Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » voit ses crédits baisser, comme chaque année. Cela s’explique par la diminution du nombre de bénéficiaires, mais pas uniquement.
En tout cas, certaines personnes attendent toujours de bénéficier de ces crédits. Je pense notamment à la reconnaissance de certains harkis : vingt-cinq supplétifs de statut civil de droit commun attendent toujours une aide de seulement 4 150 euros.
Cette problématique se pose chaque année. À l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont déposé des amendements pour corriger cette injustice ; on leur a opposé tout un tas d’arguments contestables : la mesure ne serait pas applicable, car dénuée de base juridique ; elle serait rétroactive, donc impossible ; le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) auraient émis à son endroit des avis défavorables.
Pourtant, ces amendements visaient précisément à fournir une base juridique à cette extension, la jurisprudence du Conseil d’État relative à la désignation explicite ou implicite des bénéficiaires d’une mesure adoptée par le Parlement est en leur faveur et ni le Conseil d’État ni la CEDH n’a rendu de tels jugements.
Nous parlons ici de quelques milliers d’euros seulement, ce n’est rien. Ces hommes souhaitent seulement être reconnus et j’invite l’État français à faire le nécessaire rapidement ; à défaut, ils disparaîtront inexorablement, sans jamais avoir été reconnus par la République.
Ce n’est pas la seule injustice, sur laquelle je souhaite revenir. L’an dernier, le Parlement a adopté une disposition, qui prendra effet au 1er janvier prochain, élargissant aux veuves de 74 ans et plus le bénéfice d’une demi-part fiscale supplémentaire, à la condition que leur mari, titulaire de la carte du combattant ou d’une retraite du combattant, soit décédé à partir de 65 ans. Mais quid des femmes, dont le mari est parti avant 65 ans ? Cet effet de seuil crée une rupture d’égalité déplacée ; une telle situation requiert non pas des mesures ciblées, comme vous le répétez, mais une mesure globale d’équité.
Après les anciens combattants, je souhaite aborder le lien entre le monde combattant et la Nation. Chaque jeune doit participer à une Journée défense et citoyenneté (JDC) ou plutôt, devrais-je dire, à trois heures trente de défense et citoyenneté… Tel sera, en effet, le format de la JDC en 2021 ; les jeunes Français doivent, en trois heures trente seulement, découvrir les enjeux qui mènent la France à développer un appareil de défense et les caractéristiques de celui-ci, passer des tests de langue française pour repérer les jeunes qui auraient besoin d’être accompagnés, apprendre les gestes de premiers secours et suivre une formation élémentaire de sécurité routière…
Certes, la crise sanitaire y est pour beaucoup, mais je m’interroge sur la pertinence de cette demi-journée de citoyenneté. Sa mission historique est, en premier lieu, de maintenir de lien entre, d’une part, la jeunesse et, par extension, la Nation et, d’autre part, le monde combattant.
Alors que les derniers poilus se sont éteints, que Daniel Cordier vient de nous quitter et qu’il ne reste plus qu’un Compagnon de la Libération, la question de la transmission de la mémoire des guerres mondiales et, plus largement, de la mémoire du XXe siècle devient de plus en plus prégnante. À ce titre, je salue la mission confiée à Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie.
Suivant cet exemple, je crois qu’il est temps d’engager le pays dans une réflexion beaucoup plus large sur sa politique mémorielle. L’État ne remplacera jamais la transmission qui pouvait s’opérer, dans les familles, par les témoins directs du siècle passé ; néanmoins, il faut imaginer des moyens pour améliorer la transmission mémorielle auprès des jeunes générations.
J’en profite pour saluer le travail important des associations de souvenir.
Je conclus en vous indiquant, madame la ministre, que le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », parce que ce budget en baisse – je reconnais que c’était prévisible – ne reconnaît toujours pas l’engagement de certains pour la France.