Madame le ministre, au nom de tous ceux qui militent en faveur du développement durable, je tiens à rendre hommage à l'action que vous menez, en dépit des contraintes budgétaires qui vous sont imposées.
L'examen des crédits de la mission « Écologie et développement durable » est l'occasion pour moi d'intervenir sur un sujet extrêmement important pour la région que je représente : le développement durable et la protection de ce que nous appelons le « poumon » le plus important de France, la Guyane.
En premier lieu, je note que la mission « Écologie et développement durable » rassemble 12 millions d'euros de crédits de paiement, soit à peine 0, 1 % des crédits affectés aux politiques de l'outre-mer. Alors que la Guyane est le département français le plus vaste, y compris en surface forestière, il est regrettable que le Gouvernement ne relève pas sensiblement son engagement financier concernant la protection des espaces naturels, souvent exceptionnels, des régions ultramarines.
Jouissant pourtant d'une biodiversité et d'un biotope uniques en France, la Guyane est un joyau naturel que les activités humaines vont réduire à néant en quelques décennies si aucune mesure énergique de sauvegarde n'est prise.
Notre département recèle pourtant des spécificités très fortes, qui appellent un traitement particulier. À titre d'exemple, les conséquences environnementales de l'orpaillage clandestin atteignent un niveau très alarmant. Ce crime contre notre écosystème provient de l'utilisation du mercure passif contenu dans le sol, principalement par des orpailleurs clandestins brésiliens.
Selon les derniers résultats publiés, le niveau de pollution par le mercure s'est encore accentué, et le taux de mercure décelé chez certains enfants est cinq fois supérieur aux normes autorisées sur le plan international.
Madame le ministre, il est urgent d'agir contre ce fléau qu'est l'orpaillage clandestin pour la population et le système écologique guyanais. Les dispositifs de surveillance et de contrôle doivent être renforcés.
Par ailleurs, je constate avec regret qu'au sein du programme 153 « Gestion des milieux et biodiversité » les crédits alloués à la biodiversité sont sensiblement en baisse à périmètre constant, notamment ceux qui sont dévolus aux réserves naturelles et ceux qui sont dévolus aux parcs nationaux.
Cette baisse est d'autant plus regrettable que la présentation du programme « Forêt » au sein de la mission « Agriculture, pêche, forêts et affaires rurales », corollaire du présent programme, manque singulièrement de clarté et ne permet pas d'établir dès aujourd'hui une anticipation des actions de protection des forêts, notamment outre-mer.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer avec précision le montant et la nature des crédits dévolus à la protection de la forêt guyanaise ? Cette dernière a besoin d'une protection très forte.
Conscient des multiples dangers écologiques qui pèsent depuis trop longtemps sur elle, François Mitterrand, alors Président de la République, avait proposé en 1992 de faire de la Guyane un pôle d'excellence en matière de protection de la forêt tropicale et d'écodéveloppement. Cette proposition prit la forme d'un engagement tendant à créer un parc national, instrument juridique qui devait renforcer les garanties de protection et de développement de la Guyane.
Le projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins a été adopté par l'Assemblée nationale le 1er décembre. Mais les élus de Guyane ne sauraient se satisfaire des dispositions contenues dans ce texte. Il est d'ailleurs très symbolique que, le 18 octobre dernier, les élus départementaux et régionaux de la Guyane aient, dans une délibération du Congrès, émis un avis défavorable sur ce projet.
Or la moitié des crédits de paiement du programme 153 correspond aux subventions pour charges de service public des parcs nationaux, et près des deux tiers du budget de fonctionnement de ces derniers proviennent de la participation de l'État. Je nourris donc une certaine inquiétude alors que la naissance de ce parc national se fait dans la douleur.
Je ne peux également passer sous silence la très vive inquiétude que suscite le projet de loi de finances au sein du réseau associatif de gestion des réserves naturelles. La réduction des financements risque de remettre en cause l'équilibre financier de ces réserves.
Votre texte ne prévoit que 11, 43 millions d'euros en crédits de paiement et autorisations d'engagement, soit une baisse très importante de 11 % des financements par rapport aux paiements prévus à ce jour pour 2005. Or l'exécution budgétaire pour 2005 a déjà été contrariée par le gel de près de 600 000 euros.
Au final, le niveau des crédits est revenu à des valeurs inférieures consenties par les lois de finances pour les années 2002 à 2004. Cette baisse est d'autant moins compréhensible que huit nouvelles réserves ont été créées depuis 2001 et que le niveau des financements doit désormais tenir compte du coût de la professionnalisation - au demeurant salutaire - des personnels.
Les crédits relatifs aux réserves naturelles sont devenus, au fil des ans, des variables d'ajustement budgétaires qui subissent des gels ou des reports peu justifiables. La sous- dotation pour 2006 ne fera que retarder une fois de plus, si ce n'est annuler, les prévisions d'investissement retracées dans les plans de gestion.
Cette situation n'est évidemment pas acceptable. Madame le ministre, pouvez-nous nous éclairer sur les raisons de cette sous-dotation et sur les modalités par lesquelles vous entendez y mettre un terme ?
La France ne peut négliger les richesses biologiques dont regorge la Guyane et qui font de cette région un bien commun à toute l'humanité. Elle ne peut pas non plus laisser la Guyane livrée à elle-même face aux défis qui se présentent à elle en ce début de troisième millénaire. Notre avenir passe bel et bien par un financement à la hauteur de ces richesses !