Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 28 novembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Agnès Pannier-Runacher :

Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, comme pour la discussion précédente, je salue la qualité de l’analyse menée par les rapporteurs et les groupes et vous remercie du niveau d’exigence, dont celle-ci témoigne. C’est une garantie de qualité pour notre débat.

Je vous répondrai en mettant en exergue trois objectifs fondamentaux de notre action.

Le premier objectif de notre action, c’est de renforcer le soutien au commerce, à l’artisanat et aux territoires.

La crise sanitaire est une épreuve pour nos commerçants, nos restaurateurs, nos artisans ou encore nos indépendants. Beaucoup d’efforts leur ont été demandés et nous en sommes pleinement conscients.

Je veux d’abord les remercier de tous ces efforts consentis. Je comprends combien il est difficile de ne pas être autorisé à travailler quand, en tant qu’indépendant, on a engagé toutes ses économies, mis toute son énergie et fait des sacrifices immenses pour développer son activité.

Face à ces difficultés, notre politique est très claire : tout mettre en œuvre pour leur permettre de passer ce cap.

Au fil des projets de loi de finances rectificative et, aujourd’hui, du projet de loi de finances, vous avez souhaité adopter des mesures de soutien massif : le fonds de solidarité – je rappelle qu’il bénéficie à 1, 7 million d’entreprises, ce qui laisse à penser que peu ont été oubliées –, le prêt garanti par l’État (PGE), les exonérations de charges sociales, les mesures en faveur de l’allégement des loyers ou la prise en charge de l’activité partielle qui a permis de maintenir le salaire et l’emploi de millions de salariés.

Cette volonté de soutien aux commerces et de revitalisation de nos centres-villes se traduit également dans la mission « Économie » et les programmes déjà mis en place par le Gouvernement.

Je pense, notamment, à la mise en œuvre du programme « Action cœur de ville », qui comprend un axe dédié au développement économique pour soutenir le commerce de proximité et l’artisanat.

Je pense aussi au programme « Petites villes de demain », piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui cible les communes de moins de 20 000 habitants appelant une revitalisation.

Je pense enfin à la structuration d’une centaine de foncières, avec l’appui de la Banque des territoires, que nous avons annoncée à la fin du mois de juin avec Bruno Le Maire. Pour ces structures de soutien aux commerçants et artisans, notre objectif est de traiter jusqu’à 6 000 commerces dans des centres-villes fragilisés.

Le plan de relance prévoit par ailleurs 60 millions d’euros pour la création d’un fonds de déficit d’opérations d’aménagement commercial.

Ainsi, et pour répondre aux questions soulevées par les rapporteurs spéciaux, nous mobilisons des moyens à la hauteur des enjeux.

Le soutien à l’artisanat est également au cœur de nos préoccupations – et je réponds là à M. le rapporteur pour avis Serge Babary.

La stratégie nationale en faveur de l’artisanat et du commerce de proximité, que j’ai présentée en octobre 2019, continue d’être mise en œuvre. Nous inscrivons ainsi au projet de loi de finances pour 2021 la suppression sur trois ans de la majoration de la base taxable de 25 % pour les indépendants non adhérents d’un organisme de gestion. C’était une demande des professionnels, réitérée depuis de longues années.

Le plan de soutien en faveur du commerce de proximité, de l’artisanat et des indépendants du 29 juin 2020, ainsi que le plan de relance amplifient cette stratégie.

Enfin, l’État soutient l’économie des territoires. Il n’y a pas de désengagement en la matière, mais nous modifions la répartition des rôles.

Nous avons mis en place un portage par les collectivités des aides aux entreprises, permettant de clarifier la répartition des rôles entre l’État et les régions en matière de développement économique. Cette évolution, en lien avec la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, répond à une demande des régions.

Concernant l’État, nous assumons avoir mis fin à certains dispositifs qui s’avéraient peu opérationnels pour privilégier des outils plus efficaces. Afin de rendre plus lisibles les crédits budgétaires et le pilotage du soutien aux entreprises, le programme 134 ne porte plus d’aides individuelles.

Le deuxième objectif de notre action, c’est de poursuivre et renforcer la modernisation de l’économie. La crise l’a démontré une nouvelle fois, elle nous oblige, comme l’ont souligné les rapporteurs pour avis, à amorcer ou accélérer la numérisation de nos entreprises.

La numérisation permettra la maîtrise de nouvelles compétences, l’ouverture de nouveaux marchés, l’optimisation des activités de nos entreprises. Nous voyons déjà les différences d’un confinement à l’autre : alors que l’activité économique était pratiquement à l’arrêt lors du premier confinement, elle s’est largement poursuivie lors du deuxième.

Les entreprises ont accéléré leur transformation et les performances enregistrées par certains commerces sont impressionnantes : on voit ainsi de très petites entreprises faire des bonds de chiffre d’affaires de 30 %, parce qu’elles ont saisi l’occasion. Bien sûr, ces situations sont encore isolées.

L’enjeu est donc d’accélérer cette transformation. Le Gouvernement a largement encouragé le click and collect, en l’autorisant durant le second confinement, mais aussi en déployant le plan « Clique mon commerce » qui offre un accompagnement méthodologique et financier à chaque commerçant ou artisan indépendant pour la création de son site de vente en ligne.

L’initiative France Num sera ainsi considérablement renforcée par le plan de relance, avec une enveloppe de 29 millions d’euros supplémentaires. Il n’est donc pas nécessaire de la renforcer encore dans le cadre de cette mission « Économie », d’autant que le Gouvernement a déjà fourni des efforts conséquents, avec 11 millions d’euros en LFR 3 et 60 millions en LFR 4 pour la seule digitalisation des commerçants et artisans.

Pour permettre à tous les territoires de bénéficier des avantages du haut débit, le plan France Très haut débit est poursuivi et renforcé.

À cet égard, je veux rappeler la position défendue, ici même, par le Gouvernement l’an dernier – je crois d’ailleurs que c’était moi qui avais assuré cette défense. Nous avions indiqué n’avoir pas besoin de crédits supplémentaires pour l’année 2020 – et effectivement, nous n’en avions pas besoin – et nous vous avions donné rendez-vous pour l’année 2021. Nous sommes fidèles à ce rendez-vous !

Je précise également que les principaux obstacles au déploiement du très haut débit sont actuellement des problèmes de procédure, d’installation et de compétences disponibles pour réaliser les travaux. C’est ce que l’on constate, malheureusement, au-delà de la volonté collective de déployer ce plan.

Néanmoins, 240 millions d’euros supplémentaires sont mis à disposition au travers du plan de relance, ce qui porte l’enveloppe à 550 millions d’euros.

Puisque je suis interrogée sur le sujet, j’indique que, sur la 4G, en termes de déploiement, nous avons fait autant en trois ans que sur les neuf années ayant précédé, soit une multiplication par trois du rythme de déploiement. S’agissant du très haut débit, nous enregistrons une multiplication par deux du nombre de prises effectivement déployées.

La montée en puissance se poursuit donc, même si, il est vrai, nous partions de loin. Certes, les classements européens ne nous classaient pas à la dernière place, mais ils nous accordaient la vingt-cinquième ou vingt-sixième position, ce qui n’est pas forcément attendu pour un pays comme la France.

Le troisième objectif de notre action, c’est de poursuivre les réformes, car elles ont fait leurs preuves.

Nos choix en matière de soutien à l’export et de diplomatie économique nous ont permis de devenir la première destination pour les investissements directs étrangers en Europe. Il faut continuer.

Concernant l’export et l’attractivité, nous avons inscrit des moyens destinés au développement international des entreprises, dans le cadre de démarches pluriannuelles engagées par l’État avec Business France et Bpifrance Assurance Export. Nous n’avons d’ailleurs pas réinventé la poudre : les dispositifs existants étant solides, nous estimons qu’il faut plutôt les abonder et les utiliser.

Une subvention de 60 millions d’euros à destination de Business France est inscrite en projet de loi de finances pour 2021, au titre du volet export du plan de relance.

Compte tenu des incertitudes pesant sur l’évolution de la situation sanitaire et de son impact potentiel, la répartition des enveloppes accordées à chaque mesure fera l’objet d’une gestion flexible, afin d’orienter les crédits vers les dispositifs les plus appropriés et les plus efficaces en fonction du moment.

Je vais maintenant compléter mon propos par des réponses aux questions qui m’ont été posées.

S’agissant de La Poste, je partage le diagnostic établi par la rapporteure pour avis Anne-Catherine Loisier et plusieurs autres intervenants et une solution sera trouvée en nouvelle lecture.

S’agissant du financement des garanties proposées par Bpifrance, le recyclage, je le rappelle, est avant tout une solution de bonne gestion qui n’a jamais freiné, à aucun moment, l’activité de la banque publique d’investissement. En tout état de cause, le jour où un abondement sera nécessaire, le sujet sera traité.

S’agissant de la conditionnalité, les mesures du plan de relance sont bien conditionnées – nous le verrons plus tard dans nos débats.

Le plan de relance bénéficie essentiellement aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les chiffres sont têtus, mesdames, messieurs les sénateurs… La baisse des impôts de production profite à 75 % aux PME et aux ETI, et ce pour une raison simple : pour en bénéficier, il faut produire en France. Par construction, le dispositif ne s’adresse pas à des entreprises ayant eu des stratégies de délocalisation massive, ou alors c’est qu’elles continuent de produire en France.

Tous les autres dispositifs d’accompagnement, notamment les appels à projets, se concentrent essentiellement sur les PME et les ETI, que ce soit en valeur ou en nombre d’entreprises.

À la fin du mois de novembre, je le précise, puisque la question a été posée, 500 entreprises sont accompagnées dans le cadre de mesures industrielles. La moitié environ des projets correspond, notamment pour l’initiative « Territoires d’industrie », à une localisation, une relocalisation ou une extension de production en France. Les enveloppes votées en LFR 4 seront engagées, en intégralité ou presque, à la fin de ce mois.

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