La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec émotion et tristesse que nous avons appris, dans la soirée d’hier, la disparition du Président Valéry Giscard d’Estaing.
Au nom du Sénat tout entier, je souhaite rendre hommage, dans notre hémicycle, à un homme d’État au parcours exceptionnel, qui a profondément transformé notre pays.
Valéry Giscard d’Estaing a occupé successivement les plus hautes fonctions de la République, chaque fois de manière précoce.
Secrétaire d’État aux finances de 1959 à 1962, il devient ministre des finances et des affaires économiques en 1962 – il a alors 36 ans –, sous la présidence du général de Gaulle, et il le reste jusqu’en 1966. Il occupe de nouveau ce poste de 1969 à 1974, sous le mandat du Président Georges Pompidou, avant d’être élu à la présidence de la République.
Valéry Giscard d’Estaing incarne alors l’avenir, le changement. Il admire profondément le général de Gaulle, même s’il lui arrive d’avoir avec celui-ci des désaccords politiques, qui ont commencé par le « oui, mais » et se sont poursuivis avec le regard qu’il portait sur une certaine manière d’exercer le pouvoir ; néanmoins, n’oublions pas son engagement dans la Première armée française, en 1944 ; il avait alors 18 ans.
Candidat à l’élection présidentielle, il affronte les électeurs avec une image – celle de la modernité –, un projet – la société libérale avancée –, un slogan – « le changement sans risque » – et quelques belles formules, comme : « Je voudrais regarder la France au fond des yeux. »
Devenu Président de la République, à 48 ans, il entreprend une vaste politique de réformes. Il souhaite aller vers une démocratie renforcée et vers plus de libéralisme, et faire entrer de plain-pied notre pays dans ce qu’il qualifie de « monde moderne ».
D’abord, pour signifier, de manière symbolique, un changement de style, l’injure au chef de l’État cesse d’être un délit. Puis vient l’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel, changement capital, dont même Michel Debré admet, dans ses Mémoires, le caractère positif et l’apport que cela représente pour les oppositions et les minorités des deux assemblées.
Viennent ensuite : l’abaissement de la majorité à 18 ans ; la loi qui humanise le divorce, au travers de la notion de consentement mutuel ; la généralisation de la sécurité sociale à tous les Français ; la réforme de l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française), les organismes de radio et de télévision cessant alors, selon son expression, d’être « la voix de la France » ; la loi dite « informatique et libertés », dont nous reparlerons très bientôt, avec la création de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), dans laquelle Alain Poher, alors président du Sénat, joue un rôle central ; la création d’un secrétariat d’État à la qualité de la vie, qui vise à protéger la nature et à endiguer « l’urbanisation excessive » ; et la loi dite « sécurité et liberté », défendue par Alain Peyrefitte, d’une autre inspiration puisqu’elle a vocation à rassurer, déjà, une opinion publique inquiète des progrès de l’insécurité.
Valéry Giscard d’Estaing prend enfin un grand nombre de mesures en faveur des femmes, avec la création d’un secrétariat d’État à la condition féminine, conduit par Françoise Giroud, et la contraception libre et gratuite, mais également avec la loi sur l’interruption volontaire de grossesse – un moment très important –, défendue avec tant de noblesse et de courage par Simone Veil ; il manifeste ainsi sa résolution et son esprit d’indépendance.
Enfin, c’est sous son septennat que sont instituées les questions d’actualité au Gouvernement, pour le plus grand bonheur des ministres…
Sourires.
C’est un Européen convaincu qui accède à la magistrature suprême. Il relance le processus européen, soutenu par le chancelier allemand Helmut Schmidt. Il contribue à créer le Conseil européen, qui permet aux chefs d’État et de gouvernement des neuf pays membres de la Communauté économique européenne de se réunir, au moins trois fois par an, pour examiner les dossiers communautaires. Jean Monnet reconnaîtra que l’institution de ce Conseil européen a été l’innovation la plus importante après le traité de Rome.
Il fait adopter le principe de l’élection au suffrage universel direct des députés au Parlement européen. Le choix de Simone Veil, comme premier titulaire du poste de président du Parlement européen, à Strasbourg, lui doit beaucoup et concrétisera l’influence et l’action de la France. Le rôle décisif qu’il joue dans la construction européenne lui vaudra d’être, plus tard, désigné président de la Convention qui proposera une Constitution pour l’Europe.
Après son échec de mai 1981, il éprouve un sentiment d’injustice qu’il décrit dans son livre Le Pouvoir et la Vie.
Il revient alors au sein de son Auvergne, où il gravit à nouveau les échelons de la vie politique, la députation et la présidence du conseil régional.
La pensée de Valéry Giscard d’Estaing, telle qu’elle s’exprime dans Démocratie française, est une exhortation à l’apaisement politique, un appel à substituer le dialogue au conflit, la négociation à la lutte ; une inspiration qui vise à conjurer la fatalité de la seule bipolarisation.
Valéry Giscard d’Estaing était attaché au bicamérisme et il demeure le seul Président de la République à être intervenu au sein même de cet hémicycle ; c’était le 27 mai 1975, pour le centenaire du Sénat de la République. À cette occasion, évoquant la IIIe République, il affirmait : « Plus circonspect que la Chambre [des députés], moins sensible qu’elle à la séduction d’idéologies non encore éprouvées au contact des réalités, le Sénat a apporté dans la gestion des affaires publiques le concours de l’expérience et de la sagesse » ; comme un écho au discours de Bayeux, prononcé, en 1946, par le général de Gaulle.
Nous garderons tous le souvenir de sa grande intelligence, d’un Président moderne et réformateur, d’un militant de la construction européenne. Je lui rendais visite chaque année – je l’ai fait encore il y a quelques mois à peine – et son intelligence fulgurante me frappait à chaque rencontre.
Je veux que nous ayons, pour son épouse, pour sa famille déjà éprouvée et pour ses proches, ainsi que pour tous ceux qui ont partagé ses engagements, une pensée mais également un moment de partage de peine et d’unité, afin que nous soyons, non pas « deux Français sur trois » mais trois Français sur trois à croire en la République et en ses valeurs, dans la diversité que nous formons.
En ce jour où la Haute Assemblée va examiner les crédits de la mission « Outre-mer », je ne peux m’empêcher d’évoquer également l’intérêt que Valéry Giscard d’Estaing portait aux outre-mer. Il fut ainsi le premier Président de la République à se rendre dans l’île de Wallis ; il fut aussi le Président de la République du référendum sur l’indépendance des Comores, avec les conséquences que l’on sait.
Je remercie encore la vice-présidente Rossignol d’avoir, hier soir, au cours de nos débats, montré que le Sénat était attentif, dans sa diversité, à ce grand homme d’État.
Avant de vous proposer, monsieur le ministre, mes chers collègues, un moment de recueillement, je vais céder la parole à M. Lecornu.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est également avec beaucoup d’émotion que je prends la parole, ce matin, devant vous, pour m’associer, au nom du Gouvernement, à l’hommage du président du Sénat ; le Président de la République s’adressera à la Nation, ce soir.
Monsieur le président, vous avez terminé votre propos en rappelant l’intérêt qu’a porté le Président Giscard d’Estaing aux différents outre-mer et la marque qu’il y a laissée. C’est vrai, les grands chantiers de modernisation de notre pays ont trouvé un écho singulier dans les différents territoires d’outre-mer, notamment pour les femmes et pour la jeunesse.
Le surnom de « prince qui a fendu les océans » que lui a donné la presse est lié à ses déplacements outre-mer. Il s’y est rendu comme secrétaire d’État et comme ministre, puis, au cours de son septennat, il a tenu à parcourir chacun des territoires d’outre-mer sauf deux : Saint-Pierre-et-Miquelon et la Guyane.
Dans l’océan Atlantique, il a marqué les Antilles, dans un moment compliqué socialement ; on se souvient d’un déplacement tendu mais au cours duquel il a su trouver les mots pour renouer avec la population et lancer des initiatives diplomatiques importantes. Cela a ainsi permis de positionner la Martinique et la Guadeloupe au cœur de grands sommets internationaux, notamment pendant la guerre froide, avec une rencontre avec le président Ford, au cours d’un sommet important réunissant également l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Pour ce qui concerne l’océan Indien, vous avez rappelé, monsieur le président, la décision difficile liée aux Comores, avec la préfiguration de ce qui aboutira par la suite à la départementalisation de Mayotte. Il a également entretenu une relation charnelle avec La Réunion, et pour cause : son Premier ministre, Raymond Barre, avait un lien très fort avec ce département.
Enfin, il a visité l’océan Pacifique. Il fut le premier Président de la République à se rendre à Wallis, pour annoncer l’arrivée de la radio à Wallis et à Futuna. Je veux aussi souligner le rôle du Président Giscard d’Estaing en Polynésie, avec le cheminement vers le statut de l’autonomie. J’aurai également un mot particulier pour la Nouvelle-Calédonie ; c’est un territoire que je considère avec beaucoup de tendresse mais aussi d’inquiétude. On a trop souvent oublié que, quelques années avant les événements, Valéry Giscard d’Estaing fut le premier Président de la République à lancer une grande réforme foncière – le plan Dijoud –, premier acte de rééquilibrage entre Kanaks et non-Kanaks.
Pour finir, je veux vous faire part d’un point de vue plus personnel. Je garderai, moi aussi, le souvenir d’un homme intelligent, érudit, drôle – très drôle, même – et curieux, posant des questions au tout jeune secrétaire d’État à l’écologie que j’étais. Il se passionnait pour les éoliennes, mais aussi pour l’énergie nucléaire ainsi que pour la place de la France en Europe. Cette érudition, cette capacité à penser vite, cette curiosité, cette bienveillance, quoiqu’un peu taquine, je dois bien l’avouer, nous ne les oublierons pas.
C’est vrai, le Président Giscard d’Estaing a occupé différentes fonctions. Il aimait à me dire qu’il avait eu beaucoup de plaisir à exercer des fonctions exécutives locales, notamment à la présidence du conseil régional d’Auvergne ; je veux d’ailleurs souligner l’humilité dont il a fait preuve dans son parcours politique, après avoir exercé la magistrature suprême. On peut également saluer l’homme de lettres, l’académicien.
Ainsi, il fut secrétaire d’État, ministre, maire, Président de la République, président de conseil régional, député, membre du Parlement européen ; il n’eut donc qu’un seul tort, celui de ne pas être sénateur, mais il y a largement suppléé en défendant le bicamérisme avec beaucoup de passion et avec le sens de l’équilibre qu’on lui connaissait.
Je vous remercie, monsieur le président, de m’avoir permis d’adresser ces quelques mots devant la Haute Assemblée.
Merci monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose maintenant d’observer un moment de recueillement, en mémoire et en hommage à Valéry Giscard d’Estaing.
Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, observent un moment de recueillement.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 137, rapport général n° 138, avis n° 139 à 144).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et article 55 sexies).
Je profite de l’occasion pour féliciter M. Stéphane Artano, qui a été élu, ce matin, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Applaudissements.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord rappeler la vocation particulière de la mission « Outre-mer » : favoriser le rattrapage, par les territoires ultramarins, de leur retard économique et social par rapport à l’Hexagone. Cet objectif se manifeste notamment par le fait que plus de 90 % des crédits demandés pour 2020 étaient des dépenses d’intervention.
Le rattrapage de cet écart persistant constitue le défi majeur de la mission. La situation économique des outre-mer paraît en effet bien plus défavorable qu’en métropole : le PIB par habitant est, dans l’Hexagone, près d’une fois et demie plus élevé que celui de la Guyane et près de trois fois supérieur à celui de Mayotte.
Les outre-mer ont été fortement touchés par la covid-19, et les effets de la pandémie sur l’économie de ces territoires sont palpables ; ainsi, l’effet du confinement s’élève à plus de 25 % du PIB à La Réunion et en Guyane. Toutefois, la comparaison avec les données de la France entière montre également une meilleure résistance des économies ultramarines, en raison principalement du poids plus important, dans ces territoires, du secteur non marchand.
La crise économique constitue néanmoins un facteur supplémentaire de ralentissement de la convergence des économies ultramarines avec l’Hexagone, l’un des principaux objectifs, je le rappelle, de la mission « Outre-mer ».
Dans ce contexte, l’augmentation des crédits de celle-ci par rapport à 2020 – de 6, 39 % en autorisations d’engagement et de 2, 64 % en crédits de paiement – constitue indéniablement une bonne nouvelle pour ces territoires.
Le principal point de vigilance sur lequel je souhaite attirer votre attention est la sous-exécution importante dont cette mission fait l’objet. Il s’agit d’une question centrale et récurrente, souvent mise en avant par les gouvernements successifs pour expliquer la situation des outre-mer ; ces derniers seraient presque responsables de leur situation parce que les crédits existent mais ne seraient pas consommés faute d’ingénierie locale. C’est d’ailleurs de la difficulté à consommer les autorisations d’engagement au cours des dernières années que le Gouvernement argue pour proposer une baisse de 5 % des crédits de paiement du programme 123, « Conditions de vie outre-mer ».
La sous-consommation s’explique également par la situation financière de nombreuses collectivités locales, qui ne disposent pas de l’épargne nécessaire et qui souffrent d’un déficit du compte de fonctionnement. Il est crucial de les remettre à flot financièrement, afin qu’elles puissent s’inscrire dans le plan de relance.
Concernant le logement, la question du manque d’ingénierie ne devrait pas se poser, dans la mesure où les opérateurs immobiliers ont de très bons services en la matière. En outre, la disponibilité du foncier fait souvent défaut en outre-mer ; ainsi, avant de prévoir des crédits destinés à la construction, il conviendrait d’en prévoir pour l’aménagement du foncier. Dans certains territoires, en effet, le foncier est rare et cher. Dans d’autres, comme en Guyane, le foncier existe, mais il doit être aménagé et il serait judicieux d’avoir des crédits pour cela, à l’image du fonds régional d’aménagement foncier et urbain. Action Logement m’a également fait part d’une sous-consommation des crédits, pourtant disponibles.
Cette sous-consommation des crédits budgétaires est d’autant plus préoccupante que, en 2019, le Gouvernement avait demandé la suppression de 170 millions d’euros de dépenses fiscales en outre-mer : suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR) et recentrage de la réduction d’impôt sur le revenu dans les territoires d’outre-mer. Il s’était toutefois engagé à utiliser les gains budgétaires dégagés pour abonder le fonds exceptionnel d’investissement (FEI) et financer les dépenses visant à favoriser le développement économique des territoires. J’avais appelé l’attention du Sénat, à l’époque, sur le fait que les dépenses budgétaires, contrairement aux dépenses fiscales, n’offrent aucune garantie dans la durée et peuvent faire l’objet de sous-consommation.
Je constate aujourd’hui que ces promesses sont tenues en apparence ; les crédits du FEI, par exemple, augmentent largement. Toutefois, ce fonds fait l’objet d’une forte sous-consommation – près de 30 % en 2019 –, qui constitue une perte nette pour les territoires ultramarins.
Le programme 138, « Emploi outre-mer », rassemble les crédits visant à compenser, auprès des organismes de sécurité sociale, les exonérations spécifiques de cotisations patronales. En 2019, le dispositif d’allégements et d’exonérations de charges patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer a été modifié, afin de répondre entièrement aux dispositions de l’article 86 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, qui actait la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) au 1er janvier 2019.
Cette réforme avait entraîné, en 2019, une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations de charges. Ces derniers connaissent, en 2021, une hausse de 6, 4 % par rapport à ceux qui étaient prévus en 2020.
Nous tenons à rester vigilants quant à la fiabilité de ces prévisions, parce que la baisse de l’activité qui résulte de l’épidémie et le recours important au chômage partiel sont susceptibles d’entraîner une sous-exécution importante. En pareil cas, il nous paraît important que les crédits restants soient affectés à d’autres dépenses de la mission.
Sur le fond, je tiens à le dire, les nouveaux paramètres du régime issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 n’ont pas pleinement compensé les effets de la suppression du CICE à 9 %. Cela a entraîné une augmentation du coût du travail en Guyane, alors même que ce territoire subit une forte concurrence extérieure et reste particulièrement vulnérable par rapport à l’économie informelle.
Les conséquences économiques de l’épidémie devraient être de nature à susciter une réflexion sur un éventuel élargissement du barème de compétitivité renforcée à de nouveaux secteurs, afin d’apporter un soutien suffisant aux territoires ultramarins.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2021 ne comprend aucune évolution en matière fiscale concernant les outre-mer, alors que ce levier aurait été pertinent pour mobiliser l’épargne face à la crise.
Pour ce qui concerne l’accompagnement des collectivités territoriales, je tiens à souligner l’adoption, à l’Assemblée nationale, d’un amendement tendant à augmenter les crédits de la mission de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 10 millions d’euros en crédits de paiement, afin de financer l’expérimentation d’un contrat d’accompagnement pour les communes en difficulté des départements et régions d’outre-mer qui manifesteraient des efforts de redressement. J’avais proposé, au travers d’un rapport remis au Gouvernement et rédigé par Jean-René Cazeneuve et moi-même, un tel contrat, qui est susceptible de fournir un accompagnement financier de l’État aux collectivités les plus en difficulté, dans une logique de coresponsabilité ; son expérimentation me semble donc particulièrement bienvenue.
Comme chaque année, je rappelle que la mission ne concerne qu’une part faible de l’effort de l’État en faveur des outre-mer. C’est particulièrement vrai aujourd’hui, puisque les territoires ultramarins devraient bénéficier d’au moins 1, 5 milliard d’euros dans la cadre du plan de relance national.
Une vigilance particulière s’imposera néanmoins quant à la déclinaison territoriale de ce plan et à la bonne exécution des crédits. En outre, dans la mesure où une partie importante des dépenses dépend d’appels à projets, aucune garantie ne peut être apportée à ce stade quant au montant dont les outre-mer bénéficieront réellement. Nous interrogerons le ministre, en séance publique, afin d’avoir une meilleure vision du montant effectivement mis au service de chaque territoire.
Malgré ces réserves, mes chers collègues, la prudence restant de mise, je vous inviterai à adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les chiffres sont têtus ! Malgré la crise, l’effort de l’État en faveur des outre-mer est réel. Il est en hausse non seulement sur cette mission, mais aussi, de manière transversale, sur l’ensemble des missions du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.
La mission « Outre-mer » regroupe environ 12 % des crédits de l’État en faveur des outre-mer, sur un total de plus de 19, 2 milliards d’euros, hors dépenses fiscales. Cela représente 4 % du budget de l’État, pour environ 4 % de la population française, comme le souligne Micheline Jacques dans son excellent rapport pour avis publié au nom de la commission des affaires économiques.
Alors, non, mes chers collègues, avec 2, 68 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 2, 4 milliards d’euros de crédits de paiement (CP), les outre-mer ne sont ni des enfants trop gâtés ni des oubliés de la République !
En cette période extraordinaire, au sens premier du terme, plutôt que de joutes verbales décapantes, il nous faut relever le défi de l’efficacité et de l’efficience des moyens déployés par l’État et par chacune de nos collectivités, pour apaiser l’urgence sanitaire et conjurer le mauvais sort économique, que la division de nos énergies risque d’aggraver.
Comme dans l’Hexagone, la covid-19 a fragilisé nos maisons construites sur nos terres insulaires lointaines, isolées mais pas esseulées. Ce budget en est la preuve.
Comme dans l’Hexagone, nos collectivités ont dû improviser, se débrouiller et trouver des solutions pour gérer les urgences.
Comme dans l’Hexagone nos populations vivent dans l’espoir d’une année 2021 à l’aune d’un ou plusieurs vaccins salvateurs, mais aussi et surtout d’un rebond économique impératif, urgent et crucial. Nous avons été beaucoup plus exposés qu’ailleurs à l’arrêt brutal du tourisme et des transports, qui a produit des effets directs et indirects dévastateurs sur des marchés étroits et concentrés. Le seul secteur du tourisme a chuté jusqu’à 90 % dans certaines collectivités ultramarines.
L’urgence est à la reconsolidation de nos économies, à la formation des hommes pour les préparer à cette reprise indispensable et à la stabilité des dotations publiques alimentant nos moteurs économiques éparpillés sur tous les océans du monde.
En matière d’emploi et de formation, nous ne pouvons pas ignorer les efforts budgétaires du programme 138, « Emploi outre-mer ». Comme l’a souligné Georges Patient, il constituera, dès la reprise de l’activité, un relais essentiel aux mesures d’indemnisation du chômage partiel en cours. Ce programme rassemble, en plus des crédits destinés aux exonérations de charges sociales, les crédits du service militaire adapté (SMA), qui constitue une formidable opportunité, une deuxième chance offerte par la République à nos jeunes en difficulté d’insertion. Ses crédits sont en augmentation de 4 % en AE et il fait l’objet d’un ambitieux plan dit « SMA 2025 », qui prend pleinement sens en ces temps de redressement face à la crise.
En 2020, la création, à Bourail, d’une nouvelle compagnie du régiment du SMA de Nouvelle-Calédonie marque la volonté d’aller encore de l’avant sur ce dispositif essentiel pour nos jeunes en quête d’une nouvelle voie.
Par ailleurs, comme le prévoit le programme 123, l’amélioration des conditions de vie dans les outre-mer n’est pas une formule vaine au soir d’une crise comme celle que nous vivons. Les AE, à hauteur de 829 millions d’euros, et les CP, à hauteur de 593 millions d’euros, connaissent respectivement une hausse de 7 % et une baisse de 5 %, que nous devons relever de manière factuelle, mais aussi comprendre.
L’enjeu, aujourd’hui – je le dis avec tout le respect que je porte au pouvoir d’amendement que nous serons nombreux à exercer tout à l’heure –, est de savoir, non pas combien de crédits nous pourrons décrocher en plus, mais comment nous pourrons mobiliser au maximum ceux qui seront consacrés à nos territoires. En effet, tous les observateurs l’attestent : la mission « Outre-mer » doit quitter le podium de la sous-exécution ou sous-consommation – cela est fonction des hémisphères d’analyse.
Je sais que d’autres voix s’exprimeront différemment, mais l’ajustement du niveau des CP relève, selon moi, de la mécanique financière logique et implacable : il est fonction des décaissements escomptés sur l’année concernée, pour faire simple, comme pour toutes les lignes s’exécutant de manière pluriannuelle.
Nous avons pour défi un regain d’engagements, de nouvelles contractualisations, de nouvelles concrétisations réelles, effectives et à un rythme plus élevé de portée contracyclique.
Que faire ? Si l’accusé se nomme ingénierie, redoublons d’appui aux collectivités territoriales, notamment en matière de gestion de projets. Des efforts ont été faits sur ce plan. Néanmoins, ne détournons pas le regard. La simplification des procédures et des normes, l’accessibilité des informations ainsi que la territorialisation des budgets forment autant de gages de souplesse ou d’agilité, pour employer une formule du moment, comme le relève la Cour des comptes. C’est cette agilité qui nous apportera l’efficience budgétaire et ce doit être notre priorité.
En ce qui concerne l’investissement, l’État est au rendez-vous : sa politique contractuelle en outre-mer, dont les crédits sont supportés par l’action n° 02, Aménagement du territoire, du programme 123, connaît ainsi une augmentation de 3 % en AE. Le FEI maintient son fort niveau de dotation à 110 millions d’euros, pour accompagner l’équipement de nos territoires.
En 2021, l’effort sera maintenu en AE pour les contrats de convergence et de transformation, le futur contrat de développement et de transformation en Polynésie française en cours de finalisation et le contrat de développement en Nouvelle-Calédonie. Il en est de même pour la convention triennale santé-solidarité polynésienne qui nous est confirmée pour le printemps par le Premier ministre. Nous lui faisons confiance !
Il est vrai que les contrats passés ont fait l’objet, depuis leur mise en œuvre, d’un problème récurrent d’impayés, des niveaux d’AE étant constatés en deçà des montants contractualisés dès leur démarrage. Des retards de paiement ont aussi été relevés. La parole de l’État doit pourtant reposer sur un socle de confiance inébranlable. Nous relevons que le montant cumulé des charges à payer relatives à ces contrats s’élevait, en fin de gestion 2019, à 3, 6 millions d’euros, ce qui constitue le plus bas niveau historique et traduit la volonté de ce gouvernement d’honorer les engagements de l’État, quel que soit celui qui les a pris par le passé.
Programmons ce que nous pouvons payer et engageons ce que nous pouvons réaliser : voici le maître-mot de nos prochains contrats, selon les principes de différenciation mais aussi de responsabilité commune dans un respect mutuel.
L’aide à la reconversion de l’économie polynésienne est consolidée une année de plus. Sont maintenus, en effet, la transformation de la dotation globale d’autonomie en prélèvement sur recettes (PSR), la dotation territoriale d’investissement des communes ou encore le troisième instrument financier sur les projets d’investissement prioritaires. Globalement et malgré la crise, l’ensemble des dotations d’investissement ultramarines est maintenu, voire augmenté. Comme le répète souvent le président Édouard Fritch, il faut savoir dire merci et arrêter de se plaindre.
Les crédits de la ligne budgétaire unique finançant le logement outre-mer s’élèvent à 224, 6 millions d’euros en AE et 176, 9 millions d’euros en CP : ils sont donc en hausse.
Il est vrai qu’ils sont à un niveau très inférieur à celui qui a été constaté jusqu’en 2017 et qu’ils sont frappés d’une sous-exécution chronique, comme cela a été souligné.
Les crédits prévus et dépensés en 2021 devraient donc se trouver largement inférieurs aux besoins, alors que le rythme souhaité de construction de logements sociaux est estimé à plus de 15 000 par an depuis le vote, en 2017, de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer. Voilà un fait tout aussi têtu qu’incontestable.
Le sénateur que je suis ne saurait affirmer d’autre axe que celui de la différenciation en associant les énergies locales, pour une meilleure appropriation des outils et consommation de nos crédits.
Ce sera le cœur des débats de la loi « 4D » – décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification –, que nous prépare le ministre des outre-mer, le tout autant sénateur M. Sébastien Lecornu. Je tiens à le remercier pour son engagement et son dévouement à nos océans de France.
Chers collègues, avec quelques points d’attention, mais aussi avec responsabilité, je constate que nos budgets de la mission « Outre-mer » sont en augmentation, malgré certaines sous-exécutions chroniques. Notre défi, au-delà de la course aux crédits, est de remporter la bataille de l’efficacité pour gagner au champ de la responsabilité. C’est dans un partenariat franc et constructif avec l’État, qui est à nos côtés en ces temps de crise comme lors de la relance prochaine, que nous réussirons tous.
Je me joins donc à l’avis de mon collègue Georges Patient en invitant le Sénat à adopter ces crédits et l’État à les exécuter avec nos collectivités.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Nassimah Dindar et Micheline Jacques applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a approuvé les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2021, en formulant plusieurs messages et recommandations.
Si, en termes de pourcentages, les crédits alloués à la mission sont en hausse, surtout en autorisations d’engagement, pour ce qui concerne les volumes de crédits, l’impact économique des 2, 4 milliards ou 2, 7 milliards d’euros n’est pas fondamentalement différent de l’enveloppe de 2 milliards d’euros reconduite depuis une dizaine d’années.
Depuis 2019, en effet, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégement de charges a gonflé de manière purement comptable le programme 138, « Emploi outre-mer », sans que les entreprises y gagnent nécessairement.
Par ailleurs, 170 millions d’euros proviennent en quelque sorte de la poche des Ultramarins. À cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer l’engagement pris en 2019 de recycler, chaque année, les prélèvements supplémentaires provoqués par la suppression de dispositifs fiscaux qui bénéficiaient aux ménages et aux entreprises ?
La nouveauté de ce budget est, bien entendu, la mission « Plan de relance ». Ainsi, 1, 5 milliard d’euros ont été initialement fléchés aux outre-mer, soit 1, 5 % des 100 milliards du plan de relance, alors que ceux-ci représentent 4 % de la population. Monsieur le ministre, confirmez-vous que l’enveloppe restera bien ouverte au-delà de 1, 5 milliard d’euros ?
C’est bien cette volonté que le Sénat a exprimée en adoptant un amendement tendant à prévoir 2, 5 milliards d’euros, apportant du reste un démenti au préjugé d’outre-mer budgétivores, d’autant que les crédits affichés restent, trop souvent non consommés. Nous préconisons, face au risque d’effondrement du secteur marchand, de flécher ces crédits du plan de relance territoire par territoire.
Nous vous alertons sur les risques du « premier arrivé, premier servi ». Un grand nombre de très petites entreprises ayant des projets utiles et créatifs ne sont pas outillées pour déposer rapidement des dossiers. Sur certains territoires, un tiers des TPE ignorait purement et simplement les dispositifs du premier confinement. C’est dire combien la gestion et la numérisation doivent être soutenues.
Je termine par un impératif : saisir la chance historique qui se présente pour le logement ultramarin. En effet, les financements de relance mobilisables vont bien au-delà des crédits budgétaires ; avec les plans d’investissement volontaire d’Action Logement et de CDC Habitat, on est sans doute proche des sommes investies par l’État pendant quinze ans, c’est-à-dire plus de 3 milliards d’euros.
Le véritable défi est d’activer ces fonds en redynamisant un secteur qui a un puissant effet d’entraînement sur les économies de nos outre-mer. L’objectif doit être de développer sur place des filières intégrées : aménagement, nouveaux matériaux, construction, habitat et traitement de l’amiante. Selon nous, ce mouvement doit être impulsé par des mécanismes et des opérateurs qui doivent adopter le modèle de l’entreprise formatrice.
En outre, face à des taux de chômage vertigineux, il faut intégrer la jeunesse ultramarine, qui regorge de jeunes talents.
Monsieur le ministre, l’acte de construire et ses ramifications ont également besoin d’un encadrement mieux adapté. À cet égard, la Cour des comptes vient de souligner l’existence d’exigences normatives « sans réel rapport avec les réalités locales », faisant ainsi écho aux préconisations de notre délégation sénatoriale aux outre-mer.
Tout aussi réaliste, le haut-commissaire au Plan déplore que l’État, avec les règles actuelles, entrave même ses propres actions. Le moment est venu de sortir de ce carcan.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et RDPI.
La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » ne comprennent qu’un peu plus d’un dixième de l’ensemble de l’effort budgétaire de l’État à destination des territoires ultramarins. La commission des affaires sociales est à la fois satisfaite du maintien du niveau des crédits de la mission, au-dessus du seuil symbolique de 2, 5 milliards d’euros, et réservée quant à leur lisibilité et à leur répartition.
Le programme « Emploi outre-mer », qui concentre plus de la moitié des dépenses de la mission, retrace, pour l’essentiel, la compensation budgétaire des exonérations de cotisations sociales, dites Lodéom – du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer –, dont bénéficient les entreprises de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion ainsi que de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
Monsieur le ministre, notre commission s’est émue de ce que les exonérations Lodéom, principal outil du budget dont vous êtes l’ordonnateur, semblent non pas faire l’objet d’une stratégie d’ensemble, mais plutôt revêtir la forme d’un secours en urgence porté, a posteriori, à différents secteurs. J’en veux pour preuves l’heureuse intégration de la production audiovisuelle dans le régime de compétitivité renforcée à la suite de la fermeture de France Ô ainsi que la fin de non-recevoir opposée au secteur éminemment stratégique du BTP, dangereusement exposé en cette période particulière.
Le programme « Conditions de vie outre-mer » comprend, d’une part, le financement budgétaire et fiscal de la politique de logement, et, d’autre part, diverses actions budgétaires aux vocations disparates, qui ont toutes pour point commun de prévoir d’importants transferts aux collectivités territoriales. Dans l’un et l’autre cas, la commission des affaires sociales a signalé l’urgence de certaines réformes.
Concernant le logement, notamment social, la Cour des comptes pointe dans un rapport récent la pertinence discutable d’un financement reposant de plus en plus sur la dépense fiscale, là où l’intervention budgétaire serait sans doute plus pertinente. Elle signale également les difficultés issues de l’intervention, sans ordre de bataille, de dix-neuf organismes de logement social (OLS) pour l’ensemble des territoires ultramarins. Monsieur le ministre, nous y lisons en creux l’appel discret qui vous est fait de vous saisir pleinement de vos prérogatives.
J’ai eu, enfin, l’occasion d’alerter votre cabinet sur le fait que les dépenses de transfert aux collectivités territoriales représentent un risque de « prime au mauvais gestionnaire ». En effet, il s’agit d’augmenter uniquement les crédits de ceux qui ont été précédemment dans l’incapacité de les dépenser, au détriment de ceux qui en ont trouvé par eux-mêmes le bon emploi.
Sous ces réserves, et en renouvelant son souhait que les crédits sociaux de la mission « Outre-mer » fassent l’objet d’un pilotage plus fin et plus adéquat, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à leur adoption.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et RDPI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rendre un hommage appuyé au président Valéry Giscard d’Estaing, puisque c’est sous son septennat que mon territoire de Mayotte a pu se maintenir dans la France, à la suite de la consultation, île par île, du 22 décembre 1974.
J’en viens à la mission « Outre-mer ».
La principale problématique à laquelle elle est confrontée provient du fait que les crédits consommés sont largement inférieurs aux crédits attribués en loi de finances.
Conscient de cette difficulté, le ministre des outre-mer fait, cette année, un effort d’amélioration du pilotage budgétaire de la mission. Les crédits de paiement pour 2021 sont ajustés à ce qui devrait être effectivement dépensé. En outre, 70 % des crédits de la mission devant être disponibles dès janvier, ils pourront être engagés plus rapidement.
La programmation des crédits pour 2021 est également marquée par un effort de relance faisant suite à la crise de la covid-19 ; il se traduit par trois priorités : la construction et la rénovation des infrastructures ; le soutien à l’emploi et à la formation ; l’accompagnement des collectivités territoriales.
Les crédits alloués à la mission augmentent ainsi nettement par rapport à 2020 : une hausse de 6, 39 % en autorisations d’engagement et de 2, 64 % en crédits de paiement.
En matière de construction et de rénovation des infrastructures, l’année 2021 constituera la deuxième année de mise en œuvre du plan Logement outre-mer 2019-2022. Un effort important sera fait en matière de construction d’écoles.
D’autres dispositifs sont également maintenus, comme l’aide aux ménages de Guadeloupe et de Martinique pour l’acquisition de terrains dans la zone des cinquante pas géométriques ou la suite de l’opération de rénovation du quai de croisière de Saint-Pierre-et-Miquelon.
En matière de soutien à l’emploi et à la formation, 84 % des crédits du programme « Emploi outre-mer » sont, cette année encore, destinés à compenser les exonérations de charges patronales accordées aux entreprises ultramarines. Ce dispositif a été étendu en 2019 à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
Dans les collectivités du Pacifique, des mesures d’insertion professionnelle spécifiques sont mises en place, notamment pour les chantiers de développement local en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.
Quant au service militaire adapté, il a montré toute sa pertinence lors de la crise sanitaire. Une nouvelle compagnie vient d’être créée à Bourail en Nouvelle-Calédonie, tandis que des opérations de rénovation structurante auront lieu à La Réunion et en Polynésie française.
L’accompagnement des collectivités ultramarines, troisième priorité du budget 2021, passe par les contrats de convergence et de transformation, le fonds exceptionnel d’investissement ainsi que des dispositifs spécifiques à certaines d’entre elles.
Des plateformes d’aide à l’ingénierie à destination des collectivités ont ainsi vu le jour à Mayotte et en Guyane en 2020, mais il existe également des dotations spécifiques, notamment en Polynésie française, pour renforcer les moyens d’intervention des territoires.
Pour terminer, je souhaite rappeler que les crédits portés par la mission « Outre-mer » ne constituent qu’environ un dixième de l’effort total de l’État en faveur des territoires ultramarins, qui se monte à 24, 47 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 24, 13 milliards d’euros en crédits de paiement.
L’ensemble de ces éléments a conduit la commission des lois à émettre un avis favorable à l’adoption de ces crédits.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Maurice Antiste.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » que nous étudions aujourd’hui est aussi particulière que cette année 2020. Nos territoires n’ont pas été épargnés par la crise que nous traversons depuis presque un an ; bien au contraire !
L’augmentation de presque 6 % du budget proposé par le Gouvernement est louable. Cependant, les défis que rencontrent nos territoires nécessitent une politique encore plus ambitieuse.
Monsieur le ministre, nous ne critiquerons pas l’augmentation des crédits d’engagements de votre ministère, mais nous devons constater qu’ils ne représentent qu’une minorité des engagements de l’État dans nos territoires. Pour rattraper notre retard structurel sur l’Hexagone, dans presque tous les domaines, il est nécessaire que le « réflexe outre-mer » que nous réclamons régulièrement ici devienne la règle, et ce dans tous les ministères.
Il s’agit là d’une demande, non pas de rattachement de crédits liés à l’agriculture ou à la culture à la mission « Outre-mer », mais bien de mise en place d’une collaboration efficace entre tous les services du Gouvernement. Le but étant le déblocage des fonds nécessaires pour l’alignement équitable de nos territoires sur l’existant hexagonal.
Permettez-moi de prendre l’exemple des fonds CIOM, qui, malgré une promesse claire du Président de la République, ont pris plus d’un an pour être augmenté, à la suite d’un imbroglio autour de la provenance des fonds entre votre ministère et ceux de l’agriculture et du travail.
Il n’est pas normal que des annonces faites lors de l’examen des missions du PLF restent aussi floues pendant si longtemps. J’en tiens pour responsable la mauvaise coordination des différents ministères sur des questions pourtant essentielles pour nous.
Tout cela concernant non pas directement la mission « Outre-mer », mais bien le fonctionnement général des politiques publiques dans nos territoires, je vais tout de même parler rapidement du détail de ce budget.
L’accent mis, cette année, sur le logement social constitue, bien évidemment, une bonne chose, puisque nombre de nos concitoyens vivant dans des conditions extrêmement précaires, rendues parfois plus difficiles par un accès à l’eau aléatoire et des infrastructures insalubres.
Au-delà des augmentations budgétaires, il est nécessaire de veiller à ce que le phénomène de sous-consommation de la ligne budgétaire unique (LBU) ne devienne pas structurel. Il faut, pour cela, accompagner les services décentralisés de l’État dans la mise en place sur le terrain d’une ambitieuse politique du logement.
Concernant les aides aux entreprises et à l’emploi, le dispositif d’exonération des charges patronales atteint, aujourd’hui, son rythme de croisière, bien que l’année écoulée ne constitue pas le meilleur indicateur de son efficacité. À cet égard, il est aussi nécessaire de prêter une attention particulière à la mise en place, sur le terrain, des intentions budgétaires de votre ministère. Malheureusement, nous constatons chaque année un écart significatif entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, entre la théorie de la politique publique et sa transcription sur nos territoires bien particuliers.
J’illustrerai là aussi mon propos par un exemple passé. Le FEI, annoncé il y a deux ans comme une solution exceptionnelle dans les stratégies de développement de nos territoires, justifiant par ailleurs la fin de l’exonération de la TVA NPR, finance aujourd’hui bien peu de projets d’envergure, en tout cas pas à la mesure de l’ambition affichée au départ.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, comme nombre de mes collègues, je suis satisfait de l’augmentation du budget de cette mission. Ce sentiment est toutefois édulcoré par un peu de frustration et de doute. Au-delà de cette ambitieuse augmentation budgétaire de 6 %, nous avons besoin d’une refonte globale de nos plans d’investissement pour notre santé, notre culture et notre production agricole. Or, cette ambition, nous ne la voyons toujours pas arriver.
Nous avons tout de même de bonnes raisons de vous faire confiance !
Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette discussion budgétaire s’inscrit dans un contexte particulier, car la crise sanitaire liée au covid-19 frappe douloureusement nos territoires d’outre-mer.
Les inquiétudes de nos concitoyens ultramarins sont très importantes et l’évolution de la situation constitue une préoccupation de chaque instant.
Comme vous le savez, les territoires ultramarins sont déjà fragilisés par une balance commerciale déficitaire, des taux de chômage deux à trois fois plus élevés qu’en métropole, une insularité et un éloignement géographique favorisant la vie chère.
Aussi, dans ce contexte inédit de pandémie, les crédits de la mission « Outre-mer » doivent être, plus que jamais, mobilisés au service de nos territoires ultramarins.
C’est donc avec satisfaction que je constate une légère augmentation par rapport à l’année 2020. Ces crédits s’élèvent ainsi, pour 2021, à 2, 68 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2, 34 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation respectivement de 6, 39 % et de 2, 64 %. Il faut, toutefois, souligner que la mission « Outre-mer » ne constitue qu’une petite partie du budget de l’État consacré aux territoires ultramarins.
En effet, la politique transversale de l’État en direction de l’outre-mer est portée par 94 programmes relevant de 31 missions. L’effort budgétaire de l’État en faveur des territoires ultramarins, tel qu’il est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2021, s’élève ainsi à 19, 57 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 19, 23 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces montants sont en très légère diminution par rapport à l’année 2020.
À cet égard, je regrette que l’action de l’État à destination des territoires ultramarins manque quelque peu d’ambition en s’inscrivant dans la continuité des années précédentes.
En premier lieu, permettez-moi, monsieur le ministre, d’aborder plus spécifiquement cette préoccupation forte des Ultramarins que constitue la question du logement. Je me félicite de la hausse de 8, 7 % de la ligne budgétaire qui lui est consacrée, la portant à 224 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Il s’agit d’un signal positif envoyé aux territoires ultramarins en matière de lutte contre l’habitat indigne et d’accès au logement. Cela permettra de poursuivre la mise en œuvre du plan Logement outre-mer et d’accompagner les stratégies territoriales des établissements publics fonciers et d’aménagement de Guyane et de Mayotte.
En deuxième lieu, je tiens à évoquer les difficultés du secteur touristique, qui représente, en moyenne, plus de 18 % du PIB – emplois directs et indirects. À l’heure de la deuxième vague pandémique, les faibles chances de reprise du secteur semblent définitivement compromises. Si les territoires ultramarins sont épargnés par ce nouveau confinement – la Martinique est une exception –, ils en subiront néanmoins les conséquences économiques, car la haute saison touristique se déroule traditionnellement en hiver.
Par conséquent, la relance pérenne de l’économie ultramarine doit reposer sur une meilleure adaptation des dispositifs d’urgence à ces territoires.
En troisième et dernier lieu, je souhaite mettre l’accent sur la nécessité d’améliorer l’emploi et la compétitivité des entreprises ultramarines – elles sont, à 95 % des TPE et des PME –, notamment grâce à l’allégement des cotisations patronales.
Les moyens budgétaires prévus pour ce dispositif, en hausse de 6, 6 % par rapport à 2020, représentent 1, 5 milliard d’euros.
Je salue ce levier important qui vient soutenir les nombreuses petites entreprises ultramarines, moins résistantes à un choc économique d’une telle ampleur et d’une telle durée. À titre d’exemple, sur l’île de la Réunion, les entreprises ont considérablement réduit leurs embauches et 4 300 emplois ont été détruits depuis le début de la crise sanitaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’il manque, une fois de plus, d’ambition, ce budget pour l’outre-mer présente néanmoins une légère augmentation. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants votera les crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission budgétaire « Outre-mer » s’articule autour de plusieurs axes : le soutien à l’emploi, l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, les actions de formation en mobilité, le logement social, l’effort d’équipement des territoires et l’éducation et l’accompagnement des collectivités territoriales.
Néanmoins, beaucoup des crédits utiles à l’outre-mer proviennent d’autres ministères. Au regard des besoins, cette architecture budgétaire morcelée est dommageable.
Les territoires ultramarins accusent des retards sur les plans économique et social. À titre d’exemple, le PIB par habitant est près d’une fois et demie supérieur dans l’Hexagone qu’en Guyane. Il y est près de trois fois plus élevé qu’à Mayotte.
Les effets de la crise économique et sociale, résultat de la pandémie de covid-19 en outre-mer – je pense notamment à l’effondrement du tourisme –, viennent s’ajouter à une situation déjà très précaire.
Certes, les crédits de la mission sont en légère hausse, mais le budget reste relativement stable et ordinaire, dans une période extraordinaire.
Les conséquences de cette période extraordinaire sur les crédits de la mission sont immédiates. Ainsi, le premier poste budgétaire de celle-ci est l’action Soutien aux entreprises, qui vise à financer les dispositifs d’allégements et d’exonérations de charges patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer.
Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit 1, 565 milliard d’euros pour l’outre-mer, soit une hausse de 6, 4 %. Cette augmentation des crédits m’interpelle. La baisse d’activité liée au covid-19 provoque un recours massif au chômage partiel. Ce dispositif réglant déjà la question des charges patronales de sécurité sociale, il est probable que les crédits ou du moins leur hausse soient surévalués. Alors qu’ils auraient pu être fort utiles ailleurs, ces crédits risquent d’être utilisés pour éponger la dette de la sécurité sociale.
La sous-exécution des crédits est un problème récurrent de la mission budgétaire « Outre-mer », comme plusieurs de mes collègues l’ont rappelé. La ligne budgétaire unique, qui finance le logement en outre-mer, en est le témoin. Son taux d’exécution s’est élevé à 90 % en autorisations d’engagement et 78 % en crédits de paiement.
Pourtant, les besoins sont réels ! Le ministère des outre-mer évaluait le nombre de ménages ultramarins en attente d’un logement social à 60 000 en 2019. Dans un rapport de septembre dernier, la Cour des comptes évoquait « 80 % d’ayants droit pour 15 % de bénéficiaires ». Dans son analyse, elle explique que la diminution des autorisations d’engagement dans la ligne budgétaire unique aura un impact négatif dans le futur sur le total des prêts accordés et sur le nombre de logements sociaux produits.
Cependant, il nous est proposé une ligne budgétaire unique aux autorisations d’engagement réduites de 2, 7 %. Pour résumer la situation, des crédits alloués au logement ne sont pas consommés pendant que la demande de logement social augmente ! Pis, le budget qui nous est proposé va contribuer à cette tendance.
La question du logement n’est pas le seul rendez-vous manqué par le Gouvernement. La liste en est longue : maigre pouvoir d’achat, précarité, faiblesse de la politique de l’eau et de la politique de mobilité, absence d’une politique de retour sur le territoire.
Par ailleurs, le Gouvernement ne tire pas les conclusions des années précédentes. Le service militaire adapté, le SMA, par exemple, a montré toute sa pertinence dans l’intégration des jeunes sur le marché du travail. Pourquoi ne pas lui allouer davantage de crédits ?
Je veux aborder la protection de la biodiversité ultramarine, laquelle concentre plus de 90 % des espèces présentes sur le territoire national.
Selon les estimations de l’Office français de la biodiversité, l’OFB, ce sont 500 000 à 1 million d’espèces qui sont menacées de disparition. Monsieur le ministre, j’ai sans doute mal regardé, mais je ne parviens pas à évaluer, ni dans les crédits de la mission « Écologie » ni dans les crédits spécifiques du plan de relance, la part des fonds pour la biodiversité qui est fléchée vers l’outre-mer. Pourriez-vous m’éclairer à ce sujet ?
De manière générale, ne serait-il pas préférable que la protection de la biodiversité ultramarine fasse l’objet d’un programme spécifique de la mission budgétaire « Outre-mer » ? Cela nous semblerait plus transparent et plus efficace pour bénéficier de fonds pérennes.
Monsieur le ministre, les enjeux sont nombreux, mais les moyens restent insuffisants. Jeudi dernier, le Sénat adoptait, dans le cadre de la mission « Plan de relance », un amendement de notre collègue Victorin Lurel tendant à bâtir un véritable « plan pour l’égalité réelle en outre-mer », à hauteur de 2, 5 milliards d’euros.
Toutes les formations de cet hémicycle ont pris la mesure de l’urgence de la situation et vous rendent service. Utilisez ce levier pour lever le gage et, ainsi, doubler les crédits de votre ministère pour 2021 !
Dans l’attente de votre réussite, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.
Applaudissements sur de nombreuses travées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas dans le détail sur les chiffres du PLF 2021 de la mission « Outre-mer », rappelés par les rapporteurs et par certains de mes collègues.
J’insisterai plutôt sur la mise en place du plan de relance, dont 1, 5 milliard d’euros sont dédiés aux outre-mer, avec des interrogations légitimes sur leur déclinaison par territoire.
Je reviendrai également sur le programme 123, relatif aux « Conditions de vie outre-mer », sans omettre évidemment l’impact de la crise sanitaire dans nos territoires.
Enfin, je prendrai brièvement mon archipel pour exemple, afin de rappeler que, si nous voulons relancer une dynamique dans l’outre-mer, il est essentiel que l’État fasse confiance aux élus locaux, qui disposent d’une légitimité démocratique.
Quel que soit le budget examiné, cette crise sanitaire n’aura laissé personne indemne. C’est tout particulièrement vrai de nos territoires ultramarins, déjà fragilisés par de nombreux déséquilibres structurels.
Même si je la salue, monsieur le ministre, je ne suis pas certain que la sensible augmentation des crédits réponde aux enjeux du développement de nos territoires.
La crise sanitaire a eu des effets désastreux tant pour nos entreprises que pour nos concitoyens. En réalité, elle vient accroître un peu plus les difficultés que nos territoires rencontrent au quotidien.
Plus encore que les collectivités de l’Hexagone, qui connaissent évidemment elles aussi leurs propres difficultés, les collectivités ultramarines, en moins bonne santé financière avant l’épidémie de covid-19, subissent de plein fouet une double crise sanitaire et économique qui affecte leurs budgets locaux, même si je note que des mesures de compensation sont prévues dans le plan de relance, monsieur le ministre.
Concernant les « Conditions de vie outre-mer », j’ai tout d’abord une pensée particulière pour nos collègues de Mayotte et la Guyane, qui ont été durement frappées durant la crise.
Sur le volet économique, je vous renvoie aux propositions contenues dans le rapport intitulé « Urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 », où nous appelions, au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, à un meilleur accompagnement des collectivités dans la crise. Il s’agirait de favoriser une relance territorialisée, avec une adaptation des dispositifs nationaux aux réalités de notre tissu entrepreneurial, afin de construire, pour l’avenir, un modèle de développement plus résilient.
Outre les conséquences économiques, qui sont chiffrables et quantifiables, il est des conséquences invisibles, mais qui laisseront des traces indélébiles : je veux parler des conséquences psychologiques de la crise.
Permettez-moi, mes chers collègues, de faire un parallèle avec les syndromes post-traumatiques liés aux événements climatiques. La délégation sénatoriale aux outre-mer a formulé des propositions tendant à la mise en place de dispositifs de prise en charge psychologique. Je pense que nous sommes dans la même situation en termes de besoins.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez, avec vos collègues concernés, impulser un dispositif d’écoute et d’accompagnement psychologique. Le capital humain nécessite vraiment toute notre considération.
En ce qui concerne le plan de relance, nous veillerons bien évidemment avec intérêt à sa déclinaison territoriale. Au-delà des montants alloués, je rejoins tous mes collègues, qui indiquent que l’ingénierie et le pilotage seront déterminants pour une réussite collective.
Tous les observateurs sont d’accord pour dire que, si nous voulons que la relance soit pérenne et efficace, elle doit s’appuyer sur une réelle adaptation des dispositifs à nos territoires, au titre de la différenciation territoriale.
Afin que les choses avancent, j’insiste sur la nécessité d’une confiance réciproque entre l’État et les élus.
Je vais dédier une minute de mon temps de parole à Saint-Pierre-et-Miquelon, où cette confiance, si délicate à construire, a volé en éclats par des choix étatiques peu pertinents et des méthodes qui interrogent – ils datent d’avant votre entrée en fonctions, monsieur le ministre.
Je vous laisse le bénéfice du doute !
Je ne parle même pas des courriers parlementaires qui restent sans réponse du préfet. Il s’agit bien d’une hégémonie de l’État, que l’on pourrait presque croire en perpétuelle campagne électorale, …
… ce qui interpelle à plus d’un titre.
Nous subissons une situation de blocage institutionnel anormale, contre laquelle je ne peux que me dresser. Jamais je n’aurais cru devoir le faire à cette tribune et à ce moment précis, mais c’est ainsi.
Quand on prétend rechercher des partenaires de confiance, il faut être loyal et ne pas saborder à dessein des projets majeurs de développement du territoire. Bien sûr, ce que je dénonce se fait de manière très intelligente, sous couvert d’un État républicain, mais la population n’est pas dupe.
À cet égard, les bâtons que l’on met dans les roues du conseil territorial sur le projet de construction portuaire le plus important de ces trente dernières années sont assez révélateurs. Entre les atermoiements de l’État sur le site d’implantation d’un quai, la recherche de munitions au fond de l’eau en 2019, la réalisation, en 2020, d’une étude d’impact sur les phoques – eh oui, il y a des phoques à Saint-Pierre-et-Miquelon ! – ou encore les sondages en vue de possibles fouilles archéologiques en 2021, je n’ose croire, monsieur le ministre, que la légèreté de l’État soit allée aussi loin dans le pilotage d’un projet d’investissement de près de 40 millions d’euros. Nous ne pouvons plus continuer ainsi.
L’écrivain Jérôme Leroy a déclaré : « En politique avoir raison n’est rien, convaincre est tout. » Comme de nombreux compatriotes, je ne suis pas du tout convaincu de certains choix de l’État à Saint-Pierre-et-Miquelon, monsieur le ministre.
Au-delà de ces considérations strictement locales, je vous indique que le groupe RDSE votera les crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur de nombreuses travées.
M. Vincent Delahaye remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer l’ensemble des membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Réunis ce matin, nous avons élu notre collègue Stéphane Artano à la présidence de cette délégation. Je me permets une nouvelle fois de le féliciter.
La délégation peut maintenant reprendre ses travaux. Il ne fait nul doute que leur qualité continuera à être reconnue, dans la lignée de ceux qu’avaient été entrepris les deux présidents précédents, MM. Serge Larcher et Michel Magras.
Mes chers collègues, vendredi dernier, nous nous sommes retrouvés derrière un amendement de notre collègue Victorin Lurel sur la mission « Plan de relance » pour créer un nouveau programme, intitulé « Plan pour l’égalité réelle outre-mer » et doté de 2, 5 milliards d’euros. C’est à peu près le montant des crédits de la mission « Outre-mer » que nous examinons aujourd’hui.
L’objectif de cette mission est de réduire les écarts entre l’Hexagone et les collectivités d’outre-mer. C’est ambitieux, mais impératif.
Lorsque l’on parle d’égalité républicaine, nous avons l’ambition que les valeurs qui s’y rattachent soient partagées sur tout le territoire français, peu importe la distance qui sépare Paris de Papeete, Cayenne ou Pointe-à-Pitre.
Les crédits de la présente mission sont insuffisants pour répondre à cet enjeu de l’égalité républicaine. Certains soulignent l’évolution de l’enveloppe globale. Certes ! Pour notre part, nous souhaitons insister sur la baisse des crédits de paiement de l’action Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, sur la diminution de 5 % de ceux du programme « Conditions de vie outre-mer », de quasiment 3 % de l’action Logement ou encore de 10 % de l’action Aménagement du territoire.
Nous parlons de crédits de paiement. À cet égard, nous souhaitons alerter, comme malheureusement chaque année, sur la sous-consommation des crédits de la mission « Outre-mer ». Cette non-utilisation de crédits ne justifie en rien la réduction des moyens alloués. Les difficultés à engager les dépenses de cette mission sont inacceptables. Nous demandons au Gouvernement d’agir à ce sujet. Le Parlement ne peut voter des crédits qui ensuite ne sont pas utilisés, alors que les outre-mer en ont cruellement besoin !
Le Gouvernement et le Parlement doivent être vigilants sur la bonne exécution des crédits du plan de relance comme de cette mission, ainsi que sur leur déclinaison dans les collectivités qui manquent d’appui en matière d’ingénierie de projet, dont l’État est responsable.
Cette sous-exécution chronique concerne notamment le logement, dont les crédits sont très inférieurs au niveau constaté jusqu’en 2017 et bien en deçà des besoins ressentis en outre-mer. Il y a 69 432 demandeurs de logements sociaux et les besoins de logements sociaux sont évalués à plus de 10 000 par an. La crise du logement en outre-mer est nourrie par la forte pression démographique, la rareté du foncier, l’urbanisation rapide, la pauvreté des ménages et l’insalubrité. Pourtant, la commission des finances dénonce un niveau de crédits « historiquement bas ».
La crise touche de manière différenciée nos collectivités d’outre-mer, mais elle aggrave les inégalités. Rappelons que la part des jeunes de 18 ans en difficulté de lecture varie entre 30 % et 75 % dans les départements d’outre-mer, contre 10 % dans l’Hexagone. Le taux de chômage est deux à trois fois plus élevé qu’en métropole. Les personnes les moins qualifiées y sont surexposées. Par conséquent, la formation des jeunes doit être améliorée, et il faut renforcer les moyens de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, d’autant plus que ses dispositifs sont déstabilisés par la crise.
Les effets de la pandémie creusent les écarts existants. C’est également vrai sur le plan économique, au regard de la grande dépendance des outre-mer à l’extérieur et au tourisme, avec de fortes incidences sur le pouvoir d’achat. Rappelons que les produits alimentaires coûtent en moyenne 12 % plus cher en outre-mer, et même jusqu’à 28 % à La Réunion, où un quart des habitants vivent avec moins de 867 euros par mois.
La pauvreté s’ajoute à cette « vie chère ». Le taux de pauvreté atteint ainsi 77 % à Mayotte, contre 14 % en France métropolitaine, où seul le taux de pauvreté de la Seine-Saint-Denis est à peu près comparable à celui de certains territoires ultramarins.
L’épidémie implique d’appliquer des règles sanitaires de base, comme se laver les mains. Toutefois, comment en faire un geste naturel lorsque l’on n’a pas d’eau au robinet ? Une réelle politique de l’eau doit être mise en œuvre en outre-mer, où la vétusté des réseaux entraîne, au quotidien, des coupures et des contaminations.
Monsieur le ministre, des crédits nous sont présentés, mais leur lecture ne nous inspire aucun enthousiasme. Nous savons bien que nous abordons un sujet transversal, touchant l’ensemble des ministères, mais votre rôle est essentiel pour faire entendre la voix de l’outre-mer auprès du Gouvernement. Les enjeux sont de taille !
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons et le répétons, les territoires d’outre-mer accusent des retards structurels par rapport aux régions hexagonales. Chacun a des défis de développement majeurs à relever pour l’avenir de ses populations.
Aussi, chaque année, le Sénat salue l’effort financier global de l’État en faveur des outre-mer sur l’ensemble des programmes.
La mission « Outre-mer » définit trois priorités principales, afin de contribuer à la reprise économique qui suivra la crise sanitaire.
Cette crise a largement affecté l’économie de nos îles, sur des secteurs aussi importants que le BTP, le tourisme ou encore le commerce. Elle a également touché les publics vulnérables que sont les personnes âgées, les porteurs de handicap, les familles. Je veux aussi insister sur les conséquences de cette période difficile pour les salariés du secteur social et médico-social.
On ne l’a pas dit suffisamment, cette crise a aussi affecté le moral de nos jeunes d’outre-mer et leur confiance en l’avenir. Pour les avoir rencontrés lors de votre dernier déplacement à La Réunion, vous le savez, monsieur le ministre. À cet égard, je salue l’augmentation du budget dédié au SMA.
Cependant, le chômage des jeunes de moins de 30 ans requiert, dans les outre-mer, l’organisation d’un véritable Grenelle de l’emploi, avec des mesures incitatives pour la formation professionnelle, la mobilité étudiante et professionnelle, l’embauche dans un premier emploi et la pérennisation des premiers emplois.
Le taux de chômage des jeunes s’élève à 23, 4 % à La Réunion et à 35 % à Mayotte, contre 8 % dans l’Hexagone. Derrière ces chiffres, il y a de la précarité et de la souffrance. Aucun élu de la République ne peut s’en contenter.
Certes, le PLFSS est venu renforcer les exonérations de cotisations patronales, mais ce renforcement est intervenu en compensation de la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Si ces exonérations sont salutaires pour les entreprises, pouvons-nous nous satisfaire d’un simple transfert comptable ?
Nous souhaiterions que la même somme soit destinée à des exonérations pour l’embauche des moins de 30 ans. Pourrions-nous envisager que votre ministère et celui qui est chargé de l’emploi s’accordent sur des pistes pour ce Grenelle que nous appelons de nos vœux ?
Monsieur le ministre, je défendrai tout à l’heure un amendement de mon collègue Gérard Poadja visant à étendre la prime spécifique d’installation que touchent tous les fonctionnaires civils et militaires lors de leur première affectation en métropole, à l’exception des ressortissants de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna. Je sais que vous serez le ministre qui mettra fin à cette discrimination !
Mes collègues ont longuement évoqué le logement social. Je sais que cette question est une priorité du ministère chargé des outre-mer.
La politique du logement social en outre-mer est bipède : elle est constituée, d’une part, par les aides directes – les aides à la pierre –, et, d’autre part, par les aides à la personne. L’équilibre du secteur ne peut tenir qu’en renforçant ces deux composantes.
Je me félicite de la hausse de 18 millions d’euros des crédits de la LBU. En revanche, je demeure interrogative sur la réduction des aides au logement qu’entraînera la baisse importante, de 50 millions d’euros, des crédits alloués à l’outre-mer dans le cadre du programme 109.
Aussi, au-delà de l’attention que vous portez aux aides directes, monsieur le ministre, nous vous demandons de ne pas fragiliser les ménages, leur solvabilité et, par ricochet, les opérateurs et entreprises qui construisent nos territoires. Vous engagez-vous à nous garantir que, en dehors de la base des ressources prévue par la réforme, les critères d’octroi des aides au logement à caractère familial et social ne seront pas revus outre-mer ?
Notre regret à tous vient bien de la sous-consommation des crédits LBU, comme le soulignaient les rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Il conviendrait de s’interroger sur ce point avec précision, car il n’est pas normal que de telles sommes soient sous-consommées, alors que nos populations sont dans le besoin. Aidez-nous, monsieur le ministre, à simplifier ces procédures !
La même demande de simplification est formulée par tous les acteurs concernant l’important et très attendu plan de relance, dont va bénéficier l’ensemble des territoires et que nous saluons. Il faut simplifier et rendre ces fonds accessibles aux TPE et PME, dont de récentes études ont souligné la faiblesse en matière de compétences et d’organisation administrative.
Notons que, à ce budget, s’ajoutent au moins 1, 5 milliard d’euros dans le cadre du plan de relance outre-mer.
Cette somme importante est attendue. Je sais par avance, monsieur le ministre, que vous allez vous impliquer dans ces dossiers.
Bien évidemment, le groupe UC votera les crédits de la mission outre-mer.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Stéphane Artano applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Artano applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du PLF est un moment fort pour les élus ultramarins que nous sommes. C’est l’occasion d’insister sur les actions prioritaires à retenir pour nos territoires, afin de réduire le retard persistant avec l’Hexagone.
Le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités, publié le 26 novembre dernier, vient nous le rappeler avec force : 33 % des habitants sont confrontés à la pauvreté en Martinique, 34 % en Guadeloupe, 42 % à La Réunion et 77 % à Mayotte.
Cette année, l’examen de la mission présente un caractère particulier du fait de la crise de la covid.
L’éloignement, l’insularité, la petitesse des marchés font que les outre-mer sont frappés de plein fouet et voient leur économie vaciller. Aucun secteur n’est épargné : BTP, tourisme, restauration, services, événementiel… Pour la seule île de La Réunion, ce sont 4 300 emplois qui ont été détruits depuis le début de la crise, malgré les aides diverses mises en place par l’État.
Le milliard et demi d’euros du plan de relance consacré en 2021 et 2022 aux outre-mer est le bienvenu. Cependant, comme le rappelle fort justement la commission des lois dans son rapport pour avis, il conviendra « d’être vigilants quant à la consommation concrète de ces crédits, puisqu’une partie d’entre eux dépendra d’appels à projets et rien ne peut garantir dès à présent que ces crédits seront effectivement consommés dans nos territoires ultramarins ».
J’en arrive à l’examen des crédits de la mission pour 2021, qui s’établissent à 2, 68 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2, 44 milliards d’euros en crédits de paiement.
Les crédits 2021 du programme 138, « Emploi outre-mer », augmentent de 107 millions en AE et 94 millions en CP.
Les crédits du programme 123, « Conditions de vie outre-mer » connaissent quant à eux une hausse de 55 millions en AE et baissent de 31 millions en CP.
Monsieur le ministre, je tenais à saluer certaines annonces et certaines avancées effectuées lors de l’examen des crédits alloués à l’outre-mer à l’Assemblée nationale.
Je pense, tout d’abord, à l’augmentation de 3 millions d’euros des dispositifs en faveur de la continuité territoriale, permettant notamment un abondement et une modification des critères d’éligibilité de la « continuité funéraire », ainsi qu’un élargissement du dispositif à la fin de vie.
Je pense ensuite à la hausse de 8, 7 % de la LBU, qui passe à 224 millions en AE, mais aussi à la mise en place de nouveaux contrats avec les collectivités territoriales en difficulté et, enfin, au passage de l’audiovisuel en secteur de compétitivité renforcée.
Cependant, je rappelle que l’augmentation des crédits alloués à la mission « Outre-mer », qui ne représente que 10 % des montants totaux des crédits alloués aux territoires ultramarins, fait suite à une diminution en 2020 par rapport à 2019, ce qui tempère quelque peu ma satisfaction.
Monsieur le ministre, je veux étayer mon propos en revenant sur un sujet auquel je tiens et qui est relatif à la continuité territoriale.
J’avais déposé un amendement, hélas déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, visant à ce que l’aide destinée à financer une partie des dépenses afférentes au transport aérien de corps puisse bénéficier aux familles qui ont perdu un enfant étudiant ou stagiaire à l’étranger, car de nombreux cursus universitaires rendent ces expériences internationales obligatoires.
La disparition tragique d’une jeune étudiante réunionnaise, emportée par la covid au Royaume-Uni, est venue rappeler la douleur des familles dans de telles circonstances. Je pense, monsieur le ministre, que vous pourriez porter la réforme que je propose.
Par ailleurs, lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez déclaré que, en vertu de la feuille de route qui est la vôtre jusqu’à la fin du quinquennat, vous vous intéresserez davantage aux modalités concrètes d’action qu’aux éternels grands débats, qui ont largement épuisé la patience de nos concitoyens. Je n’ai pas de raison de douter de votre volonté.
En conséquence, je souhaite insister sur trois points importants pour l’île de La Réunion.
En premier lieu, la filière réunionnaise du BTP a perdu un tiers de ses salariés et la moitié de ses entreprises entre 2008 et 2017. Le chiffre d’affaires du secteur a chuté de 40 % en dix ans et a atteint, en 2019, son niveau le plus bas depuis plus de vingt ans.
Il est regrettable que l’Assemblée nationale ait supprimé, en nouvelle lecture du PLFSS, la disposition votée par le Sénat permettant aux entreprises du BTP de bénéficier du régime de compétitivité renforcée de manière temporaire. Cette mesure aurait permis au secteur de faire face et de tenir jusqu’à la relance de l’activité, qui est prévue pour la mi-2021.
En deuxième lieu, je souhaite insister sur la nécessité d’anticiper l’évolution démographique de nos populations liée au vieillissement.
Ainsi, si l’une des trois priorités de la mission « Outre-mer » pour 2021 est la construction et la rénovation des infrastructures, ne faudrait-il pas réfléchir à un fléchage d’une partie des crédits LBU vers la construction de résidences pour personnes âgées à taille humaine, en développant un mode d’habitat innovant adapté à nos modes de vie ?
En troisième lieu, et enfin, même si la question ne relève pas de cette mission, …
… je ne peux m’abstenir d’évoquer un sujet majeur pour nos territoires : la gestion des déchets.
En effet, en l’absence, à ce jour, de solution de valorisation énergétique, nos déchets sont acheminés en installations de stockage de déchets non dangereux, ou ISDND. Nos territoires ultramarins subissent donc de plein fouet la trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP.
Mme Viviane Malet. Les réalités de nos territoires et de leurs habitants doivent être au cœur de nos actions, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Stéphane Artano applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui pour la première fois en discussion générale dans cet hémicycle, en tant que sénatrice nouvellement élue. C’est une grande émotion, d’autant qu’il s’agit de l’examen de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances.
C’est aussi votre premier passage budgétaire en tant que ministre des outre-mer, cher Sébastien Lecornu.
Cela renforce mon émotion, car je connais votre sensibilité ultramarine.
Je ne reviendrai pas sur l’examen d’ensemble de la mission, qui a déjà été largement évoqué par nos rapporteurs, que je remercie. Je souhaite évoquer ici certains points qui me tiennent à cœur.
La Guyane est un territoire frappé de nombreux handicaps structurels, au premier rang desquels son étendue géographique, qui induit l’éloignement et l’isolement de bon nombre de ses habitants.
La population guyanaise est jeune, frappée par un taux de chômage élevé et une insuffisance de formation et de qualification professionnelle. J’apprécie donc l’effort porté sur le service militaire adapté, qui est une grande réussite. En Guyane, la création de la troisième compagnie de formation professionnelle et la construction d’un plateau pédagogique constituent une excellente nouvelle.
Concernant le programme 123, un effort budgétaire sans précédent est porté sur l’éducation. Je m’en félicite. Le plan d’urgence Guyane et des dotations spécifiques sont importants.
Cependant, monsieur le ministre, permettez-moi d’émettre le souhait que, l’an prochain, à l’instar de ce qui est prévu cette année pour Mayotte, la Guyane puisse bénéficier de nouvelles constructions scolaires, car nos structures sont actuellement insuffisantes et ne permettent pas l’accueil de tous les enfants.
Le logement social fait également l’objet d’un effort important, au travers de la LBU. C’est une nécessité absolue, tant cette question est cruciale, en particulier pour la Guyane.
La mise en œuvre de l’opération d’intérêt national en Guyane répond à un impératif. Nous attendons beaucoup de ce dispositif.
De même, le renforcement de l’accompagnement de l’État, nécessaire pour la réalisation des plans de développement stratégique de l’établissement public foncier et d’aménagement de la Guyane, se traduit par une augmentation bienvenue de l’enveloppe du fonds régional d’aménagement foncier et urbain, le Frafu.
Je vous adresse donc un grand merci, monsieur le ministre, pour l’aide accrue de l’État en matière de logement et d’aménagement du territoire en Guyane.
La croissance démographique dans l’ouest guyanais impose des orientations nouvelles dans tous les domaines, par exemple en matière de santé. Nous aurons notamment besoin de votre appui auprès du ministre de la santé pour la création, unanimement souhaitée, d’un service de réanimation au centre hospitalier de l’Ouest guyanais. Je reviendrai vers vous sur ce sujet.
Pour finir, je dirai un mot sur la question économique. Le soutien au microcrédit en Guyane est précieux. La fragilité de nos entreprises y est importante, et le recours au microcrédit est un levier indispensable pour les nombreuses microentreprises que compte notre territoire.
En ce qui concerne l’aide au fret, il me semble que le dispositif pourrait être amélioré. J’espère que nous aurons l’occasion d’en reparler.
Je vous remercie de nouveau, monsieur le ministre. Et bien évidemment, notre groupe votera ce budget.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les années se suivent et se ressemblent, hélas !
Un hémicycle quasi désert, des lignes budgétaires déjà arrêtées et convenues et des élus qui vont s’acharner des heures entières à tenter de faire comprendre l’évidence et à réclamer le meilleur pour leurs pays. Ils seront tous là, tous présents, bravant kilomètres et risques sanitaires, rappelés à l’ordre par ce sens évident du devoir qui les anime.
J’aurais pu me lancer dans des évaluations sur la baisse de telle ligne – notre éminent rapporteur Georges Patient l’a déjà fait –, sur le maintien de telle autre, et passer des minutes entières à regretter et à déplorer des indicateurs qui se ressemblent d’année en année.
Serais-je donc gagnée par la résignation ? Oui, peut-être. Par une forme de résignation qui remporterait la partie contre la détermination et l’optimisme ? Il y a certainement un peu de cela… C’est mon quatrième exercice au sein de la Haute Assemblée, et une forme de fatalisme pourrait certainement me gagner, tant les années se suivent et se ressemblent.
Néanmoins, nos pays, ceux que l’on appelle « l’outre-mer », nous imposent une réalité qui nous gifle tous les jours. Tous les jours, il faudra donc se battre aux côtés de nos compatriotes frappés par des indicateurs désastreux. Je me contenterais d’un seul, qui est éloquent : 30 % de la population martiniquaise vit au-dessous du seuil de pauvreté, soit un Martiniquais sur trois !
C’est pour ces personnes que je continue de venir ici. C’est pour elles aussi que je tente inlassablement de réclamer le meilleur. Et ma demande n’est pas une demande pour plus d’argent, plus de subventions ou plus de moyens financiers. Je viens vous demander, monsieur le ministre, de faire preuve d’ambition. Je viens vous demander une lucidité pour trouver les voies d’un vrai changement de l’approche de nos pays dits « d’outre-mer ». Je sais que vous le pouvez.
Chaque année, au dernier trimestre, nous vivons des moments totalement anxiogènes. Que nous réservera cet exercice budgétaire ? Que va-t-on encore changer, faire évoluer, faire disparaître ? Chaque exercice budgétaire est une course à l’information, aux auditions, à l’effarement aussi provoqué par telle ou telle mesure. Et souvent on en sort sonnés, sonnés par les vraies injustices, qui font hurler de douleur des pans entiers de nos économies.
En si peu de temps dans cette assemblée, j’ai vécu la suppression de la TVA non perçue récupérable, la TVA NPR, la réduction de l’abattement fiscal sur l’impôt sur le revenu, les coups de poing portés régulièrement à la défiscalisation et, record d’incompréhension battu, la suppression de la défiscalisation sur la réhabilitation sociale des logements. J’en oubliais presque la taxe sur le rhum, censée punir les vilains alcooliques que nous serions !
Mme Victoire Jasmin et M. Victorin Lurel rient.
Cette instabilité qui nous épuise, cette instabilité ne rassure pas, cette instabilité qui rajoute de la difficulté à la difficulté. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j’ai souhaité vous dire quel défi se trouvait devant vous qu’il vous faut relever. Mais, encore une fois, je suis certaine que vous en serez capable.
Il faut une vraie ambition pour nos pays. Il n’est plus possible de se contenter de ces arbitrages budgétaires en dents de scie pour rythmer le développement légitime de millions d’âmes.
Chaque pays, dans sa différence, ses intérêts et son identité, devrait pouvoir disposer d’une boîte à outils pertinente et pérenne pour au moins quinze ans. Il y a des lois à activer, comme la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant d’autres dispositions en matière sociale et économique ; j’en profite pour saluer le mémorable baroud de mon collègue Lurel, la semaine dernière. Nous partageons tous son SOS pour vous dire d’oser. C’est la seule condition – oui, la seule ! – pour parvenir à inverser des tendances qui se sont sédimentées avec le temps.
Il faut de la visibilité pour l’initiative entrepreneuriale : il faut de la visibilité pour les collectivités. Dans ces marchés très contraints, chaque décision a des répercussions, des effets domino qui créent souvent des désastres. Nos entrepreneurs sont épuisés d’être chahutés en permanence. Ouvrez le champ des possibles ! Nous avons les idées, nous savons ce qu’il faut faire.
Une fois de plus, les années se suivent et se ressemblent. Nous aurons droit à ces démarches traditionnelles, à nos déclarations et à nos inlassables amendements dont on connaît le sort d’avance – « défavorable » et « rejeté » sont les mots qui viendront conclure une fois de plus nos demandes, de manière cinglante.
Prenez toutes ces interpellations comme un appel à l’ambition. Prenez-les comme un appel à faire autrement ; plus cohérent, plus pérenne, plus évalué.
Nos pays sont marqués du sceau de l’inactivité – vous connaissez les chiffres – et j’ai pris l’habitude de dire ici, sans être un grand Grec de l’économie, que l’inactivité coûte forcément plus cher que la mise en activité. Comment pouvons-nous renverser la table, changer de paradigme, voir les choses autrement ?
Osons parler port franc, osons parler zone franche globale, osons reparler d’une défiscalisation ambitieuse. Je ne saurais terminer sans vous appeler personnellement à prendre à bras-le-corps le sujet de l’hôpital et de l’accès aux soins à la Martinique.
Les conditions d’accueil et l’accès à la santé sont indignes : on meurt à la Martinique, faute de soins, de médecins. L’hôpital de Trinité est une ruine insalubre. Il y a des décisions à prendre, et vite, pour doter le nord de la Martinique, le tiers du pays en termes de population, d’un outil qui soit digne de la République.
Plus largement, un plan santé est nécessaire. Il faut, là aussi, en porter l’ambition et faire en sorte que l’équité prévale. Comme le montrent les chiffres, la Martinique est confrontée au vieillissement de la population.
On ne peut plus se contenter d’ignorer ces pathologies, souvent déclenchées par des dures vies de labeur, qui peinent à être prises en charge. L’administration sur place se bat, mais l’ambition du pouvoir central peine à les aider. Prenez ce sujet emblématique en main, monsieur le ministre. Poussez l’avenue Duquesne au mieux : des promesses de longue date n’ont pas été tenues. Je pense, par exemple, aux budgets annoncés et jamais exécutés pour l’hôpital de Trinité.
Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue pour ce premier exercice budgétaire dans le cadre de votre nouvelle mission. Prenez-la avec hardiesse et détermination. Abordez-la avec un œil neuf. Et c’est parce que j’ai confiance en vous que je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, du point de vue de Saint-Barthélemy, ce budget n’appellera pas d’observation particulière de ma part.
En effet, vous le savez, la collectivité ne bénéficie pas de dotations de l’État. Elle lui verse, en revanche, 2, 6 millions d’euros par an au titre de la dotation globale de compensation, la DGC. Cette dernière, du reste, a fait l’objet d’un effacement pour l’année 2018 après le passage de l’ouragan Irma. La collectivité en sait naturellement gré à l’État.
Les entreprises de l’île bénéficient, quant à elles, des exonérations de cotisations patronales dont les crédits sont inscrits à la mission « Outre-mer » que nous examinons aujourd’hui. Le dispositif applicable à Saint-Barthélemy tient compte de la structure particulière de notre économie, quasi monosectorielle, et de son environnement concurrentiel. Je ne puis que confirmer que sa prolongation, en 2019, a été gage d’une judicieuse stabilité et de visibilité pour nos entreprises.
Par ailleurs, ces entreprises ont pu bénéficier, au titre des mesures d’urgence, d’une intervention considérable de l’État, à hauteur d’environ 18 millions d’euros.
À cet égard, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse pour vous alerter sur la situation du Journal de Saint-Barth, seule publication hebdomadaire et gratuite de l’île, car les critères du décret d’aide exceptionnelle à la presse du 13 novembre dernier l’excluent du bénéfice de cette mesure. Or, à terme, sous les effets cumulés de la crise sanitaire et de la réforme des annonces légales, ce journal pourrait purement disparaître. Aussi, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissante si une attention particulière pouvait être accordée à cette situation.
En dehors de ces aspects budgétaires, qui méritaient, me semble-t-il, d’être évoqués, cette discussion est surtout l’occasion de m’adresser à vous, monsieur le ministre, au titre de la vocation interministérielle de vos fonctions, pour vous demander de relayer les préoccupations de la collectivité, essentiellement relatives à l’aménagement de la décentralisation et à la mise en œuvre de son projet différencié.
La première de ces préoccupations concerne le domaine de la sécurité sociale et des établissements médicaux de l’île. Comme vous le savez, depuis 2017, les missions relevant de la sécurité sociale ont été confiées à la Mutualité sociale agricole, la MSA, qui les assure par le biais de la caisse de prévoyance sociale, la CPS, de Saint-Barthélemy.
Au moment de sa création, il n’avait pas été jugé opportun de mettre en place un conseil d’administration ni de doter la caisse de la personnalité juridique. Toutefois, son fonctionnement largement satisfaisant depuis sa mise en place effective en 2017 et son élargissement au régime social des indépendants, le RSI, conduisent aujourd’hui à souhaiter la redéfinition de son organisation, afin d’y associer plus étroitement et formellement la collectivité.
Cela se justifie non seulement par ses compétences – fiscalité, logement, action sociale –, mais aussi par son implication financière dans le fonctionnement des structures de santé de l’île. Le président Bruno Magras avait d’ailleurs eu à alerter le Gouvernement sur la situation déficitaire de l’hôpital et de l’Ehpad, en dépit du concours de la collectivité.
S’il en était besoin, la crise sanitaire a mis en lumière cet engagement, avec l’élaboration d’un protocole sanitaire et l’acquisition de matériels de tests ; elle a conforté notre volonté politique d’être associés de manière plus institutionnalisée aux orientations prises en matière de sécurité sociale et de santé.
L’étroitesse du territoire et sa dépendance à l’extérieur à de nombreux égards commandent de faire des choix pertinents en ce qui concerne les politiques publiques mises en œuvre. Si la compétence en matière de sécurité sociale est une priorité, il n’en reste pas moins que la collectivité souhaiterait, à terme, se rapprocher du régime d’autonomie qui soit le plus abouti possible, tirant les leçons de la pratique du statut actuel.
Elle appelle donc de ses vœux une révision ambitieuse des dispositions constitutionnelles, laquelle ne saurait être menée qu’en solidarité et en concertation avec les autres collectivités ultramarines. Je garde espoir que nous puissions aboutir à une position commune, qui, je l’espère également, trouvera en vous un relais, voire un défenseur, au sein du Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de crise sanitaire sans précédent, nous constatons avec satisfaction l’augmentation des crédits de la mission « Outre-mer », dont les autorisations d’engagement progressent de 6, 4 % et les crédits de paiement de 2, 6 %, pour atteindre un montant total de 2, 44 milliards d’euros.
Au titre de la rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement et de la production d’eau potable, on atteint 50 millions d’euros en crédits de paiement sur deux ans, soit 15 millions d’euros pour l’année 2021. Cependant, monsieur le ministre, une réflexion doit être menée, afin de revoir à la hausse, dans la durée, le financement des investissements sur la problématique de l’eau.
Ma première prise de parole dans cet hémicycle a eu lieu le 30 octobre 2017 – vous étiez alors secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot. Vous vous êtes rendu à l’époque en Guadeloupe, et vous avez pu comprendre sur place comment était organisé le système, ce que j’avais appelé le « scandale de l’eau ».
Si la gouvernance avance et qu’une prise de conscience se développe aujourd’hui, il va tout de même falloir 800 millions d’euros pour rattraper le retard. Nous comptons sur l’État pour aider à ce chantier.
Dans ces conditions, vous comprendrez bien que l’enveloppe est tout à fait insuffisante. Il faudrait accompagner ce territoire dans la durée, en faisant preuve de beaucoup de prudence, pour qu’il reprenne le bon chemin en matière de gestion de l’eau.
Le renforcement de la compétitivité des entreprises, notamment dans leur environnement régional, se décline avec une baisse des impôts de production, avec l’amélioration du capital des TPE-PME et avec le soutien à la filière tourisme-appel à projets d’innovation.
De plus, je tiens à relever l’adoption, par l’Assemblée nationale, de deux amendements significatifs pour nos territoires. Le premier vise la création de contrats d’accompagnement pour les communes en difficulté dont les efforts de redressement sont manifestes. L’objectif de ces contrats est de résoudre l’écart structurel entre recettes et dépenses, comme l’avait préconisé le rapport de décembre 2019 du sénateur Georges Patient et du député Jean-René Cazeneuve sur les finances des communes, des départements et des régions d’outre-mer.
Si le Gouvernement décidait de l’expérimenter dès 2021, ce dispositif pourrait permettre un retour à l’équilibre des collectivités concernées et l’amélioration de la gestion de nombreuses communes, singulièrement en Guadeloupe – je pense, par exemple, à la commune de Pointe-à-Pitre, qui connaît un déficit important.
Le second, et je m’en réjouis, concerne l’extension du dispositif de continuité funéraire, à la suite d’une réflexion menée par les élus ultramarins et le ministère des outre-mer sur la nécessité d’en élargir le bénéfice aux frères et sœurs, notamment pour les déplacements liés à une fin de vie. C’est un sujet sensible pour la communauté ultramarine vivant dans l’Hexagone.
M. Dominique Théophile. Dans la perspective d’un vote conforme au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, le groupe RDPI votera en faveur des crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons ce matin se voit dotée de crédits en nette augmentation, soit une hausse de 13, 6 % par rapport à 2020, pour s’établir à 2, 68 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2, 34 milliards d’euros en crédits de paiement.
En effet, face à une baisse d’activité de l’ordre de 30 % dans l’ensemble des outre-mer pendant le premier confinement, l’ampleur de la crise dépendra de la rapidité de la reprise.
Dès lors, je salue le milliard et demi d’euros du plan de relance national en direction des outre-mer. Je le salue d’autant plus que les fragilités structurelles des outre-mer les rendent sensibles aux chocs conjoncturels, tels ceux que nous connaissons actuellement : la crise sanitaire, doublée de la crise économique, ne fait qu’amplifier les difficultés que connaissait déjà le secteur du BTP, par exemple.
Je tenais ce matin à attirer l’attention sur les indispensables aides à la mobilité dédiées à la continuité territoriale, afin que la crise sanitaire ne soit pas synonyme d’enclavement territorial et d’assignation à résidence. En effet, nous le savons bien, les outre-mer dépendent des échanges extérieurs, notamment via les liaisons aériennes – les premières à avoir subi la crise sanitaire et économique, avec 60 % de trafic en moins entre mars 2019 et mars 2020.
Certes, le recours au télétravail, l’enseignement à distance et l’e-santé démontrent l’importance du numérique pour assurer la résilience des territoires. C’est un point important.
D’ailleurs, les nouveaux moyens dédiés aux investissements du plan France Très haut Débit ne devront pas oublier les outre-mer, mais contribuer à accroître leur couverture numérique. Toutefois, le besoin de formation, l’importance du tourisme et les questions d’approvisionnement imposent d’assurer cette continuité territoriale.
Je salue également l’accompagnement des collectivités territoriales dans la conduite de leurs projets via des plateformes d’aide à l’ingénierie, dont une première évaluation démontre l’efficacité. Ce soutien aux collectivités ultramarines sera indispensable pour les appels à projet du plan de relance.
Enfin, les outre-mer font face à des défis que nous connaissons bien : défaillances en termes de gestion de l’eau – nombre des orateurs précédents l’ont souligné – et d’assainissement, alors que l’eau est indispensable pour les gestes barrières et constitue un enjeu d’autonomie – autonomie sanitaire, dans un premier temps, via un renforcement des capacités médicales, et autonomie alimentaire, dans un second temps, défi qui pourra être relevé en aidant les agriculteurs et pêcheurs affectés par la crise.
À cet égard, nos regards se tournent vers l’Europe et la conclusion récente d’un accord sur la PAC, avec la création d’un futur fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche pour la période 2021-2027 et, plus globalement, un futur cadre budgétaire européen qui affectera, par exemple, le Fonds social européen. Nous attendons également une solidarité européenne accrue ; je suis convaincu qu’elle sera au rendez-vous.
Comme ma collègue Nassimah Dindar, je vous confirme que le groupe UC votera en faveur des crédits de la mission « Outre-mer ».
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bernard Buis applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une certaine émotion que je m’exprime pour la première fois à cette tribune où d’importantes personnalités ont pris la parole pour la défense des valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité.
En cette période où l’extrémisme, l’intolérance et le racisme doivent être combattus au quotidien avec fermeté, je sais que, ici, quelles que soient les travées où nous siégeons, nous lutterons pour le maintien de ces valeurs et leur transmission aux générations futures.
Nous abordons aujourd’hui l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ». Je ne reviendrai pas sur le détail des chiffres, différents orateurs l’ayant fait avant moi.
À l’heure où notre pays tout entier est frappé par une crise sans précédent, je ne puis que me réjouir de la progression substantielle des crédits de la mission « Outre-mer », qui nous permettra, je l’espère, d’accompagner nos territoires avec des mesures indispensables.
Nous le savons tous, les effets de la crise sanitaire liée à la covid-19 ont eu un effet dévastateur sur les économies ultramarines, en particulier à Saint-Martin, qui dépend très fortement du tourisme.
Alors qu’un nouveau confinement a frappé l’Hexagone, les chances d’une reprise de l’économie saint-martinoise semblent minces. Si notre territoire est épargné par ce nouveau confinement, il en subit de plein fouet les conséquences économiques. Or, trois ans après notre épisode climatique, notre collectivité est toujours en reconstruction et demeure l’une des plus pauvres de France en termes de PIB par habitant.
Une relance pérenne de notre économie doit donc reposer sur une véritable adaptation des dispositifs de soutien à notre territoire. En effet, et c’est un fait, la reprise économique sera malheureusement plus longue à se concrétiser sur nos territoires que dans l’Hexagone.
Aussi, une prolongation des dispositifs exceptionnels d’aide, au moins jusqu’au premier semestre de 2021, sera indispensable pour soutenir notre fragile tissu entrepreneurial. En effet, comme vous le savez, la haute saison touristique se situe traditionnellement en hiver.
À cet égard, je tiens à saluer la possibilité accordée par l’État à nos établissements hôteliers d’accueillir, à compter du 1er décembre et à titre expérimental, des touristes en provenance de certains pays dits « à risques », dont les États-Unis, à la condition d’avoir signé une convention avec l’ARS et la préfecture, engageant ainsi leurs responsabilités.
Toutefois, nos attentes en matière de rénovation et de réhabilitation hôtelières demeurent très importantes. Notre collectivité a donc, plus que jamais, besoin à la fois de la solidarité nationale et d’incitations fortes pour attirer les investisseurs privés.
Je me réjouis d’ailleurs que la Haute Assemblée ait adopté très largement, en première partie de ce projet de loi de finances, un amendement que j’avais déposé en ce sens. J’espère que l’Assemblée nationale suivra la sagesse sénatoriale lors de la commission mixte paritaire.
Monsieur le ministre, vous envisagez de décliner le plan de relance par territoire, en concertation avec les acteurs locaux, ce que je ne puis qu’approuver. Je me réjouis de l’intégration de nouvelles générations ; je pense notamment à la création de la plateforme « Un jeune, une solution ».
Les mesures annoncées sont les bienvenues, mais elles nécessiteront un suivi attentif pour être à la hauteur des espoirs suscités auprès de nos concitoyens. Face à un taux de chômage des jeunes très élevé sur notre territoire, et qui risque malheureusement de s’aggraver encore, nous devons intégrer davantage notre jeunesse dans le développement d’entreprises et de filières économiques porteuses d’avenir.
Dans son rapport de 2017, le préfet Philippe Gustin, alors délégué interministériel à la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, avait présenté un certain nombre de propositions. L’une d’entre elles, qui me paraît essentielle, concerne le renforcement des capacités d’ingénierie locale. Sur ce point en particulier, comme sur celui de l’hôtellerie, nous avons besoin de votre soutien, monsieur le ministre.
Je suis convaincue que l’expérience de terrain et les contacts avec le monde professionnel, associés à une formation adaptée, permettraient à ces jeunes générations de répondre aux besoins d’ingénierie locale ou de création de microentreprises.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaitais vous demander votre appui pour la tenue rapide d’un « Q4 sanitaire ». Il me paraît absolument indispensable, dans cette période difficile que nous traversons, de nous concerter avec nos voisins de Sint Maarten, notamment pour la mise en place de protocoles sanitaires communs et d’une mutualisation des moyens locaux et étatiques.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Stéphane Artano applaudit également.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis moi aussi très heureux de monter pour la première fois à cette tribune, non pas en tant que sénateur
Sourires.
Permettez-moi, avant de commencer mon intervention, d’avoir un mot de félicitations pour le président Stéphane Artano, qui vient d’être élu ce matin président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. Monsieur Artano, sachez que je me tiens à votre disposition, ainsi qu’à celle de votre délégation, dont je connais la rigueur des travaux.
J’ai aussi une pensée pour votre prédécesseur, Bernard Magras, qui n’est plus sénateur aujourd’hui. Nous connaissons tous son investissement sur ces questions et la qualité des travaux qu’il a conduits. §Où qu’il soit, je ne doute pas qu’il suive nos débats de ce matin.
Je me tiens donc à votre disposition, monsieur Artano, pour travailler sur les questions qui concernent votre territoire – j’ai entendu quelques messages… – et l’ensemble des outre-mer.
Enfin, je veux saluer de manière très républicaine le ministre Victorin Lurel, qui m’a précédé dans ces fonctions
J’évoquerai tout d’abord la crise sanitaire qui touche notre pays, singulièrement nos territoires ultramarins. Si la situation s’améliore globalement, ces territoires ont été particulièrement touchés par la crise du covid-19. Leur insularité, leur isolement, leur capacité hospitalière, le climat, la cohabitation avec d’autres épidémies, comme la dengue, ou leurs caractéristiques démographiques sont autant de facteurs qui influent inévitablement sur l’évolution de l’épidémie.
Les situations rencontrées sont très disparates, avec des rythmes d’évolution et des intensités de crise distinctes, dans le temps comme dans l’espace. Nous abordons à présent une nouvelle phase.
La Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna ou Saint-Pierre-et-Miquelon sont aujourd’hui des territoires où le virus ne circule plus, je suis heureux de le constater.
En Guadeloupe, sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, l’évolution est favorable, avec des indicateurs qui sont passés sous les seuils d’alerte.
À La Réunion et à Mayotte, les indicateurs sont également orientés à la baisse, mais nécessitent une attention permanente.
En Guyane, nous constatons un effet plateau, avec une incidence qui remonte légèrement. L’État reste particulièrement vigilant en la matière.
Nous restons aussi très attentifs à la situation en Polynésie française, qui voit ses indicateurs s’améliorer, mais qui fait face à une dispersion du virus sur ses différentes îles. La réserve sanitaire nationale est fortement mobilisée pour apporter le soutien nécessaire au système de soins polynésien. Je tiens à rendre hommage ici à l’action du président Fritch avec lequel nous avons noué un partenariat de confiance et de qualité.
Enfin, madame Conconne, monsieur Antiste, l’amélioration de la situation en Martinique nous a permis de rouvrir les commerces dès la semaine dernière, en avance par rapport à l’Hexagone, dans un esprit de différenciation que nous souhaitons tous.
Olivier Véran et moi-même avions annoncé une clause de rendez-vous : les taux d’incidence et de positivité sont passés sous le seuil d’alerte, ce qui va permettre de lever les restrictions de déplacement dès le 8 décembre prochain. Nous maintiendrons un couvre-feu pendant la nuit, car nous devons rester prudents face à une situation épidémiologique qui peut évoluer très rapidement. Si les indicateurs continuent d’évoluer favorablement, les restaurants pourront rouvrir aux alentours du 15 décembre prochain.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Cette rapide description de la situation permet de comprendre à quel point il est nécessaire de continuer à adapter une stratégie sur-mesure, comme nous le faisons pour la Martinique, à l’échelle de chaque territoire, d’associer les professionnels de santé, les élus et l’ensemble des forces vives économiques des territoires concernés aux choix de ces mesures, aux côtés des agences régionales de santé et des préfectures et, bien évidemment, d’apporter à nos concitoyens encore plus de lisibilité sur chacune des mesures prises, avec la pédagogie nécessaire, en ne sacrifiant jamais aux impératifs sanitaires de protection des populations.
Une nouvelle fois, je puis vous assurer que la République sera aux côtés de ses outre-mer, pour affronter cette crise sanitaire, mais aussi économique et sociale.
Ce rappel me paraissait important avant d’aborder la mission « Outre-mer », laquelle ne constitue, comme cela a déjà été souligné, qu’une petite partie du budget que l’État consacre à nos différents territoires.
Vous le savez, ce budget s’étend sur 31 missions et 94 programmes. Au total, il s’élève à 19, 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 19, 2 milliards d’euros en crédits de paiement.
Sur ces 31 missions, 4 dépassent le milliard d’euros : « Outre-mer », « Relations avec les collectivités territoriales », « Écologie, développement et mobilités durables » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Deux missions consacrent des dépenses de personnel importantes à l’outre-mer : ainsi, 4, 7 milliards d’euros sont alloués au paiement des traitements des agents de l’éducation nationale et un peu plus de 1 milliard d’euros aux dépenses de personnel des forces de sécurité intérieure.
Au sein du projet de loi de finances, il me paraît important de souligner plusieurs dispositions, en dehors même de la seule mission « Outre-mer ».
Il s’agit, d’une part, dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales » que le sénateur Charles Guené connaît bien, de la poursuite du rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer, les Dacom. Le Président de la République avait pris cet engagement l’an dernier dans le cadre du grand débat national.
Un premier rattrapage a été réalisé en matière de péréquation, dans le cadre de la DGF pour les collectivités d’outre-mer. Ce mouvement s’accélérera l’an prochain, puisque, dans le cadre de la révision de la Dacom, nous vous proposerons de légiférer pour quatre ans. Dès l’an prochain, le volume de péréquation augmentera donc pratiquement de 17 millions d’euros.
Pour ce qui concerne la mission « Éducation nationale », les 42 millions d’euros des programmes dédiés à l’enseignement et les 37 millions d’euros du programme « Vie de l’élève » sont particulièrement fléchés vers Mayotte et la Guyane. Il s’agit également d’un engagement du Président de la République. Un rattrapage important s’impose dans ces deux territoires, où l’État assure la maîtrise d’ouvrage de la construction d’établissements scolaires. Les sénateurs des territoires concernés suivent de près cette question.
J’en viens à la fiscalité, dont on sait qu’elle constitue un levier d’action puissant pour le développement de nos outre-mer. La refonte du Fonds d’investissement de proximité, le FIP, outre-mer a été votée à l’Assemblée nationale, grâce à un amendement déposé par le président de la délégation aux outre-mer, le député Olivier Serva.
Par ailleurs, le renforcement du dispositif d’investissement productif dans le Pacifique, mieux connu sous l’appellation de neutralisation de l’impôt sur les sociétés pour les collectivités d’outre-mer, a également été adopté, grâce à un amendement des députés du Pacifique ; je pense notamment à Philippe Dunoyer, Maina Sage ou encore Nicole Sanquer.
Ces deux mesures étaient particulièrement attendues par les acteurs économiques ultramarins. Elles permettront d’accélérer la relance des outre-mer.
Par ailleurs, au Sénat, un amendement présenté par les sénateurs Georges Patient et Thani Mohamed Soilihi a permis de limiter à Mayotte et en Guyane la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, afin de tenir compte des contraintes propres à ces territoires dans la gestion des déchets.
La coconstruction a, une nouvelle fois, bien fonctionné et nous allons continuer ainsi, notamment au sein de la mission.
Concrètement, quel est le contenu de ce budget ? Outre les mesures de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, que M. le rapporteur spécial Georges Patient connaît bien, le Gouvernement a présenté un PLF pour 2021 intégrant la principale partie des 100 milliards d’euros du plan de relance.
Au sein de ces 100 milliards, un socle, et non pas un plafond – ce point me permet de répondre à différents orateurs – de 1, 5 milliard d’euros permettra, en plus des crédits de la mission « Outre-mer », de procéder à des engagements importants pour les territoires.
Plusieurs chiffres sont à retenir : 50 millions d’euros pour accélérer la construction et la rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement. Ce sont des actions essentielles pour nos concitoyens, quoiqu’elles relèvent en grande partie de la responsabilité et des compétences des collectivités locales ; M. Dominique Théophile est revenu longuement sur ce point, et je crois savoir que son appel a été entendu. Nous y reviendrons tout à l’heure au cours de l’examen des amendements.
Quelque 50 millions d’euros sont prévus pour le plan Séisme Antilles, notamment afin de renforcer les bâtiments publics et d’accélérer la mise en œuvre des programmes en cours.
Quelque 80 millions d’euros iront à la transformation de l’agriculture et l’équipement des abattoirs. À ce titre, je me réjouis que, après de longues discussions conduites avec mes collègues Julien Denormandie et Clément Beaune et l’engagement personnel du Président de la République, la Commission européenne soit revenue sur l’annonce de la baisse des crédits du Poséi, le Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Personne n’y a fait référence ce matin, mais c’est une vraie victoire collective française, à l’échelle européenne, dont nous devons nous réjouir.
Des moyens très importants sont également consacrés à l’emploi et à la formation, à hauteur de 500 millions d’euros environ.
Des sous-enveloppes sont également prévues sur certaines mesures opérées par le ministère de la transition écologique, notamment pour la sauvegarde de la biodiversité – je me tourne vers M. Guillaume Gontard – ou pour les infrastructures routières en Guyane et à La Réunion. Je note la remarque de M. Guillaume Gontard sur la nécessité de clarifier les sommes consacrées à la biodiversité. En effet, il y a un engagement important des collectivités territoriales pour ce qui concerne des fonds régionaux, parfois européens. Sans doute faut-il faire plus de pédagogie à l’égard des acteurs concernés.
Je pense aussi à une mesure que le sénateur Michel Dennemont portera dans le cadre des articles non rattachés. Elle permettra d’augmenter le nombre de logements sociaux et étudiants financés par le prêt locatif social à La Réunion. Mme la sénatrice Nassimah Dindar, ancienne présidente du conseil départemental, que je salue, est revenue sur ce point, tout comme Mme la sénatrice Viviane Malet. C’est là aussi une belle mesure de relance. Nous devrons nous assurer de son opérationnalité avec les collectivités territoriales.
En complément, plus d’un milliard d’euros seront versés directement par l’Union européenne aux départements et régions d’outre-mer dans le cadre de l’initiative React-UE, Reprise écologique, numérique et résiliente de l’économie, pour une consommation d’ici à 2023. Je rappelle à cet égard que la France, fortement contributrice au budget de l’Union européenne, n’est pas pour rien dans la mise en place de ce plan de relance européen. Nous connaissons tous l’action diplomatique et personnelle importante du chef de l’État en la matière.
Concernant les collectivités d’outre-mer, l’un des enjeux est de parvenir à les connecter au plan de relance, plusieurs orateurs l’ont souligné, au regard des compétences que l’État n’exerce plus et qui ont été transférées. Je tiens à le rappeler, car j’ai entendu dans cet hémicycle – ce n’était pas ce matin ! – des propos parfois inexacts. Notre rôle est bien de les aider et de les accompagner, sans se substituer à elles, ce qui reviendrait à mettre en échec le principe même de l’autonomie de ces collectivités. Comment procéder ?
Par le biais de nos opérateurs comme l’AFD, l’Agence française de développement, ou la Caisse des dépôts et consignations, qui opèrent notamment le programme des investissements d’avenir auquel ces collectivités sont éligibles.
Par le soutien financier à la trésorerie des gouvernements locaux. Je pense aux deux prêts de 240 millions d’euros chacun, avec une garantie de l’État, au profit de la Nouvelle-Calédonie – Mme Nassimah Dindar défendra des amendements en la matière – et de la Polynésie française.
Enfin, par des investissements dans le champ des compétences régaliennes, dont certains projets se font attendre depuis bien longtemps, il faut le reconnaître. Je pense au programme immobilier de la justice, aux casernes de gendarmerie et des forces armées et aux commissariats de police.
Ainsi, entre les mesures d’urgence économique qui représentent à date 4, 5 milliards d’euros pour les outre-mer, le 1, 5 milliard d’euros « socle » – et non pas plafond ! – du plan de relance et les crédits React-UE, ce sont plus de 7 milliards d’euros supplémentaires qui seront à la disposition des territoires d’outre-mer entre 2020 et 2023.
Après ces quelques précisions indispensables, permettez-moi d’aborder plus directement la mission « Outre-mer ».
Vous l’avez dit, cette mission est scindée en deux programmes. Elle connaît une augmentation de 7, 5 % en autorisations d’engagement et de 3 % en crédits de paiement.
Le plan de relance – c’est un point important, qui répond à certaines interrogations – ne vient donc pas en substitution des crédits de la mission « Outre-mer ». Il s’agit bien d’argent frais supplémentaire dans ces territoires, avec un enjeu, à savoir la consommation effective de ces sommes.
Si les crédits inscrits présentent un intérêt politique et budgétaire, ce sont les sommes effectivement dépensées qui améliorent et changent la vie de nos concitoyens.
Pour reprendre vos interpellations, l’État a-t-il une part de responsabilité dans les sous-exécutions ? Très certainement ! Pour autant, la question du rôle des porteurs de projet est également à interroger. Nous avons donc plutôt intérêt à nous serrer les coudes et à créer une solidarité entre ces acteurs, plutôt que de commencer à montrer tel bailleur social, telle collectivité territoriale ou tel représentant de l’État comme le responsable des sous-exécutions.
Sur le programme 138, « Emploi outre-mer », les autorisations d’engagement augmentent de 107 millions d’euros et les crédits de paiement de 93 millions d’euros.
Ce programme est très observé en raison de la situation sanitaire, économique et sociale. Nous apportons un soutien aux entreprises par le biais de l’augmentation, à hauteur de 6, 6 %, de la compensation des exonérations de charges patronales, dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer, dite « Lodéom ».
À cet égard, un amendement du député Stéphane Claireaux, adopté lors de l’examen du PLFSS 2021, permet d’étendre ce régime de compétitivité renforcé au secteur audiovisuel.
En matière d’aide à l’insertion, mentionnons également les moyens supplémentaires en effectifs qui accompagnent notamment l’ouverture d’une troisième compagnie du régiment du service militaire adapté de Nouvelle-Calédonie, à Bourail. C’est une décision que j’ai prise et à laquelle je tiens particulièrement.
Sur le programme 123, « Conditions de vie en outre-mer », les autorisations d’engagement augmentent de 85 millions d’euros, avec trois priorités.
La première, je le répète, c’est le logement. Les besoins dans les territoires ultramarins sont énormes. Les particularités propres aux outre-mer – je pense plus particulièrement à La Réunion – justifient que cette politique soit portée directement par mon ministère.
L’outil bien connu est la ligne budgétaire unique, la LBU, qui intervient donc sur tous ces champs de la politique du logement. Elle voit ses crédits augmenter de 8, 7 %, soit 224 millions d’euros, dont 18 millions d’euros en autorisations d’engagement dédiées spécifiquement aux établissements publics fonciers de Guyane et de Mayotte.
En 2020, les engagements de crédits sur la LBU atteindront la cible programmée, et ce malgré les perturbations liées à la crise sanitaire. C’est le résultat – historique ! – de la mobilisation de l’ensemble des acteurs et d’une stratégie plus claire et mieux territorialisée dans le cadre du nouveau plan logement outre-mer, ce dont nous pouvons collectivement nous féliciter.
La deuxième priorité est l’éducation, avec 13, 4 millions d’euros dans les établissements du premier degré de Mayotte et 17 millions d’euros pour la réfection du lycée d’État de Wallis-et-Futuna, projet attendu par ce territoire.
La troisième priorité, qui me tient particulièrement à cœur, est le soutien aux collectivités locales, en faveur desquelles j’avais déjà lancé, dans le cadre de mes fonctions précédentes, un certain nombre de chantiers.
Ainsi, le Fonds exceptionnel d’investissement reste stable à 110 millions d’euros. Il est également complété par les crédits du plan de relance et par le milliard d’euros alloué à une DSIL, dotation de soutien à l’investissement local, exceptionnelle, à laquelle les départements et régions d’outre-mer sont éligibles.
En outre, la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, à laquelle toutes les collectivités d’outre-mer sont éligibles, y compris dans le Pacifique, est maintenue à un niveau équivalent, à savoir un peu plus d’un milliard d’euros, dont 35 millions d’euros pour l’outre-mer, répartis entre 22 millions d’euros pour les DROM, les départements et régions d’outre-mer, et 13 millions d’euros pour les COM, les collectivités d’outre-mer.
Enfin, les contrats de convergence et de transformation ont été signés, pour leur grande majorité, en juillet 2019 et déploient progressivement les projets contractualisés avec les collectivités.
J’évoquerai également le nouvel outil de contractualisation financière, grande nouveauté de cette mission, directement inspiré d’un rapport rendu par Georges Patient et Jean-René Cazeneuve sur l’accompagnement des collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, on ne peut pas envisager la décentralisation, la différenciation territoriale et la défense des libertés locales sans s’assurer que la puissance publique locale fonctionne effectivement. Les collectivités ont besoin d’un accompagnement particulier en ingénierie et en matière financière. Les contrats d’accompagnement proposés dans ce rapport sont une réponse pertinente à cet enjeu.
Comment fonctionneront-ils ? Nous pourrions commencer, sur la base du volontariat, par identifier une dizaine de collectivités en 2021, avec un objectif : résoudre l’écart structurel entre les recettes et les dépenses.
L’idée est d’avoir des engagements de la collectivité à bien mettre en place des mesures de retour à l’équilibre et d’amélioration de la gestion et de lui proposer, en contrepartie, un accompagnement de l’État et un soutien financier exceptionnel, dont la reconduction sera conditionnée aux résultats.
Pour commencer, 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10 millions en crédits de paiement ont donc été ajoutés à la mission « Outre-mer » à cette fin, après l’adoption d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale par M. Cazeneuve.
Ces crédits supplémentaires nous permettront de lancer, dans quelques jours, l’appel à projets, selon des critères précis. Les préfets organiseront par la suite des moments d’échanges pour expliquer cette contractualisation.
Enfin, au sein de cette mission, le Gouvernement vous présentera un amendement visant à compléter la réforme engagée de la continuité territoriale.
C’est un sujet qui, je le sais, est très important pour les parlementaires ultramarins. C’est d’ailleurs à la suite d’un rapport parlementaire qu’une réflexion a été lancée en janvier dernier.
Le ministère des outre-mer a mis en place un groupe de travail sur le sujet. Une deuxième réunion de travail, à laquelle tous les parlementaires ultramarins ont été invités, a été organisée en septembre, et plusieurs mesures ont été annoncées, parmi lesquelles la fusion, pour une meilleure lisibilité, de l’aide simple et de l’aide majorée de l’aide à la continuité territoriale, l’ACT, l’augmentation du montant du bon ACT dans les collectivités d’outre-mer, afin qu’il puisse correspondre à une prise en charge d’environ 40 % du prix du billet, comme dans les DROM, ou encore l’ouverture du passeport pour la mobilité des études à des formations non diplômantes.
La majorité des propositions n’est pas de nature législative, sauf celle sur l’élargissement du bénéfice de l’aide obsèques.
Un amendement, déposé par le Gouvernement et reprenant la majorité des idées des parlementaires, a pu répondre aux principales attentes exprimées. Cette aide est désormais ouverte aux frères et sœurs des défunts et aux déplacements liés à la fin de vie. Lors de l’examen de la mission à l’Assemblée nationale, nous avons complété l’amendement gouvernemental par une nouvelle proposition parlementaire, preuve que la coconstruction est au cœur de notre méthode de travail. Désormais, l’article 55 sexies, tel qu’il vous est présenté, permet d’étendre la mesure de continuité obsèques aux déplacements entre territoires d’outre-mer.
Néanmoins, je suis conscient que la disposition est encore perfectible. À la suite d’échanges nourris avec M. le rapporteur spécial Teva Rohfritsch, il est apparu utile de simplifier l’écriture de la mesure, qui, à force de modifications, devenait peu intelligible, et d’opérer deux élargissements supplémentaires, afin de tenir compte de toute la diversité des situations familiales dans les outre-mer.
Aussi, l’amendement que M. le rapporteur spécial vous présentera tout à l’heure permet, d’une part, d’étendre la mesure aux trajets des outre-mer vers l’hexagone, et, d’autre part, d’élargir les conditions d’octroi de l’aide. Ainsi, pour bénéficier de l’aide, le décès ne devra plus avoir lieu avant le voyage aller, comme prévu aujourd’hui, ni avant le voyage retour, comme prévu dans l’article 55 sexies, mais dans les trois mois après le voyage aller.
Cette mesure permettra de prendre en compte des situations douloureuses de personnes, qui, parfois, doivent rentrer avant le décès, lequel n’intervient malheureusement que quelques jours après.
L’ensemble de ces mesures est estimé, pour 2021, à 3 millions d’euros, qui sont déjà intégrés dans les crédits initiaux de la mission « Outre-mer ». Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà, en quelques mots, le budget de mon ministère pour l’année prochaine.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
En euros
Mission / Programme
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Outre-mer
Emploi outre-mer
Dont titre 2
164 272 313
164 272 313
Conditions de vie outre-mer
L’amendement n° II-959 rectifié bis, présenté par M. Poadja, Mme Dindar, MM. Artano, Bonnecarrère et Canevet, Mme Guidez et M. Longeot, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Je présente cet amendement au nom de mon collègue Gérard Poadja.
Les mesures contraignantes de quarantaines visant à maintenir tout nouvel arrivant sur le sol calédonien pendant une durée de quinze jours dans des hôtels réquisitionnés à cette fin permettent à ce territoire d’être aujourd’hui « covid free », protégeant ainsi une population particulièrement vulnérable.
Le présent amendement vise à transférer 75, 4 millions d’euros de l’action n° 01 vers l’action n° 04, afin de financer par la solidarité nationale les mesures de quarantaine imposées en Nouvelle-Calédonie, aujourd’hui supportées par le seul gouvernement calédonien.
Cette proposition a déjà été discutée lors de l’examen de la mission « Plan de relance ». Le soutien de l’État à la politique menée par la Nouvelle-Calédonie repose d’ores et déjà sur un prêt garanti par l’État à hauteur de plus de 28 milliards de francs Pacifique, soit 230 millions d’euros.
Par ailleurs, comme pour les autres collectivités d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie est éligible au plan de relance. Je sais également que le Gouvernement travaille sur la question spécifique des finances de la Nouvelle-Calédonie, un sujet sur lequel je souhaite entendre M. le ministre.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
La situation de la Nouvelle-Calédonie est particulière sur le terrain sanitaire. Elle est différente de celle de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna, puisque, depuis le début, une quatorzaine sanitaire, à laquelle j’ai moi-même été soumis, est imposée sur ce territoire. Cela conduit à une forme de régulation des entrées aux frontières.
Ces dépenses sont importantes, puisque c’est au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de prendre en charge ces mesures de quatorzaine, à savoir la réquisition des hôtels, avec quelques exceptions, notamment pour les forces de sécurité intérieure, en particulier les escadrons de gendarmes mobiles, pour lesquels les dépenses engagées sont partagées avec l’État.
Ces efforts financiers importants de la Nouvelle-Calédonie permettent de maintenir le territoire dans une situation, en mauvais français, de « covid free ».
Pour ma part, je me suis engagé, dans un contexte plus global, à isoler les dépenses relatives au covid du territoire de la Nouvelle-Calédonie. J’ai demandé à l’équivalent de la DRFiP pour le territoire d’instruire un travail avec le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, pour documenter précisément ces dépenses. Mais nous ne savons pas combien de temps l’épidémie durera, ce qui renvoie à d’autres questions, notamment la politique de vaccination, que nous traiterons plus tard.
Par ailleurs, d’autres questions financières intéressent le territoire. Lors de mon déplacement, je me suis engagé, et je réitère ici mon engagement, à continuer de regarder la question des dépenses liées au covid, pour laquelle l’État fera un geste.
Toutefois, dans la mesure où je ne suis pas capable de donner aujourd’hui le montant de ce geste, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, contre l’engagement de travailler avec les sénateurs Gérard Poadja et Pierre Frogier, pour trouver la solution la plus opérationnelle possible. Celle-ci fera peut-être l’objet d’une mesure dans un PLFR ou bien sera adoptée par d’autres biais de gestion.
Nous pourrons évoquer de nouveau le soutien financier de l’État aux deux collectivités de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie. Quant au soutien des mesures liées au covid et à la relance, cela appelle d’autres outils d’accompagnement.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° II-959 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-958 rectifié bis, présenté par M. Poadja, Mme Dindar, MM. Artano, Bonnecarrère, Canevet et Delahaye, Mmes Gatel et Guidez et M. Longeot, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Nassimah Dindar.
Je présente également cet amendement au nom de mon collègue Gérard Poadja. Il vise à transférer 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de l’action n° 02, Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, du programme 138, « Emploi outre-mer », à l’action n° 08, Fonds exceptionnel d’investissement, du programme 123, « Conditions de vie outre-mer ».
La survie des compagnies aériennes des collectivités du Pacifique, qui assurent presque seules la desserte et le désenclavement de ses archipels, est gravement menacée par la crise sanitaire. La compagnie Aircalin représente 80 % du trafic international vers la Nouvelle-Calédonie. Elle joue à ce titre un rôle primordial de continuité territoriale.
Pour faire face aux difficultés liées à la crise sanitaire, la compagnie a présenté un plan de sauvegarde et de relance, comprenant notamment une réduction de 20 % de sa masse salariale, et a obtenu un prêt garanti par l’État de 40 millions d’euros.
Pour autant, ces mesures sont insuffisantes, et seul un soutien financier spécifique de l’État, comme celui dont ont bénéficié Air France et certaines compagnies locales, permettra de sauver cette compagnie menacée de disparition.
Sur le fond, la situation des compagnies aériennes du Pacifique est effectivement préoccupante. Je pense non seulement à Aircalin, mais également à Air Tahiti en Polynésie.
Toutefois, sur la forme, la mission « Outre-mer » n’est pas le vecteur adapté. Par ailleurs, le Gouvernement est en train de travailler sur ce sujet.
La commission émet donc un avis défavorable.
Madame la sénatrice Nassimah Dindar, la situation d’Aircalin est préoccupante, comme celle de bon nombre de compagnies aériennes desservant nos différents territoires d’outre- mer.
Un premier prêt garanti de 40 millions d’euros a été consenti pour accompagner la compagnie Aircalin. Lors de mon déplacement sur place, j’ai eu l’occasion d’en discuter avec les différents représentants du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Je propose d’organiser rapidement un tour de table, afin d’examiner les outils spécifiques d’accompagnement des compagnies aériennes. À mes yeux, il s’agit d’un amendement d’appel, le ministère des outre-mer n’ayant pas vocation à venir secourir des compagnies aériennes !
En revanche, le CIRI, le Comité interministériel de restructuration industrielle, est compétent en la matière. Je sais par les deux sénateurs de la Polynésie française que la question se pose également pour leur territoire. Je préfère donc discuter de ces sujets lors d’un tour de table spécifique, comme nous l’avons fait pour Corsair.
Peu d’intervenants ont évoqué ce sujet dans le cadre de la discussion générale, car beaucoup de choses ont été faites, en urgence pour Air France et, plus récemment, pour Corsair.
Lors de mon dernier déplacement, en urgence, à La Réunion, pour l’incendie du Maïdo, j’ai eu l’occasion d’échanger informellement avec un certain nombre d’acteurs du territoire.
Au regard de ce que nous avons accompli ces dernières semaines, nous continuerons d’accompagner les compagnies aériennes en difficulté. Mais, pour le moment, je demande le retrait de cet amendement.
J’allais évidemment rebondir sur la nécessité d’accompagner Air Tahiti Nui pour la Polynésie.
Vous avez annoncé des PGE, des prêts garantis par l’État, pour répondre au cri du cœur de votre honorable sénatrice de Polynésie dans cet hémicycle. Au moins, aujourd’hui, les choses sont claires, car elles ont été dites. Je le dis en toute humilité et avec respect, nous avons été élus démocratiquement et nous sommes là pour dire les choses et dénoncer certaines situations.
Je me réjouis donc de votre réponse, et le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Outre-mer ». Toutefois, j’espère que la table ronde sur nos compagnies aériennes sera organisée dans les plus brefs délais.
Pour que la situation soit parfaitement claire, madame la sénatrice, l’État est largement aux côtés du territoire de la Polynésie française.
Moi aussi, j’ai été élu démocratiquement plusieurs fois. Je sais bien que ce n’est pas le cas de tout le monde, et certains de mes collègues peuvent parfois ne pas le comprendre – permettez-moi de m’exprimer sans langue de bois.
Si je veux bien me faire bousculer lorsque les actions ne sont pas au rendez-vous, je voudrais qu’on dise lorsqu’elles le sont ! Derrière toutes ces sommes, en effet, il y a quelque chose qui s’appelle la solidarité nationale. Tout le monde fait des efforts. On le sait très bien, beaucoup d’argent est dépensé actuellement et il faudra bien que quelqu’un, un jour, rembourse cet argent.
Par ailleurs, cela intéresse très directement tous les sénateurs ici présents qui ne sont pas sénateurs de collectivité à statut particulier – d’ailleurs, tous les territoires ne fonctionnent pas selon les mêmes critères –, si l’État n’intervient pas, c’est parfois parce qu’il n’est plus compétent.
En effet, les instruments de fiscalité nécessaires n’existent pas, en raison de certains choix anciens, qui remontent parfois à 1958. Certains territoires ont choisi – M. Victorin Lurel connaît ces questions par cœur – d’être DOM ou TOM, comme on disait à l’époque. Or, quand on est TOM, on a forcément plus de compétences, mais on a aussi la main sur la fiscalité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les cordes de rappel que nous mettons en place sont bien légitimes et relèvent de la solidarité nationale. Non seulement nous accompagnerons tout le monde, mais aussi et surtout, nous n’abandonnerons personne. Je crois l’avoir déjà dit au président Édouard Fritch, je crois l’avoir dit devant vous et je crois l’avoir dit devant toute la délégation qui avait été emmenée devant le Premier ministre et que j’ai reçue à mon ministère.
Je ne demande pas que l’on soutienne le Gouvernement pour le soutenir. Je dis simplement ce n’est pas tant l’effort du Gouvernement que celui de la Nation tout entière, de tous les contribuables et de tous ceux qui se retroussent les manches en ce moment pour faire face à cette crise sans précédent. Je tenais à le rappeler, bien que je l’aie déjà dit clairement.
Si vous aviez encore un doute, madame la sénatrice, je le répète ce matin devant vous : nous n’abandonnons pas la Polynésie française, et encore moins le président Édouard Fritch.
Je ne me suis pas fait remarquer sur le premier amendement, qui a été retiré.
M. le rapporteur spécial, suivi par M. le ministre, qui se positionne sans doute de manière plus subtile, affirme que la commission ne peut émettre un avis favorable dans la mesure où ces mesures relèveraient du plan de relance. Non ! Lorsque nous demandons des dépenses conjoncturelles liées à la crise, notamment en Nouvelle-Calédonie, il ne s’agit pas de dépenses structurelles. Or le plan de relance vise à engager des dépenses structurelles.
Ainsi, quand on refuse à la Nouvelle-Calédonie une aide de 75 millions d’euros, au motif qu’elle figurera dans le plan de relance, je ne comprends pas.
Par ailleurs, le ministre a évoqué ce point, bien que les territoires soient autonomes, la solidarité nationale continue de jouer ! À un moment où nous discutons d’évolution du statut et de régime législatif, si vous dites aux outre-mer que l’autonomie, c’est l’absence d’argent et l’absence de solidarité nationale, toute évolution cessera, la peur devenant le seul motif de vote au moment des consultations référendaires. Je tenais à souligner ce point.
M. le ministre a pris des engagements à l’égard de la Nouvelle-Calédonie, qui doit être aidée pour gérer cette crise. Il a lui-même passé trois semaines là-bas, et il connaît donc parfaitement le problème.
Si l’inscription de crédits dans le cadre de cette mission n’est pas indiquée, il faut trouver comment aider Aircalin, afin de préserver la mobilité et le désenclavement. D’autres compagnies régionales ont été aidées ; les compagnies nationales ont été aidées ; il faut donc trouver un biais pour aider ces compagnies !
L’amendement n° II-958 rectifié bis est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.