Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 1er décembre 2020 à 21h15
Loi de finances pour 2021 — Cohésion des territoires

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » est dotée pour 2021 de 16 milliards d’euros, en hausse de 833 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, mais ces crédits restent en baisse de 1, 5 milliard d’euros par rapport à la totalité de ceux ouverts cette année, au fil des lois de finances rectificatives.

Les dépenses fiscales atteignent 10, 1 milliards d’euros, ce qui montre l’importance des dépenses extrabudgétaires pour les politiques de cette mission.

S’agissant du programme 177, qui finance la politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, il bénéficie de 2, 2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation significative de 209 millions d’euros.

Notons toutefois que ces crédits sont inférieurs à ceux inscrits en cours d’année 2020, car la crise sanitaire a conduit le Gouvernement à ouvrir 450 millions d’euros supplémentaires. Cette rallonge a permis d’assurer jusqu’à présent une gestion correcte de la situation, hormis le triste incident de l’évacuation du camp de Saint-Denis, qui a eu pour conséquence une opération massive de mise à l’abri mobilisant 34 000 places d’hébergement supplémentaires, dont 12 000 nuitées hôtelières.

L’un des enjeux de 2021 sera donc, avec des moyens en baisse, d’assurer l’accompagnement et la transition des personnes vers des centres d’hébergement, puis vers un logement pérenne.

S’agissant du logement adapté, il faut saluer le relèvement du forfait journalier pour les pensions de famille. Il conviendra néanmoins de fournir un effort important dans les deux prochaines années, si l’on veut atteindre les objectifs du quinquennat, à savoir la création de 40 000 places en intermédiation locative et de 10 000 places en pension de famille. À cet égard, le budget pour 2021 est en hausse de 18 %.

Le programme 109, « Aides personnelles au logement », est à l’origine de la majeure partie du dépassement du budget en 2020. En effet, il a fallu ouvrir près de 1, 9 milliard d’euros de crédits en PLFR 4, pour compenser, d’une part, le report de la réforme des aides personnalisées au logement (APL) dont le coût est estimé à 1, 2 milliard d’euros en année pleine, et pour répondre, d’autre part, aux effets de la crise, à savoir la hausse des dépenses pour les allocataires, et la baisse des recettes liées à une moindre contribution des entreprises.

En 2021, les crédits budgétaires destinés au fonds national d’aide au logement (FNAL) restent donc inférieurs de 1, 4 milliard d’euros à ceux ouverts en 2020, ce qui représente une diminution effective de 900 millions d’euros si l’on prend en compte le doublement de la contribution d’Action Logement qui passerait de 500 millions à un milliard d’euros.

Je m’étonne d’ailleurs, madame la ministre, que cet article de seconde partie ne soit pas, cette année, rattaché à la mission.

Selon le Gouvernement, la réforme des APL ne devrait permettre, crise oblige, qu’une économie de 750 millions d’euros, ce qui signifie que le budget repose sur l’hypothèse peu vraisemblable de besoins moins importants pour les allocataires et/ou d’une contribution stable des entreprises.

Le programme 135 porte différentes actions liées à la construction et à l’habitat, politiques dont le coût repose essentiellement sur les dépenses fiscales.

La rénovation énergétique est mise en exergue cette année, puisque le plan de relance consacre 2 milliards d’euros à la rénovation des logements privés. Il faut néanmoins rappeler que l’année 2020 a connu un nouvel exercice de régulation budgétaire avec la révision soudaine, le 14 juillet dernier, des critères de subvention de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pour l’isolation thermique par l’extérieur.

Cette décision était motivée, car certaines entreprises ne se montraient pas correctes, si je puis dire, mais nous souhaitons, madame la ministre, en finir une bonne fois pour toutes avec ces changements incessants des règles du jeu qui pénalisent les particuliers comme les entreprises. L’enjeu est d’autant plus important que le dispositif MaPrimeRénov’ doit monter en puissance, cette année.

Enfin, le programme 147 consacré à la politique de la ville n’a, pas plus que les autres, échappé aux conséquences de la crise sanitaire. En 2020, sa gestion reste marquée par le dégel de la réserve de précaution, mais aussi par une ouverture de crédits de 86, 5 millions d’euros dans la troisième loi de finances rectificative, qui a créé un dispositif de « vacances apprenantes » en lien avec plusieurs ministères, dont celui de l’éducation nationale.

Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est toujours en phase de lancement : les chantiers ont commencé dans la moitié des 450 quartiers concernés. Toutefois, les paiements de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) concernent encore très largement l’achèvement du premier programme lancé en 2003.

Quant au financement du NPNRU par l’État, il n’atteindra, à la fin de 2021, que 80 millions d’euros sur le milliard d’euros promis : il faudra donc en assumer la charge pendant au moins les deux prochains quinquennats. Pour le moment, l’ANRU ne souffre pas de problème de disponibilité de crédits de paiement.

En résumé, les crédits prévus en 2021 augmentent par rapport à la LFI pour 2020. Le budget prend en compte une partie des coûts induits par la crise sanitaire, même si, à l’évidence, de nouvelles ouvertures de crédits seront nécessaires en cours d’année pour les APL et probablement pour l’hébergement d’urgence.

Malgré cette réserve, je vous proposerai d’adopter les crédits de la mission, pour ce qui concerne les programmes que je vous ai présentés.

Au nom de la commission des finances, j’émettrai un avis favorable sur certains amendements de crédits présentés par la commission des affaires économiques. Signés par des collègues siégeant sur toutes les travées, ils visent à répondre à l’appel des 110 maires, devenus 185, et bientôt 200, qui demandent un renforcement des moyens de la politique de la ville, au-delà du fléchage de 1 milliard d’euros représentant 1 % du plan de relance, promis par M. le Premier ministre.

Il faut dire que la situation reste pour le moins déroutante. En effet, si le montant de 1 milliard d’euros a été clairement fixé, le fléchage des aides n’a absolument pas été défini.

Enfin, je ne peux terminer, madame la ministre, sans évoquer la situation du logement en cette fin d’année, même si cette politique est de moins en moins mise en œuvre au travers des crédits de la mission.

En 2020, les chiffres ne seront pas bons, ni en accession ni dans le logement social. Les perspectives pour 2021 sont encore plus mauvaises, car pour la première fois la courbe des autorisations a croisé celle des mises en chantier.

Les raisons de cet échec sont évidentes : resserrement du crédit bancaire, élections municipales allongées, effet de la réduction de loyer de solidarité (RLS) sur les bailleurs sociaux, fragilisation du budget et de la gouvernance d’Action Logement – avec les inquiétudes suscitées par les déclarations des uns et des autres sur les intentions réelles du Gouvernement –, perspectives de la suppression de la taxe d’habitation pour les collectivités locales, non-compensation des exonérations de taxe foncière pour les bailleurs sociaux et le logement intermédiaire.

Madame la ministre, il vous faut répondre sur tous ces points, et redonner rapidement de la visibilité aux acteurs, faute de quoi nous irons droit à une crise du logement sans précédent.

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