Financée depuis 2000 par des dotations émanant des ministères de l'écologie et du développement durable, de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi que par le ministère de la recherche, ses crédits, qui seront de nouveau issus de taxes affectées, semblent particulièrement aléatoires. Comment imaginer que cette agence, dont le travail de recherche, de sensibilisation aux problématiques environnementales, de promotion du développement durable, puisse remplir convenablement ses missions avec un aussi faible budget ? Il n'est pas à la hauteur de ce que nous sommes en droit d'attendre. Cette phrase est revenue dans tous les discours. Peut-être aurons-nous une surprise avec les prochains orateurs, mais, jusqu'à présent, tous les intervenants ont souligné cet aspect.

Enfin, que dire du montant des crédits affectés à l'action « Lutte contre le changement climatique ». Elle reçoit 10 millions d'euros contre 98 millions d'euros en 2005 ! Ce ne sont pas des moyens de lutte ; c'est un alibi !

Les parcs nationaux, qui sont actuellement sur le grill à l'Assemblée nationale, voient leurs crédits de fonctionnement baisser de 20 %. Avec quel financement va-t-on créer les parcs qui sont en projet et moderniser ceux qui sont issus de la loi de 1960 ?

Enfin, sur le montant global de 896 millions d'euros de crédits, ce sont toujours 237 millions d'euros qui vont vers la recherche sur le nucléaire. Est-il besoin de vous dire combien je déplore cette politique qui consiste, en permanence, à tout miser sur une source d'énergie unique, a fortiori lorsqu'il s'agit d'une énergie aussi sournoise ? Sournoise, car, à première vue, elle semble propre.

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