Intervention de Joël Giraud

Réunion du 1er décembre 2020 à 21h15
Loi de finances pour 2021 — Cohésion des territoires

Joël Giraud :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes la chambre des territoires et, mieux que quiconque, vous connaissez leur diversité. Le rôle de l’État est de réduire les fractures territoriales en apportant une réponse qui tienne compte de leurs spécificités. Il s’agit de faire vivre la promesse républicaine d’égalité, en particulier d’égalité des territoires.

Cet impératif est encore plus prégnant dans le contexte inédit que nous connaissons, marqué par une crise sanitaire majeure qui amplifie certaines fractures territoriales.

C’est tout le sens du budget que nous vous présentons, avec un plan de relance massif et territorialisé. C’est aussi le sens des crédits de la mission « Cohésion des territoires », en particulier des programmes 112, 147 et 162, qui portent respectivement sur l’impulsion et la coordination de la politique d’aménagement du territoire, sur la politique de la ville et sur les interventions territoriales de l’État.

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et moi-même nous félicitons de défendre un budget dans lequel les territoires occupent une place importante.

Certes, la lecture d’ensemble est parfois peu aisée, compte tenu de la répartition des crédits entre la mission « Plan de relance » et les missions du budget général. Vous êtes nombreux à l’avoir souligné dans vos rapports spéciaux et rapports pour avis : c’est un débat qui traverse tout le projet de loi de finances.

Toutefois, si l’on ajoute aux crédits du programme 112 les fonds du plan de relance, on observe que les moyens du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire sont en hausse de 40 % : c’est bien là l’essentiel. Ces fonds passent de 208 à 291 millions d’euros, soit une hausse de 83 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Monsieur de Nicolaÿ, vous savez qu’en la matière Bercy a coutume de procéder par le biais de conventions de délégation de gestion. En cas de transfert de crédits en faveur du programme 112, les chiffres seraient certainement plus lisibles : la question reste en débat. Je remercie d’ailleurs les orateurs qui nous ont fait part de leur soutien à cet égard. Notre démarche n’aboutira peut-être pas, mais, en tout état de cause, elle pose le problème de la lisibilité d’ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souligne plus particulièrement le doublement des crédits destinés à l’ingénierie : ces derniers passent de 10 à 20 millions d’euros. C’était une demande forte du ministère lors des négociations budgétaires. Vous l’avez tous dit : bien souvent, pour les plus petites collectivités, les projets mettent du temps à se concrétiser, non pas faute de financements, mais tout simplement par manque d’ingénierie.

Nombre d’entre vous sont intervenus sur ce sujet. Je l’ai déjà précisé à l’occasion du débat consacré à l’ANCT, organisé à la demande du groupe du RDSE, et lors de diverses auditions, notamment au Sénat : les crédits d’ingénierie vont bien au-delà de ces 20 millions d’euros.

L’ANCT est financée au niveau national ; malgré sa grande jeunesse – nous l’avons démontré lors du débat que j’évoquais –, cette agence a fait la preuve de son efficacité. En outre, des crédits vont être mis à la disposition des territoires pour financer des missions d’étude, menées par des cabinets privés. Quant aux volontaires territoriaux en administration (VTA), que M. Roux appelle de ses vœux, ils seront encore plus près de la réalité du terrain. J’ai examiné les amendements déposés et je vous rassure : ces postes sont bien financés !

Ce budget répond véritablement à l’exigence d’équité territoriale. Nous agissons en faveur des territoires fragiles grâce à l’accélération du déploiement des espaces France Services, qui renforcent le lien entre les habitants et leur administration.

C’est un des engagements de l’agenda rural, dont 30 % des mesures étaient réalisées ou en voie de l’être au début de l’année 2020. Lors du dernier comité interministériel aux ruralités (CIR), nous étions à environ 50 %. Bien sûr, une fois que l’enfant est né, il faut continuer à l’accompagner : rien ne serait pire que de ne pas suivre sa croissance. C’est bien ma mission particulière que d’accompagner l’agenda rural – à cet égard, je réponds à la remarque de M. Roux.

Les maisons France Services bénéficient d’un abondement de 28 millions d’euros en 2021, soit 10 millions d’euros de plus qu’en 2020, pour garantir d’ici deux ans au moins un espace France Services par canton, y compris – je le précise – dans les quartiers de la politique de la ville. Le déploiement de France Services est une mesure forte de l’agenda rural.

Au titre du plan de relance, 20 millions d’euros sont prévus pour compléter le financement des mesures de l’agenda rural. Je vous rappelle que, lors du CIR présidé par le Premier ministre le 14 novembre dernier, 5 milliards d’euros du plan de relance ont été fléchés vers la ruralité, en particulier sur les thématiques de la santé, de l’emploi et des transitions écologique et numérique.

S’y ajoute une mesure introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, que vous avez tous saluée : la prolongation de deux ans de tous les dispositifs zonés, sans exception, en particulier les zones de revitalisation rurale. C’était un engagement du Gouvernement et nous y étions tous particulièrement attachés. Il est désormais inscrit dans le projet de loi de finances.

J’en viens à la politique de la ville.

L’ambition du Gouvernement est bien de renforcer la cohésion de tous les territoires et de mieux prendre en considération tous leurs habitants, en particulier ceux des quartiers prioritaires, où, comme l’a répété le chef de l’État, la République doit plus que jamais s’assurer qu’elle tient sa promesse de justice et d’égalité.

Les crédits étaient sanctuarisés depuis 2017 : en 2021, ils augmenteront. Pour mémoire, ce même budget avait diminué de 85 millions d’euros en 2012 avant d’être amputé de 110 millions d’euros supplémentaires entre 2012 et 2017 !

L’augmentation du budget du programme 147, consacré à la politique de la ville, à hauteur de 46 millions d’euros, traduit aussi cet engagement porté par Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville.

L’exigence d’équité territoriale vaut bien sûr pour les quartiers prioritaires. C’est un engagement fort que le Premier ministre a affirmé aux maires en leur assurant que ces territoires recevraient bien 1 % du plan, soit au moins 1 milliard d’euros. À ce titre, nous suivons deux axes prioritaires : premièrement, l’emploi et le développement économique – M. Dallier en a parlé –, « parce que c’est le premier vecteur d’émancipation » ; deuxièmement, l’attractivité des territoires, à travers l’aménagement du cadre de vie de leurs habitants.

Face à l’impact économique de la crise, il y a un grand enjeu de relance de l’emploi et d’accompagnement vers l’emploi, notamment pour les plus jeunes : il y va du développement attractif de nos quartiers, principe au cœur des cités de l’emploi, que nous impulsons.

En parallèle, nous augmentons les crédits dévolus aux parcours emploi compétences : le taux de prise en charge par l’État est porté de 48 % à 80 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous pérennisons les postes d’adultes-relais pour un coût de 10 millions d’euros et nous déployons 4 millions d’euros supplémentaires pour renforcer la formation professionnelle à travers les établissements pour l’insertion dans l’emploi.

Face aux défis engendrés par la crise, pour défendre la continuité éducative et lutter contre le décrochage scolaire, l’ambition que nous portons avec les cités éducatives va être amplifiée.

Ainsi, nous dégageons 17 millions d’euros supplémentaires pour labelliser 40 nouveaux territoires, qui s’ajouteront aux 80 premiers. C’est une méthode innovante, plébiscitée par les acteurs de terrain – certains d’entre vous l’ont rappelé –, qui travaillent ensemble avec pour seul objectif de mieux accompagner chaque jeune, pour qu’il puisse croire en ses chances. C’est aussi une occasion de réaffirmer le rôle central de l’école comme creuset républicain par excellence de l’égalité, pas simplement face aux savoirs.

Enfin, le renouvellement urbain est une question essentielle. Au-delà du bâti, l’enjeu, ce sont les mobilités, le cadre de vie et la mixité sociale, qui doivent être mieux pris en compte.

Sur ce sujet comme sur les autres, nous n’avons pas à rougir ! Aux côtés des élus et des bailleurs, l’État entend bien poursuivre en 2021 son engagement dans le NPNRU pour améliorer les conditions de logement et le cadre de vie de nos concitoyens.

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