Intervention de Patrick Chaize

Réunion du 28 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Photo de Patrick ChaizePatrick Chaize :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention s’articulera autour de deux axes.

Le premier concerne le numérique et, plus particulièrement, le plan France Très haut débit. L’année dernière, nous avions dû batailler pour faire adopter un amendement tendant à abonder ce plan, amendement rejeté sans autre forme de procès par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Cette année, nous n’aurons pas besoin de livrer une nouvelle bataille, car, entre la troisième loi de finances rectificative et le plan de relance, le plan France Très haut débit dispose désormais de 550 millions d’euros, ce qui prouve bien, madame la ministre, que nous avions raison il y a un an de vouloir augmenter les crédits du Fonds pour la société numérique. Notre position n’était en rien « détestable » – votre expression de l’époque !

Avec ces 550 millions d’euros, nous ne sommes plus très loin des 630 millions nécessaires au financement du 100 % raccordable au FTTH (Fiber To The Home), c’est-à-dire la fibre jusqu’au domicile, dans les zones les plus rurales de notre territoire. C’est d’autant plus vrai que l’État dispose encore de près de 50 millions d’euros de subventions aux opérateurs privés inutilisées dans le cadre du guichet de cohésion numérique des territoires, subventions qu’il convient de flécher à nouveau vers l’achèvement de la couverture FTTH du territoire.

Il faut comprendre l’absence de dépôt d’amendement par notre groupe sur ce sujet comme un gage de confiance donné à l’État, qui déclare désormais sans ambiguïté viser une couverture de 100 % en FTTH pour 2025.

Mais, pour que rien ne vienne entacher ce gage de confiance que nous accordons à la nouvelle dynamique engagée par l’État, je demande avec force et sans ambiguïté que les 550 millions d’euros qu’il a mobilisés soient intégralement affectés à la desserte FTTH des dernières zones d’initiative publique de notre territoire, qui sont les plus coûteuses à réaliser. Je parle bien de la « desserte », ce qui, techniquement et réglementairement, a tout son sens.

Je soutiens également la volonté de l’État d’expérimenter un dispositif de financement des raccordements non standards au FTTH en zone publique : il est en effet incompréhensible pour certains de nos concitoyens d’apprendre qu’ils devront attendre six mois de plus que leurs voisins pour être raccordés à la fibre ou qu’ils devront payer des frais élevés de raccordement. Sur ce point, je vous donne rendez-vous lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.

À présent, j’aborde le second axe de mon intervention, qui a trait à La Poste. Je veux intervenir, non pas au sujet des crédits de la mission « Économie », mais pour souligner ceux qui n’y figurent pas…

En tant que sénateur et président de l’Observatoire national de la présence postale, je me permets d’appeler votre attention sur la mission d’aménagement du territoire de La Poste, qui est bien souvent le dernier réseau présent dans les territoires. Le maillage d’au moins 17 000 points de contact, prévus par la loi et répartis sur tout le territoire, est garanti dans les zones urbaines et les zones rurales, dans les territoires périurbains, dans les zones de montagne et en outre-mer.

Cette mission impose à La Poste une norme d’accessibilité dont le respect est assuré, chaque année, par les commissions départementales de présence postale territoriale. C’est également dans le cadre de cette mission que La Poste peut adapter sa présence : agences postales communales, relais commerçants, guichets France services, équipements numériques, accompagnements des fragilités sociales ont ainsi pu voir le jour.

Ce n’est pas aux élus de terrain que j’apprendrai qu’à travers La Poste, c’est tout le dynamisme économique et social de la commune qui est en jeu. C’est l’accès aux espèces, aux colis – à l’heure du boom du e-commerce –, mais aussi, et de plus en plus, au numérique – l’inclusion numérique constitue désormais un besoin prégnant.

Grâce au fonds postal national de péréquation territoriale qui finance la mission d’aménagement du territoire, les élus ont pu apporter des réponses concrètes. Autant d’actions nécessaires pour combattre la fracture numérique qui risquent de ne plus pouvoir être menées, si l’État ne respecte pas les engagements de financement qu’il a pris dans le contrat de présence postale territoriale 2020-2022.

En effet, le cadre de gouvernance de la mission est aujourd’hui largement aux mains des élus. Le contrat encadrant la mission est signé par l’État, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et La Poste. Les projets qui sont financés par le fonds postal de péréquation sont votés par les élus des commissions départementales de présence postale territoriale.

J’en viens donc à la problématique du financement de cette mission d’intérêt général, problématique liée à la réforme de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) inscrite en première partie du projet de loi de finances.

Afin de financer le coût que représente sa mission d’intérêt général, La Poste bénéficie d’un allégement de fiscalité locale, dont le montant abonde le fonds postal de péréquation. Le taux des abattements appliqués aux bases de contribution économique territoriale et de taxe foncière est arrêté, chaque année, par décret, la CVAE représentant pas loin de 80 % de la base d’abattement alimentant le fonds.

C’est pourquoi la réforme de la CVAE a un impact conséquent sur le fonds postal de péréquation. Selon les évaluations, cet impact représenterait 66 millions d’euros en moins, par an, sur un total de 174 millions.

Pour le dire plus concrètement, sans compensation de cette perte de 66 millions d’euros, la mission d’aménagement du territoire de La Poste sera réduite à peau de chagrin, c’est-à-dire au financement des annuités des partenaires – agences postales communales et relais commerçants. Les commissions départementales de présence postale territoriale, composées d’élus locaux, n’auront plus de moyens à leur disposition et se verront privées de leur rôle. Elles deviendront des chambres d’enregistrement et de répartition de dépenses obligatoires.

Certes, on pourrait envisager de laisser La Poste compenser les 66 millions d’euros sur ses propres deniers, mais ce serait un non-sens économique : on ne peut pas demander à une entreprise fonctionnant dans un environnement concurrentiel, fût-elle à capitaux publics, de financer la charge d’une mission d’intérêt général qui lui a été imposée par l’État et qui est déjà sous-compensée à hauteur de plus de 60 millions d’euros. En effet, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), qui est une autorité indépendante, estime le coût de la mission à 230 millions d’euros par an.

Ne laissons pas ce trou se creuser encore plus au détriment de La Poste, dont le modèle économique est déjà particulièrement ébranlé par la baisse vertigineuse du volume du courrier.

C’est aussi une question de principe, que nous devons défendre en tant que parlementaires : une mission de service public doit être assurée et, donc, compensée financièrement par l’État avec de l’argent public. Ainsi, dans le cas de La Poste, pourrons-nous légitimement contrôler qu’elle s’acquitte correctement des obligations fixées et serons-nous en mesure de lui demander des comptes.

Faisons preuve de cohérence, mes chers collègues ! En tant qu’élus, nous nous battons localement pour que La Poste reste dans nos quartiers et nos villages. Aujourd’hui, la question de sa présence et de son activité dans les territoires se pose à nous, en tant que législateurs, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. C’est pourquoi je vous invite à voter en faveur des amendements que j’ai déposés avec certains de nos collègues, afin de garantir le financement de la mission de service public d’aménagement du territoire de La Poste.

Sous cette réserve, notre groupe votera les crédits de cette mission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion