Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 4 décembre 2020 à 21h00
Loi de finances pour 2021 — Justice

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en hausse de 7 % à périmètre constant, le budget de la mission « Justice » fera un vrai bond l’année prochaine. Nous nous en réjouissons, d’autant que cette augmentation est supérieure de 200 millions d’euros à l’annuité 2021 prévue par la loi de programmation du 23 mars 2019 et même conforme à la trajectoire votée par le Sénat. La commission des lois a donc émis un avis favorable sur ces crédits.

Reste, monsieur le garde des sceaux, que ce budget, alléchant de prime abord, est loin du budget historique que vous revendiquez. En effet, à la lumière de la réalité de la vie des tribunaux et des justiciables, les moyens accordés sont à relativiser, compte tenu des retards accumulés dans les investissements en matériel, les recrutements et le paiement de charges antérieures.

Ainsi, en matière d’emplois, près de 1 082 recrutements sont prévus, en tenant compte du quatrième projet de loi de finances rectificative : ces moyens supplémentaires sont évidemment bienvenus, mais, lorsqu’on décortique l’annonce, certaines craintes se font jour… En effet, sur ces 1 082 emplois, seuls 168 sont pérennes – 50 magistrats, le reste pour les greffes –, soit moins que les 513 emplois pérennes créés en 2020. Si le taux de vacance des magistrats est aujourd’hui de moins de 1 %, celui des greffiers avoisine les 7 %, avec 670 emplois vacants. La promesse de résorber la vacance d’ici à la fin de 2021 est donc loin d’être tenue.

Par ailleurs, les 914 recrutements contractuels – juristes assistants et aides-greffiers, qualifiés de « sucres rapides » – sont destinés à résorber les difficultés des juridictions pénales de proximité. Favoriser la justice de proximité est louable, mais la vraie justice de proximité, celle du quotidien, celle qui concerne tous les citoyens, est la justice civile ; la justice pénale, elle, ne concerne que les délinquants – d’ailleurs, elle traite trois fois moins d’affaires que les juridictions civiles.

La courbe des stocks des tribunaux judiciaires est alarmante. L’intégration des juridictions de la sécurité sociale a importé plus de 200 000 affaires en attente, et la crise sanitaire et la grève des avocats ont alourdi ce stock de plus de 18 000 affaires, alors même que le nombre de nouvelles affaires a baissé de 39 %. Pas sûr que les sucres rapides réussiront à éviter la crise…

Par ailleurs, la revalorisation de l’aide juridictionnelle, très attendue par les avocats, doit se réaliser de deux manières : par l’augmentation de l’unité de valeur de 32 à 34 euros et par la revalorisation ciblée du barème de certaines missions, comme l’audition libre et la médiation.

Selon nous, le budget ne va pas assez loin dans cette direction. Prévues à hauteur de 27, 5 millions d’euros en 2021, les augmentations coûteront 50 millions d’euros en année pleine, soit bien moins que les 100 millions d’euros recommandés par la mission Perben afin de relever l’unité de valeur à 40 euros, comme les professions le demandent.

Ce budget est un bon début : espérons que l’effort financier en faveur de la mission sera poursuivi, voire accentué.

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