Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 4 décembre 2020 à 11h00
Loi de finances pour 2021 — Travail et emploi

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la mission « Travail et emploi » s’inscrit cette année dans un contexte exceptionnel lié à la crise sanitaire.

La deuxième vague de l’épidémie de covid-19 et les mesures sanitaires qui y sont liées ont déjà et auront encore des conséquences sur l’emploi qu’il nous faut anticiper pour en éviter les pires effets. Alors que les prévisions du taux de chômage à court terme se situent entre 9, 8 % et 11 %, la France ne saurait se résigner à un chômage de masse et de longue durée. Il nous faut lutter contre cette fracture sociale qui s’aggrave chaque semaine. Or le budget 2021 ne semble pas suffisamment tourné vers cet objectif.

Le chômage partiel en est le premier exemple.

Si la prise en charge de l’activité partielle pendant le premier confinement a pu être absorbée grâce au pragmatisme des chefs d’entreprise, la deuxième vague de l’épidémie a changé la donne. Beaucoup redoutent désormais une onde de choc, qui requerra un accompagnement financier massif des entreprises, et des crédits pour former les nouveaux demandeurs d’emploi, notamment aux nouveaux métiers liés au numérique et à l’intelligence artificielle.

Or on ne trouve les crédits permettant de financer cet accompagnement ni dans cette mission ni dans la mission « Plan de relance », les crédits de cette dernière visant seulement à assurer le maintien d’une partie des salaires.

À ce propos, la dégradation spectaculaire des comptes de l’Unédic, dont la dette devrait dépasser 65 milliards d’euros en 2020, est très largement due aux décisions de l’État en matière d’activité partielle. La question de la gestion de cette dette devra donc se poser ; il semblerait logique que l’État en prenne sa part.

Notons également que les ressources de Pôle emploi sont fortement liées à celle de l’Unédic, avec un effet retard de deux ans. La dégradation des comptes de l’assurance chômage créera donc d’importantes difficultés de fonctionnement pour Pôle emploi dès 2022 et elle aura une répercussion sur les formations, pourtant si nécessaires pour l’avenir des emplois.

La récession actuelle entraînera un afflux de demandeurs d’emploi vers les structures chargées de l’accompagnement et de la réinsertion professionnelle. Or le financement de la formation professionnelle a été mis à mal par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Les OPCO, les branches professionnelles, les régions ne retrouvent pas les crédits utiles à l’accompagnement.

Au déséquilibre financier qui en résulte s’ajoute désormais une baisse des recettes assises sur la masse salariale. Le scénario semble joué d’avance : les gros CFA et autres centres de formation vont bien s’en sortir, mais les plus petits auront besoin d’être refinancés. Encore une fois, ce sont les jeunes du monde rural qui seront pénalisés.

Autre interrogation : le Gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs de prime à l’embauche pour un grand nombre de publics : apprentis, jeunes, travailleurs handicapés. Ces primes facilitent l’embauche immédiate, mais, ces dispositifs prenant fin en mars 2021, on peut légitimement s’interroger sur la rentrée 2021 : ces mêmes publics risquent alors de rencontrer des difficultés pour trouver un employeur.

Les entreprises participent déjà à la formation via la taxe d’apprentissage, l’alternance et la formation continue. Doivent-elles prendre toute la formation à leur charge ?

Faire face au défi du chômage, c’est aussi veiller à ce que les travailleurs seniors ne soient pas exclus du marché de l’emploi. L’enjeu est moins d’allouer des exonérations incitatives qui ne fonctionnent pas que de faire de la psychologie pour que les chefs d’entreprise changent de regard et cessent de se séparer de cette main-d’œuvre précieuse par des licenciements ou des ruptures conventionnelles lors des dernières années de carrière.

La crise risque en effet d’avoir des conséquences lourdes pour les seniors. Au cours des trois dernières années, la progression des inscriptions de seniors à Pôle emploi a été de 12 % par an, soit deux fois supérieure à celle des jeunes. De plus, les seniors restent inscrits au chômage trois fois plus longtemps.

Je rappelle qu’en juillet 2019, dans un rapport, la Cour des comptes avait constaté l’absence de stratégie nationale en matière d’emploi des seniors. Or rien n’a changé depuis.

Enfin, la crise sanitaire a bouleversé nos méthodes de travail, entraînant un recours massif au télétravail sans pour autant faire disparaître les risques professionnels. Aussi, je regrette la diminution des crédits de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), alors que les besoins en prévention sont très importants, que ce soit pour la prise en charge des troubles musculo-squelettiques, qui ne figurent pas dans le projet annuel de performance, pour celle des risques psychosociaux, qui augmentent, ou encore pour l’accompagnement des très petites entreprises dans l’élaboration du document unique d’évaluation des risques professionnels.

Malgré toutes ces réserves, nous voterons les crédits de la mission « Travail et emploi », même si celle-ci ne reflète pas les dépenses publiques massives prévues par le plan de relance, dépenses qu’il faudra bien un jour financer.

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