Autrement dit – c’est le deuxième défi –, il conviendrait, non pas seulement de poursuivre le travail de transposition des procédures vers le numérique, mais de penser le numérique comme premier, et non comme une conversion des modalités papier.
Je dirai un mot des compétences : trop peu de greffiers et de magistrats ont cette culture numérique, et celle-ci ne fait pas l’objet de développements internes.
Enfin, le troisième défi a trait à l’amélioration de la politique d’achats de matériel informatique. L’État est un mauvais acheteur : nous l’avons constaté au sujet de l’achat de Louvois par le ministère de la défense ou des problèmes statutaires rencontrés par les enseignants. Les applicatifs développés par la profession notariale sont bien plus performants ; ils ont notamment permis de régler les difficultés relatives à la signature électronique. Il conviendrait de combler ce fossé.
J’en viens au deuxième point de mon propos : la profession d’avocat, ô combien importante pour le bon fonctionnement de la justice. Comment donner aux avocats les outils leur permettant de réformer leur profession ? J’évoquerai trois points.
Tout d’abord, il conviendrait, pour analyser la situation de cette profession, d’en connaître les chiffres. Nous avons été stupéfaits, dans le cadre de la mission confiée par votre prédécesseur à Dominique Perben, de ne pas disposer de chiffres actualisés sur la situation de la profession d’avocat. On dispose certes de quelques éléments anciens et d’un revenu moyen, mais celui-ci masque des différences extrêmement importantes.
Il faudrait être en mesure de déterminer si les difficultés concernent les barreaux de province ou le barreau de Paris, les collaborateurs du barreau du juridique ou ceux du barreau du judiciaire. Il faudrait connaître l’évolution du chiffre d’affaires des différentes parties du barreau dans la durée. On ne peut pas soutenir que tout irait pour le mieux au motif que le chiffre d’affaires augmente : cette augmentation pourrait ne bénéficier qu’au barreau du juridique, alors que le barreau du judiciaire serait en grande difficulté. C’est pourquoi nous vous demandons de veiller à ce que nous disposions de chiffres transparents nous permettant d’avoir une bonne appréhension de la situation de la profession.
Ensuite, il convient de veiller à la situation sociale de cette profession : 25 % des avocats veulent changer d’orientation. Cela doit nous conduire à poser de nouveau la question de l’expérimentation de l’avocat en entreprise. La profession n’a toujours pas trouvé sa position de cohérence en la matière. Le sujet passionne certes les bâtonniers et les patrons des cabinets, mais ce sont leurs collaborateurs qui sont en difficulté. Or toute une partie de la profession est prête à lâcher. Nous estimons que la Chancellerie serait dans son rôle si elle pilotait une évolution de la profession dans ce sens.
Enfin, sans être obsédé par une comparaison avec le notariat – on dit parfois que les avocats sont les tribus gauloises et les notaires les légions romaines, et je ne voudrais pas avoir plus de difficultés avec mes confrères avocats