Cette rapide description de la situation permet de comprendre à quel point il est nécessaire de continuer à adapter une stratégie sur-mesure, comme nous le faisons pour la Martinique, à l’échelle de chaque territoire, d’associer les professionnels de santé, les élus et l’ensemble des forces vives économiques des territoires concernés aux choix de ces mesures, aux côtés des agences régionales de santé et des préfectures et, bien évidemment, d’apporter à nos concitoyens encore plus de lisibilité sur chacune des mesures prises, avec la pédagogie nécessaire, en ne sacrifiant jamais aux impératifs sanitaires de protection des populations.
Une nouvelle fois, je puis vous assurer que la République sera aux côtés de ses outre-mer, pour affronter cette crise sanitaire, mais aussi économique et sociale.
Ce rappel me paraissait important avant d’aborder la mission « Outre-mer », laquelle ne constitue, comme cela a déjà été souligné, qu’une petite partie du budget que l’État consacre à nos différents territoires.
Vous le savez, ce budget s’étend sur 31 missions et 94 programmes. Au total, il s’élève à 19, 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 19, 2 milliards d’euros en crédits de paiement.
Sur ces 31 missions, 4 dépassent le milliard d’euros : « Outre-mer », « Relations avec les collectivités territoriales », « Écologie, développement et mobilités durables » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Deux missions consacrent des dépenses de personnel importantes à l’outre-mer : ainsi, 4, 7 milliards d’euros sont alloués au paiement des traitements des agents de l’éducation nationale et un peu plus de 1 milliard d’euros aux dépenses de personnel des forces de sécurité intérieure.
Au sein du projet de loi de finances, il me paraît important de souligner plusieurs dispositions, en dehors même de la seule mission « Outre-mer ».
Il s’agit, d’une part, dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » que le sénateur Charles Guené connaît bien, de la poursuite du rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer, les Dacom. Le Président de la République avait pris cet engagement l’an dernier dans le cadre du grand débat national.
Un premier rattrapage a été réalisé en matière de péréquation, dans le cadre de la DGF pour les collectivités d’outre-mer. Ce mouvement s’accélérera l’an prochain, puisque, dans le cadre de la révision de la Dacom, nous vous proposerons de légiférer pour quatre ans. Dès l’an prochain, le volume de péréquation augmentera donc pratiquement de 17 millions d’euros.
Pour ce qui concerne la mission « Éducation nationale », les 42 millions d’euros des programmes dédiés à l’enseignement et les 37 millions d’euros du programme « Vie de l’élève » sont particulièrement fléchés vers Mayotte et la Guyane. Il s’agit également d’un engagement du Président de la République. Un rattrapage important s’impose dans ces deux territoires, où l’État assure la maîtrise d’ouvrage de la construction d’établissements scolaires. Les sénateurs des territoires concernés suivent de près cette question.
J’en viens à la fiscalité, dont on sait qu’elle constitue un levier d’action puissant pour le développement de nos outre-mer. La refonte du Fonds d’investissement de proximité, le FIP, outre-mer a été votée à l’Assemblée nationale, grâce à un amendement déposé par le président de la délégation aux outre-mer, le député Olivier Serva.
Par ailleurs, le renforcement du dispositif d’investissement productif dans le Pacifique, mieux connu sous l’appellation de neutralisation de l’impôt sur les sociétés pour les collectivités d’outre-mer, a également été adopté, grâce à un amendement des députés du Pacifique ; je pense notamment à Philippe Dunoyer, Maina Sage ou encore Nicole Sanquer.
Ces deux mesures étaient particulièrement attendues par les acteurs économiques ultramarins. Elles permettront d’accélérer la relance des outre-mer.
Par ailleurs, au Sénat, un amendement présenté par les sénateurs Georges Patient et Thani Mohamed Soilihi a permis de limiter à Mayotte et en Guyane la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, afin de tenir compte des contraintes propres à ces territoires dans la gestion des déchets.
La coconstruction a, une nouvelle fois, bien fonctionné et nous allons continuer ainsi, notamment au sein de la mission.
Concrètement, quel est le contenu de ce budget ? Outre les mesures de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, que M. le rapporteur spécial Georges Patient connaît bien, le Gouvernement a présenté un PLF pour 2021 intégrant la principale partie des 100 milliards d’euros du plan de relance.
Au sein de ces 100 milliards, un socle, et non pas un plafond – ce point me permet de répondre à différents orateurs – de 1, 5 milliard d’euros permettra, en plus des crédits de la mission « Outre-mer », de procéder à des engagements importants pour les territoires.
Plusieurs chiffres sont à retenir : 50 millions d’euros pour accélérer la construction et la rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement. Ce sont des actions essentielles pour nos concitoyens, quoiqu’elles relèvent en grande partie de la responsabilité et des compétences des collectivités locales ; M. Dominique Théophile est revenu longuement sur ce point, et je crois savoir que son appel a été entendu. Nous y reviendrons tout à l’heure au cours de l’examen des amendements.
Quelque 50 millions d’euros sont prévus pour le plan Séisme Antilles, notamment afin de renforcer les bâtiments publics et d’accélérer la mise en œuvre des programmes en cours.
Quelque 80 millions d’euros iront à la transformation de l’agriculture et l’équipement des abattoirs. À ce titre, je me réjouis que, après de longues discussions conduites avec mes collègues Julien Denormandie et Clément Beaune et l’engagement personnel du Président de la République, la Commission européenne soit revenue sur l’annonce de la baisse des crédits du Poséi, le Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Personne n’y a fait référence ce matin, mais c’est une vraie victoire collective française, à l’échelle européenne, dont nous devons nous réjouir.
Des moyens très importants sont également consacrés à l’emploi et à la formation, à hauteur de 500 millions d’euros environ.
Des sous-enveloppes sont également prévues sur certaines mesures opérées par le ministère de la transition écologique, notamment pour la sauvegarde de la biodiversité – je me tourne vers M. Guillaume Gontard – ou pour les infrastructures routières en Guyane et à La Réunion. Je note la remarque de M. Guillaume Gontard sur la nécessité de clarifier les sommes consacrées à la biodiversité. En effet, il y a un engagement important des collectivités territoriales pour ce qui concerne des fonds régionaux, parfois européens. Sans doute faut-il faire plus de pédagogie à l’égard des acteurs concernés.
Je pense aussi à une mesure que le sénateur Michel Dennemont portera dans le cadre des articles non rattachés. Elle permettra d’augmenter le nombre de logements sociaux et étudiants financés par le prêt locatif social à La Réunion. Mme la sénatrice Nassimah Dindar, ancienne présidente du conseil départemental, que je salue, est revenue sur ce point, tout comme Mme la sénatrice Viviane Malet. C’est là aussi une belle mesure de relance. Nous devrons nous assurer de son opérationnalité avec les collectivités territoriales.
En complément, plus d’un milliard d’euros seront versés directement par l’Union européenne aux départements et régions d’outre-mer dans le cadre de l’initiative React-UE, Reprise écologique, numérique et résiliente de l’économie, pour une consommation d’ici à 2023. Je rappelle à cet égard que la France, fortement contributrice au budget de l’Union européenne, n’est pas pour rien dans la mise en place de ce plan de relance européen. Nous connaissons tous l’action diplomatique et personnelle importante du chef de l’État en la matière.
Concernant les collectivités d’outre-mer, l’un des enjeux est de parvenir à les connecter au plan de relance, plusieurs orateurs l’ont souligné, au regard des compétences que l’État n’exerce plus et qui ont été transférées. Je tiens à le rappeler, car j’ai entendu dans cet hémicycle – ce n’était pas ce matin ! – des propos parfois inexacts. Notre rôle est bien de les aider et de les accompagner, sans se substituer à elles, ce qui reviendrait à mettre en échec le principe même de l’autonomie de ces collectivités. Comment procéder ?
Par le biais de nos opérateurs comme l’AFD, l’Agence française de développement, ou la Caisse des dépôts et consignations, qui opèrent notamment le programme des investissements d’avenir auquel ces collectivités sont éligibles.
Par le soutien financier à la trésorerie des gouvernements locaux. Je pense aux deux prêts de 240 millions d’euros chacun, avec une garantie de l’État, au profit de la Nouvelle-Calédonie – Mme Nassimah Dindar défendra des amendements en la matière – et de la Polynésie française.
Enfin, par des investissements dans le champ des compétences régaliennes, dont certains projets se font attendre depuis bien longtemps, il faut le reconnaître. Je pense au programme immobilier de la justice, aux casernes de gendarmerie et des forces armées et aux commissariats de police.
Ainsi, entre les mesures d’urgence économique qui représentent à date 4, 5 milliards d’euros pour les outre-mer, le 1, 5 milliard d’euros « socle » – et non pas plafond ! – du plan de relance et les crédits React-UE, ce sont plus de 7 milliards d’euros supplémentaires qui seront à la disposition des territoires d’outre-mer entre 2020 et 2023.
Après ces quelques précisions indispensables, permettez-moi d’aborder plus directement la mission « Outre-mer ».
Vous l’avez dit, cette mission est scindée en deux programmes. Elle connaît une augmentation de 7, 5 % en autorisations d’engagement et de 3 % en crédits de paiement.
Le plan de relance – c’est un point important, qui répond à certaines interrogations – ne vient donc pas en substitution des crédits de la mission « Outre-mer ». Il s’agit bien d’argent frais supplémentaire dans ces territoires, avec un enjeu, à savoir la consommation effective de ces sommes.
Si les crédits inscrits présentent un intérêt politique et budgétaire, ce sont les sommes effectivement dépensées qui améliorent et changent la vie de nos concitoyens.
Pour reprendre vos interpellations, l’État a-t-il une part de responsabilité dans les sous-exécutions ? Très certainement ! Pour autant, la question du rôle des porteurs de projet est également à interroger. Nous avons donc plutôt intérêt à nous serrer les coudes et à créer une solidarité entre ces acteurs, plutôt que de commencer à montrer tel bailleur social, telle collectivité territoriale ou tel représentant de l’État comme le responsable des sous-exécutions.
Sur le programme 138, « Emploi outre-mer », les autorisations d’engagement augmentent de 107 millions d’euros et les crédits de paiement de 93 millions d’euros.
Ce programme est très observé en raison de la situation sanitaire, économique et sociale. Nous apportons un soutien aux entreprises par le biais de l’augmentation, à hauteur de 6, 6 %, de la compensation des exonérations de charges patronales, dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer, dite « Lodéom ».
À cet égard, un amendement du député Stéphane Claireaux, adopté lors de l’examen du PLFSS 2021, permet d’étendre ce régime de compétitivité renforcé au secteur audiovisuel.
En matière d’aide à l’insertion, mentionnons également les moyens supplémentaires en effectifs qui accompagnent notamment l’ouverture d’une troisième compagnie du régiment du service militaire adapté de Nouvelle-Calédonie, à Bourail. C’est une décision que j’ai prise et à laquelle je tiens particulièrement.
Sur le programme 123, « Conditions de vie en outre-mer », les autorisations d’engagement augmentent de 85 millions d’euros, avec trois priorités.
La première, je le répète, c’est le logement. Les besoins dans les territoires ultramarins sont énormes. Les particularités propres aux outre-mer – je pense plus particulièrement à La Réunion – justifient que cette politique soit portée directement par mon ministère.
L’outil bien connu est la ligne budgétaire unique, la LBU, qui intervient donc sur tous ces champs de la politique du logement. Elle voit ses crédits augmenter de 8, 7 %, soit 224 millions d’euros, dont 18 millions d’euros en autorisations d’engagement dédiées spécifiquement aux établissements publics fonciers de Guyane et de Mayotte.
En 2020, les engagements de crédits sur la LBU atteindront la cible programmée, et ce malgré les perturbations liées à la crise sanitaire. C’est le résultat – historique ! – de la mobilisation de l’ensemble des acteurs et d’une stratégie plus claire et mieux territorialisée dans le cadre du nouveau plan logement outre-mer, ce dont nous pouvons collectivement nous féliciter.
La deuxième priorité est l’éducation, avec 13, 4 millions d’euros dans les établissements du premier degré de Mayotte et 17 millions d’euros pour la réfection du lycée d’État de Wallis-et-Futuna, projet attendu par ce territoire.
La troisième priorité, qui me tient particulièrement à cœur, est le soutien aux collectivités locales, en faveur desquelles j’avais déjà lancé, dans le cadre de mes fonctions précédentes, un certain nombre de chantiers.
Ainsi, le Fonds exceptionnel d’investissement reste stable à 110 millions d’euros. Il est également complété par les crédits du plan de relance et par le milliard d’euros alloué à une DSIL, dotation de soutien à l’investissement local, exceptionnelle, à laquelle les départements et régions d’outre-mer sont éligibles.
En outre, la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, à laquelle toutes les collectivités d’outre-mer sont éligibles, y compris dans le Pacifique, est maintenue à un niveau équivalent, à savoir un peu plus d’un milliard d’euros, dont 35 millions d’euros pour l’outre-mer, répartis entre 22 millions d’euros pour les DROM, les départements et régions d’outre-mer, et 13 millions d’euros pour les COM, les collectivités d’outre-mer.
Enfin, les contrats de convergence et de transformation ont été signés, pour leur grande majorité, en juillet 2019 et déploient progressivement les projets contractualisés avec les collectivités.
J’évoquerai également le nouvel outil de contractualisation financière, grande nouveauté de cette mission, directement inspiré d’un rapport rendu par Georges Patient et Jean-René Cazeneuve sur l’accompagnement des collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut pas envisager la décentralisation, la différenciation territoriale et la défense des libertés locales sans s’assurer que la puissance publique locale fonctionne effectivement. Les collectivités ont besoin d’un accompagnement particulier en ingénierie et en matière financière. Les contrats d’accompagnement proposés dans ce rapport sont une réponse pertinente à cet enjeu.
Comment fonctionneront-ils ? Nous pourrions commencer, sur la base du volontariat, par identifier une dizaine de collectivités en 2021, avec un objectif : résoudre l’écart structurel entre les recettes et les dépenses.
L’idée est d’avoir des engagements de la collectivité à bien mettre en place des mesures de retour à l’équilibre et d’amélioration de la gestion et de lui proposer, en contrepartie, un accompagnement de l’État et un soutien financier exceptionnel, dont la reconduction sera conditionnée aux résultats.
Pour commencer, 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10 millions en crédits de paiement ont donc été ajoutés à la mission « Outre-mer » à cette fin, après l’adoption d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale par M. Cazeneuve.
Ces crédits supplémentaires nous permettront de lancer, dans quelques jours, l’appel à projets, selon des critères précis. Les préfets organiseront par la suite des moments d’échanges pour expliquer cette contractualisation.
Enfin, au sein de cette mission, le Gouvernement vous présentera un amendement visant à compléter la réforme engagée de la continuité territoriale.
C’est un sujet qui, je le sais, est très important pour les parlementaires ultramarins. C’est d’ailleurs à la suite d’un rapport parlementaire qu’une réflexion a été lancée en janvier dernier.
Le ministère des outre-mer a mis en place un groupe de travail sur le sujet. Une deuxième réunion de travail, à laquelle tous les parlementaires ultramarins ont été invités, a été organisée en septembre, et plusieurs mesures ont été annoncées, parmi lesquelles la fusion, pour une meilleure lisibilité, de l’aide simple et de l’aide majorée de l’aide à la continuité territoriale, l’ACT, l’augmentation du montant du bon ACT dans les collectivités d’outre-mer, afin qu’il puisse correspondre à une prise en charge d’environ 40 % du prix du billet, comme dans les DROM, ou encore l’ouverture du passeport pour la mobilité des études à des formations non diplômantes.
La majorité des propositions n’est pas de nature législative, sauf celle sur l’élargissement du bénéfice de l’aide obsèques.
Un amendement, déposé par le Gouvernement et reprenant la majorité des idées des parlementaires, a pu répondre aux principales attentes exprimées. Cette aide est désormais ouverte aux frères et sœurs des défunts et aux déplacements liés à la fin de vie. Lors de l’examen de la mission à l’Assemblée nationale, nous avons complété l’amendement gouvernemental par une nouvelle proposition parlementaire, preuve que la coconstruction est au cœur de notre méthode de travail. Désormais, l’article 55 sexies, tel qu’il vous est présenté, permet d’étendre la mesure de continuité obsèques aux déplacements entre territoires d’outre-mer.
Néanmoins, je suis conscient que la disposition est encore perfectible. À la suite d’échanges nourris avec M. le rapporteur spécial Teva Rohfritsch, il est apparu utile de simplifier l’écriture de la mesure, qui, à force de modifications, devenait peu intelligible, et d’opérer deux élargissements supplémentaires, afin de tenir compte de toute la diversité des situations familiales dans les outre-mer.
Aussi, l’amendement que M. le rapporteur spécial vous présentera tout à l’heure permet, d’une part, d’étendre la mesure aux trajets des outre-mer vers l’hexagone, et, d’autre part, d’élargir les conditions d’octroi de l’aide. Ainsi, pour bénéficier de l’aide, le décès ne devra plus avoir lieu avant le voyage aller, comme prévu aujourd’hui, ni avant le voyage retour, comme prévu dans l’article 55 sexies, mais dans les trois mois après le voyage aller.
Cette mesure permettra de prendre en compte des situations douloureuses de personnes, qui, parfois, doivent rentrer avant le décès, lequel n’intervient malheureusement que quelques jours après.
L’ensemble de ces mesures est estimé, pour 2021, à 3 millions d’euros, qui sont déjà intégrés dans les crédits initiaux de la mission « Outre-mer ». Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà, en quelques mots, le budget de mon ministère pour l’année prochaine.