Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quel honneur pour moi d’être orateur, au nom du groupe Union Centriste, pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » !
C’est un honneur, parce que tous les maires ont le cœur qui bat un peu fort, lorsqu’ils se tiennent devant le monument aux morts de leur commune. Les anciens combattants, la mémoire, les liens avec la Nation font partie de leur ADN.
C’est également un honneur que de porter les intérêts des combattants d’hier et des anciens combattants de demain. « Je hais la guerre, mais j’aime ceux qui l’ont faite », écrivit Dorgelès.
Dans le cadre des réunions préparatoires, j’ai participé à plusieurs auditions qui m’ont permis de mesurer l’importance et le poids des associations. Il y eut des temps forts. J’ai noté cette phrase, qui m’a vivement atteinte : « C’est dégradant de toujours réclamer la justice pour nos camarades. » Madame la ministre, je ne souhaite pas que vous preniez cette flèche pour vous, car je sais votre dévouement, votre sincérité et votre disponibilité au service du monde combattant. Ces qualités sont perceptibles pour qui vous a côtoyée dans vos prises de parole, où chaque mot compte ; ces mots, vous savez d’ailleurs très bien les trouver et les dire.
Vous avez obtenu pour cette mission des moyens dignes d’être salués ; je pense tout particulièrement à la sanctuarisation du budget de l’ONAC-VG qui ne sera pas « ponctionné », cette année, au profit d’autres dispositifs.
Les crédits dédiés à la mémoire progresseront de plus de 6 millions d’euros, retrouvant ainsi un niveau proche de celui des années antérieures.
Je suis très sensible également à la progression de 3, 5 millions d’euros des crédits destinés à l’entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire nationale. La restauration des sépultures, y compris dans nos cimetières ruraux, représente un travail colossal. Le recensement, le conventionnement avec les maires et la mise en œuvre, puis la réalisation des travaux, voilà une entreprise jamais achevée, qui demande une énergie folle, mais qui est hautement symbolique.
J’attire votre attention, madame la ministre, sur le fait que, si le monde associatif est dans les territoires le bras armé de la mémoire, il doit être fortement soutenu.
Quant aux crédits du programme 167, « Liens entre la Nation et son armée », ma collègue, rapporteure pour avis, Jocelyne Guidez les a parfaitement analysés ; je n’y reviens pas.
Je vous remercie, madame la ministre, de ces avancées, que le groupe Union Centriste valide et votera sans aucune hésitation.
Toutefois, la « pièce maîtresse » de la mission, le programme 169, présente une trajectoire budgétaire probablement unique, que je trouve personnellement assez troublante. Tablant sur ce que le comptable appelle pudiquement une « baisse naturelle », on accorde au monde combattant, au fil de l’eau et des décès, une enveloppe qui va diminuant. Il arrive que des demandes, parfois très anciennes, mais toujours légitimes – des « marronniers » –, finissent par être satisfaites au détour de cette évolution arithmétique favorable au budget de l’État.
La reconnaissance nationale ne consisterait-elle pas plutôt en l’analyse de ce que l’on doit objectivement à ces hommes et à ces femmes ? Inverser la réflexion, partir du chiffrage des droits, au lieu de donner des ristournes sur les sommes qui se libèrent, voilà qui éviterait cette négociation annuelle effectivement dégradante – il faut le reconnaître –, qui ramène les associations devant le législateur pour une forme de marchandage ; ce ne sont pourtant pas des négociations syndicales !
Les hécatombes humaines de la Grande Guerre ont fait prendre conscience à l’État du besoin de reconnaissance de la population vis-à-vis des victimes. Le droit à reconnaissance et à réparation est devenu la règle pour tous les soldats meurtris dans leur chair au cours de leurs missions au service de la Nation, pour les civils, victimes collatérales de la guerre ou du terrorisme, mais aussi pour les orphelins et les veuves. C’est une règle imprescriptible.
Alors, par respect pour ce principe, le budget du monde combattant pourrait avoir une forme de stabilité, qui serait cohérente. Au lieu d’être une variable d’ajustement, il pourrait intégrer, par exemple, l’ajustement automatique du point de pension, qui accuse toujours un retard chronique ; c’est une grave injustice. On ne peut pas faire aux anciens combattants de vibrants discours d’hommage, sans corriger ces distorsions. Comme le demandent les associations, il faut étendre le droit à reconnaissance aux ascendants, au même titre qu’aux descendants.
Alors que des avancées significatives ont déjà eu lieu grâce à vous, il subsiste des incohérences, que l’évolution budgétaire de cette mission aurait dû permettre de compenser. À ce jour, les veuves de titulaire d’une carte d’ancien combattant sont toujours exclues du bénéfice de la demi-part fiscale supplémentaire, si leur époux est décédé avant de percevoir la retraite d’ancien combattant. Sont également exclues, quel que soit l’âge de décès de leur époux, celles qui ont moins de 74 ans. Pourquoi ?
Madame la ministre, ne nous arrêtons pas au milieu du gué ! Le monde combattant évolue. On ne peut gérer ce dossier comme étant en voie d’extinction. Les opérations extérieures amèneront des besoins nouveaux, des situations nouvelles ; il faut sanctuariser ce budget, arrêter son érosion, qui n’est pas une fatalité.
Quel est l’avenir du droit à reconnaissance et à réparation ? Il se traduit, actuellement, par un certain nombre modalités fiscales, qui doivent simplement être justes, compréhensibles, cohérentes, sans effet de seuil et pérennes. La reconnaissance, c’est aussi une pension ajustée, stable, non négociable.
Quel est l’avenir du budget des anciens combattants ? Devenir, au fil du temps et des décès, un « ancien budget », éteint ou presque, en même temps que les anciens d’Algérie ? Changeons son intitulé : qu’il cesse d’être le budget des anciens quelque chose et devienne simplement le budget de la reconnaissance nationale, si cela permet d’enrayer cette morbide décrue.
« L’homme est une machine à oublier », a écrit Maurice Genevoix ; alors soit, que l’homme oublie les horreurs de la guerre, mais la Nation, elle, n’a pas le droit d’oublier. Vous pouvez compter, madame la ministre, sur le groupe Union Centriste pour être présent à vos côtés dans cette perspective.