Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la mission « Justice » regroupe les crédits budgétaires destinés à la justice judiciaire, à l’administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse.
Doté de 10, 06 milliards d’euros l’année prochaine, le ministère de la justice bénéficierait de 657 millions d’euros supplémentaires par rapport à cette année, soit une hausse de 7 % à périmètre constant. Hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions », les crédits pour 2021 augmentent même de 8 %, soit 607 millions d’euros.
Cette hausse est supérieure de 200 millions d’euros à la trajectoire prévue par l’article 1er de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Toutefois, hors les mesures de périmètre et de transfert intervenues depuis le vote de cette loi, l’écart avec celle-ci n’est que de 100 millions d’euros.
Cet effort budgétaire représente ni plus ni moins qu’une hausse nécessaire des moyens consacrés à l’exercice de cette mission régalienne. Une hausse d’autant plus nécessaire que, l’an passé, le budget proposé n’était pas conforme à la trajectoire de la loi de programmation : l’augmentation était deux fois inférieure à l’annuité adoptée par le Parlement, pourtant quelques mois plus tôt seulement.
Le budget qui nous est proposé constitue donc un rattrapage indispensable, car la situation demeure fragile, comme en témoigne la dégradation des principaux indicateurs de performance de la mission, notamment les délais moyens de traitement des procédures pénales ou civiles. Bien sûr, la crise sanitaire a eu des répercussions sur le fonctionnement de la justice, mais elles se sont ajoutées aux difficultés structurelles que connaît le ministère.
La création de 1 500 emplois supplémentaires est prévue pour l’année prochaine, dont 1 092 pour l’administration pénitentiaire. Les créations d’emploi sont marquées par la priorité stratégique fixée pour le budget pour 2021 du ministère : le renforcement de la justice de proximité, destiné à lutter plus efficacement contre la petite délinquance du quotidien. Ainsi, sur les 318 postes créés pour la justice judiciaire, 150 seront affectés au renforcement de l’équipe autour du magistrat.
Tous les programmes de la mission sont concernés par cette priorité, mais la justice judiciaire figure en première ligne. En effet, les crédits alloués aux frais de justice augmentent de 127 millions d’euros, dont une partie renforcera les moyens d’enquête et d’expertise de la justice. Cette hausse répond à la technicisation croissante des enquêtes, mais constitue surtout une mesure de sincérité budgétaire, car ce poste à fait l’objet d’une sous-budgétisation récurrente ces dernières années. Par ailleurs, 15 millions d’euros supplémentaires sont alloués aux délégués du procureur, qui apportent une réponse pénale rapide dans les faits de délinquance du quotidien.
Un effort particulier est consacré aux dépenses d’investissement : 164 millions d’euros de crédits supplémentaires sont accordés à l’administration pénitentiaire au titre du programme immobilier pénitentiaire, 270 millions d’euros sont consacrés au financement des 7 000 places qui seront créées d’ici à la fin du quinquennat et 25 millions d’euros aux études des opérations de la seconde phase de construction de 8 000 places supplémentaires, qui seront lancées d’ici à 2022.
Par ailleurs, la transformation numérique du ministère se poursuit et prend tout son sens dans le contexte de la crise sanitaire. Dans cette perspective, 207 millions d’euros sont consacrés au plan de transformation numérique du ministère, qui s’accélère, s’agissant tant de l’équipement des juridictions en matériels que du développement de projets applicatifs. Ces investissements coûteux nécessitent toutefois un suivi attentif, afin que les délais soient respectés, mais surtout qu’ils soient utiles aux professionnels.
Je terminerai par deux remarques à propos de la hausse de 28 millions d’euros des moyens consacrés à l’aide juridictionnelle, un effort qui intègre une enveloppe de 25 millions d’euros destinée à financer les mesures retenues par le Gouvernement à la suite de la mission confiée au printemps dernier à Dominique Perben au sujet de l’avenir de la profession d’avocat.
D’une part, cette hausse de 50 millions d’euros en année pleine reste inférieure aux 100 millions d’euros préconisés par Dominique Perben pour améliorer la rétribution des avocats.
D’autre part, cette réforme, notamment la revalorisation de l’unité de valeur, est traduite dans l’article 55 bis, rattaché à la mission « Justice », adopté à l’Assemblée nationale par la voie d’un amendement du Gouvernement. Nous ne disposons d’aucune évaluation préalable de l’article, puisque cette réforme ne figurait pas dans le projet de loi de finances initial. Comme l’année dernière, le Gouvernement réforme donc l’aide juridictionnelle par un amendement de dernière minute… Cela n’est pas acceptable !
Telles sont les observations que je souhaitais présenter sur ce projet de budget du ministère de la justice. La commission des finances recommande au Sénat l’adoption des crédits, compte tenu de l’effort budgétaire consenti pour la mission.