Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 4 décembre 2020 à 21h00
Loi de finances pour 2021 — Article additionnel après l'article 55 bis

Éric Dupond-Moretti :

Nous avons expertisé la question à la Chancellerie et nous en avons conclu qu’il existait des risques économiques considérables, en particulier pour les petites entreprises.

Mon exposé sera un peu long et précis, je vous demande toute votre attention et je forme le vœu qu’il vous conduise à vous ranger à la position du Gouvernement.

Nous partageons évidemment tous l’objectif initial de la réforme, qui vise à la création de la juridiction nationale des injonctions de payer, communément désignée par son acronyme Junip. Celle-ci permettra de garantir un traitement plus rapide et plus efficace des requêtes en injonction de payer et d’alléger ainsi la charge de travail des magistrats et des greffiers.

Les magistrats n’ont toutefois pas très envie d’y aller, c’est un doux euphémisme, mais ce n’est pas le problème le plus grave.

Comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, cette réforme est impossible à mettre en œuvre dans les délais initialement prévus, en raison de difficultés techniques majeures liées, notamment, à la gestion des flux de requêtes en injonction de payer convergeant tous vers une juridiction unique. La Junip ne pourra pas être créée au 1er septembre 2021.

Or, en l’état du droit applicable, elle aura seule la compétence pour traiter les injonctions de payer à compter du 1er septembre 2021. On ne peut maintenir une telle situation, qui créerait une dangereuse insécurité juridique, dans la mesure où les autres tribunaux judiciaires risqueraient de ne plus pouvoir ordonner des injonctions de payer, alors même que l’instance unique, la Junip, ne serait pas opérationnelle.

Ce serait autant de contentieux de l’impayé qui retomberaient, sous forme de procédures contradictoires, dans le contentieux des tribunaux judiciaires, qui ont déjà beaucoup de travail – encore un doux euphémisme.

Le traitement des contentieux de l’impayé selon la procédure contradictoire nécessiterait la mobilisation massive d’emplois supplémentaires, évaluée à 257 emplois de magistrats et 324 emplois de greffiers. Ces deux chiffres vous permettent de mesurer la difficulté, voire l’impossibilité, dans laquelle nous nous trouverions.

Il y a donc lieu de permettre une évaluation du dispositif envisagé, en concertation avec le Parlement, et de reporter la création de la Junip au 1er septembre 2022.

Je me permets d’insister, de la façon la plus solennelle, sur l’importance de cet amendement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, 2 milliards d’euros par an de créances sont traités dans le cadre des injonctions de payer. Ne pas accorder ce report conduirait à un vide juridique qui causerait un grand tort à tous les secteurs de l’économie, notamment aux plus petites entreprises.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut qu’être éminemment favorable à cet amendement.

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