Séance en hémicycle du 4 décembre 2020 à 21h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice » (et articles 55 bis à 55 quinquies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la mission « Justice » regroupe les crédits budgétaires destinés à la justice judiciaire, à l’administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse.

Doté de 10, 06 milliards d’euros l’année prochaine, le ministère de la justice bénéficierait de 657 millions d’euros supplémentaires par rapport à cette année, soit une hausse de 7 % à périmètre constant. Hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions », les crédits pour 2021 augmentent même de 8 %, soit 607 millions d’euros.

Cette hausse est supérieure de 200 millions d’euros à la trajectoire prévue par l’article 1er de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Toutefois, hors les mesures de périmètre et de transfert intervenues depuis le vote de cette loi, l’écart avec celle-ci n’est que de 100 millions d’euros.

Cet effort budgétaire représente ni plus ni moins qu’une hausse nécessaire des moyens consacrés à l’exercice de cette mission régalienne. Une hausse d’autant plus nécessaire que, l’an passé, le budget proposé n’était pas conforme à la trajectoire de la loi de programmation : l’augmentation était deux fois inférieure à l’annuité adoptée par le Parlement, pourtant quelques mois plus tôt seulement.

Le budget qui nous est proposé constitue donc un rattrapage indispensable, car la situation demeure fragile, comme en témoigne la dégradation des principaux indicateurs de performance de la mission, notamment les délais moyens de traitement des procédures pénales ou civiles. Bien sûr, la crise sanitaire a eu des répercussions sur le fonctionnement de la justice, mais elles se sont ajoutées aux difficultés structurelles que connaît le ministère.

La création de 1 500 emplois supplémentaires est prévue pour l’année prochaine, dont 1 092 pour l’administration pénitentiaire. Les créations d’emploi sont marquées par la priorité stratégique fixée pour le budget pour 2021 du ministère : le renforcement de la justice de proximité, destiné à lutter plus efficacement contre la petite délinquance du quotidien. Ainsi, sur les 318 postes créés pour la justice judiciaire, 150 seront affectés au renforcement de l’équipe autour du magistrat.

Tous les programmes de la mission sont concernés par cette priorité, mais la justice judiciaire figure en première ligne. En effet, les crédits alloués aux frais de justice augmentent de 127 millions d’euros, dont une partie renforcera les moyens d’enquête et d’expertise de la justice. Cette hausse répond à la technicisation croissante des enquêtes, mais constitue surtout une mesure de sincérité budgétaire, car ce poste à fait l’objet d’une sous-budgétisation récurrente ces dernières années. Par ailleurs, 15 millions d’euros supplémentaires sont alloués aux délégués du procureur, qui apportent une réponse pénale rapide dans les faits de délinquance du quotidien.

Un effort particulier est consacré aux dépenses d’investissement : 164 millions d’euros de crédits supplémentaires sont accordés à l’administration pénitentiaire au titre du programme immobilier pénitentiaire, 270 millions d’euros sont consacrés au financement des 7 000 places qui seront créées d’ici à la fin du quinquennat et 25 millions d’euros aux études des opérations de la seconde phase de construction de 8 000 places supplémentaires, qui seront lancées d’ici à 2022.

Par ailleurs, la transformation numérique du ministère se poursuit et prend tout son sens dans le contexte de la crise sanitaire. Dans cette perspective, 207 millions d’euros sont consacrés au plan de transformation numérique du ministère, qui s’accélère, s’agissant tant de l’équipement des juridictions en matériels que du développement de projets applicatifs. Ces investissements coûteux nécessitent toutefois un suivi attentif, afin que les délais soient respectés, mais surtout qu’ils soient utiles aux professionnels.

Je terminerai par deux remarques à propos de la hausse de 28 millions d’euros des moyens consacrés à l’aide juridictionnelle, un effort qui intègre une enveloppe de 25 millions d’euros destinée à financer les mesures retenues par le Gouvernement à la suite de la mission confiée au printemps dernier à Dominique Perben au sujet de l’avenir de la profession d’avocat.

D’une part, cette hausse de 50 millions d’euros en année pleine reste inférieure aux 100 millions d’euros préconisés par Dominique Perben pour améliorer la rétribution des avocats.

D’autre part, cette réforme, notamment la revalorisation de l’unité de valeur, est traduite dans l’article 55 bis, rattaché à la mission « Justice », adopté à l’Assemblée nationale par la voie d’un amendement du Gouvernement. Nous ne disposons d’aucune évaluation préalable de l’article, puisque cette réforme ne figurait pas dans le projet de loi de finances initial. Comme l’année dernière, le Gouvernement réforme donc l’aide juridictionnelle par un amendement de dernière minute… Cela n’est pas acceptable !

Telles sont les observations que je souhaitais présenter sur ce projet de budget du ministère de la justice. La commission des finances recommande au Sénat l’adoption des crédits, compte tenu de l’effort budgétaire consenti pour la mission.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voilà plusieurs années que la commission des lois plaide en faveur d’un renforcement substantiel des moyens de la justice, notamment de son administration pénitentiaire, afin d’améliorer les conditions de détention des personnes condamnées et de favoriser leur réinsertion.

Les crédits alloués à l’administration pénitentiaire dans le projet de budget pour 2021 progressent de 9 %, hors crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions ». Cette augmentation importante ne nous paraît pas excessive au regard de l’ampleur des besoins en matière de personnel, d’entretien des locaux et de construction de nouvelles places de prison.

Ces moyens supplémentaires doivent permettre de financer les deux priorités de l’administration pénitentiaire : l’augmentation des effectifs – plus d’un millier d’emplois sont créés – et la poursuite du programme 15 000 places, visant à livrer 7 000 nouvelles places de prison d’ici à la fin de 2022 et 8 000 autres à l’horizon de 2027.

Les emplois créés serviront, d’abord, à combler les vacances de poste constatées chez les surveillants pénitentiaires. Ensuite, 300 créations d’emploi renforceront les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Enfin, plus de 400 créations de postes sont prévues pour constituer les équipes ayant vocation à travailler dans les futurs établissements pénitentiaires.

Quant au programme immobilier, il a pour ambition de réduire la surpopulation carcérale en construisant de nouvelles maisons d’arrêt et de favoriser la réinsertion en créant des structures d’accompagnement vers la sortie, les SAS, et en expérimentant des établissements tournés vers le travail.

Actuellement, 654 places sont en cours de réalisation, et un marché a été notifié aux entreprises pour 3 450 places supplémentaires. L’an prochain, deux établissements devraient être livrés, à Lutterbach, près de Mulhouse, et à Koné, en Nouvelle-Calédonie. L’ouverture de ce dernier établissement améliorera la qualité d’un parc pénitentiaire souvent fort dégradé dans nos départements et collectivités d’outre-mer.

L’année 2020 a été marquée par une forte baisse de la population carcérale, consécutive à la crise sanitaire, qui pourrait nous conduire à nous interroger sur la pertinence de maintenir ce programme immobilier inchangé. Toutefois, il est vraisemblable que le nombre de détenus va rapidement retrouver son niveau habituel, maintenant que les juridictions ont repris leur activité.

De plus, la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de cassation, puis du Conseil constitutionnel, sur la notion de conditions indignes de détention constitue une incitation supplémentaire à investir dans nos prisons. Nous devons faire disparaître ces situations choquantes, où trois personnes partagent une cellule de neuf mètres carrés avec un matelas au sol, si nous voulons éviter que des juridictions décident de libérations inopportunes du point de vue de la politique pénale ou de la sécurité publique.

Compte tenu de l’effort budgétaire engagé, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de l’administration pénitentiaire pour 2021. Toutefois, elle souligne que cet effort devra être maintenu dans la durée, si nous voulons véritablement remettre à niveau notre service public pénitentiaire.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en hausse de 7 % à périmètre constant, le budget de la mission « Justice » fera un vrai bond l’année prochaine. Nous nous en réjouissons, d’autant que cette augmentation est supérieure de 200 millions d’euros à l’annuité 2021 prévue par la loi de programmation du 23 mars 2019 et même conforme à la trajectoire votée par le Sénat. La commission des lois a donc émis un avis favorable sur ces crédits.

Reste, monsieur le garde des sceaux, que ce budget, alléchant de prime abord, est loin du budget historique que vous revendiquez. En effet, à la lumière de la réalité de la vie des tribunaux et des justiciables, les moyens accordés sont à relativiser, compte tenu des retards accumulés dans les investissements en matériel, les recrutements et le paiement de charges antérieures.

Ainsi, en matière d’emplois, près de 1 082 recrutements sont prévus, en tenant compte du quatrième projet de loi de finances rectificative : ces moyens supplémentaires sont évidemment bienvenus, mais, lorsqu’on décortique l’annonce, certaines craintes se font jour… En effet, sur ces 1 082 emplois, seuls 168 sont pérennes – 50 magistrats, le reste pour les greffes –, soit moins que les 513 emplois pérennes créés en 2020. Si le taux de vacance des magistrats est aujourd’hui de moins de 1 %, celui des greffiers avoisine les 7 %, avec 670 emplois vacants. La promesse de résorber la vacance d’ici à la fin de 2021 est donc loin d’être tenue.

Par ailleurs, les 914 recrutements contractuels – juristes assistants et aides-greffiers, qualifiés de « sucres rapides » – sont destinés à résorber les difficultés des juridictions pénales de proximité. Favoriser la justice de proximité est louable, mais la vraie justice de proximité, celle du quotidien, celle qui concerne tous les citoyens, est la justice civile ; la justice pénale, elle, ne concerne que les délinquants – d’ailleurs, elle traite trois fois moins d’affaires que les juridictions civiles.

La courbe des stocks des tribunaux judiciaires est alarmante. L’intégration des juridictions de la sécurité sociale a importé plus de 200 000 affaires en attente, et la crise sanitaire et la grève des avocats ont alourdi ce stock de plus de 18 000 affaires, alors même que le nombre de nouvelles affaires a baissé de 39 %. Pas sûr que les sucres rapides réussiront à éviter la crise…

Par ailleurs, la revalorisation de l’aide juridictionnelle, très attendue par les avocats, doit se réaliser de deux manières : par l’augmentation de l’unité de valeur de 32 à 34 euros et par la revalorisation ciblée du barème de certaines missions, comme l’audition libre et la médiation.

Selon nous, le budget ne va pas assez loin dans cette direction. Prévues à hauteur de 27, 5 millions d’euros en 2021, les augmentations coûteront 50 millions d’euros en année pleine, soit bien moins que les 100 millions d’euros recommandés par la mission Perben afin de relever l’unité de valeur à 40 euros, comme les professions le demandent.

Ce budget est un bon début : espérons que l’effort financier en faveur de la mission sera poursuivi, voire accentué.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, trois minutes pour vous parler des finances de la justice, c’est un peu court… Je ferai donc part à M. le garde des sceaux de ma principale réflexion sur le sujet : l’argent, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant !

L’argent, c’est bien, évidemment : il est utile lorsqu’il paie magistrats, greffiers et autres personnels ; utile aussi lorsqu’il accompagne les associations d’aide aux victimes – monsieur le garde des sceaux, je salue l’investissement en la matière du gouvernement auquel vous appartenez ; utile encore lorsqu’il permet au tribunal de Bobigny d’être hors d’eau et à d’autres d’être câblés ou bien aménagés pour accueillir les justiciables.

Utile, l’argent l’est également, ou du moins devrait l’être, pour mettre à niveau l’informatique – le matériel, mais aussi les logiciels.

Du côté du matériel, si en ce mois de décembre vous atteignez presque votre but pour les magistrats – équiper 90 % d’entre eux d’un ordinateur portable –, reconnaissez que le taux d’équipement de 50 % envisagé pour les greffiers est encore loin : si 10 % sont équipés, c’est bien le bout du monde…

Du côté des logiciels, en revanche, vous investissez fortement, mais, semble-t-il, pas assez concrètement. Heureusement que, dans cet hémicycle, nous avons majoritairement dépassé les cinquante ans… Sinon, nous ne comprendrions même pas ce que je vais vous dire. Figurez-vous, mes chers collègues, que certains applicatifs de la justice tournent encore sous Windows 3 et avec WordPerfect ! Lorsque j’ai commencé à travailler, en mai 1990, voilà trente ans, Windows 3 sortait et WordPerfect touchait à sa fin…

Certes, un grand plan de rénovation numérique a été mis en place, d’un montant de 530 millions d’euros, dont 350 millions d’euros, soit près de 67 %, ont déjà été dépensés. Mais voilà : les agents bidouillent – c’est le terme qu’ils emploient –…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

… sur des applicatifs non mis à jour. Songez que les juges d’instruction doivent retaper tout ce que la police ou la gendarmerie a déjà saisi, et que les juges des tribunaux de commerce travaillent avec leur adresse électronique personnelle ! Sur plusieurs centaines de greffiers à Paris, deux seulement ont une connexion à distance sur l’applicatif Winci…

Dans ce domaine les réformes reculent, comme l’expliquera notre collègue Iacovelli en présentant son amendement. Bref, la justice n’est pas, techniquement, entrée dans le XXIe siècle !

Monsieur le garde des sceaux, si l’on veut penser la justice et lui donner la force qu’elle mérite, elle ne doit pas être empêtrée dans des problèmes techniques. Nous avons émis un avis favorable sur les crédits de cette mission, mais resterons vigilants sur ce sujet.

Mme Nadia Sollogoub et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il m’appartient de vous présenter les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », sur lesquels la commission des lois a émis un avis favorable.

La protection judiciaire de la jeunesse représente 9, 4 % des crédits de l’ensemble de la mission « Justice », moins d’un quart des crédits du programme « Administration pénitentiaire » et un peu plus d’un quart de ceux du programme « Justice judiciaire ». Les missions dévolues à la PJJ, qui assure le suivi de près de 150 000 jeunes chaque année, justifient qu’un examen spécifique de ses crédits et de ses missions soit réalisé chaque année par la commission des lois.

Le projet de loi de finances pour 2021 dote la protection judiciaire de la jeunesse d’un budget de 789, 8 millions d’euros hors pensions, en augmentation de 53, 2 millions d’euros, soit 7, 2 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Cette augmentation particulièrement importante est supérieure à celles des années antérieures ; elle est en rapport avec la hausse de l’ensemble de la mission, mais doit être soulignée et saluée.

Toutefois, cette augmentation doit être analysée au regard de l’effet de rattrapage nécessaire à la concrétisation des engagements des années antérieures en matière de créations de postes et des enjeux d’adaptation importants auxquels fait face la PJJ, principalement – mais pas uniquement – en lien avec la réforme de l’ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs, dont l’entrée en vigueur est désormais reportée au 31 mars prochain.

Si le projet de budget pour 2021 prévoit de nouvelles créations de postes, la PJJ a souffert, au cours des dernières années, d’un écart croissant entre le nombre de postes théoriquement ouverts par le budget et une dotation en crédits insuffisante pour recruter effectivement des personnels au sein des différents cadres. Le nombre de postes au sein de la PJJ a augmenté chaque année entre 2015 et 2019, mais moins que les plafonds d’emplois autorisés pouvaient le laisser supposer.

Ces difficultés en matière de créations de postes sont à mettre en regard de l’important volant de personnels contractuels auquel la PJJ doit avoir recours ; ceux-ci constituent près de 19, 7 % de ses effectifs.

En l’état, le budget de la PJJ prévoit la création nette de 40 postes, dont 19 postes liés à l’ouverture de nouveaux centres éducatifs fermés et 20 postes pour la participation aux cellules de recueil d’informations préoccupantes. Un emploi sera créé pour le suivi des mineurs en milieu ouvert, vers lequel 83 emplois seront redéployés par ailleurs.

Le renforcement et la formation des équipes d’éducateurs sont essentiels pour mettre en œuvre le nouveau code de la justice pénale des mineurs. En l’état des stocks d’affaires et de l’organisation des services, la mise en œuvre de la réforme au 31 mars prochain sera donc difficile.

Un autre axe essentiel du budget la PJJ depuis deux ans est la création des centres éducatifs fermés.

Déjà importante au regard du nombre de jeunes placés en leur sein, la part de ces structures dans les dépenses de la PJJ est amenée à croître, avec la création de vingt nouveaux CEF dans les prochaines années. Les CEF ont une utilité pour éviter la prison, mais certains posent aussi des difficultés de gouvernance et de lien avec les parcours d’insertion. Je salue donc la volonté de la PJJ de diversifier les modes d’hébergement.

Alors que la protection judiciaire de la jeunesse fait face à des défis majeurs, je me réjouis, monsieur le garde des sceaux, que le Parlement puisse enfin discuter du nouveau code de la justice pénale des mineurs. J’espère que son examen au Sénat, prévu à la fin de janvier, donnera lieu à un débat d’ampleur.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Votre budget, monsieur le garde des sceaux, augmente de 8 %. C’est positif, et il faut le dire, parce que c’est vrai. Une fois qu’on l’a dit, il faut ajouter que ce rattrapage devra être suivi de nombreux autres rattrapages. Certes, il y en a déjà eu précédemment, mais d’une ampleur moindre. Les statistiques, que nous connaissons tous, montrent que, par rapport aux autres pays d’Europe ou de l’OCDE, nous sommes toujours dans le bas de la liste.

Je vous sais trop avisé, monsieur le garde des sceaux, pour ne pas être sur vos gardes : car c’est bien d’annoncer le budget, mais c’est encore mieux quand on voit l’exécution… Combien de fois n’avons-nous pas adopté dans cette enceinte des budgets qui, de mesures de régulation budgétaire en mesures de régulation budgétaire, ont fondu de mois en mois ? Nous espérons que vous serez vigilants à cet égard, y compris pour les postes, dont nos rapporteurs soulignent à juste titre qu’un certain nombre étaient déjà prévus l’année dernière. Comme ils ne sont pas arrivés, vous les reprenez dans votre lot : l’essentiel est qu’ils arrivent…

Au-delà de cette mise en garde sur l’exécution, je présenterai trois remarques.

Premièrement, s’agissant de l’aide juridictionnelle, dont les orateurs précédents ont déjà bien parlé, le montant prévu dans ce budget est la moitié de ce que la mission Perben a jugé nécessaire. Nous allons connaître, à la suite de la crise sanitaire et sociale que notre pays vit, une multiplication des gens en grande pauvreté. La question du recours effectif à la justice se pose et se posera donc. Sur ce sujet aussi, nous pensons qu’il faudra aller plus loin.

Deuxièmement, pour ce qui est de la justice des mineurs, nous aurions aimé, vous le savez, qu’il y eût un projet de loi plutôt qu’une ordonnance. Il y a une ordonnance, mais vous vous êtes engagé à ce qu’il y ait un vrai débat. J’espère qu’il sera suffisamment long, en commission comme en séance publique, pour que l’on aborde, au fond, cette question essentielle entre toutes.

Monsieur le garde des sceaux, il ne vous a pas échappé qu’un certain nombre de magistrats, de professeurs de droit et d’éducateurs ont trouvé que la version de l’ordonnance ressemblait trop à la justice des majeurs. Il y a 850 mineurs incarcérés en France. Dans son rapport fait au nom de la commission des lois, Jean-René Lecerf montrait combien une prise en charge éducative des mineurs délinquants était bénéfique pour la suite.

Nous resterons pour notre part totalement fidèles à l’esprit de l’ordonnance de 1945 : le jeune doit d’abord être éduqué. Il faut s’en donner les moyens, parce que c’est un être en devenir et que l’on ne doit jamais désespérer, même si – c’est un fait que nous constatons – la délinquance des mineurs est devenue plus violente.

Troisièmement, je souhaite évoquer les prisons. Il se trouve que, du fait de cette crise sanitaire, un certain nombre de prévenus ont quitté les prisons. Je ne crois pas que la baisse du nombre de personnes en prison ait eu des effets négatifs.

Dans le droit fil des propos que vous avez tenus, nous estimons que la condition pénitentiaire est très importante et qu’il est préférable de disposer de mesures alternatives en plus grand nombre de manière à ce qu’il y ait moins de détenus et que l’on s’occupe davantage de leur travail, de leur santé, notamment psychiatrique, et de leur insertion à la sortie pour éviter les sorties sèches, qui sont tout à fait négatives. À cet égard, il nous paraît très important que l’on privilégie, non pas la construction de nouvelles prisons, mais la restauration des établissements existants, qui sont encore indignes.

Monsieur le garde des sceaux, le Conseil constitutionnel vous a enjoint de déposer un texte de loi d’ici au mois de mars. Nous savons que vous y travaillez en préparant un amendement au projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée. Si j’ai bien compris, votre stratégie consiste donc à inscrire ce qui pourrait être un projet de loi dans un autre projet de loi. Le Conseil constitutionnel pointerait peut-être que tel n’est pas l’objet de son injonction.

Quoi qu’il en soit, nous serons très vigilants à ce que les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel soient scrupuleusement respectées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je conclus, monsieur le président.

Nous voterons les crédits de la mission, mais, comme le disait une personne qui nous a quittés très récemment, « Oui, mais… »

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la pandémie liée au covid-19 a mis en lumière nombre de dysfonctionnements au sein de notre appareil judiciaire. Durant le premier confinement, l’essentiel du contentieux civil a en effet été abandonné. Le contentieux pénal, lui, a été maintenu, mais dans des conditions dégradées en raison du recours à des dispositifs défavorables aux prévenus. Il va sans dire que les garanties accordées aux justiciables s’en sont trouvées détériorées.

Face à cette situation, notre nouveau garde des sceaux avait promis un « effet Dupond-Moretti » sur le budget de la justice. Nous constatons effectivement une augmentation de 32 % des moyens accordés à cette mission, à hauteur de 12 milliards d’euros en autorisations d’engagement. Nous accueillons favorablement cette nouvelle. Dans les faits, cependant, il convient de rappeler que cette hausse importante est principalement due à un rattrapage lié au retard pris par le PLF pour 2020 par rapport aux objectifs fixés par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice votée en 2019.

Par ailleurs, malgré ces chiffres encourageants, la France reste l’un des mauvais élèves de l’Union européenne en matière de budget accordé à son système judiciaire. Notre pays compte trois procureurs pour 100 000 habitants, contre douze dans les États membres de l’Union européenne. De même, avec un budget de 5, 6 euros par habitant consacré à l’aide juridictionnelle, la France se situe au-dessous de la moyenne européenne, qui est de 6, 5 euros. Les exemples sont multiples et démontrent les carences de notre système de justice. Il est évident que les crédits accordés à cette mission ne sauraient combler le retard pris sur nos partenaires européens pendant des décennies.

Pour autant, nous notons les éléments positifs de la mission « Justice » de ce PLF. Outre l’augmentation des moyens alloués à cette mission, les 2 450 emplois ouverts pour le fonctionnement de notre système judiciaire sont les bienvenus. De même, la hausse des crédits du programme « Justice judiciaire » devrait permettre de désengorger les tribunaux, tendant ainsi à garantir une justice de proximité effective pour nos concitoyens.

En revanche, nous nous montrons plus réservés quant aux sommes attribuées à l’ouverture de 15 000 nouvelles places en milieu carcéral. Nous sommes évidemment favorables à l’encellulement individuel des prisonniers. Nous saluons donc les décisions prises par votre prédécesseure Nicole Belloubet visant à remettre en liberté des détenus en fin de peine. Cependant, il est constaté que la tendance est davantage au « tout carcéral ». Ainsi encourageons-nous le Gouvernement à favoriser le recours accru aux peines alternatives pour les petites peines. Nous sommes convaincus que le garde des sceaux, avocat pénaliste, sera sensible à cette thématique.

Je souhaite conclure cette intervention en mentionnant les crédits alloués au programme « Protection judiciaire de la jeunesse ». Ce budget prévoit notamment l’ouverture de cinq nouveaux centres éducatifs fermés. Nous tenons à rappeler que nous sommes défavorables à l’enfermement de mineurs sans encadrement adapté.

Mes chers collègues, un adolescent délinquant est un mineur en danger. C’est pourquoi, lorsqu’il prend en charge des mineurs, le système pénal doit s’inscrire dans la continuité de la protection de l’enfance. La justice des jeunes devrait favoriser leur éducation et leur réhabilitation plutôt que leur répression.

Monsieur le garde des sceaux, nous notons avec intérêt les progrès notables réalisés dans ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet effort doit être soutenu, et il est nécessaire que la dynamique enclenchée s’amplifie dans les années à venir. Réservé quant à l’utilisation de certains moyens compris dans cette mission, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra toutefois lors du vote de ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il convient de reconnaître les efforts déployés pour la quatrième année consécutive en faveur du budget de la mission « Justice », au sein de laquelle tous les programmes voient leurs moyens budgétaires et humains progresser.

Le budget de la mission est en hausse de 8 %, soit de 607 millions d’euros. Il s’agit de la plus forte augmentation du budget de la justice observée depuis vingt-cinq ans. Ces crédits permettront de rattraper et même de dépasser les prévisions de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en deçà desquelles nous étions l’année dernière. Ils aideront aussi et surtout à mettre en œuvre les priorités du Gouvernement pour la justice de notre pays, priorités, monsieur le garde des sceaux, que vous avez souhaité accorder à la justice de proximité et à l’accès au droit ainsi qu’à l’administration pénitentiaire.

Dans le bleu budgétaire, la justice de proximité est définie comme « celle du quotidien des justiciables, dont l’ambition est, d’une part, de lutter plus efficacement contre la petite délinquance du quotidien, au plus près des victimes et, d’autre part, de renforcer l’action judiciaire de proximité par un rapprochement, au plus près des territoires, de la réponse pénale ».

Cela passe donc par un renforcement important des moyens humains. Ce budget permettra de procéder à 1 500 recrutements nets au cours de l’année qui arrive, soit 240 de plus que ce que la loi de programmation prévoyait. À ces recrutements s’ajouteront 950 emplois supplémentaires inscrits en fin de gestion pour l’année 2020.

Cela passe aussi par la mise en œuvre du plan de transformation numérique. La crise sanitaire que nous traversons nous a montré combien celui-ci était un enjeu majeur pour la justice de notre pays. Je sais que des investissements considérables ont d’ores et déjà été engagés. Cependant, lors d’un déplacement au tribunal de Paris le 19 novembre dernier, une délégation de la commission des lois à laquelle j’ai participé a pu constater qu’il fallait continuer de mettre l’accent sur l’équipement numérique et investir dans des logiciels plus modernes.

L’accès aux droits des citoyens les plus en difficulté contribue également à cette justice de proximité. Aussi, je voudrais saluer l’effort budgétaire de 55 millions d’euros consacré à l’aide juridictionnelle, prévoyant une revalorisation de la rétribution des avocats, qui font un travail remarquable au profit de cette catégorie de citoyens. Il s’agit – vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux – d’une première avancée pour atteindre l’objectif de 96 millions d’euros fixé par la mission Perben et recommandé par nos collègues députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin.

Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi d’appeler votre attention sur la situation de mon département. Le 22 juillet dernier, lors de votre audition par la commission des lois, je vous ai interrogé sur le problème que constitue, en matière de proximité de la justice, l’éloignement du justiciable mahorais de son juge d’appel, situé à La Réunion. Je concède qu’il s’agissait peut-être d’une manière un peu rude de vous accueillir, alors que vous veniez d’être nommé au Gouvernement, et j’en suis désolé.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

L’histoire, la culture, l’état de développement des deux départements de l’océan Indien ne sont pas les mêmes. Le procureur général, pour ne prendre que cet exemple, officie à 2 000 kilomètres de Mamoudzou, dont la chambre détachée fonctionne comme un satellite de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion. Comment peut-il décider efficacement de la politique pénale de ce territoire s’il n’en connaît pas empiriquement la réalité ?

Enfin, ce budget consacre un effort important en matière d’investissements immobiliers, en particulier en faveur de l’administration pénitentiaire. Certains voient dans la construction de nouvelles places de prison une contradiction avec la volonté du Gouvernement de réduire la population carcérale. En réalité, cette mesure, combinée au recours à l’aménagement des peines, chaque fois que cela est possible et utile – je tiens à le préciser –, permettra de répondre au principe de l’encellulement individuel inscrit dans notre code pénal.

Vous le savez, cette surpopulation est particulièrement préoccupante dans certains établissements ultramarins. C’est le cas au sein de mon territoire. Dans le contexte sanitaire actuel lié à l’épidémie de covid-19, la surpopulation carcérale est propice à la diffusion du virus. En juin dernier, 55 % de la population carcérale de la maison d’arrêt de Majicavo était testée positive.

Ce budget ne permettra pas de régler toutes les défaillances de notre appareil judiciaire – c’est un fait –, mais il démontre la volonté du Gouvernement d’opérer un véritable changement. Il est important de souligner qu’il répond enfin aux attentes des citoyens et des acteurs de la justice, auxquels il apportera une véritable bouffée d’oxygène. Notre groupe est convaincu que ces crédits s’inscriront dans la durée. C’est la raison pour laquelle, vous l’aurez compris, il ne se privera pas de les voter avec enthousiasme.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Avec 8, 2 milliards d’euros pour la justice cette année, c’est un budget « exceptionnel » et « historique », avez-vous affirmé, monsieur le garde des sceaux, lors de sa présentation à la presse le 29 septembre dernier. En soi, nous ne pourrions que nous en réjouir, mais qu’en est-il vraiment d’un point de vue purement comptable et du point de vue de la répartition de ces crédits, autrement dit de ce qu’ils financent ?

Certes, le budget augmente pour la justice – comme depuis 2012, d’ailleurs –, et cette année de 8 % hors charges de pensions, mais, comme d’autres orateurs l’ont indiqué avant moi, il s’agit avant tout d’un rattrapage. Il n’est donc qu’à moitié réjouissant, et ce d’autant que l’augmentation continue des moyens depuis 2012 est insuffisante pour sortir la justice de la pénurie à laquelle elle est confrontée.

La comparaison avec nos voisins européens est à ce titre assez douloureuse : la France consacre moins de 70 euros par an et par habitant à son système judiciaire, quand l’Allemagne y consacre 122 euros, l’Autriche 107 euros et l’Espagne 79 euros. En parallèle, la France compte toujours deux fois moins de juges que la moyenne européenne pour 100 000 habitants.

En outre, la période de confinement a mis en relief l’indigence du ministère de la justice, en particulier son sous-équipement structurel en matière numérique. Pis encore, la majorité du contentieux civil a été abandonnée pendant cette période et le contentieux pénal qui a été maintenu a subi un profond affaiblissement et une dégradation des garanties accordées aux justiciables : juge unique, audience en visioconférence, voire par téléphone, procédure sans audience et jugement en l’absence des prévenus ou retenus faute d’extraction, publicité restreinte, voire parfois supprimée.

En outre, que signifient les chiffres si ce n’est ce qu’ils servent ? En l’occurrence, le premier poste budgétaire de la mission « Justice » demeure l’administration pénitentiaire, dont les crédits représentent plus de la moitié de l’enveloppe. Pourtant, l’Observatoire international des prisons souligne régulièrement l’inefficacité de l’augmentation du parc carcéral pour répondre à la surpopulation carcérale à laquelle nous sommes confrontés.

Le deuxième poste budgétaire de la mission, la justice judiciaire, n’est pas sans poser problème non plus, puisque la mise en œuvre de la réforme de l’organisation judiciaire se poursuivra en 2021. Rappelons que, par cette réforme, la carte judiciaire et les principes qui la gouvernent sont complètement bouleversés, ce qui marque un véritable tournant dans l’histoire de nos institutions judiciaires. La dualité tribunal de grande instance-tribunal d’instance disparaît au profit d’un tribunal judiciaire qui, par le biais d’une spécialisation accrue, instaure une hiérarchisation entre les juridictions d’un même département.

Nous défendons au contraire une véritable justice de proximité, qui implique le maintien des tribunaux d’instance comme juridictions autonomes. Bien ancrés sur le territoire français, les tribunaux d’instance étaient vecteurs d’une justice de proximité. Ils traitaient la plupart du temps des contentieux concernant les plus faibles : mesures de protection, surendettement, crédit à la consommation, baux, litiges du quotidien… Comment cette proximité avec les justiciables les plus précaires sera-t-elle maintenue ?

Enfin, j’aborderai rapidement la protection judiciaire de la jeunesse, puisque nous aurons l’occasion d’en débattre de nouveau au Sénat à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février 2021. Comme les 500 personnalités et professionnels de l’enfance qui se sont exprimés sur le sujet, nous demandons l’abandon du code de justice pénale des mineurs. En effet, la forme – établi sans consultation préalable des professionnels, ce texte procède par voie d’ordonnance –, autant que le fond – l’accélération de la répression pénale, au détriment du temps éducatif de l’enfant – sont contestables.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission, qui sont bien en deçà des moyens que nécessite le bon fonctionnement de ce grand service public qu’est la justice.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’indique dès à présent que le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission, ce qui va me permettre de concentrer mon propos sur nos sujets de préoccupation. Au nombre de deux, ils ont trait au fonctionnement de la « machinerie justice » au quotidien, non pas que nous nous désintéressions de tous les grands principes ni des sujets d’actualité, mais, dans le droit fil de l’avis budgétaire de ma collègue Dominique Vérien, je souhaite évoquer ces deux sujets propres au fonctionnement de la justice.

Premièrement, comment la justice peut-elle acquérir une culture numérique ? Telle est, selon nous, la principale difficulté de fonctionnement de la justice à l’heure actuelle.

Deuxièmement, la profession d’avocat est indiscutablement en difficulté. Chacun a en mémoire les mouvements de contestation de cette profession. Ces derniers n’étaient pas liés uniquement à la question des retraites : ils étaient l’expression d’une difficulté plus générale. Ma question est donc la suivante : comment donner aux avocats les outils leur permettant de réformer leur profession, étant entendu que celle-ci ne pourra être réformée de l’extérieur ?

Comment donc la justice peut-elle acquérir une culture du numérique ? L’enjeu de la modernisation de la justice ne se limite pas à la seule question des infrastructures et du matériel, ni au nombre de milliers de portables qui seraient mis à sa disposition. Ce serait même à notre sens rater l’essentiel. Sur ce terrain, il y a trois défis à relever.

Le premier est celui des applicatifs. Le monde judiciaire a un évident problème en la matière. Le logiciel de la chaîne pénale Cassiopée fonctionne très mal : il n’est pas collaboratif, et les transmissions aux parquets et aux avocats se font avec difficulté. Les cours d’appel n’utilisent pas les mêmes logiciels et, surtout, il n’existe pas d’applicatif du quotidien, si bien que les juges d’instruction continuent de surveiller leurs délais grâce à des petites fiches qu’ils rangent dans un tableau accroché derrière leur bureau. Les trames d’actes sont rares et, me dit-on, peu mises à jour. Quant au logiciel civil, il n’est disponible à distance que pour un nombre limité d’utilisateurs.

Au-delà de ce problème d’applicatifs, la traduction procédurale du numérique pose des difficultés. Par exemple, les procès-verbaux numériques ne sont toujours pas les originaux, si bien qu’il faut continuer à transporter les éléments papier. Le problème de la signature électronique n’est toujours pas correctement réglé. Quant aux convocations, notifications et communications pour ce qui concerne les avocats, il y a encore d’énormes progrès à faire.

Monsieur le garde des sceaux, je n’ai pas fait d’enquête, mais je suis convaincu qu’au regard du nombre étonnant de courriers recommandés qui sont adressés votre ministère doit être le premier client de La Poste. Peut-être s’agit-il d’un soutien à la présence postale…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Autrement dit – c’est le deuxième défi –, il conviendrait, non pas seulement de poursuivre le travail de transposition des procédures vers le numérique, mais de penser le numérique comme premier, et non comme une conversion des modalités papier.

Je dirai un mot des compétences : trop peu de greffiers et de magistrats ont cette culture numérique, et celle-ci ne fait pas l’objet de développements internes.

Enfin, le troisième défi a trait à l’amélioration de la politique d’achats de matériel informatique. L’État est un mauvais acheteur : nous l’avons constaté au sujet de l’achat de Louvois par le ministère de la défense ou des problèmes statutaires rencontrés par les enseignants. Les applicatifs développés par la profession notariale sont bien plus performants ; ils ont notamment permis de régler les difficultés relatives à la signature électronique. Il conviendrait de combler ce fossé.

J’en viens au deuxième point de mon propos : la profession d’avocat, ô combien importante pour le bon fonctionnement de la justice. Comment donner aux avocats les outils leur permettant de réformer leur profession ? J’évoquerai trois points.

Tout d’abord, il conviendrait, pour analyser la situation de cette profession, d’en connaître les chiffres. Nous avons été stupéfaits, dans le cadre de la mission confiée par votre prédécesseur à Dominique Perben, de ne pas disposer de chiffres actualisés sur la situation de la profession d’avocat. On dispose certes de quelques éléments anciens et d’un revenu moyen, mais celui-ci masque des différences extrêmement importantes.

Il faudrait être en mesure de déterminer si les difficultés concernent les barreaux de province ou le barreau de Paris, les collaborateurs du barreau du juridique ou ceux du barreau du judiciaire. Il faudrait connaître l’évolution du chiffre d’affaires des différentes parties du barreau dans la durée. On ne peut pas soutenir que tout irait pour le mieux au motif que le chiffre d’affaires augmente : cette augmentation pourrait ne bénéficier qu’au barreau du juridique, alors que le barreau du judiciaire serait en grande difficulté. C’est pourquoi nous vous demandons de veiller à ce que nous disposions de chiffres transparents nous permettant d’avoir une bonne appréhension de la situation de la profession.

Ensuite, il convient de veiller à la situation sociale de cette profession : 25 % des avocats veulent changer d’orientation. Cela doit nous conduire à poser de nouveau la question de l’expérimentation de l’avocat en entreprise. La profession n’a toujours pas trouvé sa position de cohérence en la matière. Le sujet passionne certes les bâtonniers et les patrons des cabinets, mais ce sont leurs collaborateurs qui sont en difficulté. Or toute une partie de la profession est prête à lâcher. Nous estimons que la Chancellerie serait dans son rôle si elle pilotait une évolution de la profession dans ce sens.

Enfin, sans être obsédé par une comparaison avec le notariat – on dit parfois que les avocats sont les tribus gauloises et les notaires les légions romaines, et je ne voudrais pas avoir plus de difficultés avec mes confrères avocats

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

–, je tiens à souligner que le notariat vient de passer avec votre ministère une convention portant sur les moyens et les objectifs. Je rêverais que la profession d’avocat soit également en mesure de passer un jour avec votre ministère une convention globale. Cela permettrait certes de demander des augmentations de budget en matière d’aide juridictionnelle, mais aussi d’établir comment cette profession, en tant qu’auxiliaire de justice, peut contribuer dans les meilleures conditions à l’optimisation du système.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous pourrions nous féliciter de l’augmentation du budget en matière de justice et nous contenter de commenter les chiffres, mais nous devons aller plus loin qu’une considération arithmétique. Étudier le budget d’une mission, ce n’est pas seulement aligner des chiffres ; c’est aussi les analyser et les mettre en perspective.

À la lecture du budget de la justice pour 2021, nous constatons, certes, une augmentation des crédits de près de 8 %. Nous notons aussi que leur montant, de 8, 2 milliards d’euros, est effectivement supérieur de 200 millions d’euros au budget voté dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Néanmoins, il est important de remettre ce budget en perspective.

Sur 1 000 euros de dépenses publiques, 60 euros sont consacrés aux domaines régaliens, à raison de 31 euros pour la défense, de 25 euros pour la sécurité et de 4 euros pour la justice, qui est vraiment le parent pauvre de nos budgets. À titre de comparaison, sur les mêmes 1 000 euros de dépenses publiques, 575 euros sont consacrés aux dépenses sociales et 37 euros à la charge de la dette.

Malgré l’augmentation que je viens d’indiquer, avec seulement 4 euros, la situation de la justice reste très compliquée. De plus, il convient de replacer ces chiffres dans le contexte global de sous-budgétisation chronique du service public de la justice. Si la loi de programmation prévoyait 8 milliards d’euros pour 2021, un retard de 115 millions d’euros a été enregistré en 2020. Je ne parlerai donc pas d’augmentation, mais de rattrapage budgétaire.

Je pourrais aussi évoquer longuement les 15 000 places de prison qui devaient voir le jour pendant le quinquennat. Nous recensons 2 000 places construites. Pour obtenir les 7 000 places promises par le Gouvernement, il faudra attendre 2023. Ainsi, l’objectif des 15 000 places supplémentaires promises en 2017 ne sera pas atteint, loin de là.

Au-delà du catalogue des promesses non tenues, c’est la dignité de l’accueil dans les prisons et la sécurité globale des Français qui me préoccupent aujourd’hui. En effet, comment lutter contre la récidive et le radicalisme si l’on ne construit pas de places de prison et si les agents pénitentiaires ne travaillent pas dans des conditions correctes ?

Le monde carcéral souffre : les conditions de travail des personnels pénitentiaires sont dégradées, l’application des peines pose des difficultés, notamment dans les petites structures, et les détenus subissent des mauvaises conditions de détention et la surpopulation carcérale. Force est de constater que nos prisons sont bien souvent indignes de notre pays. La construction de places de prison est essentielle dans notre dispositif de sécurité, mais aussi pour des raisons de dignité. C’est pourquoi il serait souhaitable de disposer d’un calendrier précis des constructions et des rénovations.

Par ailleurs, les quelques évolutions que l’on constate cette année apparaissent minimes au regard de ce qu’il reste encore à accomplir afin que la justice soit plus efficace, plus compréhensible et plus lisible pour nos concitoyens.

Je crois, mes chers collègues, qu’il est impératif de continuer à renforcer davantage ce budget.

La réforme de la justice des mineurs générera dans sa phase transitoire un surcroît de travail, de sorte que les besoins en personnels ne seront pas négligeables.

L’extension, à moyens constants, de l’expérimentation de la nouvelle juridiction que sont les cours criminelles accaparera elle aussi des magistrats, des greffiers et des salles, au détriment d’autres activités, dont celles des cours d’assises qu’elles sont pourtant censées désengorger.

Je rappelle d’ailleurs que près de 80 % des affaires de viol seraient requalifiées en « agressions sexuelles » – c’était l’esprit d’un texte ancien – pour rendre la justice plus rapide et désengorger les tribunaux. Dans son avis sur le viol et les agressions sexuelles publié en 2016, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes constate : « Le viol est un crime qui constitue la plus grave des violences sexuelles. Or il fait trop souvent l’objet de disqualification en agression sexuelle constitutive d’un délit. […] Si la disqualification n’a pas pour but de nuire aux intérêts des victimes, qui peuvent d’ailleurs s’opposer au renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel, elle minimise la gravité du viol et remet en cause le principe d’égalité devant la justice. »

Le désengorgement des tribunaux, notamment des cours d’assises, ne doit pas se faire au détriment des victimes. Le viol est un crime, il doit être jugé comme tel.

Enfin, la lutte contre les violences intrafamiliales, que vous avez déclarée priorité nationale, ne peut pas se contenter d’effets d’annonce. Vous savez tous que 146 femmes ont été tuées au sein de leur couple en 2019, soit vingt-cinq de plus qu’en 2018 ; vingt-sept hommes ont également été tués au sein de leur couple ; vingt-cinq enfants mineurs sont décédés, tués par un de leurs parents, dans un contexte de violences au sein du couple. Environ 143 000 enfants vivent dans un foyer où une femme a déclaré subir des formes de violence physique ou sexuelle, et des milliers d’autres ont été témoins de scènes de violence et en resteront sans doute marqués à vie.

Derrière ces chiffres, il y a une réalité, celle d’une souffrance insupportable et inacceptable. C’est pourquoi, plus que jamais, nous avons besoin de l’implication de tous. Je présenterai différents amendements sur ce sujet.

Nous devons renforcer la formation des policiers, des gendarmes et des magistrats. Interrogeons-nous encore sur l’accueil des victimes à tout moment de leur prise en charge.

Renforçons les outils judiciaires de protection, tels que l’éviction du domicile des partenaires violents, l’ordonnance de protection et le téléphone grave danger. Les comparutions immédiates existent, mais restent insuffisamment utilisées.

Améliorons le recueil des données par la justice en matière de violences conjugales : il reste beaucoup à faire dans ce domaine.

Améliorons les soins des victimes et développons les centres régionaux de psychotraumatisme. Prévoyons aussi davantage d’hébergements d’urgence et, surtout, sécurisons-les !

Enfin, donnons plus de moyens aux associations, que je veux remercier et saluer. Ces hommes et ces femmes font un travail remarquable pour les victimes.

Mes chers collègues, nous pourrons éternellement faire voter des textes sur ces travées, mais ils resteront inapplicables si les finances ne suivent pas. Le combat contre les violences conjugales et pour la protection des enfants nous commande d’agir partout où la dignité, la morale et la loi l’exigent ! Nous devons le faire sans attendre un nouveau budget.

Le temps presse, et nous connaissons une grande partie des mesures qu’il faut prendre pour lutter contre ce fléau. Nous n’avons plus le temps d’attendre. II y a urgence pour les familles et pour les enfants que ces violences détruisent.

Nous ne pouvons pas laisser plus longtemps les associations, les forces de l’ordre, les avocats et les magistrats pallier seuls les carences de notre législation. Le travail et le dévouement de ces hommes et de ces femmes forcent l’admiration et le respect. Pourtant, ils se sentent souvent livrés à eux-mêmes par manque de moyens, de temps ou de formation. Notre rôle de législateur est de les soutenir, le plus rapidement possible, avant qu’ils ne se retrouvent dépassés par l’urgence.

Au-delà des considérations budgétaires, je me permets de m’adresser à vous avec force, détermination et conviction, car être engagé dans la vie politique c’est avant tout défendre des convictions dans le cadre de l’intérêt général.

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, portons ce message : ensemble, unissons nos efforts pour les familles, pour les enfants, qui espèrent de nous et nous obligent.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons le plaisir de saluer une hausse de 8 % du budget consacré à la justice pour l’année à venir. Cette mission en avait terriblement besoin, car les crédits qui lui sont consacrés n’avaient pas connu pareille augmentation depuis au moins vingt-cinq ans.

La hausse prévue pour 2021 atteint les objectifs fixés par la loi de programmation ; elle les dépasse même de 100 millions d’euros. Cette trajectoire est la bienvenue au regard tant du rôle central de la justice dans notre pays que du manque chronique de moyens dont elle souffre depuis de trop nombreuses années.

Ni le Président de la République ni ce gouvernement ne peuvent être tenus responsables de l’état actuel de la justice. Il vous appartient cependant d’y remédier, monsieur le garde des sceaux, et nous saluons l’effort que vous avez amorcé. Il doit absolument se poursuivre dans la durée, car notre pays a besoin de justice, et d’une justice efficace.

Selon un sondage publié hier, l’opinion de nos concitoyens sur la justice se dégrade. Près de 60 % d’entre eux n’ont pas confiance en elle. Il faut que cela change ! L’augmentation du budget de la mission, cette année, est un signal encourageant. Nous espérons qu’il contribuera à recréer la confiance perdue.

Aujourd’hui encore, la justice est trop lente, et pour cause… En 2018, d’après la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, le nombre de juges professionnels par habitant, en France, était inférieur de moitié à celui de l’Allemagne. Il était même inférieur à celui de la Russie, de l’Ukraine ou encore du Kazakhstan. Un tel sous-effectif allonge nécessairement les délais de jugement et nuit à l’efficacité de l’institution.

La surpopulation carcérale est une autre conséquence de cette insuffisance de moyens. À cet égard, il a fallu une pandémie pour que le taux d’occupation des prisons passe sous le seuil des 100 %. Il est depuis peu repassé au-dessus. Il faut absolument en finir avec ce phénomène, car il est inacceptable qu’au pays des droits de l’homme des centaines de détenus dorment sur des matelas posés par terre. Nous avons besoin de plus de places dans nos prisons !

Même si la peine d’emprisonnement ne constitue pas la seule réponse efficace à la délinquance, nous considérons qu’elle doit pouvoir être exécutée dans des conditions convenables, non seulement pour respecter nos engagements en matière de protection des droits humains, mais aussi afin de mieux lutter contre la récidive.

Nous saluons l’effort consenti pour la construction des 7 000 premières places de prison supplémentaires dont l’achèvement est prévu pour 2023. II est essentiel de ne pas prendre de retard en la matière. Parallèlement, le développement des alternatives à la privation de liberté nous paraît judicieux. En les exacerbant, la pandémie a mis l’accent sur bien d’autres difficultés auxquelles l’institution judiciaire est confrontée en temps normal.

Lors du premier confinement, nous avions appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que certaines juridictions peinaient à continuer de travailler à distance, en raison notamment du manque de flexibilité des outils numériques. À ce titre, nous nous félicitons que le plan de transformation numérique soit poursuivi. Lorsque les circonstances l’imposent, il est indispensable que le travail de la justice puisse être effectué à distance, en toute sécurité. Nous remarquons cependant que de nombreuses solutions logicielles restent à finaliser.

Par ailleurs, si certaines professions disposent du matériel nécessaire au travail à distance, d’autres, comme les greffiers, demeurent très majoritairement sans équipement.

En plus d’être rapide, la justice doit être accessible. À cet égard, nous soutenons l’augmentation des crédits consacrés à l’aide juridictionnelle. Nous regrettons cependant qu’elle soit inférieure à celle qui est préconisée dans le rapport Perben.

La hausse des crédits alloués à la justice, portée par ce projet de loi de finances, est un effort nécessaire. Les Français ont besoin de justice. Nous souhaitons que le budget pour 2021 soit l’amorce d’une nouvelle dynamique.

Au-delà de ces quelques remarques, le groupe Les Indépendants soutiendra le vote des crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les qualificatifs utilisés pour ce budget ne semblent pas manquer : on le dit « exceptionnel », « historique », doté de moyens jusqu’alors « inégalés ». Nous avons souvent entendu de telles congratulations, mais il est vrai que les crédits de la mission « Justice » pour l’année 2021 connaissent une hausse notable. Ce signal était attendu par des institutions trop longtemps mal considérées budgétairement, malgré les multiples interventions du Sénat.

Comme certains de mes collègues l’ont déjà souligné, l’effort budgétaire global est important, à l’image des crédits du programme « Justice judiciaire ». Nous nous réjouissons tout autant des efforts en matière d’aide juridictionnelle que d’aide aux victimes. Il faut également apprécier la poursuite des créations de postes dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse et les juridictions pour mineurs.

Cependant, la réalité est aussi que ces hausses sont d’abord des efforts de rattrapage, après des années de sous-budgétisation catastrophique pour un service public aussi sollicité et fondamental pour notre pacte social. Il y a urgence, par exemple, sur la question des mineurs non accompagnés.

Selon notre collègue Nathalie Delattre, on recense environ 3 000 MNA en Gironde, qui pâtissent de faibles mesures d’accompagnement et sont victimes de réseaux bien structurés. Or une explosion du nombre d’agressions et de manifestations de violences a depuis été observée localement, tandis que la question de la réponse pénale apportée pour assurer une certaine tranquillité publique se pose encore.

Nous constatons donc ces efforts de rattrapage avec une certaine amertume, car le Sénat en débat depuis longtemps. Nous les regardons aussi avec modestie et en regrettant que notre nation ait tellement tardé à se remettre au niveau des exigences européennes : je ne vous citerai pas le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, la CEPEJ, car vous le connaissez tous.

Dans le temps qui m’est imparti, je voudrais appeler votre attention sur une question spécifique, qui, loin d’être anecdotique, cristallise une forme d’insuffisance persistante des crédits alloués à la justice pour nos établissements pénitentiaires. Je parle des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, ces services déconcentrés de l’administration pénitentiaire départementale qui assurent le contrôle et le suivi des personnes condamnées dans leur parcours d’exécution des peines.

La réinsertion des personnes condamnées et la prévention de la récidive n’ont rien de nouveau, mais cette question trouve un écho particulier dans le contexte actuel. En effet, la crise complexifie encore davantage les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire. De plus, une grande partie de la tâche des SPIP concerne désormais le suivi socio-judiciaire de délinquants sexuels, d’auteurs de violences conjugales ou de profils radicalisés. La commission d’enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre a démontré que le suivi post-carcéral était fondamental pour prévenir la récidive comme pour protéger la société de profils particulièrement dangereux.

Or le travail des SPIP est rendu plus difficile, non seulement en raison des contraintes liées à la pandémie, le virus imposant de limiter les contacts physiques, mais aussi à cause du désengorgement des prisons, décidé par votre prédécesseur, afin d’éviter une trop forte contamination en milieu carcéral. Le nombre des personnes à suivre a considérablement augmenté, de sorte que les services peinent à tenir le rythme imposé.

De telles circonstances auraient dû conduire à une augmentation significative des moyens et des effectifs. Or, sur ce point, le compte n’y est pas : les dépenses sont stables pour l’année 2021 à 42, 5 millions d’euros, alors qu’elles auraient manifestement dû augmenter. Cette stagnation nous préoccupe d’autant plus qu’elle paraît éloignée de certaines de nos préoccupations : je pense, en particulier, à la lutte contre le développement de la radicalisation islamiste, dont on sait qu’il trouve un environnement propice en milieu carcéral.

Le cas des SPIP est symptomatique d’une tendance : il ne suffit pas d’instituer de nouveaux mécanismes juridiques, il faut aussi donner les moyens aux juridictions et aux administrations d’agir efficacement.

Quant aux centres éducatifs fermés, ils occupent depuis deux ans une part essentielle de l’activité du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », cher à notre ancienne collègue Josiane Costes. Comme l’a très justement souligné Maryse Carrère, rapporteure pour avis de la commission des lois, le financement de ces centres, bien qu’essentiel, ne doit pas obérer le développement des autres types d’accueil et du secteur ouvert.

Vous l’aurez compris, monsieur le garde des sceaux, les promesses de chiffres, certes encourageants, appellent désormais une mise en œuvre rapide et efficace pour la société. Sous ces réserves, le groupe du RDSE votera ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la justice consiste à organiser la vie en société : cette institution doit protéger les plus faibles et sanctionner ceux qui ne respectent pas le contrat social.

La fonction de la sanction me semble essentielle. Elle permet d’intimider, de freiner les intentions néfastes, d’écouter les victimes et de donner une peine en adéquation avec la faute commise. Or la part du budget prévue pour organiser cette sanction pose problème.

Souvent décriée, la prison reste la solution préconisée dans de nombreux cas. Même si les magistrats souhaitent trouver d’autres alternatives, elle reste pour l’instant incontournable, faute de mieux.

J’aimerais m’attarder sur les multiples difficultés rencontrées par notre institution pénitentiaire et les agents qui la composent, aggravées encore depuis la crise sanitaire.

La surpopulation carcérale atteint des sommets. Si le principe de l’encellulement individuel avait été proclamé dès 1875, puis réaffirmé en 2009, il n’a dans les faits jamais été appliqué.

Le taux d’occupation des établissements pénitentiaires s’élevait à 116 %, au 1er janvier 2020, d’après la section française de l’Observatoire international des prisons. Cela signifie que la France compte plus de 70 000 prisonniers pour 61 000 places. Or cette surpopulation se concentre principalement dans les maisons d’arrêt destinées à accueillir les individus condamnés à de courtes peines de prison ou se trouvant encore en attente de leur jugement.

Dans ces établissements, qui représentent environ les deux tiers de la population carcérale, le taux d’occupation moyen grimpe jusqu’à 138 %. Deux à trois individus sont donc contraints de partager la même cellule et dorment, très souvent, sur des matelas installés par terre.

De telles conditions de détention rendent la surveillance des détenus plus ardue, voire inapplicable dans certains cas. Elles favorisent l’émergence de mutineries, permettent la prolifération de certaines maladies contagieuses et facilitent la constitution de réseaux criminels au sein même des établissements pénitentiaires.

Nous avions reçu les syndicats représentant les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, à l’occasion des travaux de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure. Tous nous ont fait part de leur détresse face à leur incapacité à mener les missions qu’ils jugeaient nécessaires pour rétablir l’ordre dans les prisons et en assurer une gestion saine, tant pour eux que pour les individus incarcérés.

Face à ce constat, le Gouvernement a annoncé la construction de 15 000 nouvelles places de prison pour lutter contre le fléau de la surpopulation carcérale et répondre à la vétusté des bâtiments. Ne nous voilons pas la face : une telle mesure ne sera efficace, sous réserve que les places promises soient bel et bien construites, que dans quinze ans, soit le temps que les infrastructures sortent de terre. Or le besoin de lutter contre la surpopulation dans les prisons est immédiat. Plus nous retarderons l’échéance, plus la situation sera dégradée, alors qu’elle est déjà au bord de l’implosion.

Le Gouvernement, qui semble avoir pris la mesure de l’urgence, a décidé de privilégier les peines alternatives à l’enfermement. Dont acte ! Il faut désormais que l’exécutif se donne les moyens de ses ambitions.

Adjointe à la sécurité de Tourcoing, avant mon élection au Sénat, j’avais mis en place des chantiers de travaux d’intérêt général, en relation avec les juges de l’application des peines du tribunal judiciaire de Lille. J’étais particulièrement satisfaite de proposer la remise en peinture de préaux d’écoles ou de salles de sport à des jeunes qui n’avaient jamais eu l’occasion jusqu’alors de montrer leur savoir-faire, même limité.

Ces chantiers coûtent cher aux municipalités, car il faut prévoir du personnel d’encadrement. Il faut aussi convaincre les partenaires, très frileux à l’idée de recevoir des délinquants dans leurs structures. Monsieur le garde des sceaux, que prévoyez-vous pour développer ces prises en charge très difficiles à dénombrer ?

Parmi les peines alternatives à l’enfermement, l’usage des bracelets électroniques peut-être envisagé pour surveiller les personnes condamnées hors des murs d’enceinte. Au-delà des stocks, a-t-on la certitude que les détenus libérés et placés sous le régime des bracelets électroniques seront bel et bien suivis par les services qui en ont la charge ? Ces services en ont-ils les moyens humains et matériels ? Encore une fois, rien n’est moins sûr…

Nos concitoyens sont inquiets en voyant le profil de certains détenus qui sortent de prison. Les services de renseignement ne seront-ils pas débordés compte tenu du nombre de ceux qui nécessiteront une surveillance accrue lorsqu’ils auront été relâchés dans la nature, notamment les détenus radicalisés ?

En ce qui concerne la sécurité, une autre question me paraît essentielle : a-t-on les moyens d’assurer aux victimes de violences conjugales, par exemple, que les obligations de soins seront bel et bien suivies par ceux qu’elles concernent ? Qu’en est-il d’ailleurs des détenus dont on sait pertinemment que leur place se trouve davantage en hôpital psychiatrique qu’en prison ?

Notre administration pénitentiaire est en fin de chaîne pénale, mais elle est essentielle pour assurer une réelle sanction et pour organiser la réinsertion des condamnés. Nous en attendons tous beaucoup.

Monsieur le garde des sceaux, nous savons que vous êtes particulièrement sensible à toutes ces questions. Nous voterons en faveur des crédits de la mission, car nous voulons que la situation change, et nous serons à vos côtés pour cela.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter le budget de mon ministère pour l’année 2021. Je tiens tout d’abord à vous remercier pour la qualité des travaux et les échanges constructifs que nous avons eus lors de mon audition devant la commission des lois, le 17 novembre dernier.

Comme vous l’avez noté, ce budget permet à la fois le rattrapage de la loi de programmation pour la justice et le financement des priorités que j’ai affirmées au moment de ma prise de fonction, au premier rang desquelles la justice de proximité. C’est la première fois, en plus d’un quart de siècle, que le budget de la justice augmente autant, à hauteur de 8 % hors compte d’affectation spéciale. Cette hausse inédite depuis vingt-cinq ans me permet de qualifier ce budget d’« historique », même si je sais que certains le contestent.

Avec 607 millions d’euros supplémentaires, c’est-à-dire plus du double de l’augmentation votée en 2019 pour l’année en cours, ce budget est exceptionnel par son ampleur, puisqu’il atteint 8, 2 milliards d’euros de crédits. Il est également exceptionnel par le renforcement inégalé des moyens humains de l’ensemble des métiers de justice. En effet, 2 450 emplois nets font ou feront l’objet d’un recrutement en quinze mois.

Comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial Lefèvre, 1 500 recrutements nets seront opérés au cours de l’année 2021, soit 240 de plus que ce qui était prévu en loi de programmation pour la justice, pour 2021. Il faut ajouter à cela les 950 emplois supplémentaires que j’ai obtenus en 2020 et qui ont pour la plupart déjà fait l’objet d’un recrutement. Ils viennent renforcer sans attendre les tribunaux, les établissements pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission des lois, il ne s’agit pas de privilégier le contrat par rapport au statut, mais d’opter pour une réponse rapide – les « sucres rapides » – compte tenu de l’urgence qu’il y a à apporter un soutien immédiat au service public de la justice. Ces recrutements par contrat sont plus souples et plus rapides à mettre en place. Ainsi, pour renforcer les greffes, ils ne prévoient pas l’obligation du temps de formation de dix-huit mois à l’École nationale des greffes. Ils sont donc particulièrement bienvenus, car ils permettent de renforcer dès à présent les juridictions.

À vous lire et à vous écouter, je sens pourtant poindre encore parfois quelques doutes sur ce renfort en moyens humains.

Madame le rapporteur pour avis Canayer, madame la sénatrice Benbassa, je vous le confirme, tous les métiers de la justice bénéficieront de ce plan de recrutement.

Dans le détail, ce sont 1 100 emplois nets pour les tribunaux : 50 magistrats, 130 directeurs de greffe, 596 greffiers et renforts de greffe, qui viendront soulager sans attendre les juridictions en pourvoyant une partie des 700 vacances de postes de greffiers. Ce sont aussi 1 200 renforts pour l’administration pénitentiaire, dont 719 créations d’emplois de surveillants qui permettront de poursuivre la réduction du niveau de vacance des postes de surveillants, 335 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, 126 personnels supplémentaires pour la protection judiciaire de la jeunesse, dont 107 éducateurs.

Ce plan de recrutement est au cœur de la justice de proximité que j’appelle de mes vœux, une justice proche, humaine, qui a le souci des plus faibles ; une justice qui garantit le respect du droit dans la vie quotidienne, car elle sera plus rapide et de qualité ; une justice accessible pour tous les justiciables ; une justice de proximité non seulement pénale, mais également civile. Tels sont les objectifs profonds de la justice de proximité. Pour la mettre en œuvre, le projet de budget nous permet de disposer de moyens inédits, soit 200 millions d’euros, auxquels s’ajoute le fléchage de 1 100 emplois sur les 2 450 que je viens de vous présenter.

Très concrètement, nous consacrerons 13 millions d’euros pour favoriser le recours à des magistrats honoraires et des magistrats à titre temporaire ; 28 millions d’euros pour la mobilisation accrue des délégués du procureur ; 20 millions d’euros pour la création de nouvelles unités médico-légales d’assistance de proximité aux victimes ; 79 millions d’euros d’augmentation des autres frais de justice pour renforcer les moyens d’investigation et donc l’efficacité de la justice. Nous attribuerons aussi 20 millions d’euros au milieu associatif de la protection judiciaire de la jeunesse, pour renforcer la prise en charge rapide des délits du quotidien. Enfin, madame la sénatrice Boyer, nous prévoyons 10 millions d’euros pour le développement des bracelets électroniques et anti-rapprochement, le développement des travaux d’intérêt général et du travail non rémunéré, et pour le fonctionnement courant.

Ces crédits et renforts supplémentaires sont particulièrement bienvenus dans le contexte actuel. Ce sont des moyens en plus pour le renseignement pénitentiaire, pour la réalisation de places dédiées aux détenus radicalisés, pour le recrutement et la formation d’agents spécialisés.

Ce budget permet donc de répondre aux inquiétudes ou aux alertes exprimées par M. le rapporteur pour avis Marc, ou encore M. le sénateur Sueur. En effet, la lutte contre la radicalisation est également au cœur de mon action.

Au sein de l’administration pénitentiaire, plus de 43 millions d’euros seront mobilisés à cette fin. En 2021, 495 places seront dédiées aux détenus radicalisés dans les quartiers d’évaluation de la radicalisation, les quartiers de prise en charge de la radicalisation ou encore dans les quartiers d’isolement.

Par ailleurs, 63 millions d’euros, soit une hausse des moyens de 10 %, seront consacrés à l’amélioration de la sécurité pénitentiaire pour accompagner le renforcement de la vidéosurveillance, lutter contre les drones malveillants ou encore déployer des systèmes de brouillage des communications.

La surpopulation carcérale est une préoccupation majeure. Elle pose des défis en termes de dignité pour les détenus, de capacité à la réinsertion et de sécurité au sein des établissements pénitentiaires. L’enjeu reste important, car le nombre de détenus poursuit sa progression depuis la fin du confinement : il s’établissait, au 26 novembre dernier, à 62 897 détenus.

Pour faire face à cette situation, mon action au sein du Gouvernement est double : développer les aménagements de peine via les travaux d’intérêt général ou le développement de la surveillance électronique, d’une part, et poursuivre le programme de construction de 15 000 places de prison, d’autre part. Nous y consacrerons 556 millions d’euros en 2021, soit une hausse de 42 % des crédits.

Mes services travaillent avec obstination pour trouver le foncier nécessaire au lancement des 8 000 futures places d’ici la fin du quinquennat, mais, pour ce programme, j’ai besoin du soutien de tous les élus, et de vous particulièrement, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, pour convaincre les élus qui ont parfois quelques réticences à vouloir construire des établissements pénitentiaires sur leur territoire.

Madame la rapporteure pour avis Vérien, monsieur le sénateur Bonnecarrère, vous avez appelé mon attention sur la rénovation numérique : c’est un enjeu de modernisation tout à fait essentiel, qui est pris en compte dans le cadre du plan de transformation numérique. Sa mise en œuvre se poursuit et s’accélérera dans le cadre du plan de relance.

Pour réussir cette transformation, il faut tout d’abord des crédits. Au programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », nous proposons 235 millions d’euros de crédits en fonctionnement et en investissement, soit 30 millions d’euros de plus et une hausse de 13 % en un an. Ensuite, il faut des hommes. Sur ce même programme, nous proposons la création de cinquante emplois supplémentaires. Enfin, il faut une bonne organisation et un bon management pour travailler en mode projet. Les services du ministère s’y emploient.

À titre d’illustration, je peux vous citer trois grandes réalisations en 2021 : le système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ), le portail des agents et des détenus pour lequel une expérimentation est prévue à partir de mars 2021 en vue d’une généralisation dès la fin de l’année et, enfin, le portail des juridictions, qui remplacera progressivement les huit systèmes d’information du domaine civil utilisés dans les tribunaux judiciaires pour une procédure civile enfin dématérialisée.

Le projet de budget prévoit également la réforme de l’aide juridictionnelle. J’ai écouté les interventions et pris connaissance des amendements de M. le rapporteur spécial Lefèvre, de Mmes les rapporteures pour avis Canayer et Carrère, ainsi que ceux des sénateurs Benbassa et Mohamed Soilihi. Cet intérêt fait clairement écho à l’attente forte des justiciables, des avocats et de l’ensemble des métiers du droit en la matière.

C’est la raison pour laquelle, le Gouvernement a mis en œuvre sans attendre le fruit du travail de deux rapports, celui des députés Moutchou et Gosselin, puis celui de Dominique Perben, après concertation dans le cadre du Conseil national de l’aide juridique. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner devant la commission des lois du Sénat, c’est bien pour laisser du temps à la concertation en septembre et en octobre que nous avons été contraints d’introduire cette réforme par amendement au projet de loi de finances.

Au total, ce sont donc 50 millions d’euros qui sont d’ores et déjà mis sur la table dès le 1er janvier 2021 avec deux objectifs complémentaires : d’un côté, la hausse substantielle de la rémunération de l’heure travaillée par chaque avocat au titre de l’aide juridictionnelle et ce, je le redis, dès le 1er janvier 2021, soit une hausse de 2 euros de l’unité de valeur ; de l’autre, une révision du barème, notamment pour mieux rémunérer les médiations ou l’assistance éducative.

Il faut également pouvoir utiliser cet effort budgétaire comme moyen de levier pour développer les modes alternatifs de règlement des différends.

Il s’agit bien d’une première marche de 50 millions d’euros. C’est un réel gage de crédibilité donné à la profession pour enclencher le nécessaire travail de fond sur l’avenir du métier d’avocat.

Avec 50 millions d’euros supplémentaires, soit une augmentation de 7 % en crédits de paiement, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) n’est pas oubliée, notamment dans la perspective de l’entrée en vigueur le 31 mars prochain du code de justice pénale des mineurs, sur lequel l’Assemblée nationale a justement commencé à débattre ces jours derniers.

Nous mettons les moyens pour permettre la mise en œuvre de cette réforme : 72 magistrats, 100 greffiers spécialement dédiés sont mobilisés avec, en outre, la création de 252 emplois nouveaux à la protection judiciaire de la jeunesse entre 2018 et 2022.

Plus globalement, les crédits supplémentaires alloués à la PJJ permettront de développer les alternatives aux poursuites dans le secteur associatif habilité et apporter une réponse plus rapide et plus efficace à tous les actes de délinquance.

Ils permettront également, madame la rapporteure pour avis Carrère, de poursuivre la politique de construction de vingt centres éducatifs fermés.

Enfin, pour les personnels du ministère, j’ai décidé de mettre en œuvre une politique de ressources humaines ambitieuse.

Nous devons améliorer le fonctionnement de notre justice, en général. C’est le sens de ce projet de budget, qui s’en donne les moyens pour la première fois en plus d’un quart de siècle. Tous les maillons de la chaîne judiciaire seront renforcés avec le même objectif : mieux accueillir le justiciable, juger plus vite et mieux faire exécuter les décisions de justice, en particulier les peines. C’est ce que les Français attendent de leur justice.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

En euros

Mission / Programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice

Justice judiciaire

Dont titre 2

2 451 671 771

2 451 671 771

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

2 750 457 641

2 750 457 641

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

554 611 772

554 611 772

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

188 234 850

188 234 850

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

3 142 215

3 142 215

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, les amendements que nous nous apprêtons à examiner portent sur des sujets très variés. Je précise qu’ils sont en discussion commune, parce qu’ils tendent tous à prélever des crédits sur l’action n° 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », et que, s’ils étaient tous adoptés, le cumul des crédits ponctionnés excéderait largement le budget du programme.

Je suis donc saisi de seize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° II-975 est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

L’amendement n° II-1021 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano et Bilhac, Mme N. Delattre, MM. Corbisez et Gold, Mme Guillotin et MM. Requier, Roux et Cabanel.

L’amendement n° II-1383 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Bourgi, Durain et Kerrouche, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° II-975.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

La crise sanitaire a d’ores et déjà lourdement affecté les couches populaires de notre pays. Ce sont hélas ! les derniers de cordée qui pâtiront le plus du chômage de masse, ainsi que de la paupérisation. En effet, selon l’Insee, plus d’un million de personnes supplémentaires vivant en France seraient passées sous le seuil de pauvreté à cause de l’épidémie.

Face à l’accroissement des inégalités, le recours à l’aide juridictionnelle se fait chaque année plus massif. Malheureusement, les crédits qui lui sont alloués souffrent d’un sous-financement chronique. Ce phénomène a d’ailleurs été dénoncé par le rapport Perben de 2020, qui a dévoilé que, en moyenne, le montant accordé à l’aide juridictionnelle est de 6, 5 euros par personne en Europe lorsque nous n’investissons que 5, 06 euros par habitant.

Cette situation est inacceptable : la justice n’est pas un luxe et devrait être accessible à chacun de nos concitoyens, pas seulement à ceux qui ont les moyens de payer leurs frais judiciaires.

Nous notons que le Gouvernement semble avoir compris la nécessité d’agir en la matière. En atteste l’augmentation de 49, 7 millions d’euros dont a pu bénéficier l’aide juridictionnelle dans ce projet de loi de finances pour 2021.

Cet effort est cependant jugé insuffisant par le Conseil national des barreaux, qui estime qu’une rallonge de 53 millions d’euros est nécessaire, afin que la France puisse atteindre des standards similaires à ceux de ses partenaires européens.

Tel est l’objet du présent amendement, qui vise à augmenter de 10 %, soit de 53 millions d’euros, les moyens de l’action n° 01, Aide juridictionnelle, du programme 101, « Accès au droit et à la justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° II-1021 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Isabelle Briquet pour présenter l’amendement n° II-1383.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

L’aide juridictionnelle est un instrument vraiment essentiel pour garantir l’égalité de tous devant la justice.

Bien que le seuil de ressources pour en bénéficier soit extrêmement bas, nous le savons, le nombre de bénéficiaires ne cesse d’augmenter sans que, dans le même temps, l’indemnisation des avocats ait été revalorisée.

Le rapport Perben, remis au Gouvernement en août dernier, a d’ailleurs dénoncé un dispositif d’aide juridictionnelle souffrant d’un sous-financement chronique. Or, dans le contexte de crise sanitaire, sociale et économique que nous connaissons et d’une hausse très importante de la précarité, il est indispensable que chacun puisse avoir accès à la justice et défendre ses droits.

Cet amendement vise donc également à augmenter de 10 % les crédits consacrés à l’aide juridictionnelle, comme l’a suggéré le Conseil national des barreaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-1378, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Monsieur le garde des sceaux, vous avez à juste titre fait valoir que votre budget connaissait une hausse significative. C’est bien naturel et justifié, mais, concernant les créations de postes, nous restons au-dessous du niveau nécessaire.

Vous avez vous-même indiqué vouloir renforcer la justice de proximité mais, ce que vous n’avez pas précisé dans votre propos, c’est que vous parliez d’une justice pénale de proximité. Or la justice du quotidien n’est pas la justice pénale, mais la justice civile, la justice sociale. En fait, il n’y a pas suffisamment de postes et pas non plus suffisamment de postes de greffiers dans ce domaine.

Vous avez déclaré que vous vouliez doter les greffes et l’ensemble du système judiciaire de « sucres rapides ». Mais, pour avoir rencontré les syndicats des greffiers au tribunal de Paris lors d’un déplacement de la commission des lois, je crains que nous ne nous trouvions rapidement devant une difficulté et devant un mouvement social d’ampleur, car, aujourd’hui, les greffiers voient arriver des assistants et des renforts, dont ils disent qu’ils n’ont pas eu la même formation, mais qu’ils seraient mieux payés qu’eux. Ils considèrent que la situation est extrêmement difficile à supporter.

Évidemment, c’est un peu la quadrature du cercle : comment faire pour que la justice soit mieux et plus rapidement rendue et que, dans le même temps, des postes soient créés, alors même que – nous le savons – l’école nationale des greffes nécessite de longs mois d’apprentissage.

Cet amendement a pour objet de vous permettre de créer davantage de postes de magistrats et de greffiers titulaires et, ainsi, d’améliorer la justice de proximité, notamment la justice civile de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Les quatre amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-205 rectifié bis est présenté par MM. Sol, Bas, H. Leroy, Klinger, Gremillet et Charon, Mme Bonfanti-Dossat, M. Burgoa, Mmes Berthet, Gruny et Eustache-Brinio, MM. Laménie, Savary et Houpert, Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Vogel, Pellevat et Bascher, Mmes Joseph, Lassarade et V. Boyer, M. Brisson, Mme Malet, MM. Piednoir et Genet, Mme M. Mercier et MM. B. Fournier, Bonne, Bonhomme, Mandelli, Calvet et Belin.

L’amendement n° II-473 rectifié bis est présenté par MM. Chasseing et Menonville, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Decool, A. Marc, Wattebled et Capus, Mmes Guillotin et Billon et MM. Bouchet, Moga, Chatillon, Paccaud et Longeot.

L’amendement n° II-1020 rectifié bis est présenté par MM. Roux, Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Gold, Requier et Cabanel.

L’amendement n° II-1382 est présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° II-205 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Cet amendement, que je présente au nom de notre collègue Jean Sol, vise à réévaluer la tarification des enquêtes sociales rapides (ESR) qui, je le rappelle, sont définies par le code de procédure pénale comme des investigations visant à vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d’une personne, et à informer le magistrat des mesures propres à favoriser ou à maintenir son insertion sociale.

En raison de l’augmentation du nombre d’enquêtes qui, selon certaines estimations de la direction des affaires criminelles et des grâces, devrait passer de 80 000 en 2019 à 300 000 en 2021, d’un changement de nature de ces enquêtes, qui implique de nouvelles investigations ou explications, ainsi que d’une tarification qui pourrait être relevée à 180 euros, le présent amendement vise à abonder de 48, 4 millions d’euros les crédits de l’action n° 02, Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales, du programme 166, « Justice judiciaire ».

Cette hausse serait compensée par une diminution des crédits de l’action n° 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », au regard des règles de dépôt des amendements en loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Alain Marc, pour présenter l’amendement n° II-473 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Le présent amendement vise à réévaluer la tarification des enquêtes sociales rapides, également appelées enquêtes de personnalité présentencielles. Les ESR sont définies par le code de procédure pénale comme des investigations visant à vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d’une personne et à informer le magistrat des mesures propres à favoriser ou à maintenir son insertion sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° II-1020 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° II-1382.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Notre amendement a pour objet de réévaluer la tarification des enquêtes sociales rapides, également appelées enquêtes de personnalité présentencielles, qui sont définies par le code de procédure pénale comme des investigations visant à vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d’une personne et à informer le magistrat des mesures propres à favoriser ou à maintenir son insertion sociale.

Je rappelle que le tarif de ces enquêtes a été fixé à 70 euros par enquête en 2004. Or ce coût avait été sous-estimé. L’Insee a indiqué que, entre 2004 et 2019, l’inflation avait de plus de 21 % : il serait donc incompréhensible de ne pas augmenter ce tarif. Les associations ne le comprendraient pas, et ce d’autant plus, monsieur le ministre, que la direction des affaires criminelles et des grâces a estimé que le nombre d’enquêtes de ce type devrait passer de 80 000 en 2019 à 300 000 en 2021.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° II-312 rectifié bis est présenté par Mme Billon, M. Levi, Mmes Vermeillet, Loisier, Vérien et de La Provôté, MM. Laugier et Delcros, Mme Sollogoub, MM. Janssens, Le Nay, Détraigne, P. Martin et Canevet, Mme Morin-Desailly, M. Kern, Mmes Doineau et Gatel, M. Longeot, Mmes Saint-Pé et C. Fournier et MM. L. Hervé et Duffourg.

L’amendement n° II-430 rectifié ter est présenté par Mme Guidez, M. Guiol, Mme Di Folco, MM. Rapin et Bonhomme, Mme Paoli-Gagin, MM. Meurant, Moga, Vanlerenberghe, B. Fournier, Pellevat, Chauvet, Chasseing et Laménie, Mme Garriaud-Maylam, MM. A. Marc, Henno, Decool, S. Demilly et Chatillon, Mmes Dindar et F. Gerbaud, M. Guerriau, Mme Thomas, MM. Gremillet, Paccaud et Karoutchi et Mme V. Boyer.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° II-312 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Dans son rapport du 7 juillet 2020 intitulé Violences envers les femmes et les enfants : un confinement sans fin, la délégation aux droits des femmes du Sénat pointait les dysfonctionnements de la chaîne pénale.

Parmi les solutions envisagées pour les pallier, les rapporteurs plaidaient pour la mise en place de permanences des juges aux affaires familiales le week-end, comme c’est le cas pour les procureurs, d’autant que la récente loi visant à agir contre les violences faites aux femmes prévoit désormais un délai maximum de six jours pour délivrer une ordonnance de protection.

De telles propositions, pour être mises en application, nécessitent cependant une hausse préalable des effectifs des juges aux affaires familiales, ce que vise cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° II-430 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-977, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

De nombreuses carences ont été mises en lumière au sein de notre appareil judiciaire dans le contexte de la crise sanitaire liée à la covid-19. Les manques sont multiples : financier, matériel, en termes d’infrastructures et de personnels, etc.

Cette situation dramatique entraîne non seulement une moindre capacité d’action de nos tribunaux judiciaires, mais surtout un service de qualité toujours déclinante, tant pour les usagers que pour les professionnels du droit.

Alors que la grande majorité du contentieux civil a été mise à l’arrêt entre mars et juin, il est à craindre que l’engorgement massif des tribunaux ne soit de mise en 2021, et ce d’autant plus qu’un ralentissement du traitement des affaires judiciaires se produira immanquablement à la suite de ce deuxième confinement.

En l’état, et sans un concours supplémentaire des pouvoirs publics, nos tribunaux judiciaires n’ont tout simplement pas les moyens financiers de fonctionner efficacement.

Or il est de notre devoir de garantir une justice de proximité de qualité à chacun de nos concitoyens. Pour ce faire et afin de remédier à cette situation inédite, nous proposons que les 164 tribunaux judiciaires que compte le territoire national puissent bénéficier d’une dotation exceptionnelle de 100 000 euros. Le montant d’une telle mesure équivaudrait à 16, 4 millions d’euros au total, ce qui est – vous en conviendrez, mes chers collègues – peu cher payé, lorsqu’il s’agit d’assurer l’effectivité d’une justice du quotidien pour tous les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-976, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

On ne peut pas nier que ce projet de loi de finances pour 2021 marque une augmentation des crédits accordés au programme 182, « Protection judiciaire de la jeunesse ».

Malheureusement, dans le cadre de ce budget, il n’est prévu de créer que 40 nouveaux emplois pour l’encadrement et l’accompagnement des jeunes délinquants. Il va sans dire que cet effort est bien insuffisant dans la mesure où, dans le même temps, vous prévoyez l’ouverture de 105 nouveaux centres éducatifs fermés.

Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne sont, par principe, pas favorables à l’enfermement des mineurs délinquants, qui doivent être éduqués, réhabilités plutôt que punis et réprimés. Ainsi proposons-nous que 10 millions d’euros soient alloués à la création d’une centaine de postes visant à accompagner, à encadrer et à réhabiliter les jeunes placés au sein des lieux de privation de liberté pour mineurs délinquants.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-1379, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Pendant toute la durée du premier confinement, la justice a été en panne, parce que les tribunaux, sauf pour certaines audiences, étaient évidemment fermés, mais aussi parce que les greffiers ne sont pas équipés pour télétravailler. Or les greffiers – j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même lors des premiers débats sur ce sujet – sont des personnels indispensables pour que les jugements soient rendus et soient ensuite exécutés.

Ils ne sont pas bien équipés, parce que l’informatique date de Mathusalem, si je puis dire – notre collègue Dominique Vérien l’a évoqué avec un certain humour –, et parce que les applicatifs de travail ne fonctionnent pas ou ne leur sont pas accessibles.

Les efforts budgétaires existent, mais nous voulons vous aider, monsieur le garde des sceaux, à améliorer les équipements mis à la disposition des personnels de justice. Les magistrats sont en voie d’être dotés correctement, puisque certains ont des ultraportables.

Les choses progressent, mais pas pour les greffiers. C’est pourquoi nous proposons une hausse des crédits vous permettant de faire face à cette nécessité absolue si nous voulons que la justice fonctionne bien et d’assurer une bonne reconnaissance des droits des justiciables.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-795 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Joseph, MM. Boré, Le Rudulier et Karoutchi, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Savin, Mme Gruny, MM. Pellevat, Panunzi, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Pour mémoire, la loi du 28 décembre 2019, qui vise à agir contre les violences au sein de la famille, a acté la généralisation du bracelet anti-rapprochement, le BAR.

Ce bracelet constitue un outil de protection des victimes de violences conjugales, qui a fait ses preuves dans plusieurs pays européens. D’ailleurs, nous nous sommes calqués sur le dispositif espagnol, sachant que l’Espagne a consacré 6 millions d’euros par an à la mise en place de ce dispositif.

Tout à l’heure, certains chiffres ont été annoncés. Je rappelle simplement que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, c’est-à-dire l’année dernière, le Gouvernement s’était engagé à ce que les crédits dédiés aux bracelets électroniques atteignent 5 millions d’euros dès leur déploiement en année pleine.

La lutte contre les violences conjugales ne peut pas relever d’un simple affichage politique. Je crois que nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle sur ce point, et nous devons cesser de voter des mesures qui seront inapplicables demain, faute de moyens.

Le présent projet de loi de finances prévoit de consacrer 4, 7 millions d’euros au financement du bracelet anti-rapprochement : ce montant est très éloigné des 6 millions d’euros nécessaires et promis par l’ancienne garde des sceaux.

Vous allez me répondre, monsieur le ministre, qu’une contribution de 2, 7 millions d’euros du fonds pour la transformation de l’action publique est prévue, mais je crois profondément que cette hausse des crédits doit figurer dans la loi dès aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle je propose d’abonder dès maintenant de 7 millions d’euros les crédits consacrés au BAR. Cette augmentation serait gagée par une diminution des crédits de l’action n° 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice », ce qui permettrait de favoriser le recours effectif à ces bracelets anti-rapprochement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-793 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré, Le Rudulier et Karoutchi, Mmes Lassarade, Belrhiti et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet, Daubresse et Savin, Mme Gruny, MM. Pellevat, Panunzi, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont titre 2

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Cet amendement vise à renforcer les moyens des fouilles dans les prisons.

Le projet de loi de finances pour 2021 consacre 62, 6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 63, 7 millions d’euros en crédits de paiement à la sécurisation des établissements pénitentiaires.

Je rappelle que, en 2018, un rapport de la mission d’information relative au régime juridique des fouilles en détention a montré que la problématique des fouilles posait la question plus générale de la sécurité en détention et des moyens dont disposent les chefs d’établissement et les surveillants pour lutter contre l’entrée d’objets dangereux et illicites.

La mission d’information proposait notamment de renforcer les moyens de contrôle des détenus en développant un contrôle renforcé via l’aide d’unités cynotechniques.

Si une amélioration de la sécurisation des établissements est mentionnée dans le bleu budgétaire, il n’y a cependant aucune trace de montants permettant d’en savoir davantage sur le budget attribué au développement des unités cynotechniques et sur l’augmentation des crédits consacrés à cette politique par rapport au précédent projet de loi de finances.

C’est pourquoi nous proposons d’augmenter les crédits alloués à la sécurisation des établissements pénitentiaires, notamment par le biais du développement de ces unités cynotechniques. L’amendement tend à augmenter de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement les crédits de l’action n° 01, Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice, du programme 107, « Administration pénitentiaire », et à réduire concomitamment de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement les crédits de l’action n° 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-920 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Le budget de l’aide juridictionnelle ayant augmenté grâce à une réévaluation de l’unité de valeur, j’estime que les amendements identiques n° II-975, II-1021 rectifié et II-1383 sont satisfaits. Je demande par conséquent à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.

L’amendement n° II-1378 vise à augmenter de 50 millions d’euros les crédits destinés à la justice judiciaire, afin de renforcer les effectifs de magistrats et de greffiers.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit déjà la création de 1 500 emplois, soit 240 emplois au-delà de ce que prévoyait la loi de programmation pour la justice, dont 150 emplois pour renforcer l’équipe autour du magistrat. En outre, 50 postes de magistrats sont créés en 2021.

Par ailleurs, le quatrième projet de loi de finances rectificative devrait aboutir au recrutement de 950 emplois supplémentaires dès 2020 pour renforcer les équipes de proximité, dont 764 juristes assistants et contractuels auprès des greffes.

Une hausse des effectifs est certes nécessaire, mais l’effort consenti pour 2021 me semble suffisant et une nouvelle augmentation des crédits ne me semble pas nécessaire pour le moment.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Les amendements identiques n° II-205 rectifié bis, II-473 rectifié bis, II-1020 rectifié bis et II-1382, qui concernent les ESR, sont satisfaits par l’augmentation des crédits consacrés aux frais de justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.

Les amendements identiques n° II-312 rectifié bis et II-430 rectifié ter ont pour objet de rehausser les effectifs des juges aux affaires familiales, notamment pour répondre aux violences faites aux femmes.

Or, je le répète, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit la création de 1 500 emplois, soit 240 emplois au-delà de ce que prévoyait la loi de programmation pour la justice, dont 150 postes pour renforcer l’équipe autour du magistrat. Le quatrième projet de loi de finances rectificative, adopté par le Sénat le 24 novembre dernier, devrait permettre le recrutement de 950 emplois supplémentaires pour consolider les équipes de proximité dès 2020.

Dans ce contexte, des crédits supplémentaires ne me paraissent pas nécessaires. Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer, faute de quoi j’y serai défavorable.

L’amendement n° II-977 tend à augmenter de 16, 4 millions d’euros les crédits alloués aux tribunaux judiciaires, soit 100 000 euros supplémentaires par tribunal judiciaire afin, notamment, de remédier à la carence en matériels.

Les crédits de paiement du programme 166, « Justice judiciaire », s’élèvent à 3, 7 milliards d’euros pour 2021, soit une augmentation de 208 millions d’euros par rapport à 2020. Les moyens de fonctionnement augmenteraient ainsi de 10 millions d’euros, afin d’adapter les modes d’organisation judiciaires aux enjeux numériques, tels que la téléconférence et les outils informatiques, et d’accompagner l’augmentation des effectifs.

La hausse de crédits que vous proposez, madame Benbassa, ne me semble donc pas nécessaire pour le moment. Je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission est également défavorable à l’amendement n° II-976.

En effet, 40 emplois seront créés pour la protection judiciaire de la jeunesse en 2021 : 19 emplois pour les centres éducatifs fermés, 84 emplois pour le renforcement du milieu ouvert, et 20 emplois pour que la PJJ puisse participer aux cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) en lien avec les départements, contre une économie de 83 emplois liée à la restructuration des dispositifs de prise en charge.

Ainsi, ce sont 84 emplois qui sont d’ores et déjà prévus au titre de la prise en charge éducative en milieu ouvert. Ce volontarisme affiché en termes de recrutement est toutefois confronté à l’enjeu de l’attractivité des métiers. L’amendement n° II-976 vise à créer 100 emplois supplémentaires, mais encore faudrait-il qu’ils soient pourvus, la PJJ nous ayant indiqué que le nombre d’inscrits aux concours était en baisse.

L’amendement n° II-1379 vise à augmenter de 5 millions d’euros les crédits alloués à la justice judiciaire afin, notamment, de remédier à la carence en matériels.

Les crédits de paiement du programme 166, « Justice judiciaire », s’élèvent à 3, 7 milliards d’euros pour 2021, soit une augmentation de 208 millions d’euros par rapport à 2020. Les moyens de fonctionnement augmenteraient ainsi de 10 millions d’euros, afin d’adapter les modes d’organisation judiciaires aux enjeux numériques.

La hausse de crédits que vous proposez, madame de La Gontrie, ne me semble pas nécessaire pour le moment. Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut j’y serai défavorable.

L’amendement n° II-795 rectifié a pour objet d’augmenter de 2, 7 millions d’euros les crédits alloués aux bracelets anti-rapprochement. La mise en place du BAR permettra de déterminer en temps réel la position du porteur du bracelet par rapport à celle de la personne protégée, grâce aux dispositifs de géolocalisation remis à chacun. Une projection de 1 000 BAR est prévue à l’issue de la première année de fonctionnement.

La dotation prévue pour assurer le financement de la mesure s’élève à 4, 7 millions d’euros en 2021. Elle sera complétée par une contribution du fonds pour la transformation de l’action publique à hauteur de 2, 7 millions d’euros. L’augmentation des crédits proposée étant satisfaite, la commission est défavorable à l’amendement.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° II-793 rectifié, les crédits concernant la sécurisation des sites sont en hausse de 10 % par rapport à 2020 : ils atteignent 63, 7 millions d’euros en 2021, contre 58 millions d’euros en 2020. Cette hausse de 5, 6 millions d’euros semble suffisante. Je vous demande donc, madame Boyer, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

S’agissant des amendements identiques n° II-975, II-1021 rectifié et II-1383, j’ai indiqué en propos liminaire que le budget de 2021 porte une dynamique en matière d’aide juridictionnelle, avec une progression des crédits de 10 %. Ce sont 50 millions d’euros de plus qui lui sont consacrés.

Cet effort permettra de financer les effets progressifs d’une nouvelle revalorisation des rétributions versées aux avocats, à hauteur de 50 millions d’euros par an en régime permanent. La moitié de cet effort est affectée à une revalorisation du montant de l’unité de valeur, qui passe de 32 à 34 euros, et l’autre moitié à une revalorisation ciblée du barème de rétribution, afin, notamment, de mieux indemniser le recours à la médiation.

Puisque les 100 millions d’euros recommandés dans le rapport Perben ont été évoqués, je signale que celui-ci ne précise pas s’ils doivent être versés en une fois. Comme je l’ai dit, la hausse budgétaire de 50 millions d’euros est une première marche.

L’amendement déposé par le Gouvernement pour revaloriser le montant de l’unité de valeur a en outre introduit une réforme de la commission d’office, afin de sécuriser la rétribution des avocats commis d’office lorsqu’ils interviennent en urgence, sans garantie de pouvoir être rétribués par le client.

Il s’agit, j’y insiste, d’une première étape solide, tangible, crédible, qui doit permettre d’enclencher un processus essentiel de réflexion sur la modernisation de la profession d’avocat, avec tous les acteurs concernés.

Dans un tel contexte, ces trois amendements perdent de leur pertinence, d’où un avis défavorable du Gouvernement.

À travers votre amendement n° II-1378, madame la sénatrice de La Gontrie, vous proposez d’augmenter les recrutements de magistrats et de fonctionnaires en 2021.

Des recrutements sont déjà prévus au PLF pour 2021 au titre de la loi de programmation pour la justice : 50 magistrats, 30 directeurs de service de greffe, 50 juristes assistants, 100 greffiers.

Les effectifs de magistrats et de fonctionnaires recrutés en 2021, ayant à suivre une scolarité de 31 mois pour les magistrats, de 18 mois pour les fonctionnaires de greffe, ne seront pas affectés en juridiction immédiatement.

Ce que j’ai décidé, après m’être rendu en juridiction à la suite de ma nomination, c’est qu’il fallait au plus vite combler les vacances de postes parmi les agents de greffe. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la justice de proximité, j’ai proposé un recrutement exceptionnel de personnels contractuels qualifiés, très rapidement mobilisables, à hauteur de 914 emplois.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Ce recrutement est sur le point de s’achever et l’ensemble de ces personnels sera en activité en juridiction d’ici à la fin de l’année.

Comme je l’ai indiqué dans mes propos liminaires, je ne préfère pas le contrat au statut. Ma préférence va à une réponse rapide, compte tenu de l’urgence actuelle, que vous avez soulignée, madame la sénatrice. Il faut apporter, sans attendre, un soutien au service public de la justice !

Enfin, au-delà du remplacement de tous les départs à la retraite, les créations nettes d’emplois dans les services judiciaires s’établiront sur le quinquennat à 1846.

En conséquence, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° II-1378.

J’en viens aux amendements identiques n° II-205 rectifié bis, II-473 rectifié bis, II–1020 rectifié bis et II-1382.

La généralisation des enquêtes sociales rapides prévue dans le « bloc peine » entraîne pour 2021 une augmentation de l’ordre de 37 000 enquêtes du volume qu’auront à traiter les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et les associations habilitées. Pour absorber cet accroissement, il a été décidé un renfort de 51 effectifs au profit des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, les CPIP.

Pour les services judiciaires, l’impact de la généralisation des ESR avoisine 1, 55 million d’euros et pourrait être absorbé par l’augmentation significative des moyens alloués à l’action n° 02, Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales, du programme 166, « Justice judiciaire ».

La mobilisation nécessairement accrue des associations qui mènent ces enquêtes sociales rapides m’a conduit à engager des discussions avec elles, notamment avec la principale d’entre elles, l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale. Nous pouvons donc débattre de la revalorisation des tarifs des ESR, dont la dernière remonte à 2008, mais je souhaite que nous laissions la concertation se tenir au préalable.

C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements identiques.

Son avis est également défavorable sur les amendements identiques n° II-312 rectifié bis et II-430 rectifié ter.

S’agissant de l’amendement n° II-977, la justice de proximité, déclinée au civil et au pénal – et je n’oublie pas le civil –, est une priorité de mon ministère et des moyens massifs ont été obtenus. Je les rappelle : 914 emplois de contractuels, 13, 1 millions d’euros pour favoriser le recours à des magistrats honoraires, à des magistrats à titre temporaire, et ainsi atteindre la limite maximale de 300 vacations ; 28 millions d’euros au titre de la mobilisation accrue des délégués du procureur, qui sont payés sur frais de justice ; 4 millions d’euros pour le fonctionnement courant correspondant aux créations d’emplois.

Les moyens déployés pour renforcer la justice de proximité sont donc extrêmement importants et ambitieux.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° II-977, étant précisé que l’attribution d’une enveloppe fixe de crédits à chaque tribunal judiciaire, indépendamment de sa taille, ne me paraît évidemment pas de nature à permettre une bonne allocation des ressources. À l’opposé, c’est juridiction par juridiction que nous avons soupesé les moyens nécessaires, et qui seront alloués dès le 1er janvier prochain.

Par ailleurs, le budget de la justice des mineurs et, plus particulièrement, celui de la protection judiciaire de la jeunesse sont une de mes préoccupations prioritaires. Les crédits de personnel, fixés à 555 millions d’euros pour 2021, sont en augmentation de 18, 5 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020.

Dans ces conditions, je partage l’avis de la commission et émets un avis défavorable sur l’amendement n° II-976.

Madame de La Gontrie, sur l’amendement n° II-1379, je vais apporter une réponse détaillée. On a dit à la tribune que le ministère de la justice était un grand usager de La Poste et des lettres recommandées… Permettez-moi tout de même, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous apporter quelques précisions utiles, valant peut-être mieux que les approximations que j’ai pu entendre tout à l’heure.

La dotation en équipements informatiques a été adaptée aux besoins des utilisateurs au sein des juridictions, notamment des personnels de greffe. Durant la crise, madame la sénatrice, 1 500 ultraportables ont été déployés dans les juridictions afin de rendre possible le travail à distance pour les activités prévues dans le plan de continuité d’activité, le fameux PCA. Depuis la reprise, 3 500 nouveaux postes ont été commandés ; leur distribution a commencé au mois d’octobre 2020.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Je vous invite à la chancellerie, monsieur le sénateur. Vous aurez les chiffres précis. Plutôt que de plaisanter et de faire rire certains de vos collègues – pourquoi pas, un peu d’humour à cette heure, ça n’est jamais désagréable ! –, vous verrez les progrès que nous sommes en train d’accomplir. Ce n’est pas une promesse en l’air ! Venez à la Chancellerie, nous en reparlerons ensemble et les services vous diront exactement ce que nous avons fait.

Mais permettez-moi pour l’instant de poursuivre…

Ces 3 500 nouveaux postes, commandés depuis la reprise et distribués depuis octobre, seront tous déployés dans le courant du mois de décembre.

Au total, les services judiciaires seront équipés de 18 120 portables. Ce n’est pas rien ! Le taux d’équipement est en progression permanente et nous y accordons une très grande attention. Sur un effectif de 29 530 magistrats et fonctionnaires, il atteindra 61 % à l’issue de cette nouvelle dotation.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Rien n’est jamais rien pour certains, madame la sénatrice ! De véritables efforts ont été consentis, et certains magistrats et greffiers – avec qui je communique presque quotidiennement – se félicitent de l’évolution de la situation. Bien sûr, on ne peut pas contenter tout le monde… Je ne pense pas que quelque pouvoir que ce soit y soit un jour parvenu !

Ce budget est tout de même exceptionnel et nous faisons, avec ce budget exceptionnel, tout ce que nous pouvons pour soulager la justice de notre pays.

Ce taux d’équipement tient aussi compte du fait que certaines activités des greffes ne peuvent donner lieu à du télétravail, comme le service d’accueil physique du justiciable, par exemple.

Les services numériques de la Chancellerie travaillent par ailleurs sur une évolution des nouvelles unités portables, qui permettra d’en mutualiser l’usage entre plusieurs agents, tout en maintenant le niveau de sécurité.

C’est la fierté de la Chancellerie, et ma fierté, d’avoir demandé à la justice de poursuivre son œuvre dans ces temps difficiles. Deux raisons à cela, madame la sénatrice : d’abord, il fallait dire à quel point la justice est essentielle – un terme parfois galvaudé – ; ensuite, ce qui n’est pas fait reste à faire et les justiciables étaient, plus que jamais, peut-être, en attente de justice.

Pour ces raisons, je suis évidemment défavorable à l’amendement n° II-1379.

S’agissant de l’amendement n° II-795 rectifié, les dépenses liées au développement et au déploiement du bracelet anti-rapprochement s’établissent à 3 millions d’euros en 2020. Le choix d’intégrer ce dispositif au sein de la plateforme technique de la surveillance électronique a permis à l’État de bénéficier d’une mutualisation des moyens et de sécuriser son calendrier prévisionnel de déploiement à la fin du mois de septembre 2020.

À partir de 2021, la dépense récurrente devrait s’établir à 7, 4 millions d’euros par an pour 1 000 mesures actives, en moyenne, sur l’année : 4, 2 millions d’euros pour la téléassistance et la location des équipements et 3, 2 millions d’euros pour le système d’information.

Le PLF pour 2021 prévoit donc 4, 7 millions d’euros au titre du financement du dispositif, financement complété par une contribution de 2, 7 millions d’euros, cela a été rappelé, du fonds pour la transformation de l’action publique. Cette contribution a été obtenue jusqu’en 2022, soit pour les deux prochains exercices budgétaires. Sur la base d’une évaluation du dispositif, la ressource sera ajustée aux besoins pour les années suivantes.

La demande étant déjà satisfaite, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement n° II-795 rectifié ou, à défaut, émettra un avis défavorable.

Enfin, la sécurité des établissements pénitentiaires et de leurs personnels constitue évidemment une priorité, à laquelle le ministère de la justice consacre d’importants moyens, en constante progression. Alors qu’ils représentaient 40, 6 millions d’euros en 2017, ces moyens s’élèvent à 63, 7 millions d’euros en 2021, soit, comme je l’ai rappelé dans mes propos liminaires, une hausse de 60 % en quatre ans et de 9, 6 % entre 2020 et 2021.

Les crédits permettent de financer, notamment, la poursuite de la rénovation de la vidéosurveillance, avec la sécurisation périmétrique des établissements, la lutte contre les drones malveillants ou encore le déploiement de systèmes de brouillage des communications illicites.

Si l’on ajoute les crédits en faveur du renseignement pénitentiaire – 5, 9 millions d’euros –, l’enveloppe globale atteint près de 70 millions d’euros.

S’agissant plus particulièrement du développement des unités cynotechniques, la première d’entre elles au sein de l’administration pénitentiaire a été créée en 2006 dans le ressort de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris, permettant de disposer de moyens efficaces de recherche de produits stupéfiants, de monnaie fiduciaire, d’armes, de munitions ou de substances explosives. Deux nouvelles bases ont ensuite été mises en place : l’une à Toulouse en 2011 et l’autre à Lyon en 2015.

Une quatrième base est en cours de création à Rennes. Le choix du terrain a été arrêté voilà quelques mois et les études de programmation sont en voie de finalisation, pour un lancement du concours dans les jours à venir. Le financement de ce projet, très attendu de l’administration pénitentiaire, est assuré sans besoin d’un abondement supplémentaire.

Au vu des efforts réalisés et des investissements engagés, qui rejoignent vos préoccupations, au demeurant légitimes, madame la sénatrice Valérie Boyer, le Gouvernement demande le retrait de votre amendement n° II-793 rectifié. À défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mon explication de vote vaudra pour l’ensemble des quinze amendements, ce qui nous fera gagner du temps.

Monsieur le ministre, vous avez défendu votre texte pied à pied, amendement après amendement, et vous avez fait, en cela, le travail d’un ministre. Mon propos s’adresse donc à notre excellent rapporteur spécial, M. Antoine Lefèvre, que j’ai connu, en certaines périodes, un peu plus nuancé.

J’observe en effet que le rapporteur spécial de la commission des finances se trouve devant quinze amendements émanant de différents groupes, sur toutes les travées de cet hémicycle, et qu’aucun de ces quinze amendements ne lui semble présenter un intérêt.

Ce n’est pas le fait du Gouvernement, il est là pour défendre son texte. Mais pourquoi la commission des finances – je me permets de poser la question publiquement – a-t-elle cette idée que tout est si bien dans le dispositif proposé que pas le moindre petit amendement ne trouve grâce à ses yeux ?

Cela me fait penser à ce livre célèbre de Voltaire, Candide, dans lequel le personnage de Pangloss ne cesse de dire que tout est bien. Comme tout est bien, … tout est bien et, donc, il n’y a plus rien à dire !

Je ne comprends pas, monsieur le rapporteur spécial, ou alors, peut-être, et je prends un risque en disant cela – mais tant pis, la vie est courte –, la commission des finances a-t-elle pu intégrer que tout était parfait dans cette partie du texte…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Je me permettrai également, monsieur le président, de faire un commentaire sur l’ensemble des amendements présentés.

À travers plusieurs d’entre eux, on appelle en fait à ajouter un peu de sucres lents aux sucres rapides ! Ces derniers sont une bonne chose, mais l’important, me semble-t-il, est de prévoir l’avenir.

Je peux comprendre qu’on le fasse, non pas sur ce budget-ci, mais sur celui de l’année prochaine. Néanmoins, a-t-on prévu de former un nombre légèrement plus élevé de magistrats pour tenter de rattraper ne serait-ce que la moyenne européenne en termes d’effectif de magistrats ? S’agissant du taux de 7 % de vacances de postes parmi les greffiers, ne croyez-vous pas, monsieur le garde des sceaux, que le niveau de revenus, comparé au niveau d’études exigé, est une des causes de la désaffection pour ce métier ?

Par ailleurs, je salue clairement le déploiement d’équipements informatiques – d’ailleurs, le mot « ultraportables » me fait sourire : il n’y a que dans votre ministère qu’on l’emploie ; chez nous, ont dit simplement « portables » !

En revanche, vous n’avez pas répondu sur la question des applicatifs. Il y a, je crois, une maladie française à vouloir toujours créer des usines à gaz en matière informatique, pour faire mieux que les autres. Ce qu’il faudrait, c’est un changement de philosophie, une orientation vers plus de légèreté, de mobilité et de fluidité.

Il faudrait déjà faire en sorte que les uns puissent travailler avec les autres, car c’est ce qui bloque. Quand les juges des tribunaux de commerce ne peuvent pas obtenir une adresse mail « justice.fr », mais sont obligés de créer leur propre adresse mail pour pouvoir fonctionner, on se dit tout de même que quelque chose ne va pas !

Il faut donc trouver une certaine légèreté au niveau de l’informatique, ce qui, probablement, permettrait d’aller plus vite.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je mets aux voix les amendements identiques n° II-975, II-1021 rectifié et II-1383.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je mets aux voix les amendements identiques n° II-205 rectifié bis, II-473 rectifié bis, II-1020 rectifié bis et II-1382.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je mets aux voix les amendements identiques n° II-312 rectifié et II-430 rectifié ter.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Je souhaite brièvement intervenir sur l’amendement n° II-795 rectifié de ma collègue Valérie Boyer, que j’ai cosigné.

Je commencerai par rappeler des souvenirs à toutes mes collègues qui sont présentes sur ces travées, en évoquant nos discussions autour de la proposition de loi d’Aurélien Pradié.

Voilà quelques semaines, monsieur le ministre, je vous ai interpellé dans un couloir sur la question : certes, on a mis les moyens sur les bracelets anti-rapprochement, mais il a fallu beaucoup de temps pour que ces bracelets soient déployés dans les juridictions.

Le rêve de la délégation aux droits des femmes, ce serait d’avoir, comme en Espagne, des juridictions spécialisées sur les violences faites aux femmes. Je sais que ce n’est pas simple, mais voyons aussi combien il a été compliqué de réduire le délai de délivrance des ordonnances de protection ou d’améliorer la procédure de dépôt de plainte et, ensuite, la protection des femmes sur le plan judiciaire.

Au-delà des moyens, donc, il faudra que tout suive sur le terrain !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

J’ai bien compris vos explications, monsieur le ministre. Néanmoins, cette question du bracelet anti-rapprochement, qui nous vient d’Espagne, m’évoque un proverbe espagnol : « Par le chemin “Plus tard”, on arrive toujours à la place “Jamais”. »

Nous n’en sommes pas à la place « Jamais » s’agissant de ce bracelet anti-rapprochement. Mais, comme vient de le rappeler ma collègue Laure Darcos, il a fallu beaucoup de temps pour que l’on voie arriver dans les juridictions ce dispositif, qui existait de façon expérimentale depuis la loi de Guy Geoffroy, mais qui n’était malheureusement pas entré en vigueur. Et c’est du modèle espagnol, bien évidemment, que nous nous sommes inspirés.

J’avoue que je ne comprends pas pourquoi, aujourd’hui, il faudrait attendre la contribution de 2, 7 millions d’euros du fonds pour la transformation de l’action publique et ne pas inscrire dans le PLF, dès à présent, les 6 millions d’euros de crédits en faveur du bracelet anti-rapprochement.

Cela me rappelle les débats que j’avais eus avec votre prédécesseure, Mme Nicole Belloubet, au sujet de l’autorité parentale. Elle me répétait toujours que les amendements étaient satisfaits, que l’on verrait plus tard, voire que c’était inconstitutionnel… Il a fallu attendre la commission mixte paritaire et l’intervention du Sénat, parce que ce débat nous avait été refusé à l’Assemblée nationale, pour que l’autorité parentale d’un conjoint violent puisse être suspendue, pour résumer grossièrement la situation.

Vraiment, je ne vois pas pourquoi les crédits pour le bracelet anti-rapprochement ne sont pas d’ores et déjà inscrits dans la loi budgétaire. Vous dites que l’amendement est satisfait ; moi, je comprends votre explication, mais elle ne me satisfait pas ! C’est pourquoi je maintiens l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Notre collègue Laure Darcos a parfaitement raison de rappeler les débats ayant eu lieu dans cet hémicycle, au moment de l’adoption de la proposition de loi d’Aurélien Pradié, texte qui, au travers d’une réflexion transpartisane, avait permis de trouver un accord sur la question du bracelet anti-rapprochement ou encore sur celle de l’ordonnance de protection.

Pour notre part, nous montrerons notre absence de sectarisme en votant l’amendement présenté par Valérie Boyer et Laure Darcos, car les chiffres avancés à l’époque, et qui annonçaient bien évidemment le déploiement en année pleine, n’ont pas été respectés. Pendant ce temps, des femmes meurent !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Il est donc important de voter ces crédits aujourd’hui.

Je trouve d’ailleurs assez étonnant, mes chers collègues de la majorité, qu’un grand nombre d’entre vous s’opposent à des amendements allant pourtant pleinement dans le sens des rapports élaborés par des membres de votre propre majorité à l’occasion de l’examen de cette mission budgétaire. Mais j’aurai toute la nuit pour réfléchir à cette situation étrange…

Toujours est-il que nous voterons l’amendement n° II-795 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je mets aux voix l’amendement n° II-795 rectifié.

Madame Boyer, l’amendement n° II-793 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-793 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-827 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

dont titre 2

Administration pénitentiaire

dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Je remercie mes collègues pour les arguments développés à l’occasion de l’examen de l’amendement précédent. Effectivement, cette cause est transpartisane.

Le présent amendement traite aussi des violences conjugales.

Lorsque les femmes qui en sont victimes dénoncent les violences qu’elles subissent, elles ont besoin d’être crues et prises au sérieux. Créer un cadre bienveillant et protecteur est indispensable pour permettre aux victimes de signaler les faits. Il s’agit de mettre fin à la culture du doute, qui prévaut souvent, et de lui substituer une « présomption de crédibilité », comme le rappelle le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes – c’est à lui que nous devons cette belle expression.

Il doit en être de même pour le parcours des victimes. Les unités médico-judiciaires, ou UMJ, assurent, sur demande de la justice, les examens médico-légaux des personnes majeures ou mineures victimes de violences. La finalité de l’examen est la rédaction d’un certificat médical descriptif des lésions physiques ou du retentissement psychologique, avec la détermination d’une incapacité totale de travail, ou ITT, au sens pénal.

Pourtant le Grevio, le Groupe d’experts sur la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique, nous alerte sur les freins rencontrés par les femmes, du fait, à la fois, de la nécessité d’un dépôt de plainte préalable pour pouvoir accéder à une UMJ et de l’absence de couverture complète du territoire par ces unités, certains départements en étant encore dépourvus. On se retrouve un peu dans la même situation que pour le bracelet anti-rapprochement, avec, à ma connaissance, une quarantaine d’UMJ pour 101 départements.

Cet amendement s’inscrit donc dans la lignée des recommandations de renforcement des moyens budgétaires dédiés. Cela permettrait de garantir la présence d’au moins une UMJ, avec des médecins légistes et d’autres professionnels de santé, tels que des infirmières spécialisées, par département et la conservation d’éléments de preuve, même si la victime ne souhaite pas porter plainte, en tout cas dans un premier temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Prudence…

Je me contenterai simplement de rappeler que les crédits du programme « Justice judiciaire » s’élèvent à 3, 7 milliards d’euros, soit une augmentation de 208 millions d’euros par rapport à 2020. Avec une enveloppe supplémentaire de 20 millions d’euros, cette demande est satisfaite et j’exprimerai un avis défavorable sur l’amendement.

J’en profite tout de même pour répondre à M. Jean-Pierre Sueur, qui m’a gentiment interpellé – et j’ai apprécié le compliment.

Vous fûtes effectivement mon président de la commission des lois, monsieur Sueur, mais j’ai depuis rejoint la commission des finances. Le regard que je peux avoir, aujourd’hui, sur ce PLF est donc quelque peu différent.

Depuis que je suis rapporteur spécial de la mission « Justice », voilà plus de quatre ans maintenant, nous réclamons sur les nombreuses travées de cette assemblée des augmentations significatives des crédits budgétaires. C’est ce que nous offre ce budget !

Certes, tout n’est pas parfait et vous avez pu les uns et les autres, mes chers collègues, exprimer des regrets. Néanmoins la situation évolue dans le bon sens, dans le contexte actuel des finances publiques.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Madame la sénatrice, il ne faut pas tout confondre. Après l’acquittement de Georges Tron, Mme Méadel, membre du Gouvernement sous François Hollande, avait souhaité que l’on inversât la charge de la preuve : une telle décision serait une hérésie juridique ; en tout cas, elle serait âprement discutée sur le terrain constitutionnel.

Au demeurant, ce n’est pas un sujet d’ordre budgétaire et ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici, même si c’est ce que j’ai entendu à travers vos propos. La question est celle des moyens.

Le Gouvernement s’est totalement investi dans la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences sexistes. Il a mis en place et multiplié les bracelets anti-rapprochement. Il a étendu le téléphone grave danger. Il a développé les ordonnances permettant d’éloigner les maris violents du domicile conjugal, tant en matière civile qu’en matière pénale.

En outre, le ministère s’attache à établir des partenariats entre les préfets, le monde hospitalier, le monde judiciaire et les enquêteurs : les victimes doivent d’abord être soignées, entendues par un psychologue et un membre des services sociaux. Parfois, elles renoncent à déposer une plainte, car elles ne savent pas à qui confier leurs enfants en partant, le soir.

Les policiers ou, en milieu rural – comme au Cateau-Cambrésis, où je me suis rendu –, les gendarmes interviennent ensuite, puis le procureur : le processus judiciaire s’enclenche, qui entraîne l’intervention d’un avocat. C’est l’ensemble de ce cheminement que nous nous efforçons de développer.

Quand nous connaîtrons les chiffres, ils feront bien sûr frémir, car beaucoup de femmes tombent encore sous les coups de leurs compagnons. Mais je suis déjà en mesure de vous le dire : grâce aux efforts de tout le monde, ce ne seront pas, tant s’en faut, ceux que vous avez évoqués. Au demeurant, pour paraphraser le Président Giscard d’Estaing, comme l’a fait M. Sueur, personne n’a le monopole du cœur !

En présentant votre amendement, vous avez évoqué plus précisément la présomption de crédibilité. Dans le cadre de l’augmentation des crédits dédiés aux frais de justice, le programme 166, « Justice judiciaire », obtient déjà, au titre du projet de loi de finances pour 2021, des moyens supplémentaires très significatifs, à hauteur de 20 millions d’euros. Ces crédits seront consacrés à la médecine légale, au développement et à l’amélioration de l’accueil des victimes au sein des unités médico-judiciaires, dont – je le répète – le maillage territorial sera renforcé.

L’objet de votre amendement me paraît donc satisfait, au-delà même de votre demande, et le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Monsieur le garde des sceaux, je comprends tout à fait vos remarques et je vous remercie de votre réponse au sujet des unités médico-judiciaires.

Tout le monde ici a salué les efforts dont bénéficie le budget de la justice. Nous nous en réjouissons tous : c’est de l’argent public bien employé, même si la justice reste le parent pauvre des budgets régaliens et du projet de loi de finances tout entier. Je le répète, elle reçoit 4 euros pour 1 000 euros d’argent public dépensé ; même si l’on passe à 4, 5 euros ou 5 euros, cette part reste extrêmement faible.

En l’occurrence, le Gouvernement revendique cette priorité. Bien sûr, je me réjouis des efforts accomplis. Mais, à ma connaissance, on ne dénombre aujourd’hui qu’une quarantaine d’UMJ pour 101 départements. Comment peut-on se satisfaire de ce chiffre ? Une telle carence ne peut qu’entraver les nombreux efforts consentis !

C’est tout le sens de mon amendement, que je me dois de maintenir. On ne peut pas accepter une telle inégalité territoriale, d’autant qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible. Mme de La Gontrie l’a rappelé il y a un instant : des femmes meurent sous les coups de leur conjoint. Cette année, on déplore déjà 145 victimes. Il y a aussi des hommes et des enfants qui meurent. Les unités médico-judiciaires sont absolument indispensables !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Monsieur le garde des sceaux, je vous le dis solennellement : vous venez de déraper.

Vous avez fait référence à l’affaire Georges Tron. Sauf que, dans cette affaire, vous étiez l’avocat de Georges Tron.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Et alors ? Il semble que le Premier ministre a dû vous rappeler qu’il ne fallait pas mélanger votre passé d’avocat et votre présent de ministre de la justice.

Lors de ce procès, vous avez tenu des propos qui éclairent peut-être votre position d’aujourd’hui. Vous disiez ainsi : « Il y a des hommes qui aiment le pouvoir, il y a des femmes qui aiment le pouvoir : c’est comme ça. » Vous traitiez les parties civiles de « manipulatrices » et d’« incohérentes ».

Je le rappelle une fois de plus : ici, nous défendons la cause des femmes de manière transpartisane. Votre passé d’avocat vous appartient, mais, aujourd’hui, vous êtes garde des sceaux. Vous n’avez pas à faire référence à ce passé, qui plus est dans une affaire qui a été jugée, pour éclairer votre refus d’aujourd’hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Nous voterons l’amendement de notre collègue Valérie Boyer. Certes, des mesures ont été mises en place, des efforts ont été accomplis, mais nous sommes très loin de ce qu’il faudrait faire pour résoudre cet immense problème.

Bien sûr, nous commençons seulement à nous y attaquer. Mais, pour avancer efficacement, nous devons avant tout faire les bons diagnostics. Il s’agit de reconnaître les préjudices et les blessures subis par ces victimes, qui, la plupart du temps, sont des femmes. Leur témoignage ne doit pas être sujet à caution : il faut donc avant tout assurer la reconnaissance des faits et il est essentiel d’agir avec la plus grande précision !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Je tiens à relayer la demande de Valérie Boyer. Notre collègue a cité le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) ; au-delà des femmes, il y a les enfants et, pour ma part, je pourrais citer Stop aux violences sexuelles ou La Voix de l’enfant. Ces structures ont beaucoup œuvré pour que l’on puisse accueillir les enfants et recueillir leur parole ailleurs que dans un commissariat ou une gendarmerie. Depuis très longtemps, l’ensemble des associations demandent un lieu dédié par département : il est tout à fait légitime d’exiger 101 unités médico-judiciaires !

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

J’ai entendu des propos déplacés au sujet de mon passé d’avocat : c’est trente-six ans de ma vie et, n’en déplaise à certains, j’ai une certaine autorité pour parler de questions judiciaires.

Où est le rapport entre ce que je viens de dire et le décret pris lorsque je suis arrivé place Vendôme ? Je n’en vois aucun et je n’entends pas entrer dans cette polémique, que je ne trouve pas d’une grande hauteur de vue.

Madame Boyer, 31 structures hospitalières dédiées existent au niveau régional, auxquelles s’ajoutent les 41 unités médico-judiciaires départementales. Évidemment, il faut poursuivre l’effort dans le cadre de partenariats dans l’ensemble des territoires. Cela étant, je tenais à vous communiquer les chiffres exacts.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-799 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat et H. Leroy, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary et Somon, Mme Berthet, MM. Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

dont titre 2

Administration pénitentiaire

dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Mes chers collègues, il s’agit encore des violences faites aux femmes ; mais, face à ce fléau, il y a tant à faire !

La société doit exercer un contrôle sur l’agresseur en recourant aux différents outils judiciaires de protection des femmes victimes de violences conjugales.

Aucune violence révélée, et ce dès les premiers faits de violence, ne doit rester sans réponse pénale. Les outils judiciaires de protection existent, comme l’éviction du domicile du partenaire – ou de l’ex – violent, l’ordonnance de protection, le téléphone grave danger ou encore la comparution immédiate, mais ils sont encore insuffisamment utilisés. Nous tous ici espérons que l’augmentation des moyens budgétaires permettra de mettre en œuvre tous ces dispositifs.

À ce titre, je soutiens pleinement la délégation aux droits des femmes, que préside Annick Billon et dont plusieurs membres sont présents ce soir, dont Laure Darcos : un effort est nécessaire pour garantir la cohérence des réponses pénales face aux violences conjugales.

La sensibilisation des magistrats est à l’œuvre, comme le suivi de l’activité des parquets. La spécialisation des magistrats en matière de violences est amorcée : à cet égard, je salue le travail mené par l’École nationale de la magistrature (ENM) pour la formation des magistrats. Aujourd’hui, de véritables actions de formation sont engagées : leur but est de toucher le plus grand nombre de magistrats pour mieux lutter contre les violences au sein des familles et, en particulier, au sein du couple.

Personnalité très engagée dans ce combat, l’ancien procureur de Douai a été auditionné par l’Assemblée nationale et par le Sénat. S’il se félicite des lois votées par le Parlement, il déplore le manque de moyens permettant de vérifier que ces nouvelles dispositions sont correctement appliquées. Il considère par exemple que « beaucoup de magistrats n’ont pas encore pris en compte l’importance de ce sujet, malgré les formations ».

C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à attribuer davantage de moyens à la formation des magistrats, notamment pour créer des modules de formation continue relatifs aux violences conjugales.

Dans le rapport qu’il a consacré à cette question, le HCEfh pointe la nécessité d’une telle formation. Je le répète, aujourd’hui, l’ENM fait déjà beaucoup efforts en ce sens à destination des élèves magistrats. Néanmoins, la formation continue des magistrats est absolument nécessaire. Surtout, la formation dédiée aux violences au sein des couples doit faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation précis.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Cet amendement vise à allouer 5 millions d’euros supplémentaires à la formation des magistrats.

Cette formation initiale et continue est assurée par l’ENM, qui bénéficie déjà d’une subvention de 33, 2 millions d’euros : une augmentation de crédits ne me paraît pas nécessaire. La formation suggérée existe bien et elle est financée par cette dotation. J’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Madame la sénatrice, depuis plus d’un an, un partenariat s’est noué entre l’ENM et la haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes, Mme Isabelle Rome. Il a pour ambition de renforcer les formations dédiées à la lutte contre les violences faites aux femmes et, en particulier, contre les violences commises au sein du couple.

Peut-être le savez-vous déjà : ces sessions sont ouvertes, non seulement aux magistrats, mais aussi aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), aux officiers de police judiciaire, aux avocats et aux représentants des associations. Le but est de diffuser largement ces enseignements et de créer, ou de renforcer, les synergies locales.

Dès lors, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Depuis quelques années, je suis membre de la délégation aux droits des femmes et je comprends tout à fait la démarche de notre collègue Valérie Boyer. Il s’agit d’une grande cause et d’un combat permanent. Toutefois, même si l’on a redoublé d’efforts ces derniers temps, on éprouve encore souvent un sentiment d’impuissance. De nombreux acteurs sont concernés ; M. le garde des sceaux a souligné avec raison qu’il s’agit d’un travail collectif.

Je comprends également l’avis de M. le rapporteur spécial. Il ne faut pas perdre de vue la technique budgétaire et la mécanique comptable : ce transfert de 5 millions d’euros peut avoir des conséquences. Mais, en parallèle, nous toutes et tous sommes particulièrement sensibles aux enjeux humains, d’autant qu’il s’agit de sujets extrêmement graves.

Au-delà des magistrats, l’effort de formation doit s’étendre aux forces de sécurité, gendarmes et policiers, aux travailleurs sociaux et à l’ensemble des partenaires susceptibles d’intervenir au titre de la prévention.

Il s’agit donc d’un réel dilemme. Pour ma part, je voterai cet amendement !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-802 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Lassarade, Belrhiti, Drexler et Deromedi, MM. Bouloux, Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, MM. Pellevat, H. Leroy et Somon, Mme Berthet, MM. Gremillet, Meurant et Klinger, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Garriaud-Maylam, MM. Piednoir et Longuet et Mme de Cidrac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

dont titre 2

Administration pénitentiaire

dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Mes chers collègues, je vous présente un dernier amendement, qui a lui aussi pour objet les violences physiques et sexuelles.

Les associations nous alertent souvent. Elles insistent sur leur manque de moyens et, à cet égard, le Grenelle des violences conjugales s’est soldé par une grande frustration pour elles. Elles se sont senties lésées par les faibles crédits qui leur ont été attribués.

Le Sénat débat souvent de l’application des lois. Régulièrement – ce soir encore –, nous parlons de la formation des policiers, des gendarmes et des magistrats ; nous parlons des centres d’hébergement ; mais nous ne parlons que très rarement des hommes et des femmes qui s’engagent bénévolement pour protéger, conseiller et accompagner les victimes.

Ces bénévoles sont remarquables. Nombre d’entre nous avons eu le privilège de les rencontrer et de suivre leur action quotidienne, non seulement dans le cadre des travaux parlementaires, mais aussi sur le terrain, pour élaborer nos propositions dans ce domaine.

Tous ces militants associatifs méritent nos remerciements, nos félicitations et notre considération : à travers cet amendement, je leur exprime toute notre gratitude.

Vous le savez, entre autres conséquences dramatiques, le confinement a entraîné la recrudescence des violences au sein des familles et notamment des violences faites aux femmes. Elles sont commises au domicile conjugal, cet endroit où l’on devrait être protégé, mais qui, pour certaines familles, devient le lieu de tous les dangers.

Les chiffres officiels ont été révélés la semaine dernière et ils sont édifiants : dans les zones de gendarmerie, les signalements ont augmenté de 32 %. À Paris, ils ont bondi de 36 % : cette progression est considérable.

Quand le confinement se transforme en piège mortel, les femmes victimes peuvent se tourner vers les associations, qui tentent de leur venir en aide malgré les mesures sanitaires et malgré la distanciation sociale. Cet amendement vise donc à accroître les crédits dédiés à l’aide aux victimes, notamment pour soutenir davantage les associations qui secourent les victimes de violences conjugales.

Bien sûr, tous mes amendements sont gagés, mais la nature du gage importe peu : nous demandons simplement un transfert de crédits pour que cette mission soit mieux satisfaite !

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Cette action bénéficie déjà d’un effort important : ses crédits augmentent de 3, 3 millions d’euros. J’émets donc de nouveau un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Madame la sénatrice, les crédits dédiés à l’aide aux victimes d’infraction pénale progressent déjà de 3, 3 millions d’euros, soit 11, 4 %. J’émets, moi aussi, un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-1380, présenté par M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Durain, Leconte, Kerrouche, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits de programme :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

dont titre 2

Administration pénitentiaire

dont titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement traite d’un sujet très important.

Mes chers collègues, la corruption transnationale représente 20 % à 40 % de l’aide mondiale au développement. Certains pays pauvres sont honteusement pillés par de prétendues élites : ces notables détournent les aides internationales à leur profit pour s’acheter de nombreux biens, à Paris, sur la Côte d’Azur ou ailleurs.

Le Sénat a voté l’année dernière, sur mon initiative, une proposition de loi pour faire face à ce fléau. En vertu de ce texte, adopté à l’unanimité, les biens dont il s’agit doivent aller aux populations spoliées lorsque la justice impose leur restitution. Mme Amélie de Montchalin, qui représentait le Gouvernement lors de cette discussion, s’était engagée à ce que la question soit réglée à la faveur du projet de loi de finances pour 2020.

L’Assemblée nationale a décidé de consacrer un rapport à cette question : elle a désigné deux rapporteurs, qui ont abouti exactement aux mêmes conclusions que moi. Mais, depuis, rien n’a changé.

Monsieur le garde des sceaux, comme je vous l’ai dit, j’ai sollicité un rendez-vous auprès de votre ministère et je serais très heureux que vous nous receviez pour débloquer la situation.

Dans l’affaire Obiang – il s’agit du vice-président de la Guinée équatoriale –, le tribunal de Paris a conclu qu’« il serait moralement injustifié pour l’État, prononçant la confiscation de ces biens, de bénéficier de celle-ci sans égard aux conséquences de l’infraction ». Ces dernières sont claires : les peuples des pays pauvres sont volés par la corruption !

Sur ce sujet, un article est paru récemment, vous le savez ; des associations, notamment Transparency International, se sont mobilisées. Quelques détails techniques doivent encore être éclaircis : malgré les promesses, ce travail n’est pas encore fait, mais je suis sûr que, avec de la volonté, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… il est possible de régler le problème.

Tel est l’état d’esprit dans lequel je présente cet amendement. Vous avez compris qu’il s’agit d’un appel !

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Mon cher collègue, le Sénat connaît votre engagement en la matière. J’avais d’ailleurs soutenu votre proposition de loi et, en 2017, j’avais moi-même rédigé un rapport au sujet de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’Agrasc.

Je présume que M. le garde des sceaux va répondre à votre appel. Pour ce qui me concerne, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur Sueur, je connais bien ces dossiers – cela date d’une vie antérieure, où je n’étais pas pharmacien…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur Sueur, l’amendement n° II-1380 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le garde des sceaux, votre réponse me laisse préjuger d’une volonté commune. Il faut que cette proposition de loi aboutisse – je le répète, elle a fait l’objet d’un vote unanime du Sénat ! – et nous ne manquerons pas de revenir vers vous.

Je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-1380 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Monsieur le garde des sceaux, dans votre propos liminaire, vous avez souligné l’augmentation importante du budget de la justice en la qualifiant d’« historique ». Vous avez raison, même si l’un de vos prédécesseurs, Jean-Jacques Urvoas, relève pour sa part qu’il avait obtenu 9 % d’augmentation : tant mieux si, en l’espace de quelques années, on connaît plusieurs augmentations historiques !

Cela étant, la France dépense 69, 50 euros par habitant et par an pour la justice, c’est-à-dire un tiers de moins que l’Espagne et moitié moins que l’Allemagne : il ne faut pas s’étonner des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons.

Ainsi, pendant le premier confinement, notre pays a souffert du mauvais équipement de la justice. Nous avons déjà parlé des greffiers : je n’y reviendrai pas. En revanche, nous n’avons pas abordé la situation des détenus : ces derniers ont dû affronter la covid sans aucune protection, ce qui a entraîné de grandes difficultés. Nous ne sommes pas revenus non plus sur la justice d’exception qui a été instaurée. Votre prédécesseur a dû revoir sa copie pour ce qui concerne la détention provisoire. Vous-même avez vu votre ordonnance relative à la visioconférence dans le cadre des procès criminels suspendue par le Conseil d’État.

Dans ce budget, nous relevons également quelques points d’alerte.

Je pense à la justice de proximité, non seulement pénale, mais aussi civile ; à la question des postes en général, et notamment des postes de greffier ; ou encore à celle de l’aide juridictionnelle. À ce titre, vous soulignez qu’un important effort est consenti et je l’entends. Il s’agit d’une première étape – le rapport Perben n’est pas encore satisfait, mais il faut saluer ces premiers progrès.

Je pense également à la situation des établissements pénitentiaires. Je rappelle que, le 2 octobre dernier, le Conseil constitutionnel lui-même a mis en demeure le Gouvernement de faire adopter, avant le 1er mars 2021, une législation garantissant la dignité des détenus.

Il reste donc un long chemin à parcourir, mais nous sommes sur la bonne voie. Bien que ces crédits soient encore insuffisants, les élus de notre groupe les voteront.

Je finirai sur une note qui nous rappellera notre jeunesse. À la manière des bulletins scolaires que nous recevions en fin d’année, je conclurai à propos de ce budget : « En progrès. Le rattrapage est engagé. Doit poursuivre son effort. » Tel est l’état d’esprit dans lequel nous voterons ces crédits !

L es crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

J’appelle en discussion les articles 55 bis à 55 quinquies, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 55 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Justice ».

Justice

I. – À l’article 1090 D du code général des impôts, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles ».

II. – Le chapitre III du titre II du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 107 B, après le mot : « logement », sont insérés les mots : « ou pour l’évaluation de l’éligibilité à l’aide juridictionnelle et à l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

2° L’article L. 146 A est complété par les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles ».

III. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À l’avant-dernier alinéa de l’article 61-1, après le mot : « accès », sont insérés les mots : « à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles et » ;

2° Après le mot : « rédaction », la fin du premier alinéa de l’article 804 est ainsi rédigée : « résultant de la loi n° … du … de finances pour 2021, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

IV. – La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :

1° La première partie est ainsi modifiée :

a) L’intitulé est complété par les mots : « et l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

b) L’intitulé du titre Ier est complété par les mots : « et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

c) L’article 4 est ainsi modifié :

– au I, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « et à l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

– au 2° du II, après le mot : « immobilier », il est inséré le mot : « même » et, à la fin, les mots : « et du patrimoine mobilier productif de revenus » sont supprimés ;

d) L’intitulé du titre II est complété par les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

e) Le même titre II est complété par l’article 64-5, qui devient l’article 11-1 ;

f) Ledit titre II, tel qu’il résulte du e, est complété par des articles 11-2 et 11-3 ainsi rédigés :

« Art. 11 -2. – Sans préjudice de l’application de l’article 19-1, l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles est accordée à la personne qui remplit les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle, qu’elle soit mise en cause ou victime, dans les procédures suivantes :

« 1° Audition, confrontation ou mesures d’enquête mentionnées aux articles 61-1 à 61-3 du code de procédure pénale, à l’article L. 39 du livre des procédures fiscales ou à l’article 67 F du code des douanes ; confrontation ou reconstitution en application des articles 61-2 et 61-3 du code de procédure pénale ; assistance d’une personne arrêtée dans l’État membre d’exécution d’un mandat d’arrêt européen dans les conditions fixées à l’article 695-17-1 du même code ;

« 2° Garde à vue, retenue, rétention, confrontation dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ; retenue douanière dans les conditions prévues par le code des douanes ; retenue d’un étranger aux fins de vérification du droit de circulation ou de séjour dans les conditions prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile lorsque l’avocat est commis ou désigné d’office ;

« 3° Déferrement devant le procureur de la République en application de l’article 393 du code de procédure pénale lorsque l’avocat est commis d’office ;

« 4° Mesures prévues au 5° de l’article 41-1 et aux articles 41-2 et 41-3 du même code ou à l’article 12-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante et ordonnées par le procureur de la République.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.

« Art. 11 -3. – L’avocat assistant une personne détenue faisant l’objet d’une procédure disciplinaire en relation avec la détention a droit à une rétribution.

« Il en va de même de l’avocat assistant une personne détenue faisant l’objet d’une mesure d’isolement d’office ou de prolongation de cette mesure, ou de l’avocat assistant une personne détenue placée à l’isolement à sa demande et faisant l’objet d’une levée sans son accord de ce placement.

« L’avocat assistant une personne détenue devant la commission d’application des peines en application de l’article 720 du code de procédure pénale a droit à une rétribution.

« Le premier alinéa est également applicable aux missions d’assistance à une personne retenue dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, s’agissant des décisions prises à son encontre pour assurer le bon ordre du centre. » ;

g) Le troisième alinéa de l’article 13 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« S’il y a lieu, le bureau comporte :

« – une section statuant sur les demandes portées devant les juridictions de première instance de l’ordre judiciaire ou la cour d’assises ; »

h) La troisième phrase du premier alinéa de l’article 16 est ainsi rédigée : « Le directeur des services de greffe judiciaire du tribunal judiciaire ou de la cour d’appel ou le greffier en chef du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel, selon les cas, est vice-président du bureau ou de la section chargés d’examiner les demandes d’aide juridictionnelle relatives aux instances pour lesquelles le bureau ou la section sont respectivement compétents. » ;

i) L’intitulé du titre IV est complété par les mots : « et à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

j) Après l’article 19, il est inséré un article 19-1 ainsi rédigé :

« Art. 19 -1. – La commission ou la désignation d’office ne préjuge pas de l’application des règles d’attribution de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat. Par exception, l’avocat commis ou désigné d’office a droit à une rétribution, y compris si la personne assistée ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat, s’il intervient dans les procédures suivantes, en première instance ou en appel :

« 1° Procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques ;

« 2° Assistance d’une personne demandant ou contestant la délivrance d’une ordonnance de protection prévue par l’article 515-9 du code civil ;

« 3° Comparution immédiate ;

« 4° Comparution à délai différé ;

« 5° Déferrement devant le juge d’instruction ;

« 6° Débat contradictoire relatif au placement ou au maintien en détention provisoire ;

« 7° Assistance d’un mineur dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative, d’une audition libre, d’un interrogatoire de première comparution, d’une instruction ou d’une audience de jugement ;

« 8° Assistance d’un accusé devant la cour d’assises, la cour criminelle départementale, la cour d’assises des mineurs ou le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle ;

« 9° Procédures devant le juge des libertés et de la détention relatives à l’entrée et au séjour des étrangers ;

« 10° Procédures non juridictionnelles mentionnées aux 2° à 4° de l’article 11-2.

« La personne qui a bénéficié de l’intervention d’un avocat commis ou désigné d’office dans les conditions prévues aux onze premiers alinéas du présent article et qui n’est pas éligible à l’aide juridictionnelle ou à l’aide à l’intervention de l’avocat est tenue de rembourser au Trésor public les sommes exposées par l’État. Le recouvrement des sommes dues à l’État a lieu comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine.

« L’avocat commis ou désigné d’office qui a perçu des honoraires au titre d’une des procédures mentionnées aux 1° à 10° perçoit une rétribution dans les conditions fixées à l’article 33 de la présente loi.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

k) Au premier alinéa de l’article 20, les mots : « soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit » sont supprimés ;

l) L’intitulé du titre V est complété par les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

m) L’article 27 est ainsi rédigé :

« Art. 27. – L’avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle ou de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles perçoit une rétribution.

« L’État affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions d’aide juridictionnelle et aux missions d’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles accomplies par les avocats du barreau.

« Le montant de la dotation affecté à l’aide juridictionnelle résulte d’une part, du nombre de missions d’aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau et, d’autre part, du produit d’un coefficient par type de procédure et d’une unité de valeur de référence. Le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, de cette unité de valeur de référence est fixé, pour les missions dont l’admission à l’aide juridictionnelle est prononcée à compter du 1er janvier 2021, à 34 €.

« Le montant de cette dotation affecté à l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles est fonction du nombre de missions effectuées par les avocats. » ;

n) L’article 29 est ainsi modifié :

– à la première phrase du premier alinéa, après le mot : « versée », sont insérés les mots : « par l’Union nationale des caisses des règlements pécuniaires des avocats pour le compte de l’État » ;

– après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le montant et la répartition par barreau de cette dotation sont fixés par arrêté du ministre de la justice. » ;

– la seconde phrase du même premier alinéa est complétée par les mots : « et d’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

– au quatrième alinéa, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « et à l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

o) À l’avant-dernier alinéa de l’article 39, les mots : « s’impute, » sont remplacés par les mots : « est fixée » et, à la fin, les mots : «, sur celle qui lui est due pour l’instance » sont supprimés ;

p) L’intitulé du titre VI est complété par les mots : « et de l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles » ;

q) L’article 50 est ainsi modifié :

– au premier alinéa et aux 4° et 5°, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « ou de l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

– au 2°, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « ou d’aide à l’intervention de l’avocat » ;

r) La première phrase du premier alinéa de l’article 51 est ainsi modifiée :

– après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « ou de l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

– les mots : « en cours d’instance et » sont supprimés ;

– les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « quatre ans » ;

– sont ajoutés les mots : « ou de la mesure » ;

s) Le second alinéa du même article 51 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le retrait est prononcé :

« 1° Par le président du bureau dans les cas mentionnés aux 1° à 3° et 5° de l’article 50. Toutefois, si le retrait vise une procédure ou une mesure pour laquelle les auxiliaires de justice désignés n’ont pas perçu de rétribution, il est prononcé par le bureau ;

« 2° Par la juridiction saisie dans le cas mentionné au 4° du même article 50. » ;

t) À la première phrase de l’article 52, après le mot : « juridictionnelle », sont insérés les mots : « ou de l’aide à l’intervention de l’avocat » ;

2° Les quatre premiers alinéas de l’article 64-3 sont supprimés ;

3° La quatrième partie est abrogée ;

4° La cinquième partie est ainsi modifiée :

a) L’article 67-1 est abrogé ;

b) L’article 67-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle coordonne la transmission aux bureaux d’aide juridictionnelle des informations nécessaires à la mise en œuvre du recouvrement relatif aux personnes ayant bénéficié de l’intervention d’un avocat dans les conditions prévues à l’article 19-1. » ;

5° L’article 70 est ainsi modifié :

a) Au seizième alinéa, après le mot : « notamment », sont insérés les mots : « les modalités d’appréciation des ressources du foyer à défaut de pouvoir disposer de ressources imposables, » ;

b) Après le dix-septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Dans la collectivité de Saint-Barthélemy, notamment les modalités d’appréciation des ressources du foyer à défaut de pouvoir disposer de ressources imposables. »

V. – L’ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l’aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna est ainsi modifiée :

1° Le II de l’article 3 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Des ressources imposables ou, à défaut, des ressources mensuelles du demandeur dont les modalités de calcul sont définies par décret ; »

b) Le 3° est complété par les mots : « ou, à défaut, du foyer » ;

2° Aux 1° et 2° de l’article 4, après le mot : « fiscal », sont insérés les mots : « ou, à défaut, du foyer ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-1422, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 43

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Procédures devant le tribunal administratif relatives à l’éloignement des étrangers faisant l’objet d’une mesure restrictive de liberté ;

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Aujourd’hui, plus de 16 % des requêtes enregistrées par les tribunaux administratifs sont introduites par des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’assignation à résidence ou de rétention administrative, qui sont, dans leur très grande majorité, éligibles à l’aide juridictionnelle (AJ).

Toutefois, en raison de la nécessité d’un examen a priori de cette éligibilité par les bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ), les délais de rétribution des avocats souffrent d’un allongement considérable.

Nous entendons revenir sur cette procédure qui s’avère, dans le cas d’espèce, peu justifiée et emporte des conséquences financières pour les avocats.

À ce titre, le dispositif de rétribution de l’avocat commis ou désigné d’office introduit par le Gouvernement à l’Assemblée nationale pour certains contentieux à Paris est fort bienvenu : c’est pourquoi nous proposons de l’étendre aux procédures introduites devant le tribunal administratif, relatives à l’éloignement des étrangers faisant l’objet d’une mesure restrictive de liberté, sans préjudice du recouvrement par les bureaux d’aide juridictionnelle des sommes dont auraient bénéficié les personnes non éligibles.

Cette mesure nous apparaît d’autant plus nécessaire qu’elle permettra, dans le même temps, un réel gain d’efficacité pour l’examen des demandes transmises aux BAJ dans le cadre d’autres contentieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

L’article 55 bis liste précisément les procédures pour lesquelles l’avocat commis d’office a droit à une rétribution, y compris lorsque la personne assistée n’a pas droit à l’aide juridictionnelle ou à l’aide à l’intervention de l’avocat.

Cet amendement vise à ajouter à la liste les procédures devant le tribunal administratif relatives à l’éloignement des étrangers faisant l’objet d’une mesure restrictive de liberté.

Un dispositif de contrôle a posteriori serait mis en place par le biais des caisses des règlements pécuniaires des avocats (Carpa) pour ce type de procédure.

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Je partage l’objectif de simplification de la procédure qui est au cœur de cet amendement. Ne pas alourdir le contentieux administratif par des procédures superfétatoires me paraît être de bonne gestion.

Par ailleurs, cet amendement, en ce qu’il tend à prévoir des contrôles a posteriori, ne remet pas en cause le principe posé par la loi de 1991 sur l’aide juridictionnelle, qui reste inchangé. Le bénéfice de l’aide juridictionnelle est conditionné au respect des conditions d’éligibilité, en particulier de celles qui concernent les ressources.

Cette mesure vient donc utilement compléter le cadre posé par le Gouvernement. Les procédures devant le tribunal administratif relatives à l’éloignement des étrangers, lorsqu’elles s’accompagnent d’une mesure restrictive de liberté, sont jugées en quatre-vingt-seize heures et ce sont les libertés des personnes concernées qui sont en jeu.

Cet élargissement du dispositif dans un objectif de simplification administrative de bon aloi nous paraît donc pertinent ; c’est pourquoi l’avis du Gouvernement est favorable sur cet amendement.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-1022 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Guillotin et MM. Requier, Roux et Cabanel, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 44

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 11° Assistance de la victime de l’infraction lors de son audition par l’officier de police judiciaire ;

« 12° Commission d’office d’un avocat par le bâtonnier ou le président de l’audience de jugement, à l’exception des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

II. – Alinéa 45, première phrase

Remplacer le mot :

onze

par le mot :

treize

III. – Alinéa 46

Remplacer la référence :

par la référence :

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

L’article 55 bis, dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, modifie la loi de 1991 relative à l’aide juridique, en fixant les conditions dans lesquels pourra être versée une aide juridictionnelle garantie.

Il dresse ainsi la liste des différentes procédures à l’occasion desquelles l’avocat commis ou désigné d’office a droit à une rétribution, y compris dans l’hypothèse où la personne qu’il assiste ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l’AJ.

Si l’instauration d’une aide juridictionnelle garantie constitue une avancée dont nous nous réjouissons, la liste limitative proposée par le Gouvernement ne nous paraît pas suffisante. Cet amendement vise donc à y ajouter les désignations à l’audience et les désignations en urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-1385, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi, Durain et Kerrouche, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 44

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« …° assistance de la victime de l’infraction lors de son audition par l’officier de police judiciaire ;

« … Commission d’office d’un avocat par le bâtonnier ou le président de l’audience de jugement, à l’exception des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Cet amendement est semblable au précédent, il nous a d’ailleurs été suggéré par le Conseil national des barreaux.

J’ai entendu l’avis favorable du garde des sceaux sur l’amendement de notre collègue Thani Mohamed Soilihi ; s’agissant d’un dispositif similaire, qui n’empêche pas la vérification a posteriori et donc le recouvrement, je présume que cet avis sera également favorable.

Il s’agit là de l’assistance de la victime de l’infraction lors de son audition par l’officier de police judiciaire (OPJ) ou de la commission d’office d’un avocat par le bâtonnier ou par le président de l’audience de jugement. La situation d’urgence et de nécessité apparaît donc clairement et justifie de compléter ces dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Ces amendements visent à ajouter à la liste l’assistance à la victime d’une infraction lors d’une audition par l’OPJ et la commission d’office d’un avocat par le bâtonnier ou par le président de l’audience de jugement, sauf pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Un contrôle a posteriori des ressources de la victime d’une infraction pour s’assurer qu’elle était en droit de bénéficier de l’AJ ne paraît pas nécessaire.

Cela me semble aller beaucoup trop loin, en comparaison du dispositif de l’amendement n° II-1422. Je demande donc le retrait de ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Ces deux amendements sont identiques dans leur objet.

Je ne sais pas ce que cela me vaudra sur mon bulletin en fin d’année, mais je ne suis pas du tout convaincu d’obtenir une bonne note ; contrairement à ce que vous subodorez, madame la sénatrice de La Gontrie, je suis défavorable à ces amendements.

À la différence du nouveau dispositif proposé par le Gouvernement, ceux-ci ne sont en effet pas compatibles avec le principe posé par la loi de 1991 selon lequel le bénéfice de l’aide juridictionnelle est conditionné au respect des conditions d’éligibilité. Il ne me paraît pas du tout souhaitable d’étendre l’AJ au-delà des situations dans lesquelles celle-ci est vraiment nécessaire.

En outre, puisque l’on parle de budget, je me permets de relever que celui-ci est en hausse de 8 %, quand celui de M. Urvoas ne l’était que de 4, 5 %, soit moitié moins.

Enfin, puisque vous avez cru nécessaire d’évoquer les ordonnances, je vous indique que celle dont il est question n’a été que partiellement suspendue par le Conseil d’État. Autant être précis, madame.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 55 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° II-1411, présenté par M. Iacovelli, est ainsi libellé :

Après l’article 55 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au IX de l’article 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la date : « 1er septembre 2021 » est remplacée par la date : « 1er septembre 2022. »

La parole est à M. Xavier Iacovelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

La création de la juridiction nationale des injonctions de payer (Junip) par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice apparaît, aujourd’hui encore, comme bienvenue pour garantir une instruction plus rapide des procédures d’injonction de payer, notamment en unifiant la jurisprudence.

Pour autant, plusieurs défis techniques sous-tendent ce dispositif, liés, notamment, à l’exigence de performances informatiques dont chacun ici saisit bien l’enjeu. C’est la raison pour laquelle notre assemblée avait adopté en juin dernier le report de huit mois de la mise en place de la Junip, dont la création doit donc intervenir au 1er septembre 2021.

Comme le souligne le rapport de la rapporteure pour avis de l’Assemblée nationale consacrée à la transformation numérique de la justice, la Junip doit s’accompagner du développement d’un applicatif numérique natif, ce qui justifie de reporter son lancement d’une année. Tel est l’objet du présent amendement.

Je souhaite insister sur la nécessité de mobiliser les moyens nécessaires à la mise en place de la Junip ; il y va de l’allégement du travail des magistrats et des greffiers.

À travers cet amendement, dont je remercie Dominique Vérien d’avoir assuré le teasing, notre objectif est bien de faire aboutir la création de la Junip, quitte à la reporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Sans faire de teasing, j’indiquerai simplement que cet amendement vise à reporter l’entrée en vigueur au 1er septembre 2022 de la création de la Junip, prévue par l’article 27 de la de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Cette juridiction, à laquelle le Sénat est favorable, devait initialement être créée au 1er janvier 2021.

La loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire a repoussé cette date au 1er septembre 2021. Cet amendement vise désormais son report au 1er septembre 2022.

Si le Gouvernement ne souhaite plus la création de cette juridiction, il devrait en proposer la suppression, plutôt que de nous soumettre ainsi de multiples reports.

Je me suis montré conciliant sur certains amendements, soulignant l’aspect positif de cette augmentation du budget de la justice, mais je suis farouchement défavorable à ce nouveau report.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Je suis, quant à moi, farouchement favorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Nous avons expertisé la question à la Chancellerie et nous en avons conclu qu’il existait des risques économiques considérables, en particulier pour les petites entreprises.

Mon exposé sera un peu long et précis, je vous demande toute votre attention et je forme le vœu qu’il vous conduise à vous ranger à la position du Gouvernement.

Nous partageons évidemment tous l’objectif initial de la réforme, qui vise à la création de la juridiction nationale des injonctions de payer, communément désignée par son acronyme Junip. Celle-ci permettra de garantir un traitement plus rapide et plus efficace des requêtes en injonction de payer et d’alléger ainsi la charge de travail des magistrats et des greffiers.

Les magistrats n’ont toutefois pas très envie d’y aller, c’est un doux euphémisme, mais ce n’est pas le problème le plus grave.

Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, cette réforme est impossible à mettre en œuvre dans les délais initialement prévus, en raison de difficultés techniques majeures liées, notamment, à la gestion des flux de requêtes en injonction de payer convergeant tous vers une juridiction unique. La Junip ne pourra pas être créée au 1er septembre 2021.

Or, en l’état du droit applicable, elle aura seule la compétence pour traiter les injonctions de payer à compter du 1er septembre 2021. On ne peut maintenir une telle situation, qui créerait une dangereuse insécurité juridique, dans la mesure où les autres tribunaux judiciaires risqueraient de ne plus pouvoir ordonner des injonctions de payer, alors même que l’instance unique, la Junip, ne serait pas opérationnelle.

Ce serait autant de contentieux de l’impayé qui retomberaient, sous forme de procédures contradictoires, dans le contentieux des tribunaux judiciaires, qui ont déjà beaucoup de travail – encore un doux euphémisme.

Le traitement des contentieux de l’impayé selon la procédure contradictoire nécessiterait la mobilisation massive d’emplois supplémentaires, évaluée à 257 emplois de magistrats et 324 emplois de greffiers. Ces deux chiffres vous permettent de mesurer la difficulté, voire l’impossibilité, dans laquelle nous nous trouverions.

Il y a donc lieu de permettre une évaluation du dispositif envisagé, en concertation avec le Parlement, et de reporter la création de la Junip au 1er septembre 2022.

Je me permets d’insister, de la façon la plus solennelle, sur l’importance de cet amendement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, 2 milliards d’euros par an de créances sont traités dans le cadre des injonctions de payer. Ne pas accorder ce report conduirait à un vide juridique qui causerait un grand tort à tous les secteurs de l’économie, notamment aux plus petites entreprises.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut qu’être éminemment favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Nous nous trouvons ici devant un cas d’école.

À écouter les explications du garde des sceaux, on comprend donc qu’une loi promulguée le 23 mars 2019 prévoyait l’entrée en vigueur d’une mesure au 1er janvier 2021 – un délai déjà décent –, que cette entrée en vigueur a connu un premier report au 1er septembre 2021 et qu’on nous demande aujourd’hui d’entériner un nouveau report au 1er septembre 2022.

À mon sens, d’ailleurs, le Gouvernement aurait dû déposer lui-même cet amendement. Lorsqu’on présente des textes insuffisamment préparés, on se retrouve dans ce type de situation !

Par ailleurs, le garde des sceaux a l’air convaincu de l’imbroglio dans lequel va se trouver cette juridiction, et, avec elle, les entreprises, mais je m’interroge sur le caractère de cavalier de cet amendement.

Comme vous le savez, les projets de loi de finances sont toujours soumis au Conseil constitutionnel et j’ai noté que, dans une décision très récente au sujet de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP », ce dernier a annulé une kyrielle d’articles au motif que ceux-ci prenaient place dans un texte où ils n’avaient pas à se trouver.

Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement, parce que nous ne pouvons pas légiférer dans ces conditions.

Le Gouvernement devrait regarder de très près la situation constitutionnelle de cette disposition, qui devrait, à mon sens, revenir devant le Parlement dans un cadre plus classique.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

À la suite de Mme de La Gontrie, je voudrais demander à M. le garde des sceaux pourquoi, si elle est si importante, cette mesure n’a pas été intégrée dans le texte initial ou dans un amendement du Gouvernement.

En tout état de cause, je maintiens mon avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la première phrase du troisième alinéa des articles 41-5 et 99-2, les mots : « au service des domaines » sont remplacés par les mots : « à l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués » et, après les mots : « estimée, », sont insérés les mots : « aux services judiciaires ou » ;

2° Après le 4° de l’article 706-160, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° La gestion des biens affectés à titre gratuit par l’autorité administrative dans les conditions prévues aux mêmes articles 41-5 et 99-2 et à l’article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques. »

II. – À l’article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques, après le mot : « interministériel, », sont insérés les mots : « aux services judiciaires ou ». –

Adopté.

L’article 800 du code de procédure pénale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« La demande en paiement au titre des frais de justice doit être présentée à l’autorité judiciaire dans le délai d’un an à compter de l’achèvement de la mission.

« Sauf dérogation expresse, cette demande en paiement est formée par la transmission par voie dématérialisée de l’état et du mémoire de frais au moyen du téléservice désigné par le ministre de la justice. Dans le cas où la demande est présentée par la partie prenante au-delà de ce délai, le magistrat taxateur constate l’acquisition de la forclusion. La décision est notifiée à la partie prenante dans les formes prévues par l’article R. 228.

« La partie prenante peut former un recours contre la décision constatant la forclusion dans les délais et selon les conditions fixées par les articles R. 228-1 et R. 230. La chambre de l’instruction peut relever de forclusion la partie prenante, si celle-ci établit que sa défaillance est due à une cause extérieure qui ne peut lui être imputée.

« La décision de la chambre de l’instruction relative au relevé de forclusion est insusceptible de recours. Dans le cas où la chambre de l’instruction fait droit à la demande, elle évoque le dossier au fond et procède à la taxation du mémoire. » –

Adopté.

Au premier alinéa de l’article 7 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, samedi 5 décembre 2020 :

À neuf heures trente, quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Suite du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (texte n° 137, 2020-2021) ;

Mission « Gestion des finances publiques » et articles 54 undecies à 54 terdecies ;

Mission « Crédits non répartis » ;

Mission « Transformation et fonction publiques » ;

Compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ;

Mission « Régimes sociaux et de retraite » et article 56 nonies ;

Compte spécial « Pensions » et article 74 ;

Articles de la seconde partie non rattachés aux crédits.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le samedi 5 décembre 2020, à zéro heure quinze.

La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de l ’ éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du le projet de loi de finances pour 2021 a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Jérôme Bascher, Bernard Delcros, Rémi Féraud et Didier Rambaud ;

Suppléants : MM. Stéphane Sautarel, Arnaud Bazin, Antoine Lefèvre, Mmes Sylvie Vermeillet, Isabelle Briquet, MM. Jean-Claude Requier et Éric Bocquet.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l ’ éducation et de la communication.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Béatrice Gosselin est proclamée membre de la commission de la culture, de l ’ éducation et de la communication, en remplacement de M. Fabien Genet.