Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la crise sanitaire démultiplie les crises économique et sociale, nous avions besoin de politiques du travail et de l’emploi renouvelées et justes.
Or dans l’ensemble, hormis l’impact du plan de relance, qui brouille d’ailleurs la lisibilité de la politique budgétaire, les mêmes politiques se poursuivent. Cette mission n’enregistre guère de mesures nouvelles et ses crédits évoluent sous l’effet des décisions antérieures, la trajectoire retenue depuis 2017 étant maintenue. Plus qu’une continuité de trajectoire, la situation exige une rupture pour faire face à la dégradation profonde et brutale du marché de l’emploi et à la crise sociale.
Le chômage explose, alors que le choc est encore à venir dans les secteurs touchés de plein fouet par la crise. Au niveau national, il dépasse 9 % de la population active. Rien que dans le Rhône, il progresse de plus de 10 % au troisième trimestre de cette année 2020 par rapport à celui de 2019. Dans la seule métropole lyonnaise, près de 2 000 emplois sont désormais menacés, notamment chez Renault Trucks.
Ces destructions d’emplois ne sont pas toutes dues à la crise sanitaire. De grands groupes profitent du contexte pour délocaliser et monter des plans sociaux.
Si les crédits du plan de relance apportent des moyens supplémentaires pour lutter contre le chômage conjoncturel, ils masquent de nouvelles baisses de subventions – c’est par exemple le cas de celle dont bénéficie Pôle emploi pour charges de service public. Cette baisse a été patiemment reconduite depuis le début du quinquennat, mais elle est encore plus injustifiable, alors que la situation s’est dégradée bien au-delà de l’impact mécanique de la crise.
À l’issue du plan de relance, entre destructions et créations d’emplois, les données indiquent une augmentation de 200 000 chômeurs par rapport à l’avant-crise et de nombreux chômeurs basculeront dans le chômage de longue durée.
Félicitons-nous, dès lors, de retrouver au moins les crédits de l’extension du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » adopté récemment et soutenu par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Le service public de l’emploi sera durablement mobilisé et les crédits, hors plan de relance, ne doivent pas diminuer davantage. Tel sera l’objet d’un de nos amendements.
De même, la dégradation de l’offre d’emploi et la gestion des dispositifs pour contenir l’impact de la crise justifient de ne pas poursuivre la baisse des effectifs du ministère du travail, là encore masquée par l’appel en renfort d’agents vacataires dans des services déconcentrés saturés.
L’idéologie doit céder devant le principe de réalité. Il faut renforcer les politiques d’insertion et de soutien au travail, car la crise ne se réduit pas à un accident conjoncturel. L’explosion du télétravail, entre autres bouleversements, oblige à contester la baisse des budgets de la santé au travail comme des moyens de contrôle du ministère. Nous présenterons également des amendements sur ce sujet.
Le ministère du travail devrait s’obliger à l’exemplarité, en créant des emplois qualifiés, pérennes et sous statut.
Si la mission consacre à juste titre un soutien accru au secteur de l’insertion par l’activité économique, il conviendra de veiller au maillage territorial.
Nous approuvons le retour des emplois aidés, hélas pointé comme exceptionnel. Le Gouvernement maintient en effet son analyse, selon laquelle il s’agit seulement d’un traitement statistique du chômage qu’il stoppera dès la reprise.
Nous contestons le diagnostic de leur inefficience ou de leur inutilité. Les travaux menés par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) montrent à l’inverse que les emplois aidés ont eu des effets positifs non seulement sur l’emploi, y compris six mois après leur terme, mais aussi sur les compétences acquises et la confiance retrouvée, quand la conjoncture était défavorable. Ils ont été nettement plus efficaces que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et pour un coût bien moindre !
L’effet de levier des emplois aidés a été encore plus sensible en période de reprise. Dans la mesure où ils sont à la fois contracycliques et procycliques, il est injustifié d’en faire le procès, et nous soutiendrons ce dispositif dans l’un de nos amendements.
Enfin, nous souhaitons que le coût de la politique gouvernementale de recours massif à l’activité partielle, politique bienvenue, soit isolé et pris en charge en partie par l’État, pour ne pas justifier à l’avenir des mesures de réductions des droits, comme dans la réforme de l’assurance chômage dont nous continuons de demander le retrait.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de cette mission.