Je vous remercie, monsieur Lurel, de porter la question de l’eau dans cet hémicycle.
J’en fais un dossier prioritaire, et il se trouve que, sur ce sujet, le sénateur Théophile me surveille également depuis le début du mandat, et pour cause : de secrétaire d’État à l’écologie à ministre délégué en charge des collectivités territoriales et, désormais, ministre des outre-mer, je suis ce dossier, ou il me poursuit, depuis mon entrée au Gouvernement. Et je mets un point d’honneur à obtenir, en la matière, des résultats tangibles.
Le Sénat est la chambre des territoires : nombre d’élus locaux ou d’anciens élus locaux siègent parmi nous, c’est le moins que l’on puisse dire. Le principe selon lequel l’eau est une compétence décentralisée, et même le symbole d’une décentralisation ancienne, est pour le coup incontestable ; jamais l’eau n’a été une compétence de l’État en tant que telle : il s’agit bien d’une compétence locale. Si nombre de compétences ont fait l’objet de transferts, via les lois Defferre ou les lois Raffarin, l’eau et l’assainissement sont, de manière intangible depuis l’après-guerre, des compétences décentralisées.
Il n’est pas de bonne gestion, par ailleurs, sans respect d’un principe auquel le président de l’Association des maires de France, M. Baroin, est très attaché, et que l’on ne saurait méconnaître ici, au Sénat : c’est que « l’eau paie l’eau », deuxième grand principe auquel nous tenons tous beaucoup, en tant qu’élus locaux, ce qui n’exclut évidemment pas la solidarité entre les bassins et entre les différents territoires d’outre-mer.
La solidarité nationale doit-elle être sollicitée en cas de crise grave, comme en Guadeloupe ? Vous l’avez dit, monsieur Lurel : la réponse est oui. Les principes que je viens de rappeler n’écrasent pas l’exception, qui commande évidemment de faire appel à la solidarité nationale pour régler le problème.
Je ne reviens pas sur le plan Eau-DOM ; vous en connaissez déjà largement les contours. Il s’agit désormais d’accélérer.
Votre amendement est en partie satisfait : je le vois comme un amendement d’appel – nous avons déjà eu l’occasion de travailler, vous et moi, sur ces sujets, et votre implication est connue. Le plan de relance tel que nous l’avons imaginé permet déjà, en effet, de flécher 50 millions d’euros vers la réfection des réseaux d’eau claire, mais aussi, d’ailleurs, d’eau grise ou d’eau noire.
Quand on ouvre une tranchée pour y poser une canalisation, on le fait autant pour l’eau potable que pour l’assainissement, même si c’est sur l’eau potable et sur les fuites afférentes qu’il faut agir en priorité, sachant que, en outre, on produit beaucoup sans parvenir à acheminer convenablement – l’enjeu est donc sanitaire, vous l’avez rappelé, mais également écologique.
Ces 50 millions d’euros du plan de relance permettent déjà largement, selon moi, de couvrir un certain nombre de travaux pour l’année 2021. Je prends deux engagements devant vous.
Premièrement, si l’État doit continuer d’accroître les moyens financiers qu’il mobilise pour les années 2022, 2023 et suivantes, afin que les travaux soient réalisés convenablement en Guadeloupe, mais aussi, dans une autre mesure, à Mayotte, il sera évidemment au rendez-vous. Je m’engage à poursuivre cet accompagnement tant que j’exercerai les fonctions qui sont les miennes aujourd’hui.
Deuxièmement, je m’engage à ce que nous avancions sur la gouvernance. Vous l’avez rappelé, monsieur Lurel – le Siaeag est connu des acteurs guadeloupéens, pas forcément de l’ensemble des sénateurs de la République…
En tout cas, la question reste posée de savoir comment on organise, dans un territoire archipélagique ou îlien, les réseaux d’adduction d’eau potable et la répartition entre syndicats et communautés d’agglomération de cette compétence, dont tout le monde ici connaît les modalités du transfert, puisqu’il s’agit de l’une des applications de la loi NOTRe.
Je prends donc cet engagement : le Gouvernement accompagnera les initiatives qui permettront d’aller dans le bon sens, celui d’une gouvernance plus claire et plus transparente de l’eau.
Je forme le vœu qu’un opérateur unique soit installé pour septembre 2021. Je sais que des initiatives législatives font actuellement l’objet de réflexions actives : je pense à la proposition de loi dite « Benin-Théophile », du nom de la députée et du sénateur qui tentent en ce moment même d’imaginer les contours d’un tel syndicat unique. Je ne veux pas préempter les débats parlementaires qui pourraient avoir lieu ; en tout cas, cette proposition est plus qu’intéressante : elle mérite d’être largement accompagnée, à titre de moyen, parmi d’autres, d’atteindre notre objectif.
J’ai par ailleurs indiqué dans la presse locale que, évidemment, si d’autres moyens que la loi pouvaient y pourvoir, et à condition que toutes les intercommunalités du territoire soient couvertes, il serait possible de procéder autrement et mieux que par la loi.
Au moment où nous parlons, la loi me semble malgré tout tenir largement la corde. J’accompagnerai en tout cas la proposition de la députée Benin et du sénateur Théophile, parce qu’elle promet une avancée majeure.
Ce sujet occupe largement la vie publique et politique guadeloupéenne ; je me suis donc permis, ici, au Sénat, d’être long, monsieur le président, afin d’être entendu aussi à l’extérieur.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.