Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, c’est donc dans un contexte très particulier que nous entamons l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».
Je m’en souviens, voilà maintenant trois ans – c’est à la fois proche et déjà lointain –, nous imaginions que le chômage diminuerait de 9 % à 7 % dans les années suivantes. C’est peu de dire que nos prévisions se révèlent erronées, cette crise sanitaire sans précédent nous empêchant d’atteindre ces objectifs.
Le Gouvernement agit dans l’urgence et tente de colmater les brèches. Il annonce régulièrement de nouvelles dépenses, parfois en milliards d’euros, sans malheureusement toujours s’inquiéter de leur approbation préalable par le Parlement.
Le groupe Union Centriste note à son tour la hausse de 3 % des crédits de la mission « Travail et emploi ». Cette hausse est la bienvenue dans un contexte économique et social particulièrement difficile. Cet effort fait suite à plusieurs années de diminution, puis de stabilité de ces crédits. S’y ajoutent les 10 milliards d’euros de crédits issus de la mission « Plan de relance », crédits que nous estimons particulièrement indispensables. Pour autant, cette répartition des crédits sur deux missions s’opère souvent au détriment d’une certaine lisibilité budgétaire. Nous espérons sincèrement que ce découpage ne remettra pas en cause l’ambition des politiques menées.
Sur le fond, la stratégie est finalement la même que les années précédentes, les objectifs étant de concentrer les moyens sur les publics les plus fragiles grâce à des dispositifs ciblés tout en conduisant des efforts structurels, notamment en matière d’effectifs.
Le groupe Union Centriste note l’effort budgétaire important consenti pour l’insertion des jeunes – cela est nécessaire – et en faveur de l’accès à l’emploi, notamment par l’augmentation des moyens consacrés au secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE) et au renforcement du plan d’investissement dans les compétences (PIC).
L’IAE contribue au développement économique des territoires par la création d’activités économiques ancrées localement. Elle constitue une réponse structurelle à l’objectif d’insertion professionnelle des personnes très éloignées du marché du travail, qui ne bénéficient pas spontanément de la reprise économique et pour lesquelles la seule formation professionnelle ne constitue pas une réponse adaptée.
Nous notons aussi l’instauration de dispositifs de prime à l’embauche et la mobilisation accrue des dispositifs de contrats aidés.
La prime à l’embauche facilite l’embauche immédiate pour un grand nombre de publics – apprentis, jeunes et travailleurs handicapés.
Quant à la mobilisation accrue des dispositifs de contrats aidés, nous n’avons cessé d’en défendre la pertinence. Certains de nos concitoyens sont plus fragiles du fait d’une expérience de vie malheureuse ou d’un accident ; ils ont besoin d’un coup de pouce, d’une main tendue pour retrouver un lien avec le monde du travail : tel est le rôle des contrats aidés, surtout en période de crise sociale. Ils permettent d’inclure dans l’emploi des publics qui en sont éloignés et renforcent notre tissu associatif et nos collectivités.
Par ailleurs, nous regrettons l’absence dans le texte initial de crédits alloués aux maisons de l’emploi, alors que leur utilité est selon nous démontrée – Nathalie Delattre fait le même constat. Si le vote – que nous saluons – d’une enveloppe de 5 millions d’euros en leur faveur par l’Assemblée nationale va dans le bon sens, nous estimons que ce montant peut encore être accru.
Le Gouvernement a annoncé qu’il donnait la priorité à la jeunesse : c’est indispensable, car les jeunes payent un lourd tribut à cette crise sociale. Mais les crédits destinés aux maisons de l’emploi et aux missions locales sont encore insuffisants. Ces structures sont la première porte d’entrée pour un jeune qui ne sait pas où aller.
Certains affirment qu’il faudrait imposer des objectifs quantitatifs aux missions locales et aux maisons de l’emploi. Selon eux, la logique est simple : elle consisterait à subventionner une mission locale en fonction du nombre de jeunes qu’elle a réussi à orienter vers un emploi ou une formation.
Je tiens à indiquer que je suis fermement opposé à cette politique du chiffre : tous les jeunes doivent trouver une porte ouverte dans le service public, à plus forte raison quand toutes les autres leur sont fermées. Le service public s’adresse à tous, plus particulièrement à ceux qui en ont le plus besoin.
La mission « Travail et emploi » est marquée par la montée en puissance des dispositifs d’insertion, dont la formation professionnelle est un volet majeur. En tant qu’orateur de mon groupe lors de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, j’avais salué certains des objectifs tout en m’inquiétant de leur mise en œuvre. Aujourd’hui, à l’heure du bilan, le doute n’est plus de mise. Ainsi, un rapport remis en février dernier relatif aux finances de France compétences met en lumière que cette institution souffre d’un déséquilibre structurel et d’un déficit de gouvernance.
À l’époque, je regrettais que l’apprentissage soit insuffisamment développé et souhaitais un engagement massif des branches. Je plaidais, enfin, pour que les régions deviennent des acteurs prépondérants de la formation professionnelle. Leur engagement sur ces sujets est exemplaire ; nous regrettons que le plan de relance ne les laisse trop à l’écart, car elles sont l’échelon le plus pertinent pour jouer un rôle de pilotage de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi.
Je souhaiterais terminer mon intervention sur un sujet cher au cœur du groupe Union Centriste : l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Son extension à cinquante nouveaux territoires est une perspective encourageante ; elle récompense le travail de nombreux acteurs engagés de longue date.
L’inclusion dans l’emploi des chômeurs de longue durée par des CDI crée une dynamique très positive pour eux-mêmes et pour leur territoire. Ce projet est issu de l’expérience d’acteurs de terrain et du tissu associatif. Il est la preuve que nous devons permettre à nos collectivités locales et aux corps intermédiaires d’être forces de proposition : ils savent être inventifs, faire preuve d’initiative et apportent des solutions pertinentes. Il est important, voire indispensable de coconstruire avec eux.
Mes chers collègues, la période actuelle est instable. Nous risquons d’entrer dans les prochains mois dans une crise économique et sociale très forte. Le vent va souffler, car à la crise sanitaire risque de succéder une crise sociale – sans doute est-elle déjà là.
Les publics concernés par les dispositifs que nous finançons aujourd’hui sont les premiers frappés par la crise. Or ils ne bénéficieront pas spontanément des effets de la reprise lorsqu’elle interviendra. Il faudra donc les accompagner dans la durée.
Cette mission budgétaire est particulièrement importante, car ses crédits permettent d’accompagner en premier lieu les jeunes et les salariés les plus précaires. Bien que nous jugions cette mission trop éclatée, le groupe Union Centriste votera pour l’adoption de ses crédits.