Intervention de Corinne Feret

Réunion du 4 décembre 2020 à 11h00
Loi de finances pour 2021 — Travail et emploi

Photo de Corinne FeretCorinne Feret :

Ils sont de surcroît victimes des premiers effets de la réforme de l’assurance chômage.

Le Président de la République paraissait avoir pris en compte la situation de ces travailleurs, mais si, de prime abord, les annonces de son Premier ministre ont semblé répondre aux attentes, elles se sont révélées décevantes. Une prime exceptionnelle de 900 euros pendant quatre mois, qui ne devrait bénéficier qu’à 300 000 personnes : cela demeure insuffisant au regard des difficultés qui s’accentuent pour ces travailleurs dans des secteurs, notamment l’hôtellerie et la restauration, qui resteront fragilisés pendant de nombreux mois.

C’est pourquoi nous avons déposé des amendements visant à améliorer le quotidien de ces hommes et de ces femmes qui doivent davantage bénéficier de la solidarité nationale.

J’en viens plus précisément aux crédits de la mission « Travail et emploi ».

Nous prenons acte de leur augmentation, qui porte leur total à plus de 13 milliards d’euros. À la hausse de 3 % des crédits s’ajoutent près de 10 milliards d’euros issus de la mission « Plan de relance », ce qui constitue un effort notable dans le contexte actuel. À l’image de mes collègues, je regrette cependant que l’éclatement du financement de la politique de l’emploi en 2021 entre les deux missions se fasse au détriment de la lisibilité budgétaire pour le Parlement.

Comme l’an dernier, la principale hausse concerne le plan d’investissement dans les compétences. Nous vous retrouvons dans le soutien à la formation et dans le plan de relance en faveur de l’apprentissage.

Si nous notons ces efforts, nous constatons que la crise sanitaire a affecté ce dispositif. Par exemple, l’accueil physique de stagiaires dans les organismes de formation et dans les centres de formation d’apprentis (CFA) a été suspendu pendant le premier confinement. Nous nous inquiétons encore davantage, du fait du deuxième confinement, des offres faites aux personnes en stage et en formation, ainsi que des conditions d’accueil de ces dernières.

De plus, une incertitude demeure quant à la réforme de la formation professionnelle engagée par votre prédécesseur, madame la ministre. L’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des finances estiment en effet dans le rapport publié en septembre qu’il manquerait 4, 9 milliards d’euros pour la période 2020-2023. Il faut donc trouver des financements afin d’assurer la pérennité de cette réforme ; pourtant, votre projet de budget ne prévoit pas d’octroyer une subvention suffisante à France compétences.

Autre source d’inquiétude : année après année, les coupes dans les effectifs fragilisent les missions assurées par le ministère du travail et les services déconcentrés, notamment l’inspection du travail, dont le rôle est pourtant essentiel pour garantir le respect des droits des salariés.

L’État poursuit également son désengagement dans le financement de Pôle emploi, dont les subventions diminuent au moment même où les ressources de l’opérateur provenant d’une fraction des cotisations d’assurance chômage s’effondrent. Si Pôle emploi bénéficie, pour faire face à la forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi, d’une enveloppe exceptionnelle dans le cadre du plan de relance, celle-ci est bien loin de compenser la baisse cumulée de ses subventions de fonctionnement depuis le PLF 2018. Au final, l’opérateur manque de visibilité, alors que la crise durable que nous traversons devrait plutôt inciter à proposer des accompagnements pérennes et renforcés.

Pour finir, je souhaite à mon tour évoquer l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », que je connais bien. À Colombelles, dans mon département du Calvados, l’expérience menée depuis 2016 est très positive et concluante, de sorte que j’ai toujours été favorable à son extension.

Bien qu’éloignée de la philosophie initiale de la démarche, et même si toutes les garanties que nous demandions n’ont pas été apportées, je suis satisfaite que le Parlement ait adopté il y a quelques jours la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Je le rappelle, ce dispositif fut promu à l’origine par des acteurs associatifs de terrain et engagé grâce à l’adoption d’une proposition de loi présentée par des parlementaires socialistes. C’est aujourd’hui une réussite puisque plus de 70 % des quelque 2 000 personnes ayant bénéficié de ce dispositif dans les dix premiers territoires retenus ont retrouvé un emploi.

Menée depuis cinq ans, cette expérimentation souligne toute l’utilité d’adopter une approche partenariale et territoriale dans la lutte contre le chômage. Elle met également en exergue la volonté des bénéficiaires de travailler, car, contrairement à certaines idées reçues, les personnes privées d’emploi ne se complaisent pas dans les allocations. Du reste, beaucoup ne sont plus indemnisées.

Ce dispositif aura surtout permis de rendre visibles des personnes qui avaient totalement disparu des indicateurs du chômage. Dans les territoires zéro chômeur de longue durée, une amélioration des parcours de vie est à noter. L’essentiel des personnes que j’ai rencontrées considère ce dispositif comme une véritable chance : elles peuvent ainsi sortir de leur isolement social et se sentir de nouveau reconnues. L’entrée dans l’entreprise à but d’emploi en CDI leur permet de vivre leur quotidien plus sereinement et de se projeter dans l’avenir. Je souhaite donc insister sur l’intérêt de ce dispositif.

Madame la ministre, depuis plusieurs mois, en responsabilité, les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont voté les mesures prises par le Gouvernement en faveur de l’emploi et de l’activité partielle. Toutefois, pour toutes les raisons évoquées, et surtout parce que la réforme de l’assurance chômage n’est toujours pas abrogée, ils prendront de nouveau leurs responsabilités en s’abstenant lors du vote des crédits de la mission « Travail et emploi ».

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