La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.
La séance est reprise.
L’amendement n° II-1018, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne et M. Antiste, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d’eau en Guadeloupe
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Fonds exceptionnel de financement des opérations de réfection du réseau d’eau en Guadeloupe
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Victorin Lurel.
Nous abordons la problématique de l’eau en Guadeloupe. Cet amendement vise à créer un fonds exceptionnel et à l’abonder à hauteur de 40 millions d’euros. En effet, nous l’avons déjà dit ce matin, il faut entre 700 et 800 millions d’euros pour réparer les réseaux d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe.
À l’époque où est née cette situation, l’État était responsable de l’affaire, avec les concessionnaires, dont Suez – c’est le nom, depuis quelque temps, de l’ancienne Lyonnaise des eaux. La responsabilité est donc pour le moins partagée.
La gestion des réseaux par les uns et par les autres, en particulier par les élus – reconnaissons-le –, a été calamiteuse. Mais que l’État aujourd’hui se défausse, qu’il dise que ce n’est pas de sa compétence, malgré la crise du covid-19, et que ce sont les communes qui l’ont déléguée aux EPCI qui doivent rester en charge de l’affaire, et cela nous prendra de dix à quinze ans pour réparer ces réseaux d’eau.
Nous avions une solution simple, au-delà de celle que le Gouvernement, par la voix de M. le ministre, a proposée : il faut dissoudre toutes les structures qui gèrent aujourd’hui l’eau et créer une structure unique. Mais cette structure existe : elle s’appelle le Siaeag, ou Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe, et elle est criblée de dettes : près de 80 millions d’euros, dont 40 millions d’euros de dettes aux fournisseurs et de dettes bancaires, fiscales et sociales.
Aujourd’hui, compte tenu de ce qui s’est dit dans le pays, les gens ne paient plus l’eau ! On est donc dans une impasse.
Il s’agit de créer une structure unique, selon des voies à déterminer. Une proposition a été faite en ce sens par le Gouvernement. Deux parlementaires pourraient porter le sujet dans le cadre d’une proposition de loi. Reste le problème du financement.
Nous disons, nous, que si l’on veut faire ça sur cinq ou dix ans maximum, il faut 400 millions d’euros : 250 ou 200 millions d’euros, soit 40 millions d’euros par an pendant cinq ans, sous forme de subventions, et, par ailleurs, autant en prêts garantis. À long terme, il faudrait à peu près 400 millions d’euros en prêts garantis sur trente ans, puisqu’un tel investissement s’amortit sur trente ans.
Tel est l’objet de cet amendement : pour sortir de cette impasse, il faudrait un sursaut, autrement dit la création de ce fonds exceptionnel doté, au départ, de 40 millions d’euros.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, pour deux raisons.
Sur le fond, certes, nous souscrivons bien entendu aux préoccupations de Victorin Lurel sur le réseau d’eau guadeloupéen, dont la situation est dramatique.
Tout en rappelant que l’eau est une compétence décentralisée, il faut néanmoins noter que différents instruments existent d’ores et déjà, permettant d’assurer un soutien de l’État en la matière, comme le fonds exceptionnel d’investissement, qui finance des opérations dans ce domaine. Le plan de relance permettra également de financer des opérations de réfection des réseaux d’eau outre-mer.
Il ne paraît donc pas pertinent de créer un programme budgétaire spécifique aux réseaux d’eau en Guadeloupe au sein de la mission « Outre-mer », alors que des dispositifs existent déjà.
Par ailleurs, cet amendement est gagé sur une diminution de 40 millions d’euros des crédits du SMA, le service militaire adapté, alors que ce dernier connaît actuellement une consolidation de son mode de fonctionnement, visant notamment à assurer la transition numérique et à améliorer les taux d’encadrement.
La commission émet donc un avis défavorable.
Je vous remercie, monsieur Lurel, de porter la question de l’eau dans cet hémicycle.
J’en fais un dossier prioritaire, et il se trouve que, sur ce sujet, le sénateur Théophile me surveille également depuis le début du mandat, et pour cause : de secrétaire d’État à l’écologie à ministre délégué en charge des collectivités territoriales et, désormais, ministre des outre-mer, je suis ce dossier, ou il me poursuit, depuis mon entrée au Gouvernement. Et je mets un point d’honneur à obtenir, en la matière, des résultats tangibles.
Le Sénat est la chambre des territoires : nombre d’élus locaux ou d’anciens élus locaux siègent parmi nous, c’est le moins que l’on puisse dire. Le principe selon lequel l’eau est une compétence décentralisée, et même le symbole d’une décentralisation ancienne, est pour le coup incontestable ; jamais l’eau n’a été une compétence de l’État en tant que telle : il s’agit bien d’une compétence locale. Si nombre de compétences ont fait l’objet de transferts, via les lois Defferre ou les lois Raffarin, l’eau et l’assainissement sont, de manière intangible depuis l’après-guerre, des compétences décentralisées.
Il n’est pas de bonne gestion, par ailleurs, sans respect d’un principe auquel le président de l’Association des maires de France, M. Baroin, est très attaché, et que l’on ne saurait méconnaître ici, au Sénat : c’est que « l’eau paie l’eau », deuxième grand principe auquel nous tenons tous beaucoup, en tant qu’élus locaux, ce qui n’exclut évidemment pas la solidarité entre les bassins et entre les différents territoires d’outre-mer.
La solidarité nationale doit-elle être sollicitée en cas de crise grave, comme en Guadeloupe ? Vous l’avez dit, monsieur Lurel : la réponse est oui. Les principes que je viens de rappeler n’écrasent pas l’exception, qui commande évidemment de faire appel à la solidarité nationale pour régler le problème.
Je ne reviens pas sur le plan Eau-DOM ; vous en connaissez déjà largement les contours. Il s’agit désormais d’accélérer.
Votre amendement est en partie satisfait : je le vois comme un amendement d’appel – nous avons déjà eu l’occasion de travailler, vous et moi, sur ces sujets, et votre implication est connue. Le plan de relance tel que nous l’avons imaginé permet déjà, en effet, de flécher 50 millions d’euros vers la réfection des réseaux d’eau claire, mais aussi, d’ailleurs, d’eau grise ou d’eau noire.
Quand on ouvre une tranchée pour y poser une canalisation, on le fait autant pour l’eau potable que pour l’assainissement, même si c’est sur l’eau potable et sur les fuites afférentes qu’il faut agir en priorité, sachant que, en outre, on produit beaucoup sans parvenir à acheminer convenablement – l’enjeu est donc sanitaire, vous l’avez rappelé, mais également écologique.
Ces 50 millions d’euros du plan de relance permettent déjà largement, selon moi, de couvrir un certain nombre de travaux pour l’année 2021. Je prends deux engagements devant vous.
Premièrement, si l’État doit continuer d’accroître les moyens financiers qu’il mobilise pour les années 2022, 2023 et suivantes, afin que les travaux soient réalisés convenablement en Guadeloupe, mais aussi, dans une autre mesure, à Mayotte, il sera évidemment au rendez-vous. Je m’engage à poursuivre cet accompagnement tant que j’exercerai les fonctions qui sont les miennes aujourd’hui.
Deuxièmement, je m’engage à ce que nous avancions sur la gouvernance. Vous l’avez rappelé, monsieur Lurel – le Siaeag est connu des acteurs guadeloupéens, pas forcément de l’ensemble des sénateurs de la République…
En tout cas, la question reste posée de savoir comment on organise, dans un territoire archipélagique ou îlien, les réseaux d’adduction d’eau potable et la répartition entre syndicats et communautés d’agglomération de cette compétence, dont tout le monde ici connaît les modalités du transfert, puisqu’il s’agit de l’une des applications de la loi NOTRe.
Je prends donc cet engagement : le Gouvernement accompagnera les initiatives qui permettront d’aller dans le bon sens, celui d’une gouvernance plus claire et plus transparente de l’eau.
Je forme le vœu qu’un opérateur unique soit installé pour septembre 2021. Je sais que des initiatives législatives font actuellement l’objet de réflexions actives : je pense à la proposition de loi dite « Benin-Théophile », du nom de la députée et du sénateur qui tentent en ce moment même d’imaginer les contours d’un tel syndicat unique. Je ne veux pas préempter les débats parlementaires qui pourraient avoir lieu ; en tout cas, cette proposition est plus qu’intéressante : elle mérite d’être largement accompagnée, à titre de moyen, parmi d’autres, d’atteindre notre objectif.
J’ai par ailleurs indiqué dans la presse locale que, évidemment, si d’autres moyens que la loi pouvaient y pourvoir, et à condition que toutes les intercommunalités du territoire soient couvertes, il serait possible de procéder autrement et mieux que par la loi.
Au moment où nous parlons, la loi me semble malgré tout tenir largement la corde. J’accompagnerai en tout cas la proposition de la députée Benin et du sénateur Théophile, parce qu’elle promet une avancée majeure.
Ce sujet occupe largement la vie publique et politique guadeloupéenne ; je me suis donc permis, ici, au Sénat, d’être long, monsieur le président, afin d’être entendu aussi à l’extérieur.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre missions restent à examiner, après la mission « Outre-mer », d’ici à ce soir… Je vous invite donc à la concision.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
Je remercie M. le ministre des engagements qu’il prend aujourd’hui devant nous.
Je rappelle que le plan Eau-DOM, c’est 10 ou 12 millions d’euros pour l’État en Guadeloupe. La Guadeloupe bénéficiera par ailleurs de 133, 9 millions d’euros – le préfet m’a dit 135 millions d’euros – sur le 1, 5 milliard du plan de relance. Si l’on s’en tient à l’eau, sur les 50 millions d’euros consacrés à l’ensemble des outre-mer, la Guadeloupe touchera 10 millions…
Or on vient d’annoncer, en Guadeloupe, un plan de 170 millions d’euros, avec un effort considérable de la région et du département, qui, au même titre que l’État, ne sont pourtant pas compétents.
Aujourd’hui, le montant des crédits mis à disposition n’est pas suffisant. Nous sommes en pleine crise du covid-19, les gens n’ont pas d’eau pour se laver, ni même pour respecter les gestes barrières. Je réclame un sursaut !
Ce que vous proposez, monsieur le ministre, je peux l’entendre. Et j’apprends ici que Dominique Théophile en serait le porteur. Je me demandais quel pourrait être le vecteur politique de cette affaire ; si Dominique Théophile s’en occupe, c’est très bien, même si la question d’un dessaisissement des parlementaires et des collectivités au profit de l’État reste posée.
Toutefois, qui paie les dettes ? On va prendre un temps fou, d’ici à septembre ou octobre de l’année prochaine, disiez-vous, pour créer cette structure unique et la rendre opérationnelle. Le problème des dettes bancaires sera peut-être réglé, mais quid du reste ? Qui paie les salaires ? Vous proposez que le département et la région s’en chargent.
Aujourd’hui, il faut peut-être que l’État envoie un signe fort en autorisations d’engagement et nous dise comment il compte exécuter ce budget et éviter les sous-consommations de crédits. Je demande, au-delà de ce que vous avez dit, donc au-delà du législatif, quelque chose de fort, c’est-à-dire un engagement financier. Il le faut !
Je retire donc cet amendement, monsieur le président, mais le problème reste posé.
L’amendement n° II-1018 est retiré.
Si chaque amendement retiré l’est aussi rapidement, nous ne sommes pas rendus…
Sourires.
L’amendement n° II-1104 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds d’urgence pour l’amélioration des conditions de vie dans les Outre-mer
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits de paiement :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Fonds d’urgence pour l’amélioration des conditions de vie dans les Outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Antiste.
Les crédits alloués au programme 123, c’est-à-dire à l’amélioration des conditions de vie des habitants d’outre-mer, sont en diminution de plus de 5 %. La quasi-totalité des actions, Logement, Aménagement du territoire, Collectivités territoriales, Appui à l’accès aux financements bancaires, est en baisse.
Ainsi, les crédits alloués à l’action Aménagement du territoire baissent de 9, 82 % ; quant à ceux de l’action Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports, ils n’évoluent pas par rapport à 2020. Ceux de l’action Logement sont en baisse de près de 5 millions d’euros, soit 2, 74 %.
Or il s’agit là d’actions prioritaires, qui, comme telles, ne sauraient faire l’objet d’économies.
Cet amendement vise donc à créer un nouveau programme, « Fonds d’urgence pour l’amélioration des conditions de vie dans les outre-mer », qui serait doté de 16 millions d’euros. Il serait gagé sur une diminution à due concurrence des crédits de l’action n° 08 du programme 123, « Conditions de vie outre-mer ».
Cet amendement vise à créer un programme dont l’objet est identique à celui du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », ce qui ne paraît pas pertinent.
La commission émet donc un avis défavorable.
Nous nous efforçons de vous présenter un tableau sincère des autorisations d’engagement et des crédits de paiement. Autrement dit, s’il manque de l’argent en crédits de paiement en cours d’exercice, nous saurons traiter le problème en gestion.
Compte tenu de cet effort de sincérisation, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis serait défavorable.
L’amendement n° II-1104 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-1103 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds d’urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Fonds d’urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Antiste.
D’après une étude nationale de l’Insee intitulée Niveau de vie et pauvreté dans les DOM, publiée en juillet dernier, les habitants des départements d’outre-mer avaient globalement, en 2017, un niveau de vie plus faible qu’en métropole, et les inégalités y étaient plus marquées, en particulier en Guyane, et bien plus encore à Mayotte.
Le taux de pauvreté monétaire dans les DOM était deux à cinq fois plus élevé qu’en France métropolitaine. Les chômeurs, les personnes non diplômées, les jeunes et les familles monoparentales sont les plus touchés par la pauvreté.
L’Insee indique en outre que la pauvreté touche un tiers de la population guadeloupéenne, quand la moitié des Guyanais et 29 % des Martiniquais vivent sous le seuil de pauvreté !
La vie chère est une réalité encore bien prégnante dans ces territoires. L’État reconnaît ce problème, puisqu’il octroie une « prime de vie chère » à ses fonctionnaires. Une grande partie de la population, malheureusement, ne bénéficie pas d’aide spécifique pour pallier cette différence de niveau de vie avec l’Hexagone.
C’est pourquoi, en juin 2018, le Gouvernement a saisi pour avis l’Autorité de la concurrence sur le fonctionnement de la concurrence en matière d’importations et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer. Il ressort de cet avis que le niveau général des prix à la consommation est plus élevé dans ces départements qu’en France métropolitaine, de 12, 5 % en Guadeloupe et de 12, 3 % en Martinique, notamment.
Cet amendement tend donc à créer un nouveau programme, « Fonds d’urgence de lutte contre la vie chère dans les outre-mer », qui serait doté de 15 millions d’euros et gagé sur une diminution à due concurrence de l’action n° 08 du programme 123.
La création d’un fonds d’urgence doté de 15 millions d’euros ne me paraît pas adaptée pour lutter contre le phénomène de vie chère dans les outre-mer.
Ce phénomène est structurel, et la mission comprend différents dispositifs pour le limiter, comme l’aide au fret ou l’exonération de TVA.
La commission émet donc un avis défavorable.
Là encore, je vois cet amendement comme un amendement d’appel, sur un sujet très important.
Le sénateur Antiste a raison de rappeler, et l’humilité oblige à dire, que tous les gouvernements successifs – je le dis sous le contrôle de Victorin Lurel – ont cherché à prendre ce problème à bras-le-corps en mettant la pression sur les autorités de la concurrence, ainsi que, notamment, sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ; nombre d’outils sont sur la table. Nous avons nous-mêmes pris notre part de ce travail depuis 2017, avec le délégué interministériel.
Le sénateur Patient a raison de rappeler que les causes de ce phénomène sont éminemment structurelles ; des questions de compétitivité, notamment, sont en jeu – je n’ai pas le temps de m’étendre ici –, des questions de fiscalité aussi : on sait très bien qu’un débat existe sur ces questions autour de l’octroi de mer ; je me suis déjà exprimé publiquement sur le sujet, je n’y reviens pas.
Je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; mais il faut que nous continuions à évaluer ce qui a été mis en place par les équipes gouvernementales et par les majorités parlementaires successives – c’est très important.
Par ailleurs, je ne vois pas très bien, monsieur le sénateur Antiste, comment on pourrait utiliser le fonds que vous proposez ; sachant que sa création pourrait même produire de l’inflation à certains égards, j’avoue ne pas bien comprendre.
Il faut continuer à traiter ce sujet et le mettre à plat, sous l’angle de la relance notamment. Je pense en particulier à certains biens qui concernent le secteur de la construction. Au moment où l’on va mettre beaucoup d’argent sur la table, il est intéressant d’être attentif à ces aspects-là : non pas seulement le coût pour les ménages, mais aussi la circulation des capitaux dans l’économie marchande, qui sera alimentée par les travaux que nous allons encourager dans le cadre de la relance.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi – le sénateur Antiste ne m’en voudra pas – il émettrait un avis défavorable.
M. Maurice Antiste. Vous avez bien compris, monsieur le ministre, qu’il s’agissait d’un amendement d’appel ; mais sachez que je ne vous lâcherai pas
Sourires.
L’amendement n° II-1103 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-1055, présenté par MM. Lurel et Antiste, Mmes Conconne, Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Programme d’options spécifiques à éloignement et à l’insularité
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Victorin Lurel.
Cet amendement est d’appel, je le dis tout de suite, puisqu’une solution s’ébauche sur le Poséi, le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, équivalent pour les outre-mer de la PAC, la politique agricole commune.
Voilà quelle est la situation : la PAC a été plus que maintenue ; les agriculteurs européens, et en particulier nos agriculteurs, ceux de l’Hexagone, vont se voir accorder quelques marges de liberté. Mais tel n’est pas le cas dans les outre-mer.
Nous nous réjouissons tous pleinement que le budget du Poséi soit maintenu – en euros constants, je l’espère… Mais il faut savoir que le maintien de ce budget européen n’a été obtenu que pour deux années, et non pour sept : pour 2021 et 2022. Ensuite, nous est-il dit, on prendra de l’argent sur les enveloppes du ministère de l’agriculture à l’échelon national : autrement dit, on diminuera les enveloppes hexagonales pour abonder les enveloppes ultramarines.
Nous avons tous pris l’engagement de nous battre pour obtenir les 2 millions d’euros promis. Cet amendement est d’appel, puisque nous proposons un crédit de 11 millions d’euros, mais nous discuterons bien de ces 2 millions d’euros en examinant, dans un instant, l’amendement n° II-1056.
Le Président de la République a pris l’engagement, le 25 octobre 2019, à La Réunion, d’augmenter les crédits du fonds CIOM, ou comité interministériel des outre-mer, consacrés à la diversification agricole ; ils n’ont pas bougé depuis onze ans, c’est-à-dire depuis 2009 – 40 millions d’euros ! Le ministère de l’agriculture a fait un effort : 3 millions d’euros. Il manque 2 millions d’euros ; nous les demandons à M. le ministre !
Nous avions perçu cet amendement comme un amendement d’appel, et Victorin Lurel vient de confirmer le bien-fondé de cette hypothèse. Même si c’est pour deux années, le problème a été réglé par M. le ministre, que je salue.
La commission émet donc un avis défavorable.
Pour vous être agréable, monsieur le président, M. le sénateur Lurel a présenté d’un même mouvement des demandes de crédits relatives au Poséi et au CIOM. Pour la clarté du débat, je vous propose le retrait de l’amendement sur le Poséi et je répondrai tout à l’heure sur le CIOM – un certain nombre de vos collègues voudront, j’en suis sûr, intervenir sur ce sujet.
Un mot seulement : quand des victoires françaises sont remportées à l’échelle européenne, il faut s’en réjouir, parce que ce sont des victoires collectives. Je puis vous assurer que Clément Beaune et Julien Denormandie n’ont pas ménagé leurs efforts ; pour être tout à fait honnête, le Président de la République a dû décrocher son téléphone pour en parler lui-même directement avec la présidente von der Leyen et avec la chancelière Merkel.
Pardonnez-moi d’être direct, mais nous payons, ici aussi, le Brexit et la sortie du Royaume-Uni des institutions européennes. Les pays à qui parle cette notion d’outils communautaires dédiés à l’outre-mer, qu’il s’agisse des régions ultrapériphériques, ou RUP, ou des pays et territoires d’outre-mer, ou PTOM, ne sont plus très nombreux désormais, ce qui place la France dans une situation tendue.
J’appelle d’ailleurs à beaucoup d’unité et de solidarité, par-delà les sensibilités politiques, sur ces sujets ; nous avons gagné cette bataille sur le Poséi, mais l’affaire sera bientôt de nouveau sur la table. En attendant, réjouissons-nous de la position française, qui crée ces résultats.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° II-1055 est retiré.
L’amendement n° II-1051, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Dispositif de soutien à la formation en mobilité
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Dispositif de soutien à la formation en mobilité
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Catherine Conconne.
Il s’agit ici de parler de problèmes structurels qui touchent en particulier deux pays de l’outre-mer, la Martinique et la Guadeloupe. En effet, nous sommes touchés par un dépeuplement chronique : des milliers de nos compatriotes quittent leur pays chaque année ; des peuples s’éteignent donc à petit feu.
Des initiatives sont prises, certes ; je suis moi-même porteuse de l’une d’entre elles, qui commence à produire ses effets. Nous ne nous contentons pas d’inventaires et de constats : nous sommes aussi dans l’action. Mais il est temps aussi, par exemple, d’activer le volet d’aide au retour prévu de longue date dans le dispositif de continuité territoriale de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, ou Ladom, dont on nous a promis la réforme.
Nous souffrons d’un chômage chronique, endémique ; dans le même temps, nos entreprises et nos collectivités manquent d’encadrement. Les jeunes formés s’en vont et parfois trouvent bonheur ailleurs en matière d’emploi.
Cet amendement vise à enclencher un cercle vertueux en s’inspirant d’un dispositif qui a été mis en place à Mayotte. Ce dispositif permet une prise en charge, sous conditions de ressources, d’une partie des frais d’installation des étudiants, moyennant leur engagement à revenir dans leur pays d’origine pour y partager leur savoir et lui témoigner leur soutien et leur solidarité.
Il s’agit d’abonder une ligne spécifique à hauteur de 5 millions d’euros, ponctionnée sur le programme 123 – des crédits restent à consommer, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, sur le budget en cours d’exécution de ce programme ; nous avons donc un peu de marge de manœuvre.
Il faut absolument que l’État montre, par des signaux forts, son engagement à lutter contre l’extinction à petit feu de peuples de l’outre-mer, ceux de la Martinique et de la Guadeloupe.
Cet amendement vise à généraliser le dispositif « Cadres d’avenir » à l’ensemble des départements et régions d’outre-mer. J’y suis défavorable, car cette évolution nécessiterait une mesure législative, ce dispositif étant prévu par les articles L. 1803-17 et L. 1803-18 du code des transports uniquement pour Mayotte ; l’adoption du présent amendement de crédit ne permettrait pas une telle extension.
La commission émet donc un avis défavorable.
Je dirai un mot sur « Cadres Mayotte », sous le contrôle de Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte. On peut dire, quoiqu’il soit récent, que c’est un dispositif qui fonctionne. Il faudra malgré tout prendre le temps de l’évaluer.
Il est par ailleurs compliqué de partir de l’exemple de Mayotte pour le transposer aux Antilles ou à La Réunion, ne serait-ce que pour des raisons d’échelle : les cohortes, à Mayotte, sont toutes petites, et le dispositif est organisé sur cette base.
Cela dit, cette question d’échelle écrase-t-elle le problème que vous avez soulevé ? La réponse est non : de toute évidence, l’enjeu est énorme. Il s’agit d’ailleurs d’un enjeu assez noble ; de vraies questions sont posées sur les parcours de vie, le vieillissement de la population, l’existence d’un service public de bonne qualité – je ne reviens pas sur tout ce que vous avez dit, auquel je souscris parfaitement.
Je peux vous faire une proposition, parce que je pense qu’il faut avancer sur ce sujet. Si Mayotte a son propre dispositif, « Cadres Mayotte », c’est parce que c’est Mayotte, justement. On n’a d’ailleurs pas fait exactement à Mayotte comme en Nouvelle-Calédonie, et pour cause : l’exemple calédonien vient de l’accord de Nouméa. Il faut donc que nous imaginions quelque chose d’assez spécifique à l’échelle de ce que sont La Réunion, 860 000 habitants, et les territoires des Antilles.
On peut déjà commencer par s’appuyer sur les réseaux associatifs existants. Une association que vous connaissez bien, madame la sénatrice, puisque vous m’avez poussé à m’y intéresser, l’association Alé Viré, fait des choses vraiment assez formidables.
Sachant que les crédits qui sont retracés ici sont ensuite soumis, pour affectation, à ma signature, je peux m’engager publiquement à accorder à l’association des moyens supplémentaires si elle en a besoin en 2021, pour améliorer un certain nombre de dispositifs et lancer des pilotes. Il est déjà possible, même sans adopter cet amendement, d’accompagner financièrement ces initiatives dès 2021.
Le travail de mise à l’échelle du dispositif, par ailleurs, mériterait vraiment un parlementaire en mission, afin d’étudier cette affaire avec la plus grande précision. Je suis à la disposition des différents groupes politiques du Sénat pour y réfléchir.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, donc, mais il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a pas de problème, au contraire : j’assortis cet avis d’un encouragement au monde associatif, que vous connaissez bien, madame la sénatrice.
Non, je vais le retirer, monsieur le président. L’appel a été entendu et M. le ministre a été rassurant.
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé auprès d’Alé Viré, association martiniquaise ; je souhaite que cet engagement vaille aussi pour nos collègues de Guadeloupe, où une autre association porte des initiatives et des ambitions analogues – il s’agit des deux territoires touchés par le dépeuplement dans la dite outre-mer.
Je vous prends au mot : ce ne sont ni les projets ni la volonté qui manque. Et je suis sûre que nous pourrons trouver un cadre législatif pour amplifier les initiatives déjà impulsées, lorsque celles-ci auront besoin d’un souffle nouveau. Nous nous battrons, en tout cas, pour que nous, Martiniquais et Guadeloupéens, ne devenions pas une espèce en voie de disparition !
Je retire donc l’amendement, monsieur le président.
L’amendement n° II-1051 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1050, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Développement endogène des filières agricoles de diversification
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Développement endogène des filières agricoles de diversification
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Antiste.
Les producteurs agricoles des régions et collectivités d’outre-mer ont démontré durant toute l’année 2020 que la production locale joue un rôle essentiel dans nos territoires ; ils ont en effet continué à approvisionner nos populations en viandes, fruits et légumes frais lors de la crise sanitaire, et cela en dépit des difficultés d’approvisionnement.
Bien que la démonstration soit faite que nos régions ont un besoin vital de bénéficier d’une production locale forte, le Gouvernement peine depuis plus d’un an à répondre à la demande de revalorisation des fonds du CIOM qui émane des filières.
Pourtant, le Président de la République, lors de sa visite à La Réunion, au mois d’octobre 2019, avait annoncé la préservation du fonds CIOM, ainsi que sa revalorisation. Cette promesse présidentielle n’a pas été suivie d’effets immédiats.
Il est regrettable que l’intégralité des fonds dédiés aux CIOM ne provienne pas exclusivement de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », dont relève théoriquement l’aide à l’agriculture visée par le CIOM.
La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ne prévoit que 43 millions d’euros pour le fonds CIOM en 2021, ce qui est clairement insuffisant au regard de la situation actuelle. C’est pourquoi, en addition des 3 millions d’euros qui semblent avoir été ajoutés aux fonds CIOM, il est nécessaire de soutenir les exploitants agricoles bénéficiaires de ce fonds, en augmentant les crédits de 5 millions d’euros supplémentaires.
Cet amendement vise ainsi à prélever 5 millions d’euros du programme 123, dans son action n° 09, et de les orienter vers un nouveau programme intitulé « Développement endogène des filières agricoles de diversification ».
L’amendement n° II-1056, présenté par MM. Lurel et Antiste, Mmes Conconne, Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Développement endogène des filières agricoles de diversification
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Développement endogène des filières agricoles de diversification
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Victorin Lurel.
Je rappelle quelques faits. Le ministre a eu raison de faire la part des choses. Le Poséi est maintenu. Ici, il s’agit du CIOM.
Parce que le Poséi était insuffisant, on a demandé à la France une enveloppe de 40 millions d’euros – tenez-vous bien, depuis 2009. Ce montant n’a jamais été augmenté. On nous avait assuré à l’époque qu’il n’y aurait pas de stabilisateurs budgétaires. Or ils existent depuis un moment. Cela signifie que la production agricole, notamment de diversification et d’élevage, est dans un régime malthusien : on ne peut pas produire, parce qu’il n’y a pas assez d’argent.
Mon collègue Maurice Antiste vient de proposer de revaloriser le CIOM, ce qui permettrait de respecter les engagements présidentiels pris à La Réunion et qui ont été réitérés ici. J’ai reçu personnellement un courrier signé de Didier Guillaume, alors ministre de l’agriculture, le 20 juillet dernier, qui promettait 45 millions d’euros. Or Julien Denormandie nous propose maintenant 3 millions d’euros.
On avait demandé 2 millions d’euros au ministère des outre-mer. Nous n’avons rien vu venir. Cet amendement a un objet plus modeste, puisqu’il vise simplement à s’en tenir à ce qui avait été prévu.
Prenez l’inflation sur onze années et faites une déflation : vous atteignez exactement 45 millions d’euros. On ne demande pas de revalorisation, on demande uniquement un maintien en valeur nominale, soit 2 millions d’euros.
C’est un amendement de repli par rapport à celui de mon collègue, mais il est réaliste. Je demande à mes collègues de nous aider et de voter cet amendement.
Si la problématique de fond soulevée par ces amendements est légitime, il ne paraît pas pertinent de créer un programme budgétaire spécifique au développement endogène des filières agricoles de diversification au sein de la mission « Outre-mer », puisque cette politique publique relève principalement de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
En outre, le plan de relance prévoit 80 millions d’euros en faveur de la diversification en agroécologie en outre-mer, et les crédits du CIOM ont été augmentés en 2020 de 40 à 45 millions d’euros.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. La mathématique de M. Lurel est redoutable !
Sourires.
Le dispositif est important. Le CIOM et le Poséi font partie des grands outils qui sont à la main de la puissance publique pour accélérer cette transformation et accompagner les agriculteurs dans les différents territoires. Je ne reviens pas sur le Poséi, mais son maintien nous permettra d’avoir une réflexion plus sereine sur le CIOM. En ce qui concerne ce dernier, l’engagement du Président de la République porte sur 45 millions d’euros.
Je le dis pour que cela soit inscrit dans le compte rendu et figure au Journal officiel : non seulement cet engagement est tenu en 2020 – en gestion, nous allons même faire plus puisque nous devrions atteindre environ 46 millions d’euros, car nous avons eu plus de demandes –, mais je m’engage devant le Sénat à ce qu’il soit de nouveau tenu pour l’année 2021, comme le Président de la République l’a promis lors de son déplacement à La Réunion.
Sur la question de savoir qui paie quoi, entre la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et la mission « Outre-mer », j’en appelle à la solidarité des sénateurs ultramarins vis-à-vis du ministre des outre-mer.
Cette année, mon ministère a apporté 5 millions d’euros, pour que les crédits du CIOM soient portés de 40 millions à 45 millions d’euros. L’année prochaine, nous nous engageons à tenir cet objectif de 45 millions d’euros, grâce au même dialogue de gestion entre le ministère de l’agriculture, dont c’est la responsabilité initiale, et le ministère des outre-mer, dont c’est la responsabilité, si j’ose dire, complémentaire.
Enfin, Georges Patient l’a dit, ces amendements posent la question du gage, mais je ne ferai pas ce coup à un ancien ministre. Monsieur Lurel, la vraie question est de permettre une souplesse de gestion entre les deux ministères sur ces crédits, tout en nous engageant sur un montant effectif de 45 millions d’euros pour l’année prochaine.
Je sollicite donc le retrait de ces amendements, faute de quoi mon avis serait défavorable, mais je doute de parvenir à convaincre M. Lurel…
Sourires.
Monsieur le ministre, un ministre des outre-mer doit défendre les intérêts des outre-mer. On le constate trop souvent – ici avec le ministère de l’agriculture, ailleurs avec d’autres ministères –, il y a visiblement insuffisamment de contacts entre les ministères.
Monsieur le ministre, je ne parle pas beaucoup, ce qui me permet d’observer. Or j’ai observé que vous sembliez vouloir prendre votre mission à bras-le-corps, en tant que nouveau ministre. En ce qui concerne l’alimentation et l’agriculture ultramarine, il s’agit véritablement d’organiser une révolution pacifique.
M. le ministre acquiesce.
Je m’intéresse à la souveraineté alimentaire des territoires. Elle est importante outre-mer, car, en moyenne, les denrées alimentaires y sont importées à hauteur de 80 %. Il y a donc beaucoup à faire. Je me suis intéressé au Livre bleu des outre-mer du ministère de l’agriculture – il dépend du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre… –, dont l’ambition est de faire de l’alimentation et de l’autonomie alimentaire un levier de développement économique des territoires.
Les constats sont les suivants : les surfaces agricoles utiles ne représentent plus aujourd’hui que 33 % de la superficie totale, contre 52 % en métropole ; quelque 34 % de la surface agricole utile ultramarine sont consacrés aux cultures d’exportation, qui sont extrêmement subventionnées.
De tels schémas doivent être remis en cause. Si nous voulons parvenir à la souveraineté alimentaire, dans le respect de la préservation de la biodiversité, il faut revenir à la polyculture et à l’élevage.
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé devant toute notre assemblée, car nous sommes les représentants de tous les territoires, y compris des outre-mer, ne l’oublions pas. Je soutiens donc avec force ces deux amendements.
Je veux bien être aux côtés du nouveau président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, Stéphane Artano, pour une rencontre conjointe avec le ministère des outre-mer et le ministère de l’agriculture, afin que nous réfléchissions collectivement sur ces sujets.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.
Mes chers collègues, je ne fais pas appliquer à la lettre le règlement, qui voudrait que l’on ne puisse intervenir en explication de vote que sur un amendement précis, et non de manière globale. Aussi, je vous remercie de respecter au moins vos temps de parole.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
J’ai entendu notre excellent rapporteur dire que l’on ne va pas créer un autre programme.
Nous examinons ici la mission « Outre-mer ». Nous avons examiné il y a quelques jours la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Le ministre nous a dit exactement la même chose : des engagements ont été pris par le ministère des outre-mer, moi j’ai pris sa part à hauteur de 3 millions. Il a pris devant nous l’engagement que, grâce à la fongibilité, dans le budget général de l’État, les 45 millions d’euros seraient bien attribués.
Or il y a une chose que je refuse, raison pour laquelle je maintiendrai mon amendement, c’est que ces crédits sont « en gestion ». J’aimerais plutôt qu’ils figurent « en inscription » !
Peut-être ferez-vous 47, 48 ou 50 millions d’euros, mais ces montants n’ont pas bougé depuis onze ans. Je demande à mes collègues de le comprendre : au-delà de la mécanique et de l’ésotérisme des transferts de crédits, nous sommes confrontés à onze années de stabilité, donc de pauvreté infligée. Il importe que nous votions ces amendements. Le Gouvernement fera ensuite son affaire !
Certes, il y a un gage, car il faut bien respecter les règles de la LOLF. Mais je demande à mes collègues d’aider l’agriculture des outre-mer et de voter ces 2 millions d’euros.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-1039 rectifié bis, présenté par MM. Théophile, Patient et Mohamed Soilihi et Mme Phinera-Horth, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Dominique Théophile.
Cet amendement vise à mettre en place, sous la forme d’un fonds de dotation et à titre expérimental, un instrument financier qui permette au secteur de l’innovation de changer d’échelle.
Les territoires ultramarins souffrent en effet d’une exiguïté qui peut entraver le développement commercial de leurs entreprises. Ce fonds doit ainsi permettre aux entreprises ultramarines de prospecter et de s’installer dans d’autres territoires ultramarins du même bassin régional, mais aussi dans l’Hexagone.
Nous proposons ainsi d’abonder ce fonds de dotation en transférant 5 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de l’action Aménagement du territoire, du programme « Conditions de vie outre-mer », vers l’action Soutien aux entreprises, du programme « Emploi outre-mer ».
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, mais les rapporteurs, en fonction d’autres éléments, sont revenus sur cet avis initial.
Je serai donc défavorable à cet amendement, car la mission « Outre-mer » comprend déjà des dispositifs visant à aider les entreprises innovantes dans les outre-mer.
L’action n° 01 du programme 138 prévoit, par exemple, une dotation à hauteur de 4 millions d’euros affectée à un dispositif d’appels à projets et d’appels à manifestation d’intérêt, afin de décliner une offre spécifique pour l’émergence en outre-mer de projets innovants et environnementaux-compatibles.
La commission émet donc un avis défavorable.
Monsieur Labbé, je suis prêt à travailler avec vous sur le sujet évoqué précédemment. Le covid et les confinements ont modifié beaucoup d’habitudes ; ces changements méritent d’être observés, documentés et accélérés.
Monsieur Lurel, je vous répète que l’engagement relatif aux 45 millions d’euros sera tenu. Je tiens à ce que les choses soient claires.
Monsieur Théophile, vous avez tellement raison que l’aide que vous demandez est inscrite le plan de relance puisque 247 millions d’euros ont été votés pour apporter un soutien spécifique aux différentes entreprises outre-mer. Business France, dont vous connaissez l’ingénierie et les méthodes, aura la main sur ce dispositif. L’idée est évidemment d’arriver à territorialiser cette somme pour les différents territoires d’outre-mer.
Je m’engage donc à examiner les montants qui peuvent déjà être disponibles pour les différents territoires d’outre-mer sur les crédits prévus.
Je vous demande, par ailleurs, de bien vouloir retirer cet amendement, car il est gagé sur les crédits pour les collectivités territoriales. C’est certes le jeu du gage, mais la Constitution s’applique autant aux parlementaires qu’aux ministres.
Je vous propose donc de travailler plutôt sur la territorialisation de cette somme de 147 millions d’euros de Business France – vous avez sûrement des exemples concrets d’entreprises en Guadeloupe que vous souhaitez accompagner en la matière – et de veiller à ce que des instructions soient données aux préfets pour que les choses aillent dans le bon sens. J’espère ainsi avoir répondu à votre amendement d’appel.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.
Monsieur Théophile, l’amendement n° II-1039 rectifié bis est-il maintenu ?
Non, je vais le retirer, monsieur le président, mais je me fais violence, car la demande est forte.
Une nouvelle génération entrepreneuriale est en train d’émerger outre-mer, et avec elle une nouvelle approche. Il serait souhaitable que ces entrepreneurs soient accompagnés, pour leur permettre d’exporter leur savoir-faire à l’extérieur.
Cela dit, je retire l’amendement.
L’amendement n° II-1039 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-1057, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds de lutte contre les violences conjugales
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Fonds de lutte contre les violences conjugales
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Antiste.
L’actuel projet de loi de finances fait l’impasse sur un problème majeur pour les outre-mer : les féminicides et les violences contre les femmes. Or ces faits prennent chez nous des proportions inquiétantes, voire très alarmantes.
Ces amendements visent donc à créer un fonds spécifique aux territoires ultramarins pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Ce fonds serait doté de 5 millions d’euros et aurait pour vocation d’accompagner les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants à charge, en les aidant dans la poursuite de leurs activités scolaires et professionnelles, en leur rassurant un logement et en leur apportant une aide dans leurs démarches administratives et judiciaires.
L’amendement n° II-1058, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Antiste.
Nous souscrivons bien évidemment pleinement aux préoccupations des auteurs de ces deux amendements, mais nous émettrons un avis défavorable, car la mission « Outre-mer » comporte déjà des crédits destinés à la lutte contre ce phénomène.
L’action n° 04 du programme 123, qui ne porte pas de dispositifs en propre de lutte contre les inégalités, contribue à réduire les inégalités de traitement entre les femmes et les hommes au travers de subventions versées à des associations pour des projets – vingt-sept en 2019 – relatifs, notamment, aux violences faites aux femmes, à l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi qu’à la lutte contre les discriminations.
Il est à noter que le ministère des outre-mer, en lien avec le service des droits des femmes et de l’égalité, s’est mobilisé pour étendre l’enquête violences et rapports de genre, l’enquête Virage, en outre-mer, afin d’actualiser les connaissances scientifiques sur la prévalence des violences dans les territoires ultramarins et d’évaluer les conséquences des violences subies par les femmes.
La commission émet donc un avis défavorable.
L’enveloppe du ministère pour soutenir les associations, toutes thématiques confondues, est de 3 millions d’euros par an. Nous n’avons peut-être pas suffisamment communiqué sur cette somme, mais, depuis 2017, quelque 1 million d’euros ont été consacrés aux violences faites aux femmes. Jamais nous n’avions consacré autant de moyens à cette question.
Par ailleurs, l’homophobie doit tout autant nous inquiéter et nous préoccuper que les violences faites aux femmes. Loin de moi l’idée de segmenter les problèmes, mais vous arpentez suffisamment le terrain pour savoir que c’est également un phénomène préoccupant, et qu’il mérite véritablement d’être traité.
Le député Raphaël Gérard, que vous connaissez bien, s’est beaucoup mobilisé sur ces sujets. Au-delà des sommes, et plutôt que de procéder chaque année au coup par coup, je vous propose de mettre en place une véritable trajectoire pluriannuelle. Il s’agit d’inscrire notre action dans le temps. De nombreuses associations se demandent si elles vont pouvoir reconduire d’année en année certains dispositifs.
Le moment est venu de nous doter d’un système d’actions plus coordonné entre les différents acteurs. Il serait utile également d’y associer les caisses centrales d’activités sociales, les CCAS, ainsi que les conseils départementaux ou les territoires quand ils ont la compétence sociale.
Certaines mesures ne coûtent pas forcément beaucoup d’argent. Il faut notamment s’adapter aux différents langages. J’ai reçu des demandes en la matière. Il serait intéressant, le moment venu, que je puisse entendre les parlementaires. Je pense, par exemple au dispositif « téléphone grave danger », pour lequel un accueil en langue créole n’est pas prévu. Des femmes sont donc en difficulté pour signaler leur niveau de détresse.
Bref, nous allons devoir travailler assez rapidement sur beaucoup de questions d’ordre pratique. Je tourne mon regard vers la sénatrice Nassimah Dindar, ancienne présidente du conseil départemental de La Réunion, avec qui l’État a beaucoup travaillé pour mettre en place un certain nombre d’actions dans cette collectivité.
Plutôt que d’augmenter les crédits de la mission en tant que tels, je vous propose de réexaminer ce que l’on peut faire avec cette somme, mais de manière plus coordonnée et en y incluant davantage la lutte contre l’homophobie. Il importe de définir surtout une vraie trajectoire pluriannuelle, qui permette d’ouvrir quelques perspectives.
Il s’agit d’un sujet délicat, qui concerne également le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur. Il y a le volet prévention, mais il y a aussi le volet répression. La question des violences faites aux femmes est éminemment préoccupante. C’est aussi un point commun redoutablement délicat entre les différents territoires d’outre- mer. J’ai véritablement envie d’avancer sur ces sujets, en lien avec les différents acteurs.
Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements.
Monsieur Antiste, les amendements n° II-1057 et II-1058 sont-ils maintenus ?
Monsieur le ministre, j’aimerais que nous soyons sollicités pour cette réflexion que vous proposez. Votre idée n’est pas mauvaise. Il faudrait qu’elle voie le jour, afin que les nombreuses femmes battues et les foyers démembrés chez nous puissent croire en l’action solidaire.
Je retire donc ces amendements, monsieur le président.
Les amendements n° II-1057 et II-1058 sont retirés.
L’amendement n° II-1102, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Antiste.
Dans les territoires ultramarins, les établissements de santé doivent faire face à des déficits d’équipement ou à l’inexistence de spécialités.
Le recours aux évacuations sanitaires, qui permettent aux patients en situation d’urgence ou nécessitant une prise en charge par un spécialiste absent du territoire de se faire soigner dans un autre territoire français ou à l’étranger, est donc nécessaire.
À titre d’exemple, la Martinique ne dispose pas d’un cyclotron pour le diagnostic et le suivi des cancers. Pour Mayotte, ceux-ci sont effectués à La Réunion. C’est aussi le cas à Wallis-et-Futuna, etc. L’insularité et l’absence de certaines spécialités médicales ou chirurgicales outre-mer suscitent dès lors un nombre élevé d’évacuations sanitaires, généralement par voie aérienne.
Dans le cadre de la continuité territoriale, une possibilité de prise en charge totale a été instituée, afin de permettre l’accompagnement des personnes malades devant se faire soigner. Cependant, pour les patients et leurs proches, l’éloignement lors des prises en charge, parfois longues et effectuées en dehors de leur terre d’attache, entraîne de lourdes conséquences.
Afin de pallier cette difficulté et d’améliorer le système, il est proposé d’augmenter les moyens de l’action n° 03 du programme 123, en ponctionnant l’action n° 04, Financement de l’économie, du programme 138, « Emploi outre-mer ».
Nous sommes tous sensibles à ce sujet. Néanmoins, la commission a émis un avis défavorable, car l’extension de l’aide à la continuité territoriale aux proches des personnes bénéficiant d’une évacuation sanitaire nécessiterait une modification du code des transports.
L’avis est donc défavorable.
Il s’agit encore une fois d’une vraie difficulté. Je remercie d’ailleurs l’ensemble des parlementaires des deux chambres, toutes sensibilités politiques confondues. Le texte comprend un certain nombre d’avancées pour la continuité funéraire, qui est un sujet redoutablement délicat dans les différents territoires d’outre-mer.
En ce qui concerne les évacuations sanitaires, il existe déjà des dispositions, même si l’on peut déplorer parfois un enchevêtrement complexe des dispositifs. La prise en charge de l’évacuation sanitaire, l’Évasan, se fait bien évidemment par la sécurité sociale.
La particularité est que la sécurité sociale prend également en charge un accompagnateur : une personne de la famille ou un ami. Depuis peu, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, Ladom, établissement public qui dépend de mon ministère, prend également en charge un deuxième accompagnateur. On arrive donc ainsi à un niveau de solidarité et d’accompagnement qui commence à être humainement soutenable.
En ce qui concerne les frais sur place de ces accompagnateurs, il me paraît très difficile de les faire prendre en charge par le budget de l’État ou de la sécurité sociale ; pourtant Dieu sait que je suis humainement sensible à toutes ces questions ! En revanche, cela me gêne de me tourner de nouveau vers Nassimah Dindar, mais j’ai été également président de département : c’est aussi la compétence des conseils départementaux et des CCAS que d’accompagner les familles.
En tout état de cause, dans la loi de la République, l’accompagnement des familles dans ce genre de circonstances revient aux collectivités territoriales, notamment à la collectivité territoriale chef de file, le conseil départemental ou, le cas échéant, au conseil territorial en cas de fusion des deux collectivités.
Je demande donc le retrait de cet amendement, en insistant sur la continuité des mesures entre Ladom et l’assurance maladie. Il n’est pas question de remettre en cause ce qui a été acquis par les parlementaires dans le passé. Quant à la prise en charge des frais sur place, et c’est un ancien président de département qui vous le dit, elle incombe selon moi aux collectivités territoriales.
Je vais le maintenir, car je ne suis pas sûr d’avoir été parfaitement compris.
Des actions existent au niveau de la continuité territoriale, mais cela reste encore la croix et la bannière pour les familles. Des proches sont même obligés de les soutenir financièrement pour qu’elles puissent partir tellement les démarches sont longues et lourdes. Je demande simplement une augmentation des moyens de l’action et non la création d’une nouvelle ligne budgétaire.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le ministre a raison de rappeler que des départements se mobilisent également.
Je signale à mon collègue Antiste que nous avons mis en place un dispositif à La Réunion : la caisse générale de la sécurité sociale prend en charge le billet d’avion du malade et du médecin accompagnant. Quand nous n’avons pas besoin du médecin, la caisse peut effectivement prendre en charge, lorsqu’il s’agit des mineurs, le billet du parent accompagnateur. Voilà ce que la loi autorise.
Ce qui pose véritablement problème, c’est souvent l’accompagnement par le deuxième parent, quand il s’agit d’un enfant, mais surtout la prise en charge sur le territoire hexagonal du logement des parents accompagnateurs.
Par exemple, il existe à La Réunion des conventions avec le Rosier Rouge, selon les hôpitaux, pour pouvoir prendre en charge – c’est le département qui s’en charge – pendant une période de quatre semaines ou de deux mois, selon les cas, l’hébergement des parents, la mise à disposition d’un numéro de téléphone, etc. Des conventions existent, et la caisse générale de sécurité sociale travaille le plus souvent en lien avec les départements, voire avec les CCAS.
La difficulté n’est pas, selon moi, les billets d’avion. Il y a en effet Ladom, mais aussi les cagnottes parfois mises en place. Le plus important, c’est bien l’accompagnement nécessaire sur le territoire national des familles. Celles-ci ont besoin de débourser de l’argent, de prendre des taxis, d’aller à l’hôpital, d’être logées, etc.
Pour finir, je dirai un mot des violences faites aux femmes. C’est un problème très important dans les territoires ultramarins, mais qui coûte cher à l’État. En effet, les familles démantelées – mon collègue a eu raison d’y insister –, les enfants pris en charge par les foyers, ce sont autant de dépenses sociales que l’État et la République assument. Il convient de travailler en étroite collaboration avec les différents ministères pour mettre en place de vrais moyens.
L’enquête Virage est une enquête nationale. Fort heureusement, mon cher collègue, tous les territoires ultramarins en ont bénéficié. En revanche, quand nous signons des conventions sur le dispositif téléphone grave danger, nous nous rendons compte que les territoires d’outre-mer ont été les oubliés.
C’est un sujet sur lequel il est important que nous puissions travailler.
Mes chers collègues, je n’autoriserai plus de dépassements de temps de parole ! Je ne voudrais pas que le Sénat soit contraint de siéger dimanche prochain pour examiner une mission reportée.
La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote. Et je vous prie de bien vouloir intervenir sur l’amendement, mon cher collègue.
Certainement, monsieur le président. J’étendrai quelque peu le sujet, mais tout en respectant le temps de parole qui m’est imparti…
Madame Dindar, la question se pose de la prise en charge des accompagnants sur le territoire, et cela justifie de notre part un geste de soutien.
Puisque nous parlons de la santé, je voudrais évoquer en deux mots le sujet des plantes médicinales, dont 80 % de nos ressources se trouvent dans les outre-mer. Le développement économique et sanitaire extraordinaire que représente cette ressource doit prendre son essor dans ces territoires, dans l’intérêt de nos compatriotes ultramarins et de leur santé.
Aussi allons-nous relancer au Sénat le groupe de travail informel sur les plantes médicinales. J’invite tous nos collègues d’outre-mer à le rejoindre, car c’est un secteur très intéressant, j’y insiste, pour le développement de leurs territoires.
M. le président. La prochaine campagne de promotion se fera en dehors des explications de vote sur les amendements, si vous le voulez bien !
Sourires.
Je souscris tout à fait aux propos de mes collègues sénateurs des outre-mer. Je souhaite, en revanche, préciser un point évoqué par notre honorable ministre.
Lorsqu’il y a des évacuations sanitaires, ou Évasan, en métropole, la sécurité sociale prend en charge les frais pour les fonctionnaires d’État. Lorsque de telles évacuations ont lieu en Polynésie, pour les salariés et les fonctionnaires territoriaux, c’est la caisse de prévoyance sociale qui assure la prise en charge des malades et de l’accompagnateur. Je tenais à clarifier ce point.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-1060, présenté par Mme Jasmin, M. Antiste, Mme Conconne, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Fonds d’urgence pour un tourisme raisonné en outre-mer
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Fonds d’urgence pour un tourisme raisonné en outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Cet amendement vise à créer un fonds d’urgence pour un tourisme raisonné.
Il y a dans nos territoires de nombreuses TPE et PME, et le tourisme représente une part importante du PIB. Au travers de cet amendement d’appel, je propose de mettre en conformité la volonté, réelle, d’encourager le tourisme écologique et celle de changer de modèle économique.
Nos territoires offrent diverses formes de tourisme, chacun d’entre eux ayant ses propres atouts. Nous voulons véritablement faire travailler les TPE et les PME, parce que des emplois directs et indirects sont en jeu.
Il est vrai, monsieur le ministre, qu’un certain nombre de gestes ont été faits dans le cadre du plan de relance. Mais je souhaite vraiment, pour la pérennité de la vocation environnementale de nos territoires, lesquels, encore une fois, ont beaucoup d’atouts, qu’une réflexion soit menée sur la diversité des territoires et des modes de tourisme, en particulier sur le tourisme environnemental.
Ma chère collègue, nous partageons votre souci de redresser la situation du secteur du tourisme. Votre amendement, qui nous semble être d’appel, vise à créer un fonds d’urgence pour un tourisme raisonné en outre-mer, doté de 2 millions d’euros.
Or la mission « Outre-mer » comprend d’ores et déjà divers dispositifs visant à favoriser le tourisme outre-mer. Ainsi, le ministère des outre-mer a passé une convention avec Atout France, l’agence de développement touristique de la France, afin de mettre en œuvre des actions de communication et de promotion touristique, d’une part, et d’ingénierie d’observation et de stratégie, d’autre part.
Un cluster « tourisme des outre-mer », porté conjointement par le ministère des outre-mer et Atout France, contribue à la promotion des destinations ultramarines à l’étranger par des actions communes de marketing et de communication à destination du grand public, menées par des professionnels du tourisme et la presse. Des conventions en matière d’ingénierie permettent également de mener des travaux communs pour les territoires ultramarins.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Je vous remercie, madame la sénatrice, de cet amendement d’appel. Il s’agit en effet d’un sujet central, non seulement pour la relance, mais aussi pour la sauvegarde du tissu des acteurs touristiques de nos territoires, lesquels ont été largement affectés par l’épidémie de covid.
Vous avez devancé une éventuelle prise de parole de M. Labbé en évoquant le caractère durable de ce tourisme, dont l’empreinte environnementale va désormais être largement observée par les clients. Il s’agit même de l’une des marques des destinations touristiques ultramarines, et il faudra y faire attention.
Cet amendement d’appel vise donc à créer un fonds d’aide doté de 2 millions d’euros. Je rappelle que, dans le cadre du plan de relance, un fonds national de 50 millions d’euros est consacré au tourisme durable.
Nous étudions actuellement quelle quote-part pourrait être affectée aux différents territoires d’outre-mer. Ces négociations n’ont pas encore complètement abouti, mais je puis d’ores et déjà vous dire que plus de 2 millions d’euros seront affectés aux différents territoires d’outre-mer. Il faudra ensuite, bien sûr, s’assurer comme d’habitude de l’adaptation des critères pour que le dispositif fonctionne bien.
Par ailleurs, nous associerons les parlementaires à la territorialisation du fonds prévu dans le plan de relance, afin que celui-ci soit le plus opérationnel possible.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Je suis prête à retirer cet amendement, monsieur le ministre, mais il se trouve que Mme Pompili, ministre de la transition écologique, a dit voilà deux mois, selon le Journal du dimanche, qu’elle ne recommandait pas aux Français de l’Hexagone de se rendre à la Guadeloupe et en Martinique. Je ne sais pas si c’est une fake news…
J’aimerais qu’il y ait une certaine cohérence entre ce que dit le Gouvernement, à certains moments, et la vraie vie ! Si vous me convainquez que vous êtes prêt à consentir les efforts que vous annoncez, je retirerai l’amendement. Il faut simplement, à un moment donné, de la cohérence et des actions pertinentes…
Tout d’abord, je me suis engagé sur ce point, et le Journal officiel en fera foi.
Par ailleurs, même les sénateurs qui ne sont pas ultramarins peuvent aller en vacances dans les outre-mer pour les fêtes de Noël.
Sourires.
J’ai longuement pris la parole, ce matin, sur la situation sanitaire de chaque territoire ultramarin. Je le redis, les territoires d’outre-mer offrent des occasions de déplacement pour la pause de Noël et les fêtes de fin d’année.
Je pense que l’information que vous avez donnée est une fake news. S’il y avait un doute à cet égard, j’en parlerai à Barbara Pompili, mais je ne suis pas inquiet. Le ministre que je suis incite donc l’ensemble de la Haute Assemblée à déserter l’Hexagone pour se rendre massivement sur les plages de Guadeloupe, de Martinique, de la Réunion, ou d’ailleurs en outre-mer, lors des prochaines vacances !
Nouveaux sourires.
L’amendement n° II-1060 est retiré.
L’amendement n° II-1059, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Jasmin, M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Observatoire des finances locales dans les outre-mer
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
Observatoire des finances locales dans les outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Antiste.
Notre amendement vise à interpeller le Gouvernement sur la situation budgétaire particulièrement préoccupante des communes ultramarines.
Notre collègue Georges Patient et le député Jean-René Cazeneuve ont mené des travaux de grande qualité qui démontrent encore une fois, si besoin était, que la situation des communes des DROM est grave et urgente.
Ces difficultés sont la traduction d’une rigidité budgétaire qui entraîne une faible capacité d’autofinancement. Ainsi, la prise en compte de la situation des collectivités territoriales d’outre-mer doit sortir de la logique de « gestion de crise », pour favoriser un suivi plus régulier, fondé sur des données fiables et partagées par tous.
Par ailleurs, il est indispensable de mieux intégrer les intérêts des outre-mer dans la construction des réformes nationales relatives aux finances locales. À ce titre, le déploiement d’une base statistique spécifique pour les collectivités d’outre-mer paraît incontournable.
C’est pourquoi notre amendement vise à créer un observatoire des finances locales outre-mer, qui aurait pour mission la collecte, l’exploitation et la diffusion des informations statistiques et comptables en matière de finances des collectivités ultramarines. Cette structure pourrait être rattachée au comité des finances locales, le CFL, comme le propose le rapport Patient-Cazeneuve, sur le modèle de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales l’OFGL.
Pour ce faire, il est donc proposé de prélever 1 million d’euros de l’action n° 08 du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », pour abonder ce nouveau programme « Observatoire des finances locales dans les outre-mer ».
L’adoption d’un tel amendement de crédit ne paraît pas nécessaire. Il importe que, à terme, un observatoire des finances locales outre-mer soit créé, et que l’Agence française de développement, l’AFD, publie un état des finances communales dans chaque DROM, comme l’indique le rapport Patient-Cazeneuve qui a été cité de nombreuses fois aujourd’hui.
Cet observatoire pourrait toutefois être adossé au CFL, qui ne relève pas de la mission « Outre-mer ». La question de l’émergence d’un tel observatoire est, à notre sens, une question non pas de crédits budgétaires, mais de volonté politique.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à instaurer une transparence en matière de documentation budgétaire des collectivités territoriales d’outre-mer.
L’objectif est d’y voir clair et de se faire une idée de la gestion de ces collectivités et des différentes contraintes financières qui pèsent sur elles – Dieu sait s’il y en a ! Les travaux de cet observatoire s’ajouteraient à ceux des cours régionales des comptes.
Toutefois, créer un observatoire détaché du CFL irait dans le mauvais sens. En effet, si la différenciation territoriale en outre-mer est importante, pour autant, il ne s’agit pas de procéder à une mise à l’écart – j’ai bien compris que tel n’était pas votre souhait, monsieur le sénateur.
Commencer à ranger les finances locales ultramarines dans un coin, c’est prendre le risque qu’elles y restent, et nous devons y faire très attention. Lorsque j’étais ministre délégué chargé des collectivités territoriales, j’ai beaucoup incité le président du CFL, André Laignel, avec lequel mes relations étaient plus qu’apaisées, comme chacun le sait, à s’intéresser à la question des finances ultramarines. Il faut continuer à le faire !
Le Sénat, chambre des collectivités territoriales – disant cela, je regarde le président Stéphane Artano –, peut largement, pour le coup, se mobiliser et mettre la pression sur le Gouvernement et sur les institutions en leur demandant de travailler de manière spécifique sur la question des finances locales.
Le travail remarquable du président Patient et du président Cazeneuve allait dans ce sens, en mettant une focale particulière sur les finances locales outre-mer. Nous nous sommes emparés de ces propositions, et nous avons travaillé.
Je propose donc que cet amendement soit retiré et que l’on imagine autre chose. Je comprends le besoin de continuer à réfléchir, mais il ne saurait être question de prévoir, d’un côté, un observatoire isolé, et, de l’autre, le CFL, qui ne s’occuperait plus du tout des finances locales outre-mer.
Or l’ensemble de la péréquation est calculé de manière globale : il n’y a qu’une seule enveloppe, celle de la Nation française. Quand on augmente la dotation d’aménagement des communes et des circonscriptions territoriales d’outre-mer, la Dacom, on écrête la dotation globale de fonctionnement des Bouches-du-Rhône ou de l’Eure. Voilà pourquoi il ne faut pas prévoir un observatoire isolé !
L’amendement n° II-1059 est retiré.
L’amendement n° II-1101, présenté par M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, P. Joly, Bourgi et Montaugé et Mmes Monier et G. Jourda, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Maurice Antiste.
J’espère, monsieur le ministre, que vos assistants notent toutes vos promesses… Quant à moi, j’en prends bonne note !
Cet amendement vise à interpeller le Gouvernement sur la problématique récurrente de l’aide à la continuité territoriale funéraire, sujet que vous avez évoqué précédemment. Les choses ne se déroulent pas tellement bien dans ce domaine, à cause d’un certain nombre de freins, et il faudrait revoir l’ensemble du mécanisme.
On ne peut manquer de rappeler que le dispositif, en l’état, est inopérant en raison des conditions d’éligibilité. Par exemple, sur une trentaine de demandes, seules deux ont été satisfaites.
Il convient ici, d’une part, de relever, le plafond des ressources, qui s’élève aujourd’hui à 6 000 euros, pour le porter à 12 000 euros, et, d’autre part, de réformer les conditions de résidence, qui ne permettent pas à un Ultramarin résidant dans l’Hexagone depuis plusieurs années de bénéficier du dispositif.
Le présent amendement tend donc à abonder à hauteur de 1 million d’euros l’action n° 03, Continuité territoriale, du programme 123, « Conditions de vie outre-mer », et à prélever du même montant l’action n° 04, Financement de l’économie, du programme 138, « Emploi outre-mer ».
Je rejoins les observations des auteurs du présent amendement sur la nécessité de renforcer l’aide à la continuité funéraire.
Cet amendement n’est toutefois pas plus opérant que le précédent. En effet, les conditions d’octroi de l’aide à la continuité funéraire sont fixées par le code des transports. Nous examinerons dans quelques instants un dispositif améliorant les conditions d’octroi de cette aide.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Ne vous inquiétez pas, monsieur le sénateur, non seulement mon cabinet prend note de ce que je dis au banc du Gouvernement, mais, surtout, je me souviens de mes propos. Et le jour où je ne serai plus ministre, vous pourrez facilement me rappeler mes engagements précédents !
Sourires.
Sur ce sujet, nous avons bien travaillé avec les députés et les sénateurs, même si la question du relèvement du plafond, portée au travers de cet amendement, demeure. Mais celle-ci relève du domaine réglementaire.
Les ministres de Bercy et moi-même allons prochainement prendre un arrêté pour doubler ce plafond – vous me direz que je prends un engagement de plus, mais vous pourrez vérifier dans le Journal officiel qu’il sera tenu. Nous n’emprunterons pas la voie législative, car il faut veiller au non-empiètement du législatif sur le réglementaire, et inversement ; je sais que le Sénat y est attentif.
Cet amendement sera donc satisfait par l’arrêté qui sera pris. Je pourrai vous communiquer, ainsi qu’à l’ensemble des parlementaires ultramarins, le contenu de cet arrêté avant même qu’il ne soit signé.
Par ailleurs, il n’est pas prévu de toucher aux règles de domiciliation. J’ai retenu des divers travaux de concertation menés qu’était surtout attendu le relèvement du plafond.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
Je tenais simplement à signaler que le problème des décès pouvait se poser aussi entre deux départements d’outre-mer. Pensez-y, monsieur le ministre !
Cela dit, je retire cet amendement, monsieur le président.
L’amendement n° II-1101 est retiré.
Mes chers collègues, il faut véritablement faire preuve d’une plus grande concision. Je le répète, si nos travaux n’avancent pas davantage, l’examen d’une ou de plusieurs missions devra être reporté à dimanche prochain.
L’amendement n° II-997, présenté par Mme Jasmin et MM. Lurel et Antiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
On le sait, les crédits fléchés vers la ligne budgétaire unique, la LBU, ne sont pas suffisamment consommés. Il s’agit de les utiliser pour réhabiliter, rénover et mettre aux normes les immeubles, les bâtiments et tous les logements.
Ces crédits étant déjà prévus, nous ne demandons donc pas grand-chose, monsieur le ministre ! Il faut non seulement les utiliser, mais aussi créer des emplois. Quand le bâtiment va, tout va, dit-on souvent ; or, aujourd’hui, le secteur du bâtiment et des travaux publics est en panne.
Cet amendement vise à mettre en cohérence les divers besoins de rénovation, notamment les mises en conformité au regard des risques naturels majeurs. Pour cela, nous proposons de travailler d’une autre manière, en ayant recours au format des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, dans le cadre du schéma régional. Cela permettra à la fois d’appréhender différemment ces travaux nécessaires pour nos territoires et de créer des emplois. J’espère obtenir une réponse favorable !
Les crédits de la LBU, qui financent le logement outre-mer, connaissent d’ores et déjà une hausse de 8, 7 % en autorisations d’engagement. Il est vrai que les crédits de paiement sont en baisse de 2, 7 %, mais cette diminution s’explique par les précédentes sous-consommations des autorisations d’engagement.
Ces crédits s’élèvent donc à 224, 6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 176, 9 millions d’euros en crédits de paiement.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Des crédits d’un montant de 15 millions d’euros sont déjà prévus dans le cadre du plan de relance.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-1054, présenté par MM. Lurel et Antiste, Mmes Conconne, Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Victorin Lurel.
Les crédits de la mission ont été sous-consommés, l’an dernier à hauteur d’à peu près 180 millions d’euros, et de 191 millions en 2019, soit plus de 7 % de la mission. Pour justifier cette sous-consommation, le Gouvernement avait accusé les collectivités, par diverses voies, d’être incapables de monter correctement leurs dossiers.
Notre collègue député Max Mathiasin a récemment déposé un rapport dans lequel il écrivait : « Cette sous-consommation chronique résulte de la concentration en fin d’exercice d’une proportion substantielle de l’exécution des dépenses, ce qui obère la capacité des acteurs de la chaîne de dépenses d’effectuer des redéploiements significatifs en cours d’exercice. Afin de mieux anticiper cette difficulté, un rapport sur les modalités de pilotage du programme a été remis par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel. »
Un autre rapport a été remis, visant quant à lui les améliorations à apporter, le développement du contrôle interne, la simplification de la cartographie, la disposition des crédits en gestion 2020, l’avancement du dialogue de gestion. Il ne s’agit pas là de la responsabilité des collectivités !
Puisqu’il y a ce problème d’ingénierie, nous demandons de maintenir les crédits de l’an dernier, donc de conserver 380 000 euros.
Enfin, je regrette la situation que nous observons en matière de logement, un sujet que nous aborderons ultérieurement. Ce qui se passe est grave : 150 000 logements devaient être construits sur dix ans, au rythme de 10 000 par an. On n’en construit même pas 5 600 ! Je vous renvoie à ce qu’en dit la Cour des comptes.
Si la question globale de la sous-consommation chronique des crédits de la mission « Outre-mer » se pose, il ne nous paraît pas pertinent de circonscrire une demande de rapport à la seule action n° 01 du programme 123 de cette mission.
Cette ligne finance les études et autres interventions en ingénierie, soit 6, 6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5, 2 millions d’euros en crédits de paiement, c’est-à-dire les crédits mis à disposition des directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DEAL, pour donner des moyens d’ingénierie. Elle accompagnera la mise en place dans chaque territoire d’un observatoire local du logement et de l’habitat, tout en soutenant les initiatives d’adaptation des normes de construction.
S’agissant, plus largement, des sous-consommations, cette question pourrait faire l’objet d’une mission au Sénat ou d’une demande d’information à la Cour des comptes de la part de la commission des finances.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Il y a déjà une bonne nouvelle : la sous-consommation semble se tasser largement en 2020, comme je l’ai dit précédemment à la tribune.
Obtempérant aux demandes du président Karoutchi, je serai bref. Cette année sont prévus 7 ou 8 millions d’euros de dépenses en ingénierie pour la construction de logements au bénéfice des collectivités d’outre-mer. Un tel niveau n’avait jamais été atteint. Le plan logement outre-mer, le PLOM, commence à produire ses effets, et les ministres qui m’ont précédé y ont largement contribué.
Par ailleurs, 30 millions d’euros – deux fois 15 millions d’euros, pour être précis – sont débloqués, dans le cadre du plan de relance, par l’AFD, ce qui permettra l’accompagnement en ingénierie des collectivités territoriales pour différents projets, et pas seulement en matière de logement.
Plutôt que de renforcer la DEAL – il y aurait beaucoup à dire à cet égard –, il faudrait surtout développer l’offre de souplesse auprès de chaque collectivité territoriale. Nous sommes sur la bonne voie pour ce qui est de la LBU. Grâce à l’offre de l’AFD et du plan de relance, nous devrions aboutir à un résultat positif.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
Monsieur le rapporteur spécial, vous vous êtes trompé d’amendement : il ne s’agit pas ici de demander un rapport, mais de maintenir les crédits de l’an dernier en conservant 380 000 euros, pour conserver le même niveau.
J’entends les arguments de M. le ministre. Le logement est un problème très grave. Il y a six ou sept ans, les autorisations d’engagement s’élevaient à 263 millions d’euros et les crédits de paiement à environ 235 ou 240 millions d’euros.
Aujourd’hui, les autorisations d’engagement représentent 224 millions d’euros et les crédits de paiement 191 millions d’euros. Or ce qui est inscrit et engagé s’élève à moins de 200 millions d’euros.
Ayant été ministre, je sais que l’on procède en interne à un redéploiement des crédits, au motif qu’il y a dans les outre-mer une sous-consommation, une « mauvaise exécution ».
À l’époque, la Guadeloupe bénéficiait de 63 millions d’euros en autorisations d’engagement. En 2021, celles-ci ne seront que de 31 millions d’euros. Il est vrai que d’autres collectivités progressent… Monsieur le ministre, j’aurais aimé que nous discutions tous ensemble, en toute transparence, du redéploiement interne des crédits.
On a un véritable problème : au motif que la Guadeloupe et la Martinique ne progressent pas, La Réunion est tout juste maintenue à son niveau. Pour ce qui est de la Guyane et de Mayotte, je comprends que se posent des problèmes spécifiques, notamment démographiques. Quoi qu’il en soit, il faudrait mener des études préalables, qui nous permettraient de mieux comprendre.
Je retire l’amendement, monsieur le président, mais le problème reste posé.
L’amendement n° II-1054 est retiré.
L’amendement n° II-1019, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne et M. Antiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Emploi outre-mer
dont titre 2
Conditions de vie outre-mer
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Victorin Lurel.
Cet amendement est dans la même veine que le précédent.
Il se pose un problème d’organisation et de structuration de la filière logement. Les deux instances représentatives sont l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, et l’Union sociale pour l’habitat outre-mer, l’Ushom, lesquelles sont liées par une convention. Il y a donc un problème de représentativité.
Dans le code de la construction et de l’habitation, le CCH, seule l’USH est citée, pas l’Ushom. Aujourd’hui, ces deux organisations se querellent. En tant que parlementaire, je reçois, comme tous mes collègues ici présents, des appels indiquant qu’il n’y a qu’une seule instance représentative, l’USH.
Nous demandons que l’Ushom soit reconnue, dans la mesure où la plupart des organisations et des bailleurs en sont adhérents. En outre, l’Ushom a fait un travail extraordinaire au cours des quatre dernières années.
Alors que je suis dans la vie parlementaire depuis dix-sept ans, je n’avais jamais appris qu’il y avait des barèmes différents entre la métropole et les outre-mer. Je ne savais pas non plus que le supplément de loyer de solidarité, le SLS, était versé beaucoup plus rapidement, et avec un revenu plus faible, en zone A qu’en zone B…
Par ailleurs, nous cotisons à la Caisse générale du logement locatif social, la CGLLS, qui finance le Fonds national des aides à la pierre ; or nous n’en bénéficions pas. Bref, il y a un ensemble d’éléments qui n’ont jamais été portés !
Il faut absolument que l’Ushom puisse vivre. M. le ministre a répondu à l’Assemblée nationale qu’il s’agissait d’une querelle privée. Non ! Il est question ici non d’une querelle de personnes, mais d’un problème de représentation institutionnelle.
La nouvelle présidente de l’USH, Mme Emmanuelle Cosse, vient d’adresser une lettre à notre collègue député de la Réunion, Philippe Naillet. Je dois le dire, on ne s’adresse pas comme ça aux gens ! Avec tous nos collègues d’outre-mer, ou presque, nous allons donc signer un courrier commun pour dire que nous tenons à l’existence de l’Ushom et que nous voulons qu’elle soit financée, selon le moyen que trouveront l’USH et les fédérations régionales.
On ne peut pas traiter ainsi cette affaire, en laissant croire qu’il s’agit de petites querelles de personnes… Il s’agit d’un problème institutionnel !
Pour finir, on a supprimé la circonscription outre-mer pour les élections européennes, on a supprimé France Ô, ainsi que nombreux impôts ; on n’a pas créé la Cité des outre-mer ; on n’a pas appliqué la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer ; on ne respecte pas la loi relative à la régulation économique outre-mer… Et maintenant, on nous annonce que l’on va supprimer l’Ushom. On ne peut pas autoriser cela !
Si je puis me permettre, monsieur Lurel, vous débattez comme s’il était question ici d’une loi sur l’outre-mer…
J’aimerais que chaque orateur ne parle que de ses amendements et de la mission budgétaire.
Étant un excellent spécialiste du sujet, vous êtes naturellement porté à défendre vos convictions. Il serait plus simple d’en rester aux amendements.
Quel est l’avis de la commission ?
Je confirme que je ne m’étais pas trompé d’amendement : j’intervenais bien sur l’amendement n° II-1054 et sur l’article 33. Je persiste : la commission des finances propose bien l’ouverture d’une mission au Sénat ou la consultation de la Cour des comptes.
J’en viens à l’amendement n° II-1019. L’Ushom est un acteur majeur du logement social et très social outre-mer, ainsi qu’un partenaire du ministère des outre-mer. Dans le cadre du PLOM, elle bénéficie d’ores et déjà de financements publics. Contrairement à ce qu’indiquent ses auteurs, cet amendement de crédit ne pérenniserait pas sa dotation.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Peut-être n’ai-je pas été clair à l’Assemblée nationale ; je vais donc corriger mes propos. Je n’ai jamais prétendu que le problème que vous avez évoqué, monsieur le ministre Lurel, était une querelle de personnes !
J’ai simplement dit – je le répète pour la bonne information du Sénat – que le différend entre ces deux personnes morales était judiciarisé. Dès lors, il est compliqué pour les parlementaires, comme pour le Gouvernement, de s’immiscer dans un conflit qui sera tranché par le troisième pouvoir.
Par ailleurs, je le dis, nous avons besoin de l’Ushom, et je serai à vos côtés pour défendre cette institution.
Enfin, Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, va s’engager pleinement sur ce sujet en s’entretenant tant avec l’USH qu’avec l’Ushom. Elle réunira l’ensemble des parlementaires d’outre-mer pour vous informer, au fur et à mesure, des actions que nous mènerons en la matière.
Je vous assure – c’est un engagement que je prends devant vous – qu’il n’est pas dans l’intention du Gouvernement de faire disparaître l’Ushom !
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
J’entends l’engagement qui vient d’être pris. Néanmoins, cette affaire qui a été judiciarisée a reçu un premier résultat : l’USH a été condamnée pour avoir expulsé manu militari l’Ushom du local qu’elle louait ; vous le savez tous. Une autre affaire est en cours au pénal, mais elle n’a rien à voir avec la question du logement.
Par ailleurs, je ne demande pas, monsieur le rapporteur spécial, une pérennisation de la dotation. On a supprimé la subvention de l’Ushom, et on s’est livré à un véritable chantage, dans les termes suivants : « Si vous ne respectez pas notre tutelle, on supprime votre dotation ! » Bien sûr, elle va vivre avec les cotisations… En guise d’équilibre et de compensation, nous demandons donc au Gouvernement de financer un organisme qui représente tous les bailleurs sociaux des outre-mer.
Je ne retirerai pas cet amendement, monsieur le président.
Je soutiens l’interpellation de Victorin Lurel. Des choses inadmissibles se passent en ce moment entre l’USH et l’Ushom, et nous ne pouvons pas rester muets ! Nous avons tous été destinataires du courrier de notre collègue député Philippe Naillet, et nous allons tous le cosigner, parce qu’il s’agit là d’une véritable injustice. Voilà pour le fond.
Sur la forme, nous serons solidaires face à cette chasse à l’homme, ou plutôt à la femme, qui a été ouverte contre la déléguée générale de l’Ushom. Ce ne sont pas des manières de faire !
Il est inadmissible d’expulser des personnes d’un local, manu militari, et de tenir des propos contraires à l’esprit d’apaisement et à l’harmonie qui doivent s’imposer lorsque l’on traite d’un sujet aussi difficile et délicat que le logement !
J’apporte mon soutien de principe à l’amendement de mon collègue Lurel, pour que cesse ce harcèlement et pour que soit traitée cette difficulté, qui est encore pendante, entre l’USH et l’Ushom.
M’associant à tout ce qui vient d’être dit, je tiens à souligner, monsieur le ministre, que la conséquence de tout cela, c’est le risque assurantiel.
En effet, nous représentons des territoires exposés à des risques naturels majeurs : si tout n’est pas fait pour améliorer les différents logements, particulièrement ceux qui se trouvent sous la tutelle de ces organisations, il y a bien un risque assurantiel.
Quand ces territoires ne sont pas pris en compte et que les rénovations attendues ne sont pas faites, les compagnies d’assurances refusent d’assurer les personnes résidant dans ces logements. De plus, le coût des assurances en cas de risques naturels est une catastrophe ; on a pu récemment le constater à Saint-Martin. Cela constitue un tout, et il faut absolument régler ce problème !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
Les crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’article 55 sexies et les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 55 sexies, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».
Outre-mer
Le deuxième alinéa de l’article L. 1803-4 du code des transports est ainsi rédigé :
« Lorsque le déplacement est justifié par une dernière visite à un parent au premier degré, au sens de l’article 743 du code civil, à un frère ou à une sœur ou au conjoint ou à la personne liée à ce parent par un pacte civil de solidarité, dont le décès intervient avant le trajet retour, ou par la présence aux obsèques de ce parent, l’aide à la continuité territoriale intervient en faveur des personnes mentionnées aux deux premiers alinéas de l’article L. 1803-2 du présent code et régulièrement établies sur le territoire ou résidant dans une des collectivités mentionnées au même article L. 1803-2 autre que celle où se déroulent les obsèques. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-1161 est présenté par MM. Rohfritsch, Patient, Mohamed Soilihi et Hassani, Mme Duranton, M. Kulimoetoke, Mme Phinera-Horth, MM. Théophile, Dennemont, Patriat, Rambaud, Bargeton et Buis, Mme Evrard, M. Gattolin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Lévrier, Marchand et Richard, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° II-1164 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le code des transports est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 1803-4 est supprimé ;
2° L’article L. 1803-4-1 devient l’article L. 1803-4-2 ;
3° Après l’article L. 1803-4, il est inséré un article L. 1803-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1803 -4 -1. – Lorsque le déplacement est justifié par la présence aux obsèques d’un parent au premier degré, au sens de l’article 743 du code civil, d’un frère ou d’une sœur, du conjoint ou de la personne liée au défunt par un pacte civil de solidarité, ou lorsque le déplacement est justifié par une dernière visite à un parent dont le décès survient avant le terme du délai, fixé par voie réglementaire, de dépôt de la demande, l’aide à la continuité territoriale définie à l’article L. 1803-4 du présent code intervient, sous conditions de ressources, en faveur des personnes mentionnées aux deux premiers alinéas de l’article L. 1803-2 du même code et régulièrement établies sur le territoire.
« Le déplacement peut avoir lieu entre deux points du territoire national, l’un situé dans l’une des collectivités mentionnées au même article L. 1803-2 et l’autre situé sur le territoire métropolitain. Le déplacement peut aussi avoir lieu entre deux collectivités mentionnées au même article L. 1803-2. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° II-1161.
La cohésion du territoire est le ferment de notre engagement. En ce sens, la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, dite « loi ÉROM », a posé un premier jalon en étendant à l’outre-mer, des dispositifs de continuité territoriale. Il convient, désormais, de les adapter, afin de répondre au mieux aux réalités sociales et familiales ultramarines.
Cet amendement, qui est l’aboutissement d’un travail parlementaire fructueux entre les deux chambres, vise donc à démocratiser et à renforcer le droit à la continuité territoriale funéraire pour les Ultramarins.
Le dispositif actuel permet de financer partiellement, et sous conditions de ressources, le billet d’avion pour assister aux obsèques d’un parent, d’un enfant ou d’un conjoint en outre-mer, lorsque le bénéficiaire réside en métropole. Cette mesure, bien qu’elle soit salutaire, demeure lacunaire, en ce qu’elle s’adapte peu aux réalités familiales et aux besoins de mobilité des Français d’outre-mer.
C’est pourquoi nous souhaitons, par le présent amendement, clarifier la possibilité de se rendre au chevet du proche en fin de vie, ouvrir le dispositif aux frères et sœurs et étendre l’éligibilité de ce dispositif tant aux déplacements entre les collectivités d’outre-mer qu’aux déplacements entre ces dernières et la métropole.
Selon les estimations du Gouvernement, cette mesure concernerait 317 déplacements par an, pour un montant de 100 000 euros, sur un budget total de 6 millions d’euros.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° II-1164.
Les amendements sont adoptés.
L’amendement n° II-796 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, M. Courtial, Mme Joseph, MM. Boré et Le Rudulier, Mmes Belrhiti et Deromedi, MM. Babary, Calvet, Paccaud, Bouchet et Daubresse, Mme Gruny, M. H. Leroy, Mme Berthet, MM. Gremillet, B. Fournier, Meurant et Klinger, Mmes L. Darcos et Garriaud-Maylam et MM. Piednoir et Longuet, est ainsi libellé :
Après l’article 55 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 1er septembre 2021, sur le coût pour les finances publiques des dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière à Mayotte.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Aujourd’hui, quelque 400 000 à 500 000 étrangers seraient en situation irrégulière, pour seulement 23 000 mesures d’éloignement : 95 % d’entre eux restent ainsi sur le territoire français.
Mayotte est la première destination des migrants comoriens, mais pas seulement, certains venant désormais de bien plus loin !
Seule la moitié des 256 000 habitants de l’île y est née, le reste de la population venant surtout des Comores : comme le dit notre éminent collègue Mansour Kamardine, député de Mayotte, plus de 40 % de la population y est désormais clandestine. De telles circonstances pèsent lourdement sur la situation démographique, économique et sociale du département.
Le déséquilibre s’est encore accru entre 2012 et 2017 : ainsi, le déficit migratoire des natifs de Mayotte a presque doublé par rapport à la période 2007-2012, notamment du fait des départs de jeunes vers La Réunion ou la métropole, en raison de l’insuffisance de structures scolaires, universitaires ou sanitaires.
Mayotte est aujourd’hui confrontée à un double défi migratoire : le flux traditionnel en provenance des Comores et, depuis peu, un flux trouvant son origine dans la région des Grands Lacs – Burundi, Congo et Rwanda –, lequel est fortement dynamique et double pratiquement chaque année.
Ainsi, le nombre de demandeurs d’asile en provenance d’Afrique est passé de moins de 100, en 2014, à plus de 1000 cette année. Mayotte est en train de devenir une nouvelle voie d’accès vers l’Europe. Même si ce sujet relève plus précisément de la mission « Immigration, asile et intégration », nous devons nous interroger sur la part sociale en matière migratoire.
Je sais que le Sénat s’oppose systématiquement aux amendements demandant des rapports, mais je crois que nous devons ouvrir le débat : si nous demandons de tels documents, c’est justement parce que le Gouvernement, interrogé à plusieurs reprises, n’a jamais répondu précisément à ces questions, en dépit de toutes nos sollicitations.
Je demande, par cet amendement, d’améliorer l’information du Parlement sur le coût des soins dispensés aux étrangers se trouvant à Mayotte en situation irrégulière.
Même si l’aide médicale d’État n’est pas applicable à Mayotte, les étrangers en situation irrégulière peuvent s’y faire soigner dans le centre hospitalier ou en ville, pour un montant qui demeure aujourd’hui inconnu. Aussi, je propose de remédier à ce défaut d’information, en demandant au Gouvernement de remettre, sinon un rapport, du moins un tableau de bord, et de répondre enfin à nos interrogations sur ce sujet avant le 1er septembre 2021.
Mes chers collègues, j’ai déjà rendu plusieurs rapports sur ce sujet : j’ai posé des questions précises, mais je n’ai cependant rien obtenu. Est-il bien normal que la représentation nationale, qui interroge régulièrement le Gouvernement sur ces questions, n’ait jamais de réponse ?
J’émets un avis défavorable, par cohérence avec la position de principe de la commission des finances sur les rapports parlementaires.
Je suis évidemment attaché à ce que le Gouvernement réponde aux sollicitations d’une ex-députée devenue sénatrice : si vos questions n’ont pas reçu de réponse jusqu’à présent, madame Boyer, je vous présente mes excuses.
Pour vous répondre très rapidement, car je vois le président Karoutchi me regarder avec beaucoup de sévérité, j’indique que 27 000 reconductions et éloignements ont été accomplis en 2019 ; l’épidémie de covid-19 affectera bien sûr ces données pour l’année 2020.
Le véritable enjeu consiste pour nous à poursuivre l’opération « Shikandra », qui, bien qu’elle ait été suspendue à cause du confinement, commence à produire des effets significatifs, notamment sur le plan de l’action de l’État en mer et dans la relation que nous entretenons avec les Comores.
J’ai bien compris que l’objet de votre amendement était, non pas la rédaction d’un rapport, mais la relation entre le Parlement et le Gouvernement sur ces sujets. Il conviendrait donc, si évidemment le président Artano en est d’accord, de prendre le temps nécessaire, dans le cadre de la délégation à l’outre-mer, pour débattre des politiques de lutte contre l’immigration illégale à Mayotte, en organisant une audition qui nous permette de travailler sur ce sujet.
Je suis extrêmement sensible à ces questions : Gérald Darmanin et moi-même nous rendrons à Mayotte avant Noël. Néanmoins – le sénateur Mohamed Soilihi en conviendra –, nous ne sommes pas là pour stigmatiser ce territoire…
Nous nous connaissons bien, madame la sénatrice, je n’ai jamais dit que vous la stigmatisiez. Cependant, je pense que nous devons faire les choses dans un certain cadre, car il s’agit bien d’un sujet sérieux, qui demande qu’on y passe du temps.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.
Je remercie ma collègue de l’intérêt qu’elle manifeste pour ce département.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, notamment à Mme la présidente Éliane Assassi, les choses sont tellement complexes dans ce territoire que l’on ne peut se contenter de s’y intéresser en prenant un tel angle d’attaque. C’est pourquoi, si le président Artano en est d’accord, ces problématiques, liées à l’immigration, méritent, non pas un seul rapport concernant les dépenses de santé, mais bien une étude d’ensemble.
Cela fait maintenant des années que les élus de Mayotte demandent unanimement l’application de l’aide médicale d’État : tous les gouvernements nous l’ont refusée, compte tenu de l’appel d’air que cela provoquerait.
Il n’y a pas, sur ce sujet, de chiffres à découvrir, puisque nous les connaissons déjà, et vous en avez cités quelques-uns, ma chère collègue. C’est plutôt de solutions concrètes dont nous avons besoin aujourd’hui. Je crains qu’un rapport n’apporte aucune valeur ajoutée ; je pense, au contraire, qu’il contribuerait à mettre ces sujets sous le tapis.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous sommes en train d’examiner la mission budgétaire « Outre-mer », et que la mission « Immigration » sera peut-être discutée ce soir, sinon dimanche…
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
L’immigration à Mayotte est un vrai sujet : personne ne le nie ici.
J’ai eu l’occasion ce matin, lors de la réunion d’installation de la délégation à l’outre-mer, d’affirmer combien selon moi ce sujet devrait être prioritaire dans l’organisation de nos débats. Mais, dans ce cas, il faut faire en sorte de tout mettre sur la table ; il faudrait même, si j’ose dire, convoquer l’histoire !
Mme Catherine Conconne applaudit.
Déposer ce type d’amendements lors de l’examen d’une mission budgétaire n’est vraiment pas une bonne façon de faire. Au-delà des clivages politiques et de nos différences d’appréciation sur les politiques migratoires, nous devons débattre de ce sujet : c’est une évidence.
Mme Lana Tetuanui applaudit.
Toutefois, n’utilisons pas ce genre de véhicule législatif, qui plus est dans une situation sanitaire, économique et sociale des plus complexes. Je pense que c’est envoyer un très mauvais message à des milliers, voire à des millions de personnes sur cette planète. En effet, déposer cet amendement, madame la sénatrice, c’est aussi, quelque part, manquer d’humanité.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Sur la mission « Outre-mer », comme sur toutes les autres missions d’ailleurs, il est normal de déposer des amendements, surtout lorsque, malgré la réponse très aimable de M. le ministre, on ne dispose toujours pas de réponse à des questions pourtant formulées il y a fort longtemps. La représentation nationale a besoin d’être éclairée !
Ma chère collègue, nous n’avons pas de leçon d’humanité à recevoir.
Il n’y a rien d’inhumain à exiger des comptes et des chiffres, alors que la population de Mayotte est clandestine à 40 % et que tous les élus du territoire appellent à l’aide, tant la situation est préoccupante ! L’humanité, c’est justement de connaître et de savoir, pour pouvoir agir.
Mme Valérie Boyer. Notre devoir, en tant que responsables et parlementaires, c’est de demander des comptes et des chiffres, afin de prendre une décision éclairée. C’est ce que nous faisons au travers de cet amendement.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, vous dites sans cesse que l’outre-mer contribue à la grandeur de la France ; je crois donc que cela vaut bien votre patience, monsieur le président. Je vous remercie de nous la signifier, en tout cas !
Je salue à la fois le président Mohamed Soilihi et Éliane Assassi, présidente du groupe CRCE. Il faudra, en effet, convoquer l’histoire, et pas seulement des statistiques ! En effet, vous parlez de l’immigration sur des terres que la colonisation a déchirées.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° II-1053, présenté par MM. Lurel et Antiste, Mmes Conconne, Jasmin et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 55 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la consommation et la ventilation des crédits consacrés aux « Études et autres interventions en ingénierie » inscrits à l’action n° 1 du programme 123 de la mission « Outre-mer ».
La parole est à M. Victorin Lurel.
Monsieur le président, j’apprécie votre longanimité. Après tout, l’outre-mer le vaut bien…
S’agissant des crédits consacrés aux études et autres interventions en ingénierie d’un montant de 6, 62 millions d’euros, nous aimerions savoir quelle a été leur ventilation et qui a pu en bénéficier. De plus, quel rapport a été remis et quelle plus-value en a été tirée ?
Cela étant, je vais retirer mon amendement, car la commission des finances peut demander que la Cour des comptes fasse une enquête pour vérifier l’exécution du budget et nous donner ainsi quelques éclaircissements sur cette ventilation.
L’amendement n° II-1053 est retiré
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du strict point de vue budgétaire, je constate que la loi de programmation militaire est respectée et que, en effet, les crédits augmentent bien de 1, 7 milliard d’euros.
Mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées aborderont sans doute un certain nombre de sujets plus ponctuels.
Pour ma part, je souhaite, dans le cadre de la discussion du budget pour l’année 2021, faire un point rapide sur un projet qui vous tient à cœur : le plan famille. Je prends acte de la réforme de la rémunération qui a été engagée et qui semble porter ses fruits, puisque les recrutements, malgré un contexte sanitaire difficile, se sont plutôt bien effectués.
Je regrette simplement, madame la ministre, que l’amélioration de l’hébergement des militaires se fasse toujours attendre, même si les crédits sont bien au rendez-vous. Je crains que nous n’ayons un peu trop tendance à oublier qu’il s’agit d’un personnel particulier, qui doit être bien traité. Peut-être les normes en matière d’accessibilité et de mobilité pourraient-elles, pour un certain nombre d’entre elles, être appréciées de façon allégée – c’est un euphémisme.
Ce qui me préoccupe dans ce budget, madame la ministre, c’est non pas ce qui s’y trouve, mais ce qui ne s’y trouve pas.
Pour évoquer tout d’abord la fin de gestion de l’année 2020, je rappelle que le Sénat a voté le principe selon lequel le surcoût des opérations extérieures, les Opex, devait faire l’objet d’une solidarité interministérielle. L’an dernier, il n’en a pas été question, et cette année, cela recommence !
Vous me direz que, au fond, il ne s’agit que de 236 millions d’euros et que, après tout, avec le covid-19, l’effet de déport ne dépasse pas l’épaisseur du trait. Certes, mais la loi, c’est la loi ! Par conséquent, je ne vois pas comment le Gouvernement, d’une façon systématique, peut s’en affranchir.
Une autre de mes inquiétudes réside dans la vente des Rafale à la Grèce. Je me réjouis que ce pays ait fait le choix d’acheter du matériel français ; c’est une bonne nouvelle. Mais cette opération cache deux choses.
Premièrement, la loi de programmation repose, dans ses équilibres, sur une vente de Rafale qui tarde à se faire, ou qui ne se fait pas au niveau prévu. En sortant 12 avions opérationnels pour en acheter 12 neufs, on répond à un objectif non pas opérationnel, mais financier, à ceci près que le différentiel de coût – de 600 millions à un milliard d’euros – n’est pas assuré entre les avions d’occasion et les appareils neufs.
Deuxièmement, la loi de programmation affichait une capacité opérationnelle de 143 Rafale pour les armées, toutes armes confondues, à la fin de l’année 2023. De fait, dans l’attente de la livraison de nouveaux avions, elle se trouve revue à la baisse, avec toutes les conséquences qui en découlent, en matière non seulement d’interventions, mais aussi de préparation des forces et d’entraînement. Rappelons qu’il s’agit d’un prélèvement de près de 10 %, ce qui correspond à 12 Rafale sur les 102 que possède l’armée de l’air.
Le ministère fait valoir que l’impact serait atténué par une meilleure disponibilité des appareils, liée à une refonte du maintien en condition opérationnelle, le MCO. Pardonnez-moi, mais nous n’avions pas noté que l’amélioration de ce dernier et l’effort budgétaire qui l’accompagnait avaient pour objectif de compenser une perte de matériels ! L’objectif annoncé et voté était bien d’améliorer le contrat opérationnel, ainsi que la disponibilité.
Enfin, on nous annonce qu’il est possible d’acquérir, non plus 12 Rafale, mais moins, au motif que, appartenant à une nouvelle génération, ces appareils seraient plus performants. Ces questions devraient trouver une réponse à la faveur de l’actualisation de la loi de programmation, mais nous ne disposons toujours pas de calendrier la concernant.
S’agissant du choix de la propulsion du futur porte-avions, il y a urgence, si toutefois nous voulons être prêts en 2038, sans compter que, derrière ce choix, se trouve tout l’enjeu de nos savoir-faire nucléaires et, par voie de conséquence, de la dissuasion.
La décision est imminente, nous dit-on, mais elle tarde cependant à se manifester. Je ne puis croire qu’un enjeu aussi fondamental soit dépendant du calendrier de communication présidentiel ! Qu’en est-il ?
Enfin, je me suis toujours étonné, à titre personnel, que l’on se fixe un objectif militaire en pourcentage de produit intérieur brut, comme si c’était l’alpha et l’oméga, comme si la menace pouvait se calculer en PIB… Il s’agit simplement de mesurer un effort financier. Je m’inquiète que, avec une chute probable du PIB, nous n’atteignions malgré nous très vite les 2 %. Déjà, une petite musique se fait jour en ce sens à Bercy.
Vous l’avez compris, madame la ministre, nous ne demandons qu’à vous faire confiance. Les apparences sont sauves, mais derrière elles, nombre d’inquiétudes et de questions demeurent. Aussi, notre commission des finances a-t-elle souhaité conditionner son avis, qu’elle espère favorable, aux réponses et éclaircissements que vous voudrez bien apporter aux cinq questions suivantes.
Premièrement, y aura-t-il bien une actualisation de la loi de programmation en 2021, non pas confiée à je ne sais quel comité ou conseil de défense, mais soumise au Parlement ? Et dans quels délais ?
Deuxièmement, le produit de la vente des Rafale reviendra-t-il bien intégralement au ministère ?
Troisièmement, pouvez-vous vous engager sur le fait que la vente des Rafale ne se traduira pas par une révision à la baisse du contrat opérationnel ?
Quatrièmement, quand sera annoncé officiellement le choix de la propulsion du porte-avions ?
Cinquièmement, et enfin, la baisse probable du PIB est-elle de nature à remettre en cause l’enveloppe globale en valeur absolue de la loi de programmation ?
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. André Gattolin applaudit également.
M. Georges Patient remplace M. Roger Karoutchi au fauteuil de la présidence.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 144 voit ses crédits progresser de 8, 9 %.
Ces crédits commenceront en 2021 à financer le nouveau fonds innovation défense, le FID ; d’après ce que nous avons compris, sa montée en puissance se fera sur cinq ans. Le montant de 200 millions d’euros constituera-t-il bien, madame la ministre, un socle minimal auquel pourra venir s’ajouter la participation d’autres acteurs publics ou privés ? Nous sommes tout à fait désireux d’en savoir plus sur ce sujet.
Cela étant, bien que ce nouveau fonds aille dans le bon sens, je le souligne, il ne saurait régler le fond du problème, à savoir les difficultés croissantes qui pèsent sur le financement des entreprises de la défense, conduisant les plus fragiles d’entre elles à être rachetées par des acteurs étrangers. Les entreprises de la base technologique et industrielle de défense, la BITD, font état des difficultés croissantes qu’elles rencontrent à se financer auprès du secteur bancaire, et cela, d’ailleurs, quels que soient leur taille et leur domaine d’activité.
Les causes sont multiples. Tout d’abord, il n’est jamais facile pour une entreprise d’aller se plaindre de son banquier. De plus, il existe des éléments factuels incitant les banques à la prudence : je pense en particulier aux sanctions extraterritoriales américaines, qui avaient frappé BNP Paribas d’une amende de 9 milliards d’euros en 2014, sujet qui nous renvoie tout simplement à notre souveraineté. Enfin, certaines ONG agissent pour orienter l’opinion publique dans le sens d’une hostilité montante aux ventes d’armes, voire à la production de ces dernières.
Nous pensons à ce stade, madame la ministre, que pour faire évoluer la situation, il faudrait agir dans trois dimensions : établir un réel dialogue autour des représentants de l’État, entre les entreprises de la BITD et les banques ; faire comprendre, au-delà de la communauté de défense, la relation directe entre l’existence de la BITD et la souveraineté nationale ; œuvrer à défendre notre souveraineté économique. C’est un vaste sujet, que nous ne réglerons pas lors de ce débat.
Enfin, je voudrais signaler que nous avons été étonnés, pour ne pas dire choqués, de découvrir la réduction de voilure de notre réseau de missions militaires à l’étranger, dans des postes pourtant très sensibles : Alger, Tunis, Amman, Tbilissi – ce poste couvre l’Arménie et l’Azerbaïdjan –, et même Londres et Moscou sont ainsi concernés. Cela constitue un contresens total dans le contexte actuel : il semble que l’on cherche à économiser quelques centaines de milliers d’euros, alors que le budget de la mission augmente de 1, 6 milliard d’euros !
Ne conviendrait-il pas, madame la ministre, de revoir ce dossier ?
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme 144 porte une partie des crédits du renseignement pour un peu plus de 400 millions d’euros. Il concerne deux services du premier cercle, qui dépendent du ministère des armées : la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).
J’évoquerai tout d’abord la situation de la DGSE, dont les crédits sont plus importants dans ce programme.
Le service voit ses moyens augmenter, conformément à la priorité affirmée dans la loi de programmation militaire. Dans le programme 144, ses crédits s’établiront en 2021 à 388 millions d’euros, soit une hausse de 11, 4 %. Cette augmentation notable traduit la poursuite d’un effort d’investissement très important.
Il s’agit, d’une part, de mettre le parc immobilier à niveau, à la fois pour faire face à la croissance des effectifs et pour rénover certains bâtiments vétustes, d’autre part, d’accroître les capacités techniques, en particulier dans des domaines où le progrès technologique impose des investissements soutenus pour qu’ils soient maintenus à un bon niveau. Il faut savoir que les capacités techniques de la DGSE ont vocation à être partagées avec les cinq autres services du premier cercle.
Pour avoir une vision consolidée de la situation de la DGSE, il convient d’examiner aussi ses moyens humains. La DGSE compte aujourd’hui environ 7 100 personnes. Ses effectifs devraient rester stables l’an prochain, avant de reprendre leur progression pour atteindre 7 800 agents en 2025. En intégrant les dépenses de personnel, les crédits de la DGSE s’établiront en 2021 à 880 millions d’euros, soit une hausse de 7, 7 %.
Enfin, mentionnons également l’existence des fonds spéciaux. La part principale des 76, 4 millions d’euros de fonds spéciaux va à la DGSE.
Pour porter une appréciation sur ce niveau de crédit, il faut considérer néanmoins que l’effort financier de la France dans le domaine du renseignement extérieur reste sans doute encore un peu inférieur à celui de l’Allemagne et très sensiblement inférieur à celui du Royaume-Uni.
J’en viens maintenant à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense, un service en transformation qui réoriente de plus en plus son activité sur le renseignement. Rappelons que, avec 1 500 agents, ce service doit mener un nombre très élevé d’enquêtes administratives – 311 000 l’année passée – en vue d’assurer globalement la protection de nos forces. La DRSD a donc dû beaucoup se moderniser et mettre en place des outils d’aide au traitement des dossiers en recourant notamment, et de plus en plus, à l’intelligence artificielle. Ses crédits inscrits dans le programme 144 progresseront de 12, 2 %. En y incluant les dépenses de personnel, les crédits du service s’établiront à 143, 2 millions d’euros.
Au vu de ces éléments, notamment des crédits du renseignement qui sont marqués par une hausse sensible, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 144.
Applaudissements sur les travées du groupe SER – M. le président de la commission applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi de programmation militaire consacre un effort en hausse de 17 % à la préparation et au soutien aux activités opérationnelles. Or l’amélioration de l’activité opérationnelle n’apparaît pas comme une priorité du budget, contrairement à l’entretien programmé des matériels (EPM), qui bénéficie en 2021 de 39 % des crédits du programme, soit 4, 12 milliards d’euros.
Il va m’être difficile d’aborder en trois minutes tous les sujets liés au programme 178. Aussi, j’insisterai sur quelques constats qui doivent appeler notre attention. Compte tenu des enjeux, l’actualisation de la LPM ne pourra avoir lieu que dans un projet de loi !
Premier constat : la situation de l’activité opérationnelle et de la disponibilité technique opérationnelle (DTO) n’est pas satisfaisante.
La remontée de l’activité opérationnelle aux normes d’activité de l’OTAN a été repoussée à 2025. Nos soldats ne sont donc pas assez entraînés par rapport aux normes internationales et ne le seront pas avant 2025. Cela n’est plus compatible avec le constat que nous faisons de la multiplication et du durcissement des conflits.
Deuxième constat : les capacités industrielles des acteurs chargés de la maintenance et de leurs sous-traitants doivent faire l’objet d’une grande vigilance.
Troisième constat : les crédits consacrés à l’entretien programmé du matériel devaient s’établir à 4, 4 milliards d’euros par an. Nous n’y sommes pas : au total, 900 millions d’euros manqueront au cours des trois premières années d’exécution de la LPM.
D’autres facteurs s’ajoutent encore pour accroître les besoins en EPM. Certains sont conjoncturels, tels que le coût de réparation de la Perle pour 70 millions d’euros, le surcoût lié à l’utilisation d’aéronefs vieillissants ou la livraison des 12 Rafale destinés à la Grèce.
D’autres facteurs sont structurels et découlent de la mise en œuvre de la politique de verticalisation des contrats d’EPM, notamment dans le domaine aéronautique.
Ces contrats verticalisés se traduisent paradoxalement, dans un premier temps, par des surcoûts : mise en œuvre de nouvelles chaînes industrielles d’EPM, remise à niveau des stocks de pièces de rechange étatiques transférées lors de la mise en œuvre du contrat verticalisé à l’industriel.
Tous ces facteurs s’ajoutent à la projection de nos troupes sur de multiples théâtres d’opérations extérieures et à la sur-exécution des contrats opérationnels, qui avait conduit à l’inscription de 500 millions d’euros supplémentaires pour les deux dernières annuités de la précédente LPM.
Pour répondre à ces défis, l’EPM devra bénéficier d’au moins 2 milliards d’euros supplémentaires lors de l’actualisation de la LPM.
Mes chers collègues, sous réserve de ces observations et en recommandant une grande vigilance en vue de l’actualisation de la LPM, nous vous proposons d’adopter les crédits du programme 178.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le président de la commission applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le modèle de soutien des forces armées a souffert du double effet de la révision générale des politiques publiques et de la précédente loi relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019. La commission a d’ailleurs souligné le décalage entre moyens alloués et impératifs d’efficacité, dans un contexte de haute intensité sanitaire.
Le service du commissariat des armées (SCA) a perdu 30 % de ses effectifs au cours des six dernières années. Nous veillerons tout au long de l’exécution de la LPM à ce que la direction centrale ne soit pas de nouveau confrontée à une pénurie de moyens humains, comme ce fut le cas lors de la précédente période de programmation. De même, la professionnalisation des filières du SCA dépend de sa capacité à bâtir des parcours et des carrières. Le niveau de qualification des personnels affectés par les armées au SCA doit correspondre plus systématiquement aux profils des postes.
Le service de santé des armées (SSA) a perdu 8 % de ses effectifs durant la précédente LPM. La loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 ne prévoit de remontée modérée des effectifs qu’après 2023 !
La mise en œuvre du nouveau modèle hospitalier militaire sera l’un des axes de la stratégie SSA 2030 qui est en cours de définition. Les cartes ont été rebattues par la pandémie. Les huit hôpitaux d’instruction des armées participent à l’offre de soins à l’échelle d’un territoire. À cet égard, les élus locaux doivent être étroitement associés à la définition de cette offre de soins.
La principale difficulté du SSA concerne la médecine des forces. Faute d’effectifs suffisants, les mêmes personnels supportent la charge de projection en OPEX. Le taux de projection des équipes médicales est supérieur à 100 %, malgré l’apport des réservistes et il atteint 200 % pour les équipes chirurgicales. Cette sursollicitation nuit à la fidélisation des personnels. Les conclusions du Ségur de la santé pèseront sur l’attractivité du SSA et devront sans doute être compensées dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire.
Enfin, la vaccination contre la covid en France ne sera peut-être pas intégrée aux recommandations vaccinales adressées aux militaires. Or les militaires embarqués ou déployés en OPEX doivent absolument bénéficier de mesures de protection adéquates face à la pandémie. Je souhaiterais entendre Mme la ministre sur ce sujet sensible pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. le président de la commission applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année, nous resserrons la focale sur l’attractivité de la condition militaire. Cette dernière, qui repose en partie sur le régime des pensions militaires, a de forts effets sur le recrutement, rendu plus difficile cette année par la crise sanitaire. Marie-Arlette Carlotti évoquera ce sujet.
Les pensions militaires viennent de faire l’objet d’un rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, le HCECM, qui montre comment les pensions militaires servent la défense en maintenant la jeunesse des troupes tout en les fidélisant.
Les règles des pensions sont particulières : liquidation possible au bout de vingt-sept ans pour les officiers de carrière, de dix-sept ans pour les non-officiers, liquidation sans décote deux ans plus tard, durée de cotisation sensiblement majorée par des bonifications spécifiques.
Ce système encourage les reconversions en milieu de carrière et sert une démographie qui doit s’accorder avec la « haute intensité ». Or, du fait des réformes paramétriques successives, l’âge moyen des militaires s’est accru de près de trois ans jusqu’en 2016, avant que la croissance des effectifs ne stoppe ce vieillissement. Toutefois, des entrées plus tardives sur le marché du travail et l’effet du chômage sur les reconversions incitent à la prudence.
Dans le système à points envisagé par le Gouvernement, les primes seraient prises en compte. En contrepartie, l’ensemble de la carrière, et non plus les dernières rémunérations, servirait au calcul de la pension. Il est difficile, dans ces conditions, de présumer de l’équilibre final, car il dépendrait à la fois du rendement du système, de la traduction des bonifications et de la décote, de la part que représentent les primes dans la rémunération – elles diffèrent selon les cadres et sont en cours de refonte –, ainsi que du profil de carrière, plus ou moins ascendant. Les modalités des réversions seraient aussi à surveiller.
Dans ce contexte, les pensions suscitent une inquiétude chez les militaires. C’est la raison pour laquelle la commission continuera à exercer son devoir de vigilance et à étudier ce sujet, que nous serons certainement amenés à creuser par la suite.
Je me suis par ailleurs intéressé aux méthodes de recrutement de l’armée de terre, à la fois innovantes et prometteuses. Elles misent sur le big data et l’intelligence artificielle pour repérer sur les réseaux sociaux les profils pertinents et leur adresser messages ou vidéos ciblés. Le ciblage s’améliore en fonction des retours.
En outre, la mise en place d’un logiciel de recrutement interarmées intitulé Sparta, pour système du parcours de recrutement des armées, facilitera le suivi et devrait raccourcir la procédure. Pour la réduire encore davantage, nous préconisons dans notre rapport pour avis de pérenniser la simplification du contrôle médical mise en œuvre pendant la crise du covid, les recrutements n’ayant plus donné lieu qu’à une visite au lieu des deux visites normalement prévues.
Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2021 suit le trait voulu par le Président de la République et par vous, madame la ministre, à travers la loi de programmation militaire.
Alors que nous étions engagés dans une phase de reconstitution des effectifs, marquée par un rythme de recrutement soutenu, une crise sanitaire sans précédent est intervenue. Nous avons donc voulu savoir quelles pouvaient être, à travers le programme 212, les conséquences de la covid-19 sur le recrutement et l’attractivité du si singulier métier de militaire.
Certes, la crise sanitaire a perturbé les recrutements. Au printemps dernier, au creux de la vague, alors que le déficit était de 27 000 équivalents temps plein, les armées ont été réactives et ont mis en place des innovations afin d’atteindre les objectifs, comme le maintien en service au-delà des limites d’âge, le maintien de la durée du service ou du contrat, le réengagement d’anciens militaires, l’anticipation du recrutement de contractuels ou l’assouplissement de l’organisation des concours.
En bref, une plus grande souplesse a été mise en œuvre dans les procédures de recrutement, du premier contact à l’incorporation. Les publics ont été mieux ciblés, grâce à des campagnes de recrutement mieux adaptées et plus modernes. La situation de l’emploi, c’est-à-dire la hausse du chômage, a entraîné plus de candidatures et a facilité la sélection.
L’attractivité dépend également beaucoup de la condition militaire. En 2017, une série de mesures ont été prises pour améliorer la qualité de vie des militaires et de leur famille, dans le cadre du plan Famille. À mi-parcours – et nous y sommes, madame la ministre –, il serait utile de connaître son application concrète sur le terrain, sachant que nous avons eu des retours très différents sur ce sujet.
De plus, nous avons été fortement alertés sur la vétusté des logements et des hébergements des militaires et de leurs familles. Alors que les conditions d’hébergement sont déplorables – déplorables ! –, nous n’observons toujours pas d’améliorations suffisantes aujourd’hui. À cet égard et ce serait peut-être une solution, le Val-de-Grâce va-t-il rester dans le giron de l’armée ?
Globalement, dans le contexte de la crise sanitaire, l’armée a su s’adapter à l’urgence – nous l’indiquons dans le rapport pour avis. Ainsi, pour l’ensemble du ministère, le schéma d’emploi perdrait 112 emplois en 2020 sur les 300 équivalents temps plein prévus dans la loi de programmation militaire, soit une réalisation de 188 emplois.
En revanche, madame la ministre, nous sommes très inquiets concernant la qualité des recrutements. Depuis 2014, on assiste de manière régulière à une dégradation de la qualité des viviers et à une augmentation de l’attrition. Certes, l’augmentation des recrues est un objectif important, mais il ne doit pas être le seul. Il faut aussi cibler des profils adaptés à ce métier si prestigieux, mais si difficile.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE et RDPI.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense », elle émet toutefois plusieurs réserves.
Je regrette tout d’abord, au sein du programme 146, « Équipement des forces », l’annulation de 124 millions d’euros de crédits de paiement en loi de finances rectificative. Ensuite, je note que la solidarité interministérielle prévue par la LPM pour le financement du surcoût des OPEX et des missions intérieures (Missint) n’est pas mise en œuvre. Enfin, qu’en est-il aujourd’hui du dégel attendu de 504 millions d’euros de réserve de précaution ?
L’année 2021 doit être celle de l’actualisation de la loi de programmation militaire. Cette actualisation devra consolider la programmation : ce n’est que dans la durée, d’ici à 2030, que la LPM actuelle et la suivante produiront tous leurs effets. Nous serons très vigilants, car nos trois armées ont de nombreux besoins sous-financés ou non encore programmés. Depuis trois ans, l’effort va dans le bon sens. La modernisation est en cours, mais, nous le savons tous, les marches les plus hautes restent à franchir.
Pour l’armée de terre, les deux tiers du programme Scorpion restent à contractualiser. L’effort sur les équipements « à hauteur d’homme » doit se poursuivre. Pour la marine, il est urgent de lancer le porte-avions de nouvelle génération. À cet égard, la commission préconise une propulsion nucléaire, mais la décision présidentielle est attendue depuis maintenant près d’un an.
Nous serons vigilants, car nous avons le sentiment que, entre deux LPM, le Parlement, en particulier les rapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, est mis à l’écart de la réflexion. Nous le ressentons tous, madame la ministre, je tenais à vous le dire avec la plus grande sincérité.
Il n’est pas concevable que la trajectoire financière et, donc, les ambitions de la politique de défense puissent être demain révisées en dehors de tout contrôle parlementaire. Madame la ministre, nous confirmez-vous, comme vous l’a déjà demandé le rapporteur spécial, que la voie législative est bien celle qu’a retenue le Gouvernement ?
J’en viens au contrat d’exportation du Rafale en cours de négociation avec la Grèce, qui conduit à prélever 12 avions sur nos forces et à décaler de plusieurs mois les livraisons à l’armée de l’air d’appareils neufs prévues à partir de 2022. Nous craignons des conséquences opérationnelles, voire un effet déstructurant si l’opération devait se renouveler avec la Croatie, ce que nous espérons par ailleurs.
L’exportation du Rafale est évidemment une bonne nouvelle. Ce pari de la LPM, qui est en passe d’être tenu, permettra, je le rappelle, de maintenir en activité les chaînes de production.
Des questions financières se posent : le produit de cession doit revenir au ministère des armées, sans diminution concomitante de ses ressources budgétaires Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que c’est bien ainsi que cela se passera ?
Les montants sont en cours de négociation, non seulement pour les appareils eux-mêmes, mais aussi pour les capteurs et l’ensemble du matériel qui sera cédé. La somme de 600 millions d’euros est évoquée. Celle-ci sera évidemment loin d’être suffisante pour financer l’acquisition d’avions et d’équipements neufs. Il manque plusieurs centaines de millions d’euros. Comment dégagerez-vous les crédits nécessaires, madame la ministre, alors que les budgets sont déjà conçus au plus juste ?
Nos armées, nos industriels ont besoin de perspectives de long terme, encore plus en cette année de crise et alors que la base industrielle et technologique de défense est la grande oubliée du plan de relance.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la ministre, nous avons très largement abordé les questions budgétaires lors de vos nombreuses auditions devant la commission. Nous voudrions aujourd’hui que vous nous apportiez des précisions sur un certain nombre de points, qui se limiteront à trois, puisque je ne dispose que de trois minutes !
Sourires.
L’exportation du Rafale à la Grèce, dont nous nous réjouissons tous, Cédric Perrin l’a souligné, risque fort de poser un problème de disponibilité des avions pour l’armée de l’air et de l’espace dans les cinq ans à venir sans anticipation de notre part dès à présent. En effet, même s’ils étaient commandés aujourd’hui, les avions neufs ne seraient pas livrés avant 2025. Or, madame la ministre, vous nous avez annoncé il y a quelques semaines la commande de douze appareils neufs. La commande grecque a été annoncée au mois de septembre dernier, nous sommes au début du mois de décembre : quand ces contrats seront-ils finalisés ? Nous confirmez-vous que les commandes seront passées avant la fin de l’année ?
La France fait le pari de la coopération avec le programme de système de combat aérien du futur (SCAF) et le futur char de combat MGCS, pour Main Ground Combat System.
Pour le SCAF, le projet de démonstrateur doit impérativement être lancé en 2021. Il nous semble souhaitable de négocier un cadre global avec notre partenaire allemand plutôt qu’une suite de contrats exigeant des validations politiques successives, d’autant que l’Allemagne et la France entreront en période électorale, respectivement en 2021 et en 2022.
Madame la ministre, étant donné le rôle des parlementaires allemands, le Gouvernement n’a-t-il pas intérêt à compter davantage sur la diplomatie parlementaire française en associant les parlementaires au dialogue franco-allemand ?
Pouvez-vous également nous donner quelques informations sur les négociations avec notre partenaire espagnol et sur la place qui lui est réservée dans le programme SCAF ?
Enfin, le plan de relance de la fin de l’été ignore la base industrielle et technologique de défense. À titre de comparaison, nos voisins britanniques ont pris des mesures fortes : le Premier ministre Boris Johnson a récemment annoncé un effort massif en faveur de la défense, dont le budget augmentera de 27 milliards d’euros en quatre ans, soit 18 milliards d’euros de plus que prévu.
Ce montant est à comparer aux 600 millions d’euros de commandes que le ministère des armées s’est engagé à passer dans le cadre du plan de soutien à l’aéronautique. L’investissement britannique risque fort d’accélérer le programme Tempest, dont le lancement est prévu en 2035, soit cinq ans avant l’achèvement du programme SCAF. Devrions-nous être plus attentifs à ce programme, potentiellement concurrent ? En tout cas, c’est une raison supplémentaire de regretter que la défense ne bénéficie pas du plan de relance, qui aurait pu très utilement renforcer la LPM.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. le président de la commission et M. André Gattolin applaudissent également.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Stéphane Ravier.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans une situation économique et financière compliquée, préserver et renforcer l’état de nos fonctions régaliennes est fondamental pour garder la main sur notre destinée nationale, notre autonomie stratégique et notre souveraineté.
Plusieurs indicateurs au sein de la mission « Défense » nous inquiètent.
Tout d’abord, la situation préoccupante de notre activité opérationnelle par rapport aux armées occidentales de même standard est le signe de notre rétrogradation au rang des nations. En effet, l’augmentation de 3, 3 % des crédits du programme 178 ne prend pas en compte le surcoût des opérations intérieures de 30 millions d’euros, résultat d’une situation sécuritaire explosive dans notre pays.
Le surcoût des OPEX et des missions intérieures s’élève à 1, 4 milliard d’euros. Si tous les ministères ne prennent pas leur part dans ce surcoût, conformément à ce que prévoit la loi de programmation militaire, ce sont nos armées, les hommes et les femmes qui les composent, la réparation et la modernisation des équipements qui en subiront les conséquences.
Sur les quatorze indicateurs d’activité opérationnelle, un seul devrait être conforme aux normes de l’OTAN en 2021, pour nos armées de terre, de l’air et de l’espace et notre marine nationale, à l’heure où la Turquie attise les tensions non seulement en Arménie et en Libye, mais aussi en Grèce, à Chypre et en Méditerranée.
Le chef d’état-major de l’armée de terre en a fait sa priorité, « être prêt à la haute intensité », mais le Gouvernement ne lui donne pas les moyens de disposer d’équipements à la hauteur, des entraînements adaptés, d’une industrie de soutien.
Il n’est pas du tout question du porte-avions de nouvelle génération dans le projet de loi de finances. Pourquoi ne pas commencer à provisionner pour encourager les industriels ? Pourquoi ne pas en prévoir un second pour assurer notre permanence à la mer ? Nous devrions déjà contribuer financièrement en 2021 à l’avenir de cette capacité opérationnelle.
S’il faut saluer l’effort financier important en faveur de la DGSE et de la DRSD, sachons raison garder : nous ne faisons que rattraper partiellement la sous-budgétisation de ces dernières années et nous sommes encore loin des efforts consentis par nos voisins allemands et britanniques.
De la même manière, l’augmentation de 10 % des crédits alloués à la base industrielle de technologie et de défense est une dépense publique en pure perte si l’État ne soutient pas ses entreprises de défense. Ces dernières risquent des sanctions en vertu du principe d’extraterritorialité du droit américain. Elles se heurtent en outre à la frilosité des banques, qui rechignent à leur prêter de l’argent, et sont soumises à des contraintes fiscales.
Sans stratégie de souveraineté économique, ces entreprises meurent ou sont rachetées par des acteurs étrangers. Il faut donc revoir les choses en profondeur pour ne pas jeter de l’argent par les fenêtres et perdre un temps précieux dans la course à l’innovation technique, au moment où la crise vient frapper durement notre industrie de défense, notamment le secteur aéronautique.
Compte tenu de toutes ces insuffisances, de l’absence de vision et d’ambition pour notre défense nationale, je voterai contre l’adoption des crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, suivant la trajectoire de la loi de programmation militaire, le budget de la défense est en hausse de 4, 6 % et atteint 39, 2 milliards d’euros, soit une hausse de 21 % depuis 2017. Force est de constater que, dans la lignée de votre prédécesseur, vous défendez bien votre portefeuille, madame la ministre.
Je ne vous cache pas que, en cette période de disette budgétaire, les priorités d’action du Gouvernement, essentiellement tournées vers le régalien, ont de quoi susciter des interrogations. Le traitement de la crise n’est pas identique dans les différents ministères.
Contrairement à nos homologues allemands ou américains, les parlementaires que nous sommes sont impuissants à déterminer la stratégie de défense française, notamment en ce qui concerne les opérations extérieures. Notre rôle revient essentiellement à signer un chèque quand vous nous présentez la facture, sur laquelle nous n’avons pas notre mot à dire.
Nous pourrions néanmoins saluer cette hausse des crédits si votre action était davantage tournée vers les soldats et les personnels, notamment vers leurs conditions matérielles de vie. Or ce n’est pas tout à fait le cas : les deux tiers des montants ouverts en autorisations d’engagement sont dédiés à l’équipement des forces et un tiers seulement est consacré aux dépenses de personnel. Finalement, il reste moins de 1 milliard d’euros pour soutenir matériellement les femmes et les hommes qui servent la France. Nous sommes donc loin du budget « à hauteur d’homme » que vous aviez annoncé, madame la ministre. Un tel budget est pourtant nécessaire.
Les militaires ont besoin, outre les moyens techniques déployés en opérations, d’être accompagnés. Leurs missions sont pesantes et l’omerta est encore trop souvent la règle. Nous l’avons vu à Castres récemment : cela peut conduire à des drames.
Vous l’aurez compris, même si je salue l’augmentation des crédits alloués à l’action Contrôle général des armées, je pense qu’elle est encore insuffisante pour véritablement démocratiser des outils comme la plateforme Thémis. Au-delà de la dimension humaine, la cohésion au sein des armées est essentielle d’un point de vue stratégique.
Un budget « à hauteur d’homme » doit aussi permettre d’améliorer les conditions de vie matérielle des soldats. Or l’effort en ce sens dans ce budget est encore loin de répondre aux besoins. Ainsi, le programme Hébergement comprend 237 millions d’euros en autorisations d’engagement et le plan Famille 160 millions d’euros pour l’année 2021.
Il s’agit ici de rénover les logements des militaires, qui « ne correspondent plus au XXIe siècle », selon vos propres mots, madame la ministre. Nous partageons donc un même constat. Cependant, je pense que les logements du XXIe siècle méritent plus que le simple déploiement des réseaux wifi prévu dans ce budget. Je sais que la rusticité est une valeur chère à nos armées. Je sais aussi que les familles des militaires devraient pouvoir vivre dans les meilleures conditions. L’État doit montrer l’exemple et prévoir des travaux de rénovation de grande ampleur, par exemple pour mettre fin aux passoires thermiques.
En parlant de rénovation énergétique, nous saluons l’effort entrepris pour diminuer la consommation d’énergie de nos armées. J’ai cru relever que vous visiez l’éradication des chaudières au fioul et au charbon d’ici à 2031. Cette échéance me semble encore très lointaine, sachant que le Gouvernement a prévu, et c’est heureux, d’interdire les chaudières au fioul neuves en 2022 et d’éradiquer les chaudières au fioul d’ici à 2028.
Il serait souhaitable que la puissance publique ne soit pas à la traîne sur les objectifs qu’elle fixe aux particuliers et qu’au contraire elle montre l’exemple. Ce n’est tout de même pas comme si vous vous manquiez de moyens pour consacrer plus de 500 millions d’euros en six ans à l’amélioration des performances énergétique de nos armées !
Ces deux points, le mal-être et les conditions de vie de nos militaires, m’amènent à la question de la fidélisation. Le recrutement d’un militaire coûte 42 000 euros, je ne vous apprends rien. Fidéliser nos soldats est donc primordial pour des raisons budgétaires, mais aussi, vous en conviendrez, pour des raisons de professionnalisation et d’efficacité des armées. Pourtant, je le répète, le mal-être et les conditions de vie que nous offrons à nos militaires sont loin d’être « à hauteur d’homme ». Les problématiques de recrutement qui en résultent sont donc logiques.
Je conclurai par une remarque d’ordre plus général : la crise que connaît l’OTAN, avec le retrait américain et les provocations de la Turquie, remet sur la table le besoin d’une Europe de la défense. Cela justifierait le maintien et le développement de notre appareil militaire, notamment de la dissuasion nucléaire double, qui n’est pas dimensionnée pour le seul besoin national.
La France doit être leader dans le processus de désarmement nucléaire mondial ; elle doit faciliter le dialogue entre États nucléaires. A minima, elle doit respecter les dispositions du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dont nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire. En attendant, les puissances nucléaires modernisent leur arsenal et la perspective d’un monde sans armes nucléaires est bien lointaine.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission « Défense ».
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’exprimer l’honneur qui m’est fait d’intervenir pour la première fois à cette tribune et d’exprimer devant vous la position du groupe RDPI sur la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2021.
Cette année encore, le projet de budget présenté par le Gouvernement pour la mission « Défense » est en hausse significative. Il s’élève à 39, 2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 4, 5 % correspondant à 1, 7 milliard d’euros. Depuis la loi de finances initiale pour 2017, les crédits de la mission « Défense » ont ainsi augmenté de 22 %, soit 6, 8 milliards d’euros.
Nous ne pouvons que nous réjouir du respect des engagements tenus, puisque le budget 2021 est conforme à la trajectoire établie par la loi relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 du 13 juillet 2018, et ce pour la troisième année consécutive, ce qui est relativement inédit dans l’histoire de ces lois de programmation.
Toutefois, si nous souhaitons extraire toute la quintessence de cette loi de programmation militaire, madame la ministre, il sera indispensable d’appliquer les différents budgets annoncés jusqu’à leur terme, sans quoi nos armées en perdront les principaux bénéfices.
Cet effort exceptionnel répond aux besoins de transformation et d’adaptation de nos armées à un monde sans cesse plus instable, marqué aussi bien par l’émergence de nouvelles menaces et de nouveaux espaces de conflictualité que par une course technologique effrénée.
L’effort consenti par la Nation en faveur des armées est d’autant plus remarquable qu’il s’inscrit dans un contexte budgétaire contraint en raison de la pandémie, avec les conséquences économiques et budgétaires que nous connaissons. Nous le savons tous, cet effort est nécessaire pour assurer la protection de nos compatriotes ; cela a été dit, notre souveraineté nationale en dépend.
Le budget 2021 permet de répondre au souhait d’avoir une politique de défense humaine, ambitieuse et innovante.
Humaine d’abord, car ce budget 2021 répond au besoin d’un modèle d’armée « à hauteur d’homme » complet, équilibré et soutenable dans la durée, qui affronte véritablement les défis de recrutement et de fidélisation de nos militaires, améliore les conditions d’hébergement et poursuit le renforcement des équipements d’accompagnement et de protection de nos soldats.
Ambitieuse ensuite, car, avec 21 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 13, 6 milliards d’euros en crédits de paiement, le programme 146, « Équipement des forces » bénéficie de l’essentiel de cette hausse et capte une bonne partie des nouveaux crédits. Ces crédits permettront de poursuivre la remontée en puissance capacitaire de nos armées.
Je signale notamment la livraison de nombreux aéronefs et matériels terrestres avec 157 blindés Griffon et 20 blindés Jaguar dans le cadre du programme Scorpion, ainsi que d’une nouvelle frégate multi-missions de défense aérienne. Dans le domaine prioritaire du spatial, un satellite CSO (Composante spatiale optique) et un système de satellites Ceres (Capacité d’écoute et de renseignement électromagnétiques spatiale) seront également livrés.
Innovante enfin, car une armée qui innove est une armée qui construit son autonomie stratégique.
Cet élan technologique, le ministère des armées a su le saisir à plusieurs titres.
À très court terme, en matière de lutte contre la covid-19, l’Agence de l’innovation de défense a investi dans des solutions innovantes pour faire face à ce coronavirus, comme le projet MakAir de développement d’un respirateur artificiel simplifié. Il prévoit le développement des armes hypersoniques et de technologies quantiques, un virage technologique qu’il convient de ne pas manquer.
En matière d’investissement R&D de long terme, il a intensifié le partenariat public-privé en travaillant plus intimement avec des pépites françaises leader de domaines technologiques de pointe. Cet axe, malgré la création du fonds d’investissement Definnov, reste perfectible.
En matière d’anticipation, enfin, il travaille dès à présent aux conflits du futur, à l’horizon 2030-2060. Tel est l’objet du projet ambitieux Red Team, en partenariat avec l’Agence de l’innovation de défense, ou à travers notre armée de l’air et de l’espace, avec le système de combat aérien du futur, le fameux SCAF dont le démonstrateur doit être impérativement lancé l’année prochaine.
Chers collègues, nous le voyons bien, que ce soit en opérations extérieures, afin d’assurer notre souveraineté, ou sur le territoire national, nos forces armées demeurent engagées à un rythme soutenu. Je salue ici leur infaillible et infatigable abnégation.
Plus que jamais, la France doit se doter d’une armée moderne et polyvalente pouvant répondre aux nombreux défis sécuritaires contemporains, mais aussi au retour potentiel des conflits à haute intensité. Ce budget, construit à partir de la réalité opérationnelle de notre engagement militaire, redonnera à nos armées les moyens d’assurer leur mission et de tracer un chemin vers notre Ambition 2030. Il démontre à nos forces armées qu’elles peuvent à leur tour compter sur nous.
Madame la ministre, notre groupe est fier de soutenir votre action volontaire et ambitieuse, qui met un terme aux coupes budgétaires et autres renoncements infligés à nos armées ces vingt dernières années.
La pandémie de la covid-19, mais aussi des catastrophes industrielles ou naturelles ont mis en exergue l’importance de disposer d’une capacité de réaction et de résilience à la hauteur. Ces différents événements se sont effectivement traduits, ces derniers mois, par une forte mobilisation des armées et notamment du service de santé des armées (SSA), au travers de l’opération Résilience. Ce budget marque une hausse de 27 % des crédits alloués au SSA, une reconnaissance à la hauteur de leur engagement. Je rends ici hommage aux femmes et aux hommes de ces services, sans oublier les nombreux autres services.
Enfin, il faut en être conscient, un budget de la défense irrigue bien au-delà du simple périmètre militaire et contribuera de façon déterminante à la relance économique de la France et à la relance de l’emploi. Les dépenses dédiées aux équipements sont directement injectées dans des entreprises stratégiques, notamment les petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries, qui constituent l’essentiel du tissu industriel de la base industrielle et technologique de défense (BITD), composé d’environ 4 000 entreprises employant quelque 200 000 personnes. Au-delà du soutien de nos armées, ce budget est donc un plan de soutien massif à l’industrie de défense et aux emplois dans nos territoires, durement frappés par la crise.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera avec fierté en faveur de la mission « Défense ».
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte de conflictualité élevé que le monde connaît actuellement, le budget de la mission « Défense » invite à la plus grande vigilance quant au maintien de ses moyens.
La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 prenait acte du « retour des puissances » dans les relations internationales. C’est un fait, les ambitions militaires de la Chine, le réveil stratégique de la Russie et les visées conquérantes de la Turquie remettent en cause l’ordre multilatéral, alors même que notre pays est attaché à une régulation des relations internationales avant tout fondée sur le droit. Le ministre des affaires étrangères l’a rappelé ici même, la semaine dernière, à propos du Haut-Karabagh.
Je n’oublie pas, bien sûr, la lutte contre le terrorisme islamiste, qui impose l’adaptation de nos forces armées et de nos services de renseignement face à une menace protéiforme. À cet égard, je salue le courage de nos soldats et leurs derniers succès obtenus dans la bande sahélo-saharienne ; je pense notamment à l’élimination d’un important chef militaire malien appartenant à la branche sahélienne d’Al-Qaïda. Cette avancée s’ajoute à d’autres, qui répondent à mon sens à la question, parfois soulevée, d’un potentiel enlisement de la force Barkhane au Sahel. Comme le disait Winston Churchill, « le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal : c’est le courage de continuer qui compte ».
Il s’agit pour moi non pas de vanter une posture « va-t-en-guerre », mais de rappeler combien le basculement de pays du continent africain dans le giron terroriste serait coûteux pour les démocraties occidentales, en premier lieu bien sûr pour les populations locales. Quelles guerres se gagnent à travers le prisme du temps court ? Peu, hélas…
Dans ces conditions difficiles, on ne peut que se réjouir de la poursuite, en 2021, d’une montée en charge des moyens budgétaires de la défense, conformément à la trajectoire tracée par la loi de programmation militaire 2019-2025, même si l’effort devrait être plus important à partir de 2023, comme l’ont fait justement remarquer les rapporteurs pour avis. En attendant, les crédits de paiement de la mission augmenteront de 1, 7 milliard d’euros, il faut le souligner.
On peut comprendre que le plan de relance n’intéresse pas directement la défense et qu’il soit par conséquent relativement timide pour l’armée. Cependant, en marge de la mission, je m’inquiète de l’état de l’écosystème industriel qui lui est lié. L’industrie aéronautique est en souffrance, alors qu’elle est un fleuron de notre export et représente surtout des milliers d’emplois de PME qui irriguent nos territoires.
Dans le contexte de crise économique qui frappe notre pays, je me réjouis que le ministère ait privilégié une solution nationale pour la commande de 500 missiles air-sol pour les futurs hélicoptères d’attaque. En effet, la version franco-française, le MHT (missile haut de trame) de MBDA serait privilégiée, avec 600 emplois directs à la clé.
En raison de la baisse d’activité liée à la pandémie, nous avons été nombreux, en commission, à nous être inquiétés de la réalisation des objectifs visés par la loi de programmation militaire en matière d’équipement des forces. L’agrégat des crédits « Équipement des forces » augmente cependant de 6, 7 % en 2021. C’est une bonne chose, mais les livraisons seront-elles tenues, par exemple au regard de la cible de 128 blindés Griffon qui ne sera pas atteinte cette année ?
Enfin, en tant que sénateur du Var, je pense aussi aux moyens de la marine nationale. Aussi, madame la ministre, je salue les efforts entrepris depuis trois ans en sa faveur. Le nouveau sous-marin Suffren et la réussite de son tir de missile de croisière illustrent la remontée en puissance de la marine et témoignent de l’effort budgétaire de plusieurs années. Il faut cependant éviter la multiplication des ruptures temporaires de capacité qu’on a pu connaître, dans un contexte de tensions politiques et criminelles croissantes en haute mer, lesquelles entraînent un haut niveau d’engagement opérationnel de nos forces navales.
En marge de cette nécessité de donner à notre marine les moyens de ses missions, je me réjouis de la poursuite du plan Famille. Il est fondamental de porter une attention soutenue à la vie quotidienne de nos marins, en retour de l’abnégation que suppose leur vie à bord.
Pour terminer, je profite de cette tribune pour saluer particulièrement le travail de tous les ingénieurs, techniciens et ouvriers de nos arsenaux, qu’ils soient de Brest, de Cherbourg, de Toulon, de Cuers-Pierrefeu et d’ailleurs. Ils exercent tous un travail difficile d’une grande technicité à bord de nos navires et de nos sous-marins, dans des milieux exigus et souvent dans un environnement inconfortable. Je salue les amis Sorbiers, qui se reconnaîtront !
Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprime au nom de mon groupe, Les Républicains, mais permettez-moi en préambule, en tant que président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, de remercier très chaleureusement les rapporteurs pour avis et les intervenants du travail exceptionnellement utile qu’ils ont réalisé sur ce budget de la défense.
Madame la ministre, en cette période de crise, la Nation demande toujours plus à ses soldats et ils sont au rendez-vous : le renforcement de l’opération Sentinelle après les attentats, les opérations Résilience pour la crise sanitaire, l’opération Amitié pour le Liban se sont mises en place, alors que nos opérations se poursuivaient dans la bande sahélo-saharienne et au Levant, à un rythme particulièrement élevé. En cet instant, avec vous tous, j’ai une pensée pour les 35 000 hommes et femmes de nos forces armées, déployés sur le territoire national comme à l’extérieur.
Cette année, je le rappelle, dix militaires français ont payé de leur vie leur engagement, et je tiens ici, en notre nom à tous, à leur rendre encore un ultime hommage. Ce sont ces soldats, ces marins, ces aviateurs, dont l’abnégation et le courage forcent l’admiration. Ils sont l’excellence de nos armées. Ce sont eux qui, si souvent, sont en première ligne, face à la dégradation du contexte stratégique.
Malheureusement en effet, les tendances identifiées par la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 ne cessent de se confirmer et même s’aggravent.
Le terrorisme djihadiste, tout d’abord, se maintient et se recompose, malgré les défaites de Daech, imposées en bonne partie par nos armes, sur le champ de bataille. Il continue de répandre son idéologie mortifère sur tous les continents, singulièrement en Europe. Notre pays a encore été cette année durement éprouvé.
On note ensuite retour des États puissances : l’actualité ne cesse de nous en donner des exemples et, à nos portes, la Méditerranée en est le théâtre. La Turquie n’hésite plus à user de la force militaire, la Russie se place en position centrale, tandis que l’Europe paraît plus qu’hésitante, préférant bien souvent les condamnations verbales, qu’il faut âprement négocier, aux démonstrations de puissance qui ne correspondent ni à sa culture ni à l’ambition d’un certain nombre de ses membres.
L’escalade récente de la violence dans le Haut-Karabagh nous montre dans quelles impasses nous conduit cette impuissance. L’élection d’un nouveau président des États-Unis changera-t-elle la donne ? Rien n’est moins sûr, car, nous le savons, les États-Unis réorienteront durablement leur effort militaire vers l’Indopacifique. Tous nos partenaires européens feraient bien de le comprendre et de continuer d’avancer dans le sens du renforcement de l’autonomie stratégique européenne.
Dans ce contexte, avec 39, 2 milliards d’euros, la mission « Défense » de ce projet de loi de finances, le troisième depuis l’adoption de la loi de programmation militaire, est conforme à la trajectoire prévue. Peut-on néanmoins faire comme si rien ne s’était passé au cours de l’année 2020 ? Peut-on ainsi considérer que la LPM de 2018 constitue en elle-même un plan de relance suffisant pour répondre à la grave crise, non seulement sanitaire, mais aussi économique et géopolitique, que nous traversons actuellement ?
Oui, l’effort sur la condition du personnel se poursuit, avec l’amélioration très nette des conditions d’hébergement et la poursuite du plan Famille. Nous vous en devons personnellement la reconnaissance, madame la ministre, car c’est votre marque dans cette loi de programmation militaire, je tenais à le dire ici.
Oui, les nouveaux matériels arrivent : cette année a été notamment marquée par la livraison du nouveau sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren après le succès de ses essais à la mer. Le premier tir de missile de croisière naval depuis ce SNA inaugure pour notre pays une nouvelle capacité stratégique, qui sera décisive pour nos armées. L’entretien programmé du matériel a bénéficié d’un effort important. Autant dire que c’était vraiment nécessaire, vu la détérioration de la disponibilité des équipements au cours de la précédente période de programmation.
Il restera à franchir les marches financières importantes à compter de 2022, cela a été souligné à plusieurs reprises, car la partie la plus importante de l’effort a été repoussée sur les dernières années de programmation. Pourrons-nous les franchir ? C’est l’espérance que nous formulons ici.
Par ailleurs, comme chaque année à la même période, la fin de gestion vient un peu tempérer notre satisfaction. Le surcoût des opérations extérieures et des missions intérieures en 2020 s’est révélé une fois de plus supérieur aux montants provisionnés. Le solde s’élève à 236 millions d’euros : il est financé par des redéploiements ou des annulations de crédits, dont 124 millions d’euros prélevés sur le programme « Équipement des forces » par la loi de finances rectificative. Ce n’est pas toujours le bon signe qui nous est envoyé.
Dans ce budget, une fois de plus, il semble que l’on ignore l’article 4 de la LPM, qui prévoit une solidarité interministérielle pour le financement de ce surcoût ; nous le déplorons. Des incertitudes subsistent par ailleurs concernant le dégel de 504 millions d’euros de réserve de précaution, ce qui est là aussi assez classique en cette période de l’année.
Venons-en aux autres sujets. Le ministère des armées, nous vous l’avons dit en commission, devra bénéficier du produit de la cession des 12 avions Rafale prélevés dans le budget de l’armée de l’air et de l’espace au profit de la Grèce. L’intérêt de cette vente n’échappe à personne, puisque c’est le premier pays européen membre de l’Union européenne et de l’OTAN qui s’approvisionne en Rafale en France. Cependant, des crédits supplémentaires seront nécessaires pour l’achat d’appareils neufs, que nous souhaitons voir se concrétiser le plus vite possible. Le respect des objectifs de la LPM dans le domaine de l’aviation de chasse en dépend fortement.
Vous avez pu entendre à travers les interventions de nos rapporteurs une inquiétude, parce que la crise économique est une bombe à retardement pour notre industrie de défense. Les carnets de commandes passés ont masqué la crise en 2020, mais les prochaines années risquent d’être dévastatrices. Les entreprises duales ont été immédiatement touchées par la violence du choc subi par le secteur aéronautique. Dans ce contexte, nous regrettons que la base industrielle et technologique de défense (BITD) ne bénéficie pas suffisamment du plan de relance. Le maintien des crédits de la LPM peut malgré tout rassurer, même si ce n’est pas toujours le sentiment de nos industriels.
L’aéronautique a bénéficié d’un plan de soutien, mais aucune mesure spécifique n’a été prise à l’intention des industries terrestres et navales. Nous tenons à vous faire part de leur inquiétude. Chacun connaît pourtant le potentiel de la BITD : ce sont 200 000 emplois de haute technologie, non délocalisables, des milliers de PME irriguant nos territoires. C’est un secteur capable de transformer rapidement la commande publique en croissance, en emplois et en recettes fiscales. Dès lors, pourquoi s’en priver, alors que l’économie connaît une récession exceptionnelle par son ampleur et que les besoins en matière de défense restent criants ?
L’actualisation de la loi de programmation militaire, prévue en 2021, apportera peut-être des réponses. Madame la ministre, je vous pose la même question que le rapporteur spécial : est-ce bien une loi qui est envisagée pour cette actualisation ? Faites en sorte que nous ne soyons pas mis devant le fait accompli, face à des arbitrages opaques sur lesquels les parlementaires n’auraient aucun droit de regard.
Vous savez le soutien que le Parlement vous a apporté pour la LPM
Mme la ministre acquiesce.
Au-delà de ces programmes phares, au-delà du renouvellement indispensable de notre dissuasion nucléaire, c’est bien notre modèle d’armée complet, gage de notre souveraineté, qui est en jeu. L’effort de défense représentait 1, 82 % du PIB en 2019. Une récession de l’ordre de 10 % portera naturellement cet effort à 2 %, avant même l’échéance de 2025 fixée par la LPM.
Si l’économie décroît, les risques stratégiques ne connaissent, eux, aucune décroissance. C’est sur ces risques que doit être indexé l’effort de défense, et non sur un PIB qui s’effondre. L’indicateur de 2 % n’est de notre point de vue plus tout à fait adapté.
Nous comptons donc sur votre détermination, madame la ministre, et sur l’examen parlementaire du futur projet de loi d’actualisation, pour qu’au-delà de 2021 l’effort continue d’être, dans la durée, à la hauteur des enjeux : la force de nos armées et la paix en dépendent.
Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.
« Les nations ne peuvent pas avoir de tranquillité sans une armée ; pas d’armée sans une solde ; pas de solde sans des impôts », disait Tacite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pendant quelques années, notre pays a cru pouvoir faire bon marché de sa tranquillité. La dynamique s’est récemment inversée, et c’est heureux.
Avec le Brexit, et même si des coopérations se poursuivent, l’armée française demeure en effet la seule armée d’envergure au sein de l’Union européenne. La France participe activement à la protection du continent, notamment depuis les pays Baltes. Cette défense nécessite également d’anticiper le développement de menaces, parfois hors de nos frontières. Nos soldats luttent ainsi dans la bande sahélo-saharienne et au Levant contre les groupes armés terroristes, et ce pour la sécurité des populations locale, européenne et française.
En plus de ces opérations extérieures, notre armée s’est progressivement vu confier des missions intérieures dans le cadre du plan Vigipirate, mais aussi dans celui de la lutte contre la pandémie. Force est donc de constater que, si notre armée joue pleinement son rôle dans la protection des Français, elle ne se bat pas seulement pour assurer la sécurité de notre nation.
Devant l’étendue de la tâche, il est impératif que nous nous assurions que nos soldats disposent des moyens suffisants pour mener à bien leurs missions. Si la pandémie a vocation à prendre progressivement fin, rien ne permet cependant de penser que le niveau d’engagement de l’armée sur d’autres missions est appelé à diminuer à l’avenir. Dans un contexte instable, les Français comme les Européens devront en effet assurer eux-mêmes leur sécurité. Si nos partenaires européens venaient à rester immobiles sur le sujet de la défense, la France aurait encore davantage intérêt à continuer d’entretenir et de renforcer ses capacités militaires.
Nous nous félicitons à cet égard que la trajectoire poursuive les objectifs fixés par la LPM. L’actualisation de nos objectifs restera particulièrement importante pour que nous disposions en permanence des moyens d’assurer notre sécurité, dans un contexte toujours changeant.
La situation économique constitue une source majeure de préoccupation, car une croissance durablement diminuée mettra en péril le financement de notre force : 2 % d’un PIB amputé par la récession seront-ils suffisants pour affronter les menaces qui pèsent sur nous ? Ces menaces sont évolutives, mais force est de constater que la tendance générale est à la montée des tensions, que ce soit en Méditerranée, en Afrique ou encore en Orient.
« L’armée, c’est la nation », disait Napoléon. L’une et l’autre doivent donc se soutenir. Nous regrettons que le plan de relance ne prévoie pas davantage de mesures en faveur du développement de nos capacités militaires. Nous avons pourtant la chance d’avoir en France une industrie de défense de pointe. Le monde nous l’envie, et nous l’envie parfois activement, comme nous l’a montré la récente tentative d’acquisition de la start-up Preligens. Nous avons la possibilité de créer de véritables synergies en investissant pour notre défense, de développer des matériels et des savoir-faire de pointe tout en soutenant l’économie et l’emploi en France. Ne négligeons pas ces opportunités.
Nous sommes par ailleurs très attentifs aux conditions de vie de nos soldats, notamment au sort qui sera réservé au Val-de-Grâce. Le logement des militaires en Île-de-France doit être amélioré.
Les années à venir seront difficiles à bien des égards. Pour assurer notre tranquillité et celle de nos alliés, nous devrons veiller à continuer d’investir suffisamment pour nos armées.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, lors de l’adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », Michelle Gréaume a souligné le déséquilibre entre l’évolution des moyens de notre diplomatie et celle, beaucoup plus rapide, des moyens de défense. La trajectoire de la LPM, en forte augmentation depuis trois ans, dont l’accélération est prévue de façon plus nette encore dans la seconde partie de sa mise en œuvre, fait en quelque sorte de nos armées notre vitrine diplomatique. Est-ce bien là le sens que nous devrions donner à l’action extérieure de la France ?
Notre budget militaire, avec une augmentation de 4, 5 % cette année, atteint 39, 2 milliards d’euros. On peut, comme vous le ferez, madame la ministre, se féliciter de cette augmentation programmée et respectée. On peut aligner les chiffres de la livraison promise et effective de nouveaux équipements : Griffon, Jaguar, fusils d’assaut, nouveaux avions MRTT (Multi Role Tanker Transport), hélicoptères, frégates…
Il est vrai que ces chiffres contiennent une part de remise à niveau nécessaire de nos capacités opérationnelles et de nos équipements, mais aussi du traitement et de la condition de nos militaires et de leurs familles : je pense au plan Famille, à l’hébergement, à l’augmentation des soldes, aux petits équipements. Je note toutefois que le service de santé des armées (SSA), auquel vous connaissez l’attachement de notre groupe, reste en souffrance.
Je veux insister sur un point : l’autosatisfaction sur des dépenses en augmentation ne suffit pas à dire, dans ce monde bouleversé et mouvant, si nous sommes sur la bonne trajectoire en matière de défense, quand tant d’incertitudes et d’évolutions géostratégiques nous interrogent.
Vers quelle armée, vers quel outil de défense nous conduit la forte augmentation actuelle des crédits ? Telle est la question qu’il faut se poser, me semble-t-il.
Madame la ministre, vous revendiquez la construction d’une armée tournée vers des engagements de haute intensité. Ce que nous construisons d’abord et surtout, c’est une armée massivement tournée vers la présence et les opérations extérieures. Ainsi, 13 000 de nos militaires sont déployés sur le territoire national, quand 5 100 le sont au Sahel dans l’opération Barkhane. Il y en a également 3 750 dans nos bases militaires au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon, à Djibouti et aux Émirats arabes unis, 600 dans l’opération Chammal en Irak et Syrie, 4 500 en mission maritime sur les mers du monde et 400 auprès de l’OTAN.
La structure de déploiement vers laquelle nous ne cessons d’évoluer est donc claire et elle mériterait pour le moins un débat stratégique. J’espère par exemple que nous pourrons débattre de la poursuite, ou non, de l’opération Barkhane.
D’autres questions se posent toutefois. Par exemple, combien coûte et à quoi sert notre base aux Émirats arabes unis
Mme Nathalie Goulet s ’ exclame.
Nos engagements financiers au titre de l’Europe de défense augmentent. Au service de quel projet stratégique toutefois ? L’« autonomie stratégique européenne », nous répète le Président de la République. Or c’est exactement le contraire de ce que vient de déclarer la ministre allemande de la défense, qui parle d’en finir avec « l’illusion de l’autonomie stratégique » et pour qui l’OTAN reste l’unique boussole stratégique.
L’avenir de nos industries nationales de défense est une autre question majeure. Vous en faites un argument de soutien à la relance. De quelle relance parlez-vous ? De la relance du soutien à la conception de programmes d’armement adaptés à nos besoins de défense, ce qui serait une bonne chose, ou plutôt de la relance de programmes tournés vers l’exportation et la vente d’armes, guidés par l’engrenage d’une hypersophistication technologique, génératrice de surarmement ? À nos yeux, ces questions doivent être posées avec clarté.
Nous serions, pour notre part, par exemple favorables à une augmentation plus rapide du fonds d’investissement visant à sauvegarder nos sociétés d’intérêt stratégique, ainsi qu’à la reconstruction d’une filière nationale de production de munitions de petit calibre. Le paradoxe est que nous n’en avons plus, alors que Thales aide l’Australie à s’en construire une !
Enfin, j’en viens à l’avenir de notre dissuasion nucléaire, dans laquelle nous investissons cette année 5 milliards d’euros, sans compter le coût de lancement des études sur un nouveau porte-avions. Cela mérite un débat approfondi et sans tabou, au moment où s’approchent de nouvelles ruptures technologiques et où la fin du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, dénoncé par Donald Trump, risque de conduire à une nouvelle escalade extrêmement inquiétante.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, c’est plus d’une revue d’intérêt stratégique de nos priorités budgétaires que d’une litanie de crédits à la hausse que nous estimons avoir besoin. La relance tous azimuts d’une course au surarmement technologique redevient un facteur majeur d’insécurité collective. À nos yeux, le temps est venu de procéder à la révision des objectifs de la LPM.
En l’état, nous voterons contre les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 25 mars dernier, dans le contexte de la crise de la covid, le président Emmanuel Macron lançait l’opération Résilience.
Cette opération a été la contribution des armées contre la propagation du virus. Centrée sur l’aide et le soutien aux populations, ainsi que sur l’appui aux services publics pour faire face à cette épidémie en métropole et en outre-mer, elle a apporté un soutien déterminant dans les domaines de la santé, de la logistique et de la protection. Elle a permis le transfert de 146 patients pour décongestionner les services de réanimation de l’est de la France, ainsi qu’une meilleure répartition des personnels soignants. Nous tenons ici à remercier les effectifs largement impliqués dans la lutte contre cette pandémie et à leur rendre hommage.
Notre pays se voit confronté à un environnement stratégique à la fois instable et menaçant. Après des décennies de déflation, la LPM entend accorder des moyens aux armées, afin de remédier aux carences du passé et de permettre une remontée en puissance, tout en préparant l’avenir d’une défense nationale adaptée aux défis et conflits du XXIe siècle.
Il faut se servir de l’expérience passée. Je rappellerai l’accueil extraordinaire qui a été réservé à Édouard Daladier et à Neville Chamberlain après les accords de Munich, ainsi que le mot cinglant de Winston Churchill : « Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre ; vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre. » Il est donc extrêmement important – certes, on sait que c’est difficile – de définir une politique lorsque des conflits approchent.
Dans ce contexte d’engagement, nos armées doivent être particulièrement soutenues. Le soutien est bien là depuis plusieurs années, et il ne devrait pas être amené à fléchir.
Je pense par exemple à la décision du Président de la République d’envoyer dans le cadre l’opération Barkhane, en début d’année, 600 soldats supplémentaires en renfort dans la zone dite des trois frontières, au Sahel, en plus des appuis aériens.
Le budget pour 2021 de la mission « Défense » respecte les engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Alors que le risque de conflit dans le monde s’accroît et que la France connaît une crise économique liée à la crise sanitaire dont on ne connaît pas encore toute l’ampleur, il était impératif de ne pas raboter le budget des armées et d’en refaire, comme autrefois, une variable d’ajustement. Face à un monde de plus en plus instable et dangereux, renoncer aux moyens de sa puissance et de sa protection serait de la folie.
Répondant à ces besoins importants et croissants, et restant fidèle à la trajectoire tracée par la LPM, le projet de budget que nous examinons est au rendez-vous des engagements pris. Il prévoit en effet une augmentation de 4, 5 % par rapport à 2020, avec 1, 7 milliard d’euros des moyens accordés à la défense, hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions ».
Sur le plan capacitaire, nous nous félicitons et saluons la livraison de nombreux équipements, ainsi que les différentes commandes prévues en 2021. Je pense par exemple aux systèmes de drones tactiques SDT, aux engins blindés de reconnaissance ou encore aux avions de transport et de ravitaillement A330 MRTT Phénix. Il s’agit ici de signes visibles et concrets de la remontée en puissance des armées. Cette arrivée de matériels témoigne des efforts et des progrès accomplis en termes d’innovation.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, nous sommes plutôt satisfaits à la lecture de ce budget. Cependant, je souhaite appeler votre attention sur quelques points de vigilance.
Le premier de ces points, et non des moindres – il a été évoqué –, est la question de l’actualisation de la loi de programmation militaire. Le Parlement reste dans l’incertitude à cet égard. L’actualisation doit intervenir en 2021. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’est à plusieurs reprises interrogée sur la forme que cela prendra et sur le calendrier. À l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Défense », pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous nous interrogeons également sur le prochain porte-avions de nouvelle génération, qui aura vocation à remplacer le Charles-de-Gaulle à l’horizon 2038. Les arbitrages sur ce dossier seront-ils rendus prochainement ?
Cette année encore, le projet de loi de finances initiale est grevé par le surcoût généré par les OPEX et les missions intérieures (Missint). En 2020, ce surcoût intègre notamment le renforcement des effectifs de l’opération Barkhane, la création de la task force Takuba, qui relève des OPEX, ou encore l’opération Résilience, qui relève des Missint. Le montant des surcoûts OPEX et Missint s’élève à 1, 461 milliard d’euros, après 1, 398 milliard d’euros en 2019.
Je souhaite également revenir sur la fidélisation de nos forces. Les crédits de personnels sont en hausse de 179 millions d’euros dans ce projet de loi de finances, ce qui représente une augmentation de 1, 5 %. L’année 2021 sera en effet la première année de la mise en œuvre de la nouvelle politique de rémunération des militaires.
Le plan Famille, lancé voilà trois ans, est essentiel à cette démarche de fidélisation. En 2021, il se traduira par la poursuite des efforts en matière de construction d’hébergement, de crèches et de logements, en métropole comme en outre-mer, d’amélioration des conditions de vie en garnison, d’action sociale et d’accompagnement des conjoints à l’emploi ou à la mobilité. Si certaines de ses mesures sont perçues très positivement par les militaires, des avis plus contrastés ont été exprimés sur la situation du logement et les conditions d’hébergement dans les enceintes militaires.
Dans son rapport spécial fait au nom de la commission des finances, Dominique de Legge, dont je salue ici le travail, ainsi que celui de tous les rapporteurs pour avis, estime même que tout cet effort de fidélisation pourrait être compromis par le retard pris en matière d’infrastructures et de logement. La question des pensions de retraite militaires fera également l’objet d’un suivi très scrupuleux de la part de notre commission.
Enfin, nous ne pouvons que constater que la défense est la « grande oubliée » du plan de relance. Elle n’est concernée qu’au titre de l’accélération des commandes d’aéronefs, à hauteur de 600 millions d’euros. Le plan de relance vise à soutenir les secteurs qui souffrent et à provoquer un effet levier. Or cet effet est généralement particulièrement dynamique dans l’industrie de la défense. Dans ce secteur d’activité, l’efficacité de l’investissement public en matière d’emploi est bien supérieure à ce qu’elle est dans tous les autres.
Madame la ministre, le groupe UC votera les crédits de la mission « Défense » et sera tout à fait attentif à l’évolution des points soulevés dans cette intervention.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec 39, 2 milliards d’euros, en hausse de 4, 5 %, le projet de budget des armées pour 2021 apparaît toujours comme une priorité nationale. La loi de programmation militaire 2019-2025 est respectée, ce dont je ne peux que me féliciter.
À y regarder de plus près toutefois, c’est l’arrêt des usines d’armement pendant le confinement qui a facialement préservé l’exercice 2021, puisque cela a conduit le ministère à ne pas dépenser 1, 1 milliard d’euros de crédits. Ces crédits non consommés ont permis de couvrir les dépenses nouvelles de 2020, notamment les surcoûts des opérations extérieures. Ces derniers devraient atteindre un record inégalé, avec 1, 6 milliard d’euros à la fin de l’année 2020, soit 500 millions d’euros de plus que prévu, en raison du renforcement de l’opération Barkhane, de l’opération de secours menée au Liban, mais également du soutien à la lutte contre le covid.
Il faut y ajouter les surcoûts liés aux missions intérieures, avec la montée en puissance de l’opération Sentinelle et ses 7 000 soldats mobilisés. Si l’on s’en tient à l’article 4 de la LPM, les surcoûts OPEX et Missint devraient être financés par la solidarité interministérielle. Or, comme l’a souligné M. le président de la commission des affaires étrangères, cet article n’a jamais été appliqué depuis son entrée en vigueur.
Il est un sujet de préoccupation sur lequel le projet de budget est silencieux : les 18 avions Rafale que la France doit fournir à la Grèce, 6 neufs et 12 d’occasion. Cette opération risque de laisser un surcoût pour l’armée évalué à 1 milliard d’euros. Le produit de la vente de ces Rafale est estimé à 400 millions d’euros. Si la possibilité d’une rétrocession de ces produits via un compte d’affectation spéciale a été évoquée, les recettes de vente seront inscrites au budget général de l’État, et non au budget du ministère des armées. Certes, madame la ministre, il vous revient de négocier la rétrocession de cette vente, mais cette négociation entre votre ministère et Bercy est loin d’être garantie.
Enfin, l’autre conséquence immédiate est l’affaiblissement de nos capacités opérationnelles d’ici à 2025 : retirer 12 Rafale sur 102, c’est diminuer la flotte de plus de 10 %. Madame la ministre, avez-vous signé le bon de commande pour les Rafale au profit de nos armées ?
Le coût des réparations à la suite de l’incendie du sous-marin nucléaire Perle est aussi un élément de préoccupation.
L’industriel était assuré à hauteur de 50 millions d’euros. La facture pour l’État s’élève à 60 millions d’euros et inclut la réparation de la Perle et la prolongation du Rubis. Rapporté au budget global de la défense, ce coût représente un choc financier majeur.
Les décisions prises sur le futur porte-avions de nouvelle génération, dont le programme devrait être prochainement lancé, sont un autre sujet d’inquiétude. Madame la ministre, pourriez-vous nous confirmer le calendrier de conception et de construction du nouveau porte-avions ? Quid d’une prolongation du Charles-de-Gaulle au-delà de 2038 ? Est-il envisageable qu’il reste déployé en Méditerranée, comme je vous le suggère dans le rapport d’information qu’Olivier Cigolotti et moi-même avons rédigé ?
Aux inquiétudes que je viens d’exprimer quant au respect de la trajectoire de la LPM s’ajoute la crise que traversent les industries de défense, cela a été souligné. Malgré la mise en place au mois de mai dernier d’un guichet spécifique pour les PME, ainsi qu’un plan de rattrapage capacitaire, la situation est très préoccupante : fragilisation des chaînes de production, difficultés avec les banques, fonte des marchés à l’export, menace d’une multiplication de rachats par des sociétés étrangères prédatrices. On peut citer l’exemple de Photonis, qui a échappé in extremis à un rachat par l’américain Teledyne.
J’en viens aux incertitudes de la coopération européenne alors que la LPM mise sur son développement. L’autonomie stratégique européenne nécessite de partager une vision commune des menaces, mais aussi d’avoir la volonté de renforcer l’indépendance et la capacité d’innovation des industries européennes du secteur. Or le Fonds européen de défense est reconduit avec un budget amputé de moitié. Est-ce un bon signe à adresser à nos partenaires, en particulier allemands ? Je ne le crois pas.
Comment, dans un tel cadre, rester compétitifs en matière de recherche et d’innovation technologique, alors que l’Europe est confrontée à un environnement de plus en plus compétitif ?
La culture commune en matière de défense est à construire. Il est nécessaire que toutes les initiatives nationales fonctionnent de façon complémentaire, avec un objectif unique. Or cet objectif n’existe pas encore. C’est tout l’enjeu de la boussole stratégique. Nous avons proposé que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’empare du sujet.
Cette coopération européenne doit aussi se traduire dans les faits. Au mois de février dernier, la France et l’Allemagne ont lancé la première phase du programme de système de combat aérien du futur (SCAF). Cependant, une interrogation demeure sur la sécurisation des financements. De même, il faut également considérer l’important effort des Britanniques, à hauteur de 1, 74 milliard d’euros pour la recherche militaire.
Madame la ministre, pour les raisons que j’ai indiquées et dans l’attente des réponses que – nous l’espérons – vous nous apporterez, le groupe SER votera les crédits de la mission « Défense ».
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour la mémoire de nos militaires disparus et rends hommage à l’engagement de tous ceux qui participent à la défense de notre pays et œuvrent pour la paix et la sécurité, en France et à l’étranger, ainsi qu’à leur famille. N’oublions jamais en effet que les proches d’un militaire représentent le soutien indispensable et l’ancrage qui participe aussi à la réussite de leur mission.
Madame la ministre, vous nous présentez un budget de la défense pour 2021 conforme à vos engagements et à la trajectoire de la LPM. Nous observons avec satisfaction que les crédits de paiement s’élèvent à 39, 2 milliards d’euros, soit une augmentation de 1, 6 milliard d’euros, dont une grande part sera consacrée au programme 146.
Ce fléchage vers le renouvellement des matériels est à souligner du fait de la très grande attrition et de l’obsolescence des matériels utilisés sur les théâtres d’OPEX. Il faut une politique de maintien en condition opérationnelle (MCO) plus réactive, capable de mieux anticiper les besoins des hommes sur le terrain. Il y va du principe même de notre capacité opérationnelle. Des efforts ont été réalisés en amont avec les industriels, et nous nous en félicitons.
Néanmoins, la question se pose encore plus avec les conséquences de la covid, qui n’ont pas épargné l’industrie française de défense, grands groupes ou PME, en France et à l’étranger, avec un lourd impact sur les trésoreries et les capacités de production.
Les efforts de la direction générale de l’armement (DGA) en direction des 1 000 PME sous-traitantes des fournisseurs sont bienvenus, mais restent insuffisants en comparaison des autres pays, dont les usines ont poursuivi leur activité.
Nous regrettons que le plan de relance ne concerne la défense qu’au titre de l’accélération de commande d’aéronefs, et pour 600 millions d’euros.
À cela s’ajoutent les très grandes difficultés pour les sociétés françaises à trouver des soutiens financiers, les banques restant trop frileuses vis-à-vis du secteur de la défense. C’est ubuesque.
À titre de comparaison, les Britanniques ont annoncé qu’ils consacreront à leur défense près de 27 milliards d’euros sur les quatre prochaines années, ce qui en fait le deuxième contributeur budgétaire au sein de l’OTAN, après les États-Unis. Cette décision, qui n’est pas seulement liée au Brexit, entraînera la création de 10 000 emplois et de nouvelles capacités, quand nous supprimons des postes militaires dans nos ambassades. Pourtant, avec la dégradation de l’environnement sécuritaire, jamais nous n’en avons eu autant besoin.
Sur le volet capacitaire toujours, comment imaginer que nos capacités resteront inchangées à la suite du prélèvement des 18 avions Rafale sur la flotte de l’armée de l’air ? C’est l’incarnation de la politique du « en même temps » : d’un côté, vous augmentez les crédits des programmes 146 et 144 ; de l’autre, vous amputez l’armée de l’air de 25 %.
Comment obtenir la garantie que le produit de cessions des Rafale à la Grèce reviendra au budget des armées, alors même qu’il ne bénéficie plus de la solidarité interministérielle pour le financement des OPEX ?
Il y avait l’option d’un compte d’affectation spéciale, mais ce serait un retour en arrière en termes de « sincérisation » budgétaire, car c’est un retour à la logique du financement par recette exceptionnelle, comme sous le précédent quinquennat.
En outre, nous devons reconnaître – hélas ! – que notre soutien matériel à la Grèce est lié à une incapacité politique et stratégique de l’Alliance et de l’Union européenne vis-à-vis de la Turquie. En tant que vice-présidente de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, très attachée aux valeurs de l’Alliance, je ne peux que regretter la faiblesse des réactions de cette organisation, de l’Union européenne et de leurs États membres face à des agressions caractérisées envers un autre État membre, Chypre, et envers des pays partageant les valeurs otaniennes, comme l’Arménie. Dans cette affaire, la France subit une double peine : du point de vue diplomatique et du point de vue de son outil militaire.
La politique de fidélisation des armées, enjeu majeur pour leur avenir, constitue un autre sujet primordial. Recruter, c’est bien ; préserver et conserver les effectifs, c’est mieux. Pour cela, la mise en place d’une véritable politique dédiée au quotidien des familles prenant en compte la spécificité de l’état militaire est cruciale.
Nous saluons les 95, 5 millions d’euros pour 2021 pour le renouvellement du parc locatif et l’augmentation des places d’hébergement, notamment dans les zones tendues. Sur ce point, madame la ministre, pourriez-vous nous dire où en sont les discussions avec la maire de Paris ?
Le Val-de-Grâce, contre la fermeture duquel je m’étais beaucoup élevée, sera cédé en 2024. Pour quoi, à qui et pour combien ? Pourquoi ne pas l’avoir réhabilité pour les acteurs de la défense ?
N’oublions pas non plus que les infrastructures dédiées à l’hébergement des militaires doivent répondre à des critères de sécurité, les militaires étant eux-mêmes des cibles.
Enfin, je tiens à vous remercier de l’ouverture d’une journée défense et citoyenneté (JDC) en ligne, accessible aux Français de l’étranger, tout en rappelant l’importance du présentiel pour nos jeunes qui participent à cette journée, dès que la crise covid sera derrière nous.
Madame la ministre, je vous remercie de prendre en compte ces observations.
M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’en venir à la présentation proprement dite du projet de budget pour 2021, je tiens à mon tour à saluer la mémoire du président Valéry Giscard d’Estaing.
C’est un homme qui a défendu toute sa vie le projet européen. Comme son successeur, François Mitterrand, il a contribué à porter très haut l’amitié franco-allemande, qui en est le socle.
N’oublions pas que le président Giscard d’Estaing avait un lien particulier avec nos armées. Il s’était engagé à dix-huit ans pour la libération de Paris, puis dans la Première armée. Il a été cité à l’ordre de celle-ci et décoré de la croix de guerre 1939-1945.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC, Les Républicains et SER, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Chacun le sait, c’était un ancien élève de l’École polytechnique. Lorsqu’il accéda, en 1974, à la présidence de la République, il engagea une profonde modernisation de nos forces armées. Au cours de son septennat, une loi de programmation militaire fut adoptée. C’est à cette occasion que fut lancé l’équipement de nos armées en fusils Famas, ces fusils que nous sommes progressivement en train de remplacer par le HK416, dans le cadre de la LPM 2019-2025.
Nous voyons là toute la continuité qui peut exister d’une loi de programmation à l’autre : nous agissons dans le temps long.
En outre, les premières études sur un porte-avions nucléaire ont été lancées à cette époque.
Je ferai un dernier lien entre le passé, le présent et l’avenir : c’est dans cette loi de programmation 1977-1982 qu’a été prise la décision de lancer le programme des sous-marins nucléaires d’attaque Rubis. Je vois dans le fait que nous ayons réceptionné le premier exemplaire, le Suffren, qui prend la succession des sous-marins de la classe Rubis un signe tout à fait marquant de la continuité des actions et des décisions qui sont prises pour la France.
C’est avec une grande fierté que je vous présente aujourd’hui le projet de budget pour 2021 de la mission « Défense », qui, pour la troisième année consécutive, respecte à la lettre les engagements et la trajectoire financière de la loi de programmation militaire.
Ce budget est la marque du respect de l’engagement fort du Président de la République de porter l’effort national de défense à 2 % de la richesse nationale d’ici à 2025. Cet objectif n’est pas seulement symbolique. Il poursuit et consolide la remontée en puissance de nos armées, engagée par la loi de programmation militaire.
Ainsi que vous l’avez noté dans vos interventions, l’objectif de 2 % du PIB pourrait être atteint dès 2020 en raison des effets de la crise sanitaire sur notre économie. Pour autant, c’est une conséquence purement arithmétique de la crise. Cela signifie-t-il que nous avons suffisamment modernisé nos armées et qu’elles sont désormais mieux équipées ? Bien sûr que non ! L’effort doit se poursuivre, et il se poursuit.
Vous avez soulevé dans vos interventions la question de l’actualisation de la loi de programmation militaire.
Cette dernière doit avoir lieu au plus tard en 2021. Le travail de préparation est en cours sur le fondement d’une mise à jour de notre analyse du contexte géostratégique nous permettant d’identifier les ajustements envisageables pour répondre à l’évolution de la menace et des risques.
Conformément à la loi de programmation militaire, les crédits pour le ministère des armées s’élèveront à 39, 2 milliards d’euros en 2021, soit 7 milliards de plus qu’en 2017. Sur la période 2018-2021, les armées auront bénéficié au total de 18 milliards d’euros de ressources supplémentaires.
Les crédits de la mission « Défense » bénéficient non seulement aux armées, mais aussi aux entreprises françaises, à notre industrie et à nos territoires. Dans le contexte actuel, ce budget 2021 est une contribution essentielle à la relance économique de notre pays. Si l’on raisonne plus globalement, sur la première partie de la LPM, c’est-à-dire la partie 2019-2023, 110 milliards d’euros auront été injectés dans l’économie pour les équipements, les infrastructures et le maintien en condition opérationnelle. C’est donc l’équivalent en cinq ans d’un plan de relance pour les seules questions de défense.
C’est par ailleurs un plan de relance qui s’adapte : dès le mois de juin dernier, pour venir en aide au secteur aéronautique durement touché par la crise sanitaire, nous avons accéléré certaines commandes prévues au cours de la LPM, pour un montant de 600 millions d’euros. Cette anticipation, qui a permis de sauvegarder plus de 1 200 emplois pour au moins deux ans, fut une respiration bienvenue pour un secteur durement éprouvé.
De ce point de vue, l’intention exprimée par la Grèce d’acheter 18 avions Rafale, dont 6 neufs, a été une excellente nouvelle pour notre industrie. C’est le premier pays européen à afficher cette volonté. Nous poursuivons activement nos discussions et nous pourrions aboutir d’ici à la fin de l’année.
Je précise que, si le contrat aboutit, le produit de la vente des Rafale d’occasion reviendra au budget du ministère des armées. Nous avons eu toutes les assurances du ministère de l’économie et des finances à ce sujet.
Naturellement, nous nous organisons pour que la vente des avions issus de nos forces à l’armée de l’air grecque n’obère en rien la capacité de nos propres armées à remplir leurs engagements opérationnels et à s’entraîner. Je veux être claire sur ce point : les missions confiées à l’armée de l’air et de l’espace continueront d’être menées, et ses pilotes continueront à s’entraîner.
Il est très important de préciser également que les prélèvements réalisés dans nos escadrons de combat seront compensés par des avions neufs. La loi de programmation militaire fixe une ambition capacitaire pour l’armée de l’air et de l’espace, comme pour les autres armées. Cette ambition sera respectée. Nous avons ensemble prévu que l’armée soit dotée de 129 avions Rafale en 2025. Cet objectif sera tenu.
Si ce contrat avec la Grèce était finalement conclu, il s’agirait d’une triple bonne nouvelle.
Politiquement, d’abord, ce contrat marquerait le développement des exportations d’armement au sein de l’Union européenne, que nous appelons de nos vœux.
Économiquement, ensuite, cette commande de 6 Rafale neufs par la Grèce, complétée par celle de 12 Rafale neufs par l’armée de l’air et de l’espace française pour compenser les prélèvements réalisés au profit de la Grèce, mobiliserait 7 000 emplois et 500 PME pendant dix-huit mois. Dans la période actuelle, personne dans cet hémicycle ne pourrait s’en plaindre !
Enfin, cette vente contribuerait activement à l’interopérabilité de nos forces.
Pour en revenir au budget, le ministère des armées sera en 2021 une véritable fabrique de l’emploi : il sera le premier recruteur de l’État, avec près de 27 000 recrutements, soit 300 de plus que l’année précédente. L’effort en termes d’apprentissage sera poursuivi. Nous recruterons des jeunes venus de tous les territoires de notre pays et de tous les niveaux de formation. Nous poursuivrons également l’effort engagé dans les domaines du renseignement, du cyber et du numérique.
J’en viens au détail du contenu du budget et je vous propose de l’examiner en reprenant les quatre axes de la loi de programmation militaire.
Sur le premier axe, tout d’abord, l’amélioration des conditions de travail et de vie des personnels, je souligne quatre éléments clés pour illustrer un budget à « hauteur d’homme ».
Premièrement, en 2021, nous consacrerons 237 millions d’euros à l’amélioration des conditions d’hébergement des militaires, dans le cadre du programme Hébergement, qui prévoit un investissement de 1 milliard d’euros d’ici à 2025. Nombre d’entre vous l’ont relevé : en la matière, on peut nettement progresser. Toutefois, comme dans bien d’autres domaines concernant la défense, il nous faut rattraper des décennies non de sous-investissement, mais de non-investissement.
Deuxièmement, nous procédons au renouvellement des petits équipements de nos militaires, avec notamment 12 000 nouveaux fusils HK416 et 126 000 nouveaux treillis ignifugés F3. Ceux qui ont eu la chance de se rendre en opération sur le terrain ont pu constater qu’en 2020, conformément à l’objectif fixé, 100 % de nos soldats déployés en OPEX en sont équipés.
Troisièmement, nous modernisons la solde. Avec 38 millions d’euros dans le budget 021, nous amorçons la nouvelle politique de rémunération des militaires, avec un dispositif renforcé d’indemnisation de la mobilité géographique.
Quatrièmement, nous accroissons les crédits consacrés au service de santé des armées en 2021. Cet élément me semble très important à la lumière de la crise sanitaire que nous traversons. J’ai décidé cette année d’augmenter le budget de ce service de 160 millions d’euros d’ici à la fin de la LPM. Cette décision s’inscrit dans la dynamique de l’effort entamé depuis 2017, lorsque nous avons mis fin – enfin ! – à la déflation des effectifs du service de santé des armées. Nous avons également pris plusieurs mesures de revalorisation salariale au profit des praticiens et du personnel paramédical, à hauteur de 31 millions d’euros entre 2017 et 2020.
Une question a été posée sur les mesures de protection que nous prenons à l’égard de nos militaires lorsque ceux-ci partent en opération ou en mission. Nous avons eu l’occasion d’évoquer ces questions à maintes reprises au printemps dernier, notamment dans le cadre de nos échanges au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Les militaires sont isolés puis testés soixante-douze heures avant leur départ. En sens inverse, lorsqu’ils rentrent de mission, ils sont de nouveau testés, et bien sûr isolés si le test se révèle positif. Il me semble que nous avons progressivement trouvé les méthodes qui permettent de préserver la santé de nos militaires et de leurs familles, mais aussi des populations au contact desquelles ils peuvent être amenés à évoluer.
J’en viens au deuxième chapitre de la loi de programmation militaire. Les livraisons et les commandes se poursuivront pour moderniser les matériels et les équipements lourds. Sur les 1, 7 milliard d’euros de croissance du budget en 2021, les deux tiers seront consacrés aux programmes d’armement majeurs.
Je procéderai à quelques illustrations de nos commandes et livraisons prévues pour 2021.
L’armée de terre recevra ainsi 150 blindés Griffon et 20 blindés Jaguar dans le cadre du programme Scorpion. Nous consoliderons également les commandes de 21 hélicoptères interarmées légers et 120 véhicules blindés légers.
Pour la marine, 2021 verra notamment la livraison de 3 avions de patrouille Atlantique 2 rénovés et d’une nouvelle frégate multimissions. Nous engagerons les commandes d’une nouvelle frégate de défense et d’intervention ainsi que de 8 hélicoptères légers.
Comme la question du porte-avions de nouvelle génération a été abordée, je tiens à vous rassurer. Nous avons travaillé vite, nous ne sommes absolument pas en retard. Nous avons réalisé au cours des deux dernières années des études et nous sommes donc parfaitement en ligne avec l’objectif de la LPM d’être prêts lorsque le porte-avions Charles-de-Gaulle sera retiré du service en 2038. Nous avons d’ailleurs prévu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, des crédits très substantiels pour ce programme – 330 millions d’euros en autorisations d’engagement et 113 millions d’euros en crédits de paiement –, afin de poursuivre les travaux sur le porte-avions de nouvelle génération.
Enfin, l’armée de l’air et de l’espace réceptionnera en 2021 3 avions ravitailleurs MRTT Phénix, 14 avions de chasse mirage M2000D rénovés et un avion de transport A400M supplémentaire. Les commandes concerneront le lancement du démonstrateur du système de combat aérien du futur.
Le troisième chapitre de la LPM concerne la consolidation de notre autonomie stratégique. Ce budget 2021 y contribuera, notamment avec 5 milliards d’euros pour poursuivre le renouvellement des deux composantes de la dissuasion française. Le ministère des armées poursuivra son effort en faveur de la stratégie spatiale, en lui allouant 624 millions d’euros. J’ai souhaité faire de l’espace une priorité de la loi de programmation militaire et ai donc proposé au Président de la République une stratégie spatiale de défense à la hauteur des défis qui se présentent à nous. Nous y consacrons des moyens considérables : 4, 5 milliards d’euros pour la période 2019-2025.
En 2021, le secteur spatial verra notamment la livraison d’un satellite MUSIS/CSO. Je tiens à cette occasion à remercier les sénateurs d’avoir soutenu la mesure introduite par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, qui nous permet d’assurer la sécurité et la souveraineté dans le domaine spatial.
J’en viens enfin au dernier chapitre de la LPM, la préparation du futur : 2021 sera l’année de la commande du démonstrateur du système de combat aérien du futur que nous construisons avec les Allemands et les Espagnols. Celui-ci devrait prendre son envol en 2026, pour être opérationnel à l’horizon 2040.
Là aussi, je remercie le Parlement de son soutien et des contacts réguliers qu’il organise avec les parlementaires allemands. Pour répondre à une question qui a été posée, l’Espagne est un partenaire important, d’ores et déjà intégré aux travaux d’architecture et de recherche et développement, qui avaient été initialement lancés dans un cadre franco-allemand. Pour la phase du démonstrateur, qui devrait être lancé d’ici à la mi-2021, l’Espagne sera un contributeur majeur, aux côtés de la France et de l’Allemagne.
La préparation du futur passe aussi par l’innovation : en 2021, nous consacrerons près de 900 millions d’euros pour concevoir les technologies de demain et nous serons donc en bon chemin vers le milliard d’euros annuel qui sera atteint en 2022. L’année 2021 sera également celle de la mise en œuvre du nouveau Fonds Innovation défense, qui viendra compléter les mécanismes existants de soutien aux PME, tels que le dispositif Rapid.
Ce nouveau fonds sera doté de 200 millions d’euros pour soutenir le développement des technologies duales et transversales, par le financement en fonds propres d’entreprises innovantes.
J’ai également noté l’interrogation concernant la nature des soutiens apportés par les banques privées. J’ai demandé au délégué général pour l’armement d’examiner avec les organisations professionnelles des industries de défense, les services de Bercy et les représentants de la profession bancaire l’existence de clauses ou de pratiques qui pourraient conduire à restreindre l’accès au crédit et au financement des entreprises du secteur de la défense. Nous devons en effet être attentifs à ce point.
Enfin, je me réjouis que le Fonds européen de défense, fortement soutenu par la France, voie le jour. Il sera doté de 7 milliards d’euros constants pour la période 2021-2027. C’est la première fois que des financements européens seront affectés à la recherche et au développement dans le secteur de la défense.
Notre devoir à tous est de mettre en œuvre la loi de programmation militaire, de veiller à son exécution, dans chaque régiment et chaque unité, en métropole comme en outre-mer. J’y veille personnellement, chaque jour.
Je conclus sur la gestion 2020, qui n’est pas encore tout à fait close, et sur laquelle nous reviendrons.
La loi de finances initiale pour 2020 sera intégralement exécutée dans les montants prévus. Les surcoûts OPEX et Missint, d’un montant de 1, 46 milliard d’euros, sont couverts en 2020 par les provisions constituées en loi de finances initiale sur la mission « Défense », par des contributions internationales et redéploiements internes, pour un montant total inférieur à 60 millions d’euros et, enfin, par des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, pour 200 millions d’euros.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d’observer que le montant total des annulations n’a jamais été si faible.
Comme je suis invitée à conclure, je m’en remets désormais à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour que ce budget 2021 soit adopté. Démonstration de constance, de confiance et de relance, il marque la poursuite de notre mission de protection des Français et de soutien à nos entreprises, nos emplois et nos territoires.
Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
En euros
Mission / Programme
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Défense
Environnement et prospective de la politique de défense
Préparation et emploi des forces
Soutien de la politique de la défense
Dont titre 2
20 752 135 200
20 752 135 200
Équipement des forces
L’amendement n° II-1090, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
En euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Environnement et prospective de la politique de défense
Préparation et emploi des forces
Soutien de la politique de la défense
dont titre 2
Équipement des forces
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Depuis le début de la crise, en vertu de notre dernière revue stratégique, le service de santé des armées est pleinement mobilisé. Nous pouvons le remercier du soutien extrêmement important qu’il a apporté aux services civils de santé.
On pense forcément à l’élément de réanimation installé à Mulhouse, qui a permis d’accueillir une quarantaine de patients, et de soulager ainsi l’hôpital public. Il serait toutefois injuste de ne pas rappeler le triplement des places en réanimation dans les hôpitaux d’instruction des armées, la mise à disposition de matériel et d’unités de réanimation d’urgence, le transfert organisé de malades ou encore la mobilisation des médecins, d’une partie des élèves et des réservistes du service.
On perçoit d’autant mieux les manques qui affligent le service de santé des armées. Comment espérer une pleine mobilisation auprès des malades civils tout en maintenant la protection des militaires en opération extérieure et en anticipant la propagation du virus sur les théâtres d’opérations de la France ?
La contamination à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle le démontre : les services militaires sont pris en étau entre une distanciation sociale incompatible avec la vie en garnison et la décision gouvernementale de maintenir la quasi-totalité des opérations militaires.
Il faut donc un service de santé des armées suffisamment doté pour fonctionner. Or ce n’est clairement pas le cas, malgré l’engagement d’augmenter les effectifs inscrit dans la loi de programmation militaire.
Il manque aujourd’hui 100 médecins dans le service, alors que son déploiement n’a jamais été aussi important. Après avoir perdu près de 10 % de ses effectifs entre 2013 et 2019, le taux de projection des équipes médicales est de 106 %, et de 200 % pour les équipes chirurgicales ; et encore, il faut remercier les réservistes, qui assurent environ 15 % du contrat opérationnel.
En cas de propagation extrêmement violente du virus en Afrique, où sont stationnées les troupes françaises, je crains que le ministère ne doive choisir entre soutien aux services civils en France et aide aux militaires en opération.
Il est donc urgent d’aller plus loin que l’actuelle loi de programmation militaire, qui ne prévoit une remontée des effectifs qu’à partir de 2023.
Madame la ministre, je vous remercie des efforts accomplis pour tester les militaires embarqués et déployés en OPEX. Aujourd’hui, il faut aussi leur accorder la priorité pour les vaccinations.
Nous partageons tous votre souci d’améliorer le fonctionnement du service de santé des armées, ma chère collègue. Pour autant, vous comprendrez que l’on ne peut pas, à la faveur de la discussion budgétaire, remettre en cause la politique de dissuasion nucléaire et en affaiblir les moyens.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons exposées à l’instant par M. le rapporteur spécial, mais aussi parce que le projet de loi de finances pour 2021 répond, me semble-t-il, à votre préoccupation d’améliorer les moyens accordés au service de santé des armées (SSA) et de renouveler les petits équipements, madame Gréaume.
Je veux moi aussi rendre hommage à l’engagement sans faille du service de santé des armées, tant au profit de nos militaires que de l’ensemble de la population française en cette période de crise sanitaire.
Conformément aux annonces que j’ai faites à l’école de santé de Bron, le projet de loi de finances pour 2021 voit les moyens accordés au service de santé des armées progresser de 56 % pour les infrastructures de santé et de 18 % pour l’action Fonction santé. Ces efforts ont naturellement vocation à se poursuivre dans le cadre du plan pluriannuel de 160 millions d’euros supplémentaires que j’ai annoncé pour les années 2021 à 2025.
Concernant les praticiens du service de santé des armées, vous avez raison, nous n’arrivons pas à pourvoir l’ensemble des postes. Il s’agit toutefois d’un phénomène général, lié à l’insuffisance du nombre de médecins par rapport aux besoins d’ensemble de la population.
Nous avons mis en place des outils pour essayer de fidéliser au mieux les praticiens engagés auprès du SSA. Outre les primes covid, d’un montant de 8 millions d’euros pour 2020, nous avons prévu de poursuivre en 2021 le plan triennal de rénovation du régime de rémunération pour renforcer l’attractivité du service.
Je rappelle enfin que la mission principale du service de santé des armées est de soutenir les forces armées. Naturellement, le SSA apporte son soutien à la santé publique, surtout en cas de crise, mais il ne représente que 1 % du système de santé publique français. Gardons ce chiffre en tête.
Ce service doit toutefois remonter en puissance, comme les armées elles-mêmes, et j’espère, madame la sénatrice, avoir répondu à votre inquiétude sur notre capacité à relever ce défi.
S’agissant des petits équipements, durant des années, ils n’ont pas seulement été sacrifiés, ils ont été littéralement oubliés.
Nous devons y remédier. Le Président de la République a voulu une LPM à « hauteur d’homme » et c’est pourquoi nous faisons des efforts en faveur de l’habillement, des protections, des armements de petit calibre, du matériel de vie en campagne, des rations de combat, bref de tout ce qui détermine les conditions d’exercice du métier des armes de nos soldats. C’est pourquoi le programme 178 voit les dépenses de petit équipement progresser de 95 millions d’euros en 2021.
J’espère avoir répondu à vos préoccupations, madame la sénatrice, et à ce que je perçois comme un amendement d’appel.
L’amendement n° II-1090 est retiré.
Avant de mettre aux voix les crédits de la mission, je donne la parole à M. le rapporteur spécial.
Madame la ministre, la commission des finances a conditionné son vote à vos réponses à cinq questions.
Concernant les 2 % du PIB, vous laissez penser que vous retiendrez plutôt le chiffre en valeur absolue. Je m’en réjouis et vous en remercie.
Sur le produit de la vente des Rafale, vous indiquez qu’un accord a été trouvé avec le ministère de l’économie. Nous savons ce que vaut la parole de Bercy, mais nous en prenons acte…
Sourires.
Si vous avez confirmé qu’il y aurait bien 129 Rafale en 2025, vous n’avez pas répondu à deux sous-questions. Comment maintenons-nous notre condition opérationnelle entre 2021 et 2025 ? Comment finance-t-on les Rafale neufs par rapport à des Rafale d’occasion ?
Sur la propulsion du futur Charles-de-Gaulle, vous n’avez pas répondu.
Ces imprécisions ne seraient pas très graves si nous pouvions en discuter à la faveur de la révision de la LPM. Certes, celle-ci aura bien lieu, vous l’avez confirmé, mais vous ne vous êtes pas engagée à passer devant le Parlement. C’est un problème. Par les temps qui courent, nous nourrissons quelques inquiétudes.
Le Parlement n’est pas simplement un lieu de passage pour la procédure budgétaire. C’est un lieu de débat et de décision. Comme l’a excellemment souligné le président de la commission, nous ne comprendrions pas que le Parlement ne soit pas associé à la révision de la LPM.
Dans ces conditions, je m’abstiendrai à titre personnel sur ces crédits, et j’invite celles et ceux qui partagent mon analyse à en faire autant.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
L es crédits sont adoptés.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » (et articles 66 et 67) et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de cette séance budgétaire, il convient, comme les années précédentes, de rappeler tout d’abord que nos forces de l’ordre connaissent depuis quelques années une tension permanente : crise du terrorisme, crise migratoire, drame des suicides, crise sanitaire. Il appartient au Sénat de leur renouveler son soutien.
Nous examinons aujourd’hui la mission « Sécurités ». Le débat pourrait être rapide, puisque les crédits sont structurellement faibles, comme les années précédentes, ce qui laisse peu de marge au budget d’investissement et de fonctionnement de la police et de la gendarmerie. Le titre 2, « Dépenses de personnel », dérape année après année et n’est pas maîtrisé. C’est la raison pour laquelle, ces quatre dernières années, le Sénat a chaque fois rejeté les crédits de cette mission.
En dix ans, les dépenses du titre 2 « Dépenses de personnel » ont augmenté de 23 %, tandis que les effectifs, eux, n’ont augmenté que d’un petit peu moins de 6 %. Quant aux dépenses de fonctionnement et d’investissement de la mission « Sécurités », elles connaissent une diminution de 0, 4 % sur cette même période.
Il nous faut reconnaître que les caractéristiques déplorables de cette mission sont totalement bouleversées par la mission « Plan de relance », qui affecte près de 1, 5 milliard d’euros, en deux ans, à l’équipement et à l’investissement des forces de l’ordre. Dans une hypothèse faible, en fonction de ces futures affectations, nous pouvons considérer que ces deux postes, qui sont l’objet de nos préoccupations, progresseront de 20 %.
Le ratio qui préoccupe la majorité sénatoriale connaît donc un rééquilibrage, madame la ministre. Autrefois de 80 % pour les dépenses de personnel versus 20 % pour les dépenses de fonctionnement et d’investissement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le ratio s’élève aujourd’hui à 90 % versus 10 %. Le plan de relance permet au minimum une inversion de cette tendance.
Ainsi, des fournitures d’équipements sont prévues pour des dépenses courantes, telles que gilets, armes et caméras-piétons. Surtout, le plan de relance répondra à deux préoccupations qui ont focalisé l’attention du Sénat ces dernières années, à savoir le parc automobile et l’immobilier.
Le plan de relance consacre 133 millions d’euros au parc automobile de la police nationale, auxquels s’ajoutent 36 millions d’euros adoptés dans la troisième loi de finances rectificative. Pour la gendarmerie, le plan de relance porte sur 4 500 véhicules. Le Gouvernement annonce le renouvellement d’un véhicule sur quatre – nous en sommes très satisfaits, car nous mettons ainsi un terme au vieillissement du parc. Il nous faut cependant relativiser ces déclarations : le remplacement d’un véhicule sur quatre en deux ans signifie le remplacement d’un véhicule sur huit par an ! Or nous connaissons tous l’état d’un véhicule de gendarmerie après huit ans.
J’en viens à l’immobilier. Concernant les appels à projets, 740 millions d’euros sont destinés à la police nationale et 440 millions d’euros à la gendarmerie nationale. L’enveloppe varie entre 1, 15 milliard d’euros et 1, 2 milliard d’euros. Cela répond à nos préoccupations.
La méthode nous laisse cependant un peu perplexes. Des dépenses courantes, comme dans d’autres budgets, sont financées par le plan de relance. Par exemple, aucune acquisition d’armes n’est prévue dans le programme 152, « Gendarmerie nationale » ; toutes sont prévues dans le plan de relance. L’achat de tasers fait-il partie du plan de relance ? Voilà une question pertinente !
Nous serons vigilants quant à l’exécution de ce plan de relance, sur la forme – nous souhaiterions que, l’an prochain, ces crédits soient inclus dans la mission « Sécurités » – et sur le fond. Depuis 2015, j’ai connu cinq budgets d’équipement pour les forces de l’ordre. Chaque fois, nous connaissons le même effet de stop and go : nous répondons à une demande, à une pression, à une insatisfaction des forces de l’ordre, puis, en réalité, rien ne fonctionne.
Pour la mission « Sécurités », les crédits de paiement n’augmentent que de 1, 6 %, les autorisations d’engagement diminuent de 0, 4 % et, je le répète, le titre 2 continue à déraper. Madame la ministre, il faut bien reconnaître que la mission « Sécurités » a été écrite par vos prédécesseurs et par l’ancien ministre de l’intérieur, avant l’élaboration de la mission « Plan de relance ». Sans doute avez-vous trouvé le moyen de convaincre l’actuel titulaire de Bercy, ce que n’avait pas réussi à faire le précédent ministre de l’intérieur. C’est une bonne chose.
Je souligne la réussite du programme 207, « Sécurité et éducation routières » : avec 3 500 décès en 2019, le nombre de personnes tuées sur les routes a été divisé par deux en dix ans. Dans le contexte pandémique actuel, le chiffre peut paraître faible, mais les efforts de l’État ont été constants. Les équipements ont été modernisés, par exemple avec les nouveaux radars tourelles, solution innovante pour rénover le parc. Des voitures radars à conduite externalisée seront déployées dans les régions françaises. Les recettes sont estimées à 2 milliards d’euros pour les amendes. À ce sujet, il faut reconnaître que le compte d’affectation spéciale devient de plus en plus opaque et qu’il se doit d’être rapidement réformé et révisé. Il constitue un problème de plus en plus prégnant pour l’ensemble des élus.
En conclusion, madame la ministre, la commission est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités », à la condition que l’effort perdure et devienne constant. Il faut que vous puissiez convaincre le chef du Gouvernement et le Président de la République que nos forces de sécurité ne doivent plus faire l’objet du désintérêt des pouvoirs publics, comme c’était le cas dans les années précédentes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous invite maintenant à nous livrer les conclusions de M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Jean-Pierre Vogel, empêché, vous prie de l’excuser. Je vous présente donc, à sa place, les crédits du programme 161, « Sécurité civile ».
Auparavant, comme Jean-Pierre Vogel en a l’habitude, je rends hommage à l’ensemble des sapeurs-pompiers, des pilotes, des formations militaires de la sécurité civile et des associations agréées, qui s’investissent sans compter dans la lutte contre les crises qui touchent notre pays, en particulier la crise sanitaire actuelle.
Face à ces crises, il pourrait à première vue sembler paradoxal que les crédits du programme 161, « Sécurité civile », soient stables en 2021. Toutefois, cette stabilité n’est qu’apparente. En effet, une part importante des crédits du programme 161, « Sécurité civile » a été transférée vers la mission « Plan de relance », pour un total d’environ 37, 5 millions d’euros. Ce procédé, qui a également été appliqué pour la police et la gendarmerie, laisse songeur. Une bonne partie de ces crédits transférés ne recouvrent pas des mesures de relance. Il s’agit en effet de dépenses ordinaires, qui financent par exemple le maintien en condition opérationnelle (MCO) de nos avions.
Néanmoins, je relève aussi que ce plan de relance financera des projets d’envergure pour la sécurité civile. Je pense notamment aux 50 millions d’euros qui iront au « 112 inversé », pour prendre la suite du volet mobile du système d’alerte et d’information des populations (SAIP). À cet égard, Jean-Pierre Vogel salue le choix de la technologie de Cell broadcast. Il l’avait en effet recommandée dès 2017, dans son rapport d’information sur ce sujet. Néanmoins, madame la ministre, il conviendra de veiller à ce que cette technologie soit bien opérationnelle avant 2022, conformément à nos engagements européens.
Cela étant, ces crédits portés par le plan de relance nuisent à la lisibilité de l’effort financier de l’État en faveur de la sécurité civile, effort qui est déjà très éclaté. Au total, ce sont dix programmes, répartis dans huit missions et pilotés par six ministères différents, qui concourent au financement de notre politique de sécurité civile, à hauteur de 1, 2 milliard d’euros pour 2021. Comble de cette dispersion des crédits, la contribution du programme 161, « Sécurité civile », sera minoritaire, puisqu’il représente 43 % de l’effort total, contre la moitié ces dernières années.
Le programme 161 ne recouvre aussi qu’une infime partie des moyens des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Ces derniers totalisent 5 milliards d’euros de dépenses en 2019. La croissance de leurs charges n’est toutefois pas toujours de leur fait, comme l’illustre le cas de la revalorisation de la prime de feu, qui représente un surcoût global de 80 millions d’euros.
Il est satisfaisant que le Gouvernement ait tenu ses engagements sur ce point, avec la suppression de la surcotisation patronale versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Il s’agit toutefois d’une compensation partielle, et non d’une économie nouvelle, comme cela a pu être présenté à tort. Ainsi, malgré cette mesure, le surcoût se situera toujours entre 30 millions d’euros et 40 millions d’euros pour les SDIS.
La contribution du programme 161, « Sécurité civile » aux SDIS restera, quant à elle, marginale en 2021 : 7 millions d’euros sont consacrés à la poursuite du système d’information et de commandement unifié NexSIS 18-112. Ce projet représente une réelle avancée du point de vue opérationnelle et favorise les mutualisations. J’espère donc, madame la ministre, que la récente annulation contentieuse du décret relatif au système d’information et de commandement unifié des services d’incendie et de secours et de la sécurité civile « NexSIS 18-112 » ne freinera pas son déploiement.
À travers NexSIS, il s’agit aussi de renforcer l’interopérabilité entre les SDIS et le service d’aide médicale urgente (SAMU), laquelle doit progresser, comme nous l’enseignent les premiers bilans de la gestion de la crise sanitaire. Pour cela, la mise en place du 112 comme numéro unique pour les appels d’urgence doit être privilégiée. Il faut aussi encourager la création des plateformes communes de traitement des appels, comme s’y était engagé le Président de la République, il y a trois ans.
Enfin, un intérêt particulier doit être porté à la flotte de la sécurité civile. Son vieillissement a de quoi nous préoccuper, tant elle se révèle cruciale en ces temps de crise. Ce projet de loi de finances devrait certes y remédier en partie, avec la poursuite de la commande des nouveaux avions Dash et la livraison de deux d’entre eux l’an prochain. Jean-Pierre Vogel a maintes fois souligné combien le choix de ce modèle d’avion était pertinent : les récents retours d’expériences tendent à le confirmer.
Il est également satisfaisant que la France puisse bénéficier d’un cofinancement de l’Union européenne pour acquérir deux nouveaux avions Canadair, et peut-être même un hélicoptère bombardier d’eau. Vous en conviendrez, madame la ministre, ces financements extrabudgétaires ne doivent cependant pas nous dispenser de maintenir un niveau suffisant de crédits pour la modernisation et le renouvellement de notre flotte.
Ainsi, mes chers collègues, l’ensemble de ces investissements pour la sécurité civile vont dans le bon sens. C’est pourquoi Jean-Pierre Vogel et moi-même vous proposons d’adopter les crédits de la mission « Sécurités ».
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année, le père Noël est passé plusieurs fois pour les gendarmes ! Si nous additionnons la loi de finances rectificative, ce projet de loi de finances et le plan de relance, la gendarmerie va pouvoir acquérir au total près de 6 000 véhicules, dont dix hélicoptères H160.
L’immobilier constitue sans doute une préoccupation plus importante encore pour les gendarmes. Les crédits du projet de loi de finances, qui n’évoluent quasiment pas, devraient toutefois être complétés par ceux du plan de relance, à hauteur de 440 millions d’euros. Environ 500 projets ont ainsi été proposés par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).
Toutefois, je formulerai trois remarques.
Premièrement, à ce stade, nous ne savons pas combien de projets seront retenus et pour quelle somme. Madame la ministre, pourriez-vous nous donner des précisions sur ce sujet ? Les projets doivent en principe être livrés dans les deux ans, trois au maximum, ce qui sera un peu court pour certaines opérations complexes. Des dérogations seront-elles possibles ? Surtout, cette opération est ponctuelle. Comme les années précédentes, nous ne disposons d’aucune visibilité à moyen et long termes. Une somme d’environ 300 millions d’euros doit être dégagée chaque année, via une programmation financière pluriannuelle fondée sur un état des lieux de l’ensemble des besoins. Or le futur projet de loi sur la sécurité intérieure, qui pourrait comporter une telle programmation, n’est annoncé que pour 2022.
Deuxièmement, la réserve opérationnelle est devenue essentielle à la gendarmerie nationale, que ce soit durant la période estivale dans les zones d’affluence saisonnière ou lors de certains grands événements nationaux, mais aussi, par exemple, dans la lutte contre l’immigration illégale. Il existe cependant une contradiction entre les priorités affichées et les données budgétaires. D’un côté, l’importance du rôle de la réserve est reconnue par tous, et il est envisagé le passage de 30 000 à 40 000, voire 50 000 réservistes à l’horizon 2024, dans la perspective de l’empilement des missions. De l’autre, les crédits stagnent, ce qui retarde l’emploi des réservistes déjà recrutés. Dès lors, il est impératif d’assurer une remontée en puissance des crédits de la réserve opérationnelle et d’offrir à celle-ci une visibilité à moyen et long termes. Pour cela, sanctuariser son financement au sein de la future loi de programmation est nécessaire.
Sous réserve de ces remarques et compte tenu de l’important effort d’investissement accompli cette année, la commission a donné un avis favorable aux crédits du programme 152, « Gendarmerie nationale ».
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, certes, l’augmentation des effectifs et des crédits d’investissement de la gendarmerie pour 2021 est une satisfaction, mais nous restons extrêmement inquiets au regard d’une certaine absence de visibilité pour les prochaines années. Nous restons dans une logique de remise à niveau ponctuelle, qui n’est pas soutenable à long terme.
J’évoquerai d’abord la question du maillage territorial. Madame la ministre, le 16 novembre dernier, à l’occasion de la publication du Livre blanc de la sécurité intérieure, vous avez déclaré qu’il était nécessaire de revoir la répartition géographique entre la police et la gendarmerie. Cette déclaration soulève des interrogations, voire suscite une certaine inquiétude. Il est en effet toujours nécessaire d’observer la plus grande prudence sur ce genre de réformes, même si, en l’occurrence, le directeur général de la gendarmerie nationale a assuré qu’il ne s’agissait pas de diminuer le nombre de brigades.
L’implantation territoriale de la gendarmerie a déjà évolué au cours des dernières années, notamment dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), avec la fermeture de nombreuses casernes. Or ces évolutions ont parfois remis en cause une adaptation fine aux réalités de la délinquance, qu’un travail de plusieurs années avait permis d’obtenir. C’est notamment le cas lorsque des brigades de gendarmerie ont laissé place à la police dans des zones périurbaines. En tout état de cause, la consultation préalable des élus locaux concernés, évoquée par le Livre blanc, devra être organisée de manière efficace, afin de bénéficier de leur connaissance des besoins de la population.
J’en viens aux problèmes des à-coups budgétaires particulièrement dommageables dans la gendarmerie. C’est notamment le cas pour la réserve opérationnelle, évoquée par le rapporteur pour avis Philippe Paul. Les crédits de la réserve constituent trop souvent une variable d’ajustement. Chaque année, la mise en réserve de 4 % des crédits hors titre 2 et le surgel ministériel de 1 % perturbent gravement l’exécution budgétaire, puisque près des deux tiers des dépenses de la gendarmerie sont obligatoires.
M. le ministre, qui n’est pas présent ce soir, devait rencontrer le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) et s’était engagé à solliciter sur la question le ministre délégué chargé des comptes publics. Savez-vous, madame la ministre, s’il a pu obtenir une réponse favorable ?
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, en remplacement de M. Henri Leroy, rapporteur pour avis.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser Henri Leroy, que je tenterai de remplacer au mieux pour présenter ses conclusions.
Une fois n’est pas coutume, la semaine dernière, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » inscrits au projet de loi de finances pour 2021.
Nous devons reconnaître que ce projet de loi rompt avec les orientations budgétaires des dernières années, qui ont consisté à mettre l’accent sur le renforcement des effectifs, au détriment de l’amélioration des conditions de travail de nos forces de sécurité. Pour la première fois, en effet, le budget apporte une réponse à la hauteur des revendications et des besoins de nos policiers et gendarmes.
Cette évolution positive n’est pas liée à la mission « Sécurités » en elle-même, laquelle est, une nouvelle fois, assez décevante. Hors programme « Sécurité civile », les crédits de paiement de la mission connaissent en effet une hausse de seulement 1, 2 % par rapport à 2020, bien plus faible que les années précédentes.
Nous avons cependant pris acte de l’abondement important dont les forces de sécurité devraient bénéficier au titre du plan de relance, même si nous regrettons le manque de lisibilité sur le contenu exact de ce plan. Selon les informations dont nous disposons, ces moyens supplémentaires permettront de faire progresser les dépenses de fonctionnement et d’investissement de plus de 11 % dans la police et de 12 % dans la gendarmerie par rapport à l’exercice 2020. Il s’agit d’évolutions sans précédent depuis plusieurs années.
Ces augmentations permettront, nous l’espérons, de combler les retards pris dans l’équipement des forces de sécurité intérieure. Philippe Dominati en a donné le détail. Il s’agira notamment de réaliser un effort important sur les renouvellements de véhicules, sur les équipements individuels et sur la rénovation du parc immobilier.
Comme la commission des finances, la commission des lois s’est félicitée de ces évolutions. Elle a toutefois souhaité mettre en avant deux points qui doivent appeler l’attention.
Le premier point porte sur l’impact du plan de recrutements engagé par le Gouvernement. Nous ne remettons pas en cause le besoin d’effectifs complémentaires, mais nous contestons la méthode. Nous le savons, les recrutements massifs des dernières années ont engorgé les systèmes de formation et se sont traduits par un épuisement des viviers de recrutement, avec des conséquences dommageables sur le niveau de nos jeunes forces de l’ordre. Madame la ministre, d’autres voies doivent être approfondies pour alléger la tâche des forces de l’ordre : nous pensons non seulement à l’approfondissement des réformes structurelles, mais également à une mobilisation plus importante des réserves.
Le second point concerne l’avenir. Le projet de loi de finances pour 2021 constitue, à notre sens, un bon budget pour les forces de sécurité. C’est pourquoi nous avons décidé d’y donner un avis favorable. Cependant, nous devons rester attentifs à ce que cet effort s’inscrive dans la durée. Nos forces de sécurité ont en effet besoin de perspectives pour remettre à niveau leurs équipements et se moderniser. Il s’agit non seulement d’une reconnaissance de leur engagement, mais également d’une condition pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la rapporteure pour avis, je vous invite à poursuivre, en votre nom.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des lois rejoint la position de la commission des finances et constate que les crédits qui bénéficieront aux moyens nationaux de la sécurité civile augmentent. C’est la raison pour laquelle elle a émis un avis favorable à leur adoption.
Au-delà de cet avis favorable, je formulerai trois remarques sur les crédits du programme 161, « Sécurité civile ». En tant que sénatrice récemment élue, je me confronte pour la première fois à l’exercice budgétaire. Force est de constater que ce premier contact est étourdissant !
Sourires.
Devant un programme explicitement intitulé « Sécurité civile », nous pourrions naïvement penser qu’il regroupe l’ensemble des crédits destinés aux moyens nationaux de la sécurité civile. Cela est faux, puisque ce programme en représente à peine 40 % ! En effet, il doit être lu à la lueur des huit autres programmes qui alimentent la politique transversale « Sécurité civile », à la lueur de la mission « Plan de relance », ainsi qu’à la lueur des crédits en lien avec la sécurité civile essaimés à l’occasion des différentes lois de finances rectificatives. Madame la ministre, voilà beaucoup de lueurs pour très peu de clarté ! Le résultat cumulé est difficilement lisible et presque incompréhensible.
Par ailleurs et c’est ma deuxième remarque, le budget que l’État consacre à la sécurité civile doit être rapproché du budget global des SDIS, qui s’élevait, en 2019, à plus de 5 milliards d’euros, presque exclusivement à la charge des collectivités, au premier rang desquelles se trouvent nos départements.
La qualité de la politique nationale de sécurité civile est donc largement tributaire des moyens dont disposent nos SDIS et in fine de ceux des collectivités territoriales, les départements en tête. Il se trouve que la santé financière de ces derniers va nécessairement pâtir de l’actuelle crise sanitaire.
Face à ces difficultés à venir, il est primordial de rationaliser les dépenses de nos SDIS. À ce titre, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) indique qu’elle réfléchit à un pacte capacitaire, qui permettrait de mutualiser certaines dépenses entre SDIS. Je salue cette initiative, mais constate que de nombreux efforts de mutualisation ont déjà été mis en œuvre entre nos SDIS. Je crains donc que les économies restant à réaliser soient décevantes.
En revanche, j’appelle la DGSCGC à une très grande vigilance dans l’élaboration des référentiels techniques qu’elle pourrait être amenée à mettre en œuvre dans les mois à venir. Je souhaite que les changements de normes induisant le remplacement du matériel des SDIS soient réduits au strict nécessaire, afin d’éviter les surcoûts de nouvelles acquisitions.
Enfin, ma troisième remarque porte sur la philosophie avec laquelle il faut analyser le coût de la sécurité civile. Devant la raréfaction à venir des deniers publics tant pour l’État que pour les collectivités territoriales, du fait de la crise sanitaire, la tentation de réduire les moyens alloués à la sécurité civile pourrait se manifester. Il est donc primordial de rapprocher enfin le coût de la sécurité civile des économies qu’elle permet de réaliser, à tout niveau, afin de considérer ce coût pour ce qu’il est : un investissement et non une perte sèche.
Une prise de conscience de ce gain réel est nécessaire, pour que tous les acteurs de la sécurité civile bénéficient de moyens adéquats afin d’assurer leurs missions d’intérêt général.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.
La France a-t-elle un problème avec la police ? Le sujet des violences policières fait trop souvent l’actualité et la polémique a encore été alimentée ces derniers jours. Nous avons vu des images, qui, comme l’affirme le Président de la République, « nous font honte ». L’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, qui sera bientôt soumise à l’examen de notre assemblée, cristallise une colère qui semble sur le point de se déchaîner. Ceux qui y voient un blanc-seing délivré aux forces de l’ordre profitent des récentes violences policières pour jeter l’opprobre sur l’ensemble de la profession, en accusant le Gouvernement de la soutenir, voire de la couvrir. Disons-le tout net : oui, il y a parmi les forces de l’ordre des fonctionnaires qui commettent des actes répréhensibles, sur lesquels la justice doit se prononcer.
Cependant, il me semble que nous portons tous une partie de la responsabilité de ces images de la honte. Le métier des forces de l’ordre est dangereux. De nombreux agents sont blessés et tués chaque année. En première ligne dans le combat contre le terrorisme, ils continuent d’assumer leurs missions de maintien de l’ordre public et de lutte contre le crime. Ils s’usent à arrêter des délinquants aussi vite relâchés, qui ne se gênent pas pour les narguer. L’immense majorité d’entre eux accomplissent leurs fonctions avec l’exemplarité à laquelle ils sont astreints, risquant leur vie, parfois celle de leur famille.
Reste que leurs conditions de travail sont telles qu’environ 40 policiers et 30 gendarmes se suicident chaque année. Il n’est pas ici question de chercher des excuses à des comportements qui ne sauraient le justifier ; il s’agit de prendre conscience que les conditions de travail de nos forces de l’ordre ne contribuent pas suffisamment à garantir leur sécurité et celle de nos concitoyens. Nous devons remédier à cela si nous voulons aller vers une société plus apaisée.
À cet égard, nous soutenons la poursuite du plan de recrutement. Le maintien de la paix durant les manifestations du mouvement des gilets jaunes a montré les limites d’un effectif insuffisant. La quantité d’heures supplémentaires non payées illustre aussi la nécessité d’un recrutement massif : malgré les mesures prises, il en restait près de 22 millions au mois de juin dernier. Ce chiffre est colossal ; il dit beaucoup de la réalité du terrain et des limites du modèle actuel. La création de près de 1 500 postes pour l’année 2021 est donc la bienvenue. Il faudra veiller à ce que cette augmentation des effectifs serve à soulager les unités les plus exposées.
Pas assez nombreux, nos gendarmes et nos policiers ne sont pas non plus assez équipés. Ce projet de loi de finances prévoit un effort significatif, tant pour renouveler le matériel des fonctionnaires que pour réhabiliter le parc immobilier. Une attention particulière a été portée aux flottes de véhicules de la police et de la gendarmerie. Le vieillissement est un problème qu’il faut rapidement résoudre et nous saluons le fait que le Gouvernement s’y attelle via ce projet de loi de finances.
Concernant l’équipement, nous voulons encourager le Gouvernement à investir davantage dans un matériel essentiel que notre groupe Les Indépendants soutient depuis longtemps, à savoir les caméras mobiles. Voilà plus de deux ans que la loi de Jean-Pierre Decool relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique a été votée et promulguée. Elle concerne les pompiers, les agents pénitentiaires, mais aussi les policiers.
Nous regrettons que ces deux années n’aient pas été mieux employées pour avancer sur cette question. En effet, plusieurs études, dont certaines ont été conduites aux États-Unis, indiquent que le port de ces caméras par les policiers fait chuter significativement le nombre d’incidents liés à l’usage de la force, ainsi que le nombre de plaintes contre les policiers. Nous sommes convaincus que leur utilisation peut grandement contribuer à renforcer la sécurité des fonctionnaires et la confiance de nos concitoyens.
Par ailleurs, le parc immobilier se trouve dans une situation préoccupante. La réponse apportée d’année en année au besoin de rénovation n’est pas suffisante. Le plan de relance remédiera y pour 2021, mais n’apporte pas de solution durable.
Les moyens de la mission « Sécurités » progressent cette année encore. Le contexte sécuritaire et social rend ce renforcement d’autant plus nécessaire. Pour qu’elles puissent remplir leurs missions dans des conditions optimales, pour la sécurité de tous, nos forces de l’ordre ont besoin d’encore plus de moyens. Le budget 2021 participe à cette montée en puissance, mais nous souhaiterions qu’elle soit davantage pérennisée. L’État devra trouver les financements pour ce faire, car, si la qualité a un prix, le manque de moyens finit aussi par se payer tôt ou tard.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Sécurités », qui nous est aujourd’hui présentée, n’est pas exempte de défauts.
Ce budget est en hausse de 1, 05 %. C’est une bonne nouvelle, d’autant plus que les efforts de dépenses se concentrent sur les programmes concernant la police et la gendarmerie nationales, qui verront leurs effectifs augmenter respectivement de 1 145 et 317 postes.
Nous accueillons également avec satisfaction les décisions gouvernementales permettant la revalorisation de 150 euros accordée aux 22 000 policiers travaillant de nuit, ou les 26, 5 millions d’euros destinés au paiement de leurs heures supplémentaires. Les dépenses croissantes en matière d’équipements sont également positives, notamment dans le cadre du renouvellement des parcs automobiles des policiers et gendarmes.
Enfin, nous notons avec intérêt l’achat de 21 000 caméras-piétons, qui peuvent être des outils favorisant l’exemplarité de nos forces de l’ordre dans l’exercice de leurs prérogatives, à condition, bien sûr, qu’elles fonctionnent.
Tous les éléments visant à améliorer les conditions de travail, sociales et salariales de nos fonctionnaires de la sécurité intérieure doivent être salués. Cela n’est que justice, tant la profession est mise sous pression.
Pourtant, il est à craindre que ces gages ne soient pas de nature à dissiper totalement le malaise qu’expriment régulièrement les gardiens de la paix. Depuis 2003 et la suppression de la police de proximité, les gouvernements successifs ont multiplié les décisions hasardeuses. Celles-ci ont fortement affecté les effectifs de la police nationale, notamment au cours du mandat de Nicolas Sarkozy, mais ont aussi eu pour effet délétère d’abîmer le lien entre la population française et les forces de l’ordre, régulièrement accusées de comportements violents, discriminatoires et arbitraires.
La confiance doit donc être retrouvée entre la Nation française et sa police républicaine. Pour ce faire, une meilleure formation doit être offerte à nos policiers et gendarmes. Des fonctionnaires mieux formés sont des fonctionnaires qui optent pour des méthodes de maintien de l’ordre plus adaptées, qui reçoivent les plaintes de manière adéquate et qui nouent du lien social avec leurs concitoyens. Somme toute, un policier mieux formé est un policier qui protège mieux.
Il est donc vital qu’à l’avenir la hausse des crédits destinés à la formation des forces de l’ordre soit le corollaire de l’ouverture de nouveaux postes dans la police et la gendarmerie. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a lui-même proposé une formation continue pour ces personnels.
Je termine en mentionnant la situation du programme 161, « Sécurité civile ». Certains se satisferont peut-être de la maigre augmentation des crédits alloués, à hauteur de 0, 45 %. Il n’en reste pas moins que ce programme ne représente que 7 % des dépenses réalisées en matière de sécurité civile, et que 90 % du financement de celle-ci pèse sur le budget des collectivités territoriales. Face aux changements climatiques et aux risques sanitaires et naturels que ces derniers sont susceptibles d’entraîner, il est vital que le concours de l’État se fasse plus important, afin de soutenir les localités face à ces périls du XXIe siècle.
L’ouverture de nouveaux postes dans la police et la gendarmerie, les renforcements des moyens des renseignements, ainsi que les investissements dans les équipements du ministère de l’intérieur sont de bonnes nouvelles, mais nous nous devons d’attirer l’attention de l’exécutif sur les carences et sous-dotations de ce budget, notamment en matière de formation et de sécurité civile.
Pour ces raisons, les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires s’abstiendront de voter les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je profite de cette intervention pour rendre hommage à nos forces de l’ordre, qui vivent une année extrêmement éprouvante, avec une mobilisation sans faille sur tous les fronts.
Sans sécurité, aucune liberté n’est pleinement effective. Aujourd’hui, il y a autant d’insécurités qu’il y a de situations pour les Français : ruralité, urbanité, dans le foyer ou en dehors, de la violence conjugale aux violences urbaines. Il y a aussi le crime organisé et la cybercriminalité. Face à ces insécurités, il y a besoin d’autant de sécurités ; c’est bien pourquoi le titre de la mission que nous étudions aujourd’hui est au pluriel. Aucun aspect n’a été oublié dans les programmes de ce budget pour 2021.
Madame la ministre, vous voulez faire évoluer la répartition des tâches entre police et gendarmerie pour aller vers une organisation plus efficace. Vous avez, dans le même temps, insisté sur la nécessité de maintenir ces deux forces complémentaires, tout en ouvrant ce chantier, qui n’avait pas été touché depuis des dizaines d’années.
Or les agglomérations se sont étendues géographiquement. Pour répondre aux nouveaux défis, l’idée est d’apporter des synergies dans les domaines qui exigent une action conjointe. Je pense notamment au maintien de l’ordre, mais aussi aux domaines de forte compétence, comme la police technique et scientifique ou le cyber.
Indépendamment de la façon dont nous envisageons les rapports entre les forces de sécurité intérieure et les citoyens, il est essentiel que celles-ci soient bien recrutées, bien formées et bien équipées. Pour ce faire, un budget important est nécessaire. Pour l’année 2021, les crédits demandés pour la mission atteignent un montant de 21, 23 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 20, 7 milliards d’euros en crédits de paiement. Cela représente une hausse d’environ 1, 05 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.
Lors de l’examen à l’Assemblée nationale, les crédits de la mission ont été majorés de 33, 3 millions d’euros pour les dépenses de personnels, la hausse étant répartie sur les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». De nombreux recrutements sont prévus : environ 1 500 créations de postes pour les forces de sécurité intérieure, soit 317 pour la gendarmerie et 1 145 pour la police. Il est également prévu un effort spécifique pour les services de renseignement et de lutte contre le terrorisme, avec 330 créations d’emplois supplémentaires. Ce budget pour 2021 poursuit ainsi pleinement la mise en œuvre du plan de recrutement ambitieux de 10 000 policiers et gendarmes sur le quinquennat.
Si ces dépenses de personnes peuvent être difficilement pilotables, le plan de relance vient, dans le même temps, renforcer l’effort pour « s’occuper du quotidien du policier et du gendarme » et assurer le plein maintien de leurs capacités opérationnelles. Si l’on inclut ce plan, l’augmentation des crédits de la mission s’élève à 621 millions d’euros en crédits de fonctionnement et à 455 millions d’euros en crédits d’investissement. Cela porte l’augmentation du budget de la mission « Sécurités » à 1, 7 milliard d’euros depuis le début du quinquennat.
Je salue la création d’une indemnité de travail de nuit pour la police nationale, le renouvellement du parc automobile de la police et de la gendarmerie, à hauteur de 213 millions d’euros, ainsi que la dotation complémentaire pour la généralisation de l’utilisation des caméras-piétons au mois de juillet 2021.
Le budget est axé autour de trois priorités stratégiques, qui correspondent à trois grandes luttes nationales : contre les stupéfiants, contre les séparatismes et contre les violences conjugales.
La police et la gendarmerie sont traitées équitablement. Le programme 176, « Police nationale » prévoit 11, 14 milliards d’euros et le programme 152, « Gendarmerie nationale », 9 milliards d’euros. L’objectif est d’évaluer la prévention et l’activité répressive des forces de sécurité et de renforcer l’activité des services pour mieux combattre la délinquance. Il faut aussi optimiser l’emploi des forces mobiles, renforcer l’efficacité dans la lutte contre l’insécurité routière, ainsi que la transparence du service public de sécurité intérieure.
Un danger majeur concerne l’ensemble de nos concitoyens : la menace terroriste. Nous avons été plusieurs fois durement frappés récemment, jusqu’aux portes de nos écoles, jusqu’aux parvis des lieux de culte. Cette menace, qui est une priorité absolue, est bien prise en compte dans chacun des crédits de la mission.
Il ne faut pas non plus négliger certains dangers du quotidien. Je pense à ceux qui surgissent au détour d’un simple trajet en voiture. Le programme 207, « Sécurité et éducation routières » vise à mobiliser l’ensemble de la sécurité routière pour réduire le nombre d’accidents sur les routes et améliorer le service du permis de conduire ; il est appuyé par 41, 2 millions d’euros.
Enfin, il faut prendre en compte la prévention et la prédiction d’autres dangers, en appui sur les moyens des services départementaux d’incendie et de secours. Pour permettre à nos forces de répondre efficacement à ces dangers, le programme 161, « Sécurité civile » augmente de 2, 3 millions d’euros, pour atteindre plus de 520 millions d’euros. Madame la ministre, pourrez-vous préciser les dépenses pour la sécurité civile aujourd’hui inscrites dans plusieurs programmes qui n’entrent pas dans cette mission ?
Pour finir, je salue le Livre blanc de la sécurité intérieure, dans lequel se retrouve l’ambition de ce budget pour 2021. Certaines de ses mesures, en matière notamment de sécurité privée et de police municipale, sont déclinées dans la proposition de loi relative à la sécurité globale. La Haute Assemblée en sera prochainement saisie : elle saura exercer pleinement ses prérogatives pour travailler ces dispositions dans un esprit d’équilibre entre sécurités et libertés.
Suivant les avis de l’ensemble des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, le groupe RDPI votera les crédits de la mission, les articles rattachés, ainsi que les crédits du compte d’affectation spéciale.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun s’accordera à dire que les questions liées à la sécurité trouvent dans notre pays un écho de plus en plus important, trop souvent pour de mauvaises raisons.
De trop nombreuses lois, décisions gouvernementales ou juridictionnelles intéressant le maintien de l’ordre public sous toutes ses formes amènent leur lot de polémiques, là où nous devrions rechercher le consensus républicain quant aux finalités et le débat démocratique dans les modalités. C’est le rôle d’ailleurs dévolu au Parlement, me semble-t-il, en tant que représentant de la Nation : discuter la loi en toute transparence et améliorer sa rédaction grâce à la navette parlementaire.
La discussion budgétaire en fait pleinement partie, puisqu’il est coutume de dire que, derrière les chiffres, c’est une politique qui est menée. Aussi, à notre sens et c’est notre préoccupation, ce budget devrait traiter du lien de confiance entre les forces de l’ordre et les citoyens, socle fondamental de la légitimité de l’État et, plus largement, de notre démocratie. Cela suppose de mettre en place les conditions du soutien que doivent l’État et la société aux forces de l’ordre.
Depuis des mois, l’actualité, parfois déformée par le prisme des réseaux sociaux, nous rappelle combien ces liens sont fragiles, tant ils subissent des événements toujours tragiques. D’un côté, la terrifiante attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne, mais aussi les agressions devenues régulières de fonctionnaires de police durant les interpellations, comme la semaine dernière en Seine-et-Marne ; de l’autre, l’indignation suscitée par les images de l’évacuation de la place de la République, voilà quinze jours, ou encore par celles du véritable passage à tabac de Michel Zecler, la semaine dernière.
Que révèle cette triste litanie ? Qu’entre violence policière et violence contre les policiers, il y a un va-et-vient quasi schizophrénique, l’expression d’un symptôme préoccupant pour la santé de notre État de droit, voire de la confiance de nos concitoyens envers l’État, à l’heure où le complotisme a pignon sur rue et n’a rien à envier aux superstitions d’antan.
L’heure n’est pas à prendre parti pour un camp ou un autre : il faut trouver la voie de l’apaisement, dans le respect de la loi et de l’ordre public. Notre Nation ne doit pas s’enliser dans ce chemin insupportable qui fait que, chaque semaine, de nouveaux événements alimentent les chaînes d’information, boulimiques de polémiques, et font le lit des populismes qui n’attendent que de prospérer sur cette crise de confiance.
Certes, nous pourrons bien nous rassurer en nous disant que les gendarmes ou les pompiers conservent une bonne image dans la population, mais rien n’est acquis. Nous le constatons tous les jours. Notre réponse doit donc être pensée et structurée pour le long terme.
Face à cela, le budget que nous examinons apporte des premiers éléments de réponse. En particulier, il poursuit en 2021 la mise en œuvre du plan de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes sur le quinquennat, conformément à la loi de programmation, en prévoyant la création nette de 1 145 emplois dans la police nationale et de 335 emplois dans la gendarmerie nationale. Ces emplois supplémentaires devraient principalement venir renforcer les effectifs de sécurité publique. Nous nous réjouissons de cette évolution.
Néanmoins, cette évolution ne dit pas tout. Les enjeux liés aux missions de sécurité ne tiennent pas qu’à une question d’effectifs. Une fois le nouveau personnel recruté, encore faut-il qu’il puisse effectuer ses tâches dans des conditions à la hauteur de leur importance.
Garantir l’ordre public est d’abord une question de moyens. Les gendarmes et les policiers nous alertent constamment là-dessus : ils doivent disposer des matériels qui leur permettront d’assurer leur mission efficacement.
La formation de nos forces de l’ordre est devenue un enjeu essentiel, en particulier au regard de l’évolution de notre doctrine du maintien de l’ordre et des techniques d’interpellation, sujet sur lequel Catherine Di Folco et moi-même travaillons.
Le budget de la mission « Sécurités » apporte encore des réponses en prévoyant de financer la modernisation des équipements, d’élargir le parc automobile ou encore d’engager des travaux de rénovation immobilière. Là aussi, c’est un motif de satisfaction.
Enfin, s’agissant des questions liées à la sécurité civile, nous soulignerons la légère hausse d’effectifs qui est prévue. Cependant, les crédits de cette mission sont stables. Or cette stagnation peut se révéler inquiétante, lorsque l’on sait qu’une grande partie de la sécurité civile est assumée par les collectivités territoriales, tandis que le réchauffement climatique démultiplie les risques de catastrophes naturelles ou d’incendies de forêt. Comment parvenir à maintenir les moyens des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) dans ces conditions ? Je m’associe à cette préoccupation, qui est assez largement partagée.
Sous réserve de ces observations, mes collègues du groupe RDSE et moi-même voterons en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Sécurités ».
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette mission a ceci d’étonnant que l’augmentation importante de ses crédits est principalement liée au plan de relance, avec, pour base, des annonces gouvernementales aux données budgétaires non consolidées. Voilà qui, comme l’a relevé le rapporteur spécial, nuit non seulement à la lisibilité, mais aussi et surtout à la sincérité de l’information communiquée au Parlement.
Ainsi, hors plan de relance, les crédits de paiement de cette mission passent de 19, 9 milliards d’euros à 20, 21 milliards d’euros, marquant une stagnation certaine sans l’abondement important des crédits de relance, à savoir 118 millions d’euros pour la police nationale et 161 millions d’euros pour la gendarmerie.
Cette augmentation « exceptionnelle » satisfait les syndicats. Nous pouvons le comprendre et nous en féliciter, dans le sens où elle apporte des réponses à des questions récurrentes. Il en est ainsi de la revalorisation de 150 euros accordée aux 22 000 nuiteux, de la relance des discussions sur la gratuité des transports pour les policiers ou de la revalorisation des heures supplémentaires. Surtout, cela représente une occasion unique pour le ministère de l’intérieur de donner un coup d’arrêt à la dégradation des conditions de travail et de procéder à la remise à niveau des équipements.
Reste que l’effort est ponctuel et imputable à la crise sanitaire en cours. Or la situation matérielle dégradée de nos forces de l’ordre nécessite une réponse durable et une revalorisation pérenne des crédits de fonctionnement et d’investissement.
Nos convergences avec la majorité sénatoriale sur cette mission s’arrêtent là…
Sourires sur les travées du groupe SER.
En matière de sécurité publique, nos principales critiques ont toujours principalement porté sur la politique menée, donc budgétisée, qui pose de nombreuses difficultés. Je pense à la très mauvaise gestion du maintien de l’ordre, qui est notamment porteuse de tensions et de violences policières. Je pense encore au niveau de formation de nos agents, qui est bien insuffisant. Je pense surtout au manque de proximité avec la population, à l’origine de deux maux pour nos forces de l’ordre : d’une part, le relâchement du lien, qui a entraîné la rupture de confiance entre police et population, d’autre part, pour les forces de l’ordre, la perte de sens de leur mission de service public, expliquant en partie le mal-être de nombre d’entre eux qui vont parfois jusqu’à commettre l’irréparable.
Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de stigmatiser nos forces de l’ordre, qui sont confrontées au quotidien à la misère sociale et dont le travail anxiogène donne trop souvent lieu au pire. Selon nous, toutefois, mal-être policier et violences policières, deux tabous de notre société, doivent être abordés avec la même rigueur et sans détour. L’actualité brûlante dans laquelle s’inscrit cette discussion nous y invite plus que jamais.
Si l’attention médiatique s’est focalisée sur l’article 24 de la loi relative à la sécurité globale, il n’en demeure pas moins que nous pointons un autre problème d’envergure : le glissement dangereux de notre sécurité publique vers une privatisation. Il s’agit d’un enjeu phare qui n’aura pas échappé à la lecture de la commission des lois, puisque le rapporteur pour avis souhaite, pour alléger les tâches de procédure pénale, pour renforcer la présence policière dans l’espace public et diminuer leurs missions « périphériques », « la montée en puissance des autres acteurs de la sécurité », comme le suggère précisément ce texte à l’origine de la crise politique en cours et comme le ministre de l’intérieur l’appelle de ses vœux dans le Livre blanc de la sécurité intérieure récemment publié.
Pour notre part, nous persistons à dire que la sécurité publique est du ressort du pouvoir régalien et que les fonctionnaires de police et de gendarmerie sont des acteurs du service public. Glisser vers une privatisation n’améliorera en rien les conditions de travail de nos forces de l’ordre. Vouloir se couper de la police républicaine au profit d’un service de sécurité mercantile et servile, bien éloigné des fonctions régaliennes de l’État, est une grave erreur.
En réalité, cette question de la présence dans l’espace public de nos forces de l’ordre est non pas une question budgétaire, mais une question de doctrine d’emploi des forces de l’ordre. C’est une question éminemment politique !
Le chemin est encore long pour que convergent notre conception de la police républicaine et l’idée que vous vous en faites. C’est pourquoi nous voterons contre ces crédits, qui, d’ailleurs, mais je n’ai pas le temps d’aborder le sujet, sont également loin d’être à la hauteur en matière de sécurité civile.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la ministre, à l’occasion du débat sur les crédits de la mission « Sécurités », permettez-moi, tant en mon nom personnel qu’au nom de mon groupe, de marquer mon soutien aux forces de police et de gendarmerie et à l’ensemble des services de la sécurité civile, notamment les sapeurs-pompiers, qui ne sont pas épargnés, ainsi qu’à nos militaires, qui assurent au quotidien la sécurité des Français.
Jamais le climat social n’a été aussi tendu et jamais la demande d’ordre n’a été aussi multiple. De la sécurité des maires et des élus, en passant par celle des transports, la lutte contre les trafics et celle contre le terrorisme, la cybercriminalité, les débordements et violences des rues, les violences faites aux femmes, la demande de sécurité est polymorphe et urgente. Elle est aussi impérative, pour que notre pays ne glisse pas dans les bras extrêmes, qui encaissent cash les bénéfices des désordres que nous voyons trop souvent sur les chaînes d’information continue.
Le dialogue a disparu de nos sociétés et fait place aux invectives relayées par les médias et les réseaux sociaux. La violence est un signe de mauvaise santé de notre société. Face à ce constat que chacun peut faire, il nous appartient de tenter d’apporter des solutions, mais l’ajustement du curseur n’est pas toujours facile.
L’an dernier, notre débat se déroulait en pleine crise des gilets jaunes. La semaine dernière, des violences inadmissibles ont été commises contre des policiers, mais aussi contre des manifestants.
On le voit bien, le climat de confiance entre les forces de sécurité et les citoyens se détériore. Pour préserver cette indispensable confiance, il faut que notre police républicaine soit irréprochable, madame la ministre. Je ne doute pas qu’elle le soit dans son immense majorité, mais une petite minorité vient salir le travail et l’engagement de dizaines de milliers de fonctionnaires. L’inspection générale de la police nationale (IGPN) se trouve dès lors au cœur des débats.
L’IGPN a connu des évolutions et des améliorations, notamment avec la plateforme interne « signal-discri ». Si la fonction de renseignement de l’IGPN ne semble pas devoir être critiquée, tel n’est pas le cas de sa mission de contrôle.
Pendant l’année 2019, selon son dernier rapport, 1 460 enquêtes judiciaires ont été menées. Cette hausse est notamment due à la multiplication des mouvements sociaux.
Face aux critiques, madame la ministre, comment envisagez-vous de mener la réforme de l’IGPN qui a été annoncée ? À mon sens, cette réforme ne peut être définie qu’avec la participation du Parlement, tant dans son principe que dans son périmètre. Nous devons être complètement associés à une telle réforme de l’IGPN, dans ces deux composantes.
Il convient de revoir la composition de cette structure afin d’assurer l’indépendance des enquêtes. Actuellement, l’IGPN est composée de 285 agents ; 72 % d’entre eux sont des policiers, 18 % appartiennent au personnel administratif et 1 % au personnel technique ; enfin, 9 % d’entre eux – magistrats, adjoints de sécurité – relèvent d’autres catégories.
Dans d’autres pays européens, les organes de contrôle des services de police sont composés en partie de membres de la société civile ; il arrive même qu’ils soient indépendants du ministère de l’intérieur.
C’est le cas au Royaume-Uni, mais aussi en Belgique, où l’organisme chargé de contrôler l’action de la police, le Comité permanent de contrôle des services de police, ou « Comité P », est dirigé par un magistrat choisi par le Parlement. Ce magistrat est assisté d’un bureau de direction où figurent des représentants de la société civile. Il faut avouer que cette formule est assez séduisante si l’on veut redonner au Parlement son rôle dans cette mission de contrôle.
Au Danemark, l’Autorité indépendante des plaintes concernant la police, chargée de contrôler l’action de cette dernière, est placée sous la tutelle du ministère de la justice.
Dès lors, sans même être rendue indépendante du ministère de l’intérieur, l’IGPN pourrait comprendre un comité citoyen, ou d’autres membres de la société civile, ainsi que des magistrats et, pourquoi pas, des élus.
Non, ce ne serait pas uniquement un comité citoyen, mais des citoyens seraient présents. Comme je l’ai dit, le Parlement doit être complètement associé à la définition du principe de la réforme et de son périmètre. Je prends simplement des exemples et ne prétends nullement que l’IGPN devrait être remplacée par un comité Théodule dont les membres ne seraient pas élus. Je vous remercie d’ailleurs de votre observation, monsieur Cambon : elle me permet d’être plus précise.
Faut-il revoir les critères d’évaluation de la police ? Doit-on, par exemple, modifier le régime de la charge de la preuve ou accroître la transparence ?
Une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, présidée par M. Jean-Michel Fauvergue, a abouti à la publication d’un rapport de M. Christophe Naegelen sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu’il s’agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale. Avec les 332 pages du Livre blanc de la sécurité intérieure, nous tenons là un excellent outil pour répondre à toutes les questions qui sont posées.
Arrivée à ce stade de mon propos, madame la ministre, je veux vous transmettre plusieurs messages personnels.
Le premier de ces messages concerne les locaux d’hébergement des gendarmes de Deauville. Plus d’un tiers de ces logements sont extrêmement mal isolés et totalement inhabitables – M. Naegelen vient d’ailleurs d’y effectuer une mission de contrôle –, alors que les loyers versés par l’État s’élèvent à 400 000 euros, soit à peu près une demi-patte de yearling !
Sourires.
Je vous propose donc, madame la ministre, de lancer une mission d’inspection de certains locaux. En effet, dès lors que les loyers sont payés, il faut que les collectivités locales puissent assurer l’hébergement des forces de sécurité et de leurs familles dans des conditions satisfaisantes.
Le deuxième message concerne la gendarmerie de Tourouvre-au-Perche, commune de 3 127 habitants située dans l’Orne. Le maintien d’une brigade de gendarmerie active y est un enjeu essentiel, à la fois pour assurer la sécurité de ceux qui fréquentent ce secteur, pour stimuler son attractivité et pour accompagner son développement.
Le financement du projet pose problème : les subventions ne sont pas suffisantes pour permettre à la toute petite communauté de communes des Hauts du Perche, qui ne compte que 8 257 habitants, de mener à bien ce projet. En effet, ces subventions ne représentent que 16 % du montant nécessaire, estimé à près de 2, 2 millions d’euros. Madame la ministre, pensez-vous pouvoir utiliser des crédits du plan de relance pour aider ce type de gendarmeries ?
Avec mon dernier message, qui porte sur l’indemnité d’installation des militaires ultramarins, on passe de l’Orne au Pacifique ! Madame la ministre, vous défendez dans cette mission l’octroi de crédits importants pour le financement de nos forces de sécurité, policiers et gendarmes. Or, comme vous le savez, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie constituent des viviers de recrutement particulièrement dynamiques pour nos forces de maintien de l’ordre. Des jeunes sont prêts à vivre à 20 000 kilomètres de leur famille et de leurs amis pour défendre notre souveraineté et maintenir l’ordre public.
Pourtant, ces agents du Pacifique sont à l’heure actuelle exclus du bénéfice de cette prime spécifique d’installation, que touchent pourtant leurs collègues des autres territoires ultramarins affectés en métropole. Saisie de cette question par Gérard Poadja, Mme la ministre de la défense s’est engagée à traiter cette discrimination. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez également soutenir cette démarche.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe Union Centriste votera en faveur des crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les milices d’extrême gauche, relayées par certains parlementaires et éditorialistes, croient bon d’évoquer un « problème systémique » dans la police. S’il y a quelque chose de systémique, c’est bien la haine du flic chez ces gens-là et la violence des anarchistes dans nos rues !
Moi, je vous le dis tout net : je soutiens la police de toutes mes forces.
Je soutiens nos policiers, comme ces hommes de la brigade anticriminalité (BAC) que j’ai accompagnés pendant toute une nuit dans les quartiers nord et le centre de Marseille ; ils faisaient ce qu’ils pouvaient, malgré les consignes non écrites de « ne pas faire de vagues », malgré l’équipement usé, malgré les effectifs réduits, malgré les provocations.
Je veux rappeler ici aux Français que les forces de l’ordre sont prêtes à donner leur vie pour sauver la nôtre, comme les hommes qui ont abattu les terroristes de Nice et de Conflans-Sainte-Honorine, comme ceux qui sont entrés sous les balles dans le Bataclan, comme ceux qui sont morts sous les balles des frères Kouachi ou comme celui qui a neutralisé l’assassin de Laura et Mauranne à Marseille.
On voudrait nous faire croire que les Français ne soutiennent pas leur police ; rien n’est plus faux ! Connaissez-vous un seul Français qui ait déménagé parce qu’un commissariat ouvrait près de chez lui ?
Madame la ministre, je ne ferai pas porter le chapeau à votre seul gouvernement de l’état des équipements et du moral des policiers : ils sont le résultat de décennies d’inaction gouvernementale. Seulement, la situation empire !
Nos forces de sécurité sont sollicitées en permanence et elles n’en peuvent plus. Elles sont pourtant le dernier rempart avant le chaos.
Le rapport pour avis de la commission des lois sur ce sujet est éloquent : les policiers et les gendarmes sont de moins en moins présents sur le terrain, accaparés qu’ils sont par des tâches administratives toujours plus lourdes.
Du point de vue financier, 230 millions d’euros sont nécessaires pour payer les 24 millions d’heures supplémentaires effectuées. Vous affirmez vouloir faire un effort de 63 millions d’euros, soit quatre fois moins que nécessaire.
Ce que demande avant tout la police, c’est de pouvoir travailler dans de bonnes conditions et d’être respectée par ceux qui la dirigent.
Quand l’ancien ministre de l’intérieur a envisagé d’organiser une cérémonie, place Beauvau, où des policiers mettraient un genou à terre, c’était de l’humiliation !
Quand un Président de la République en fonction se met en scène au chevet d’une victime supposée qui accuse des policiers de violences, et ce avant toute enquête, c’est une humiliation !
Quand l’actuel ministre de la justice affirmait, il y a quelques mois, dans l’affaire Théo, que la police devait présenter des excuses, comment voulez-vous que celle-ci ait confiance en lui ?
La police ne croit plus en ses chefs. Elle ne croit plus en son ministre.
Elle ne croit plus en lui, dont l’offensive sécuritaire s’est dégonflée sous le poids de la rue conquise et saccagée par 10 000 manifestants d’extrême gauche !
Elle ne croit plus en lui, qui a demandé la révocation de policiers qui sont déjà derrière les barreaux sans même avoir été entendus, pendant que la racaille multirécidiviste sort libre des commissariats faute de place en prison !
Le ministre de l’intérieur a lâché ses hommes ; ils ne l’oublieront pas !
Mal payées, mal équipées, mal dirigées, mal considérées : voilà le quotidien de nos forces de l’ordre.
Quant à moi, je ne lâche pas ces gendarmes et ces policiers nationaux et municipaux, mais je leur dis : « Merci ! Comme moi, le pays réel vous soutient. Tenez bon ! Bientôt, nous allons remettre la France en ordre ! »
Mme Éliane Assassi s ’ esclaffe.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviens pas sur les excellentes présentations budgétaires qu’ont faites nos collègues rapporteurs. Tout a été dit.
Je souhaite pour ma part, madame la ministre, vous interpeller sur des sujets de sécurité civile que vous connaissez. Ces enjeux sont importants pour le quotidien des 41 000 sapeurs-pompiers professionnels et des 198 000 sapeurs-pompiers volontaires. Comme vous le savez, ces derniers représentent 79 % des sapeurs-pompiers de France. Dans mon département de l’Indre, comme dans de nombreux départements ruraux, ils réalisent la grande majorité des interventions. Sans ces femmes et ces hommes qui donnent de leur temps au péril de leur vie, beaucoup de nos campagnes n’auraient quasiment plus de secours.
Aujourd’hui – et c’est notamment la conséquence des déserts médicaux que nous dénonçons sur toutes ces travées –, les interventions sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus complexes et de plus en plus dangereuses, car les pompiers, comme les forces de l’ordre, font l’objet pendant leurs interventions de violences inadmissibles. Je saisis cette occasion pour les remercier et leur témoigner notre soutien.
Comme vous le savez, madame la ministre, les pompiers se substituent aux transporteurs sanitaires privés pour des interventions non urgentes. Les carences ambulancières démobilisent le volontariat et n’aident évidemment pas au recrutement, car les employeurs hésitent fort à laisser leurs agents ou employés s’absenter pour des opérations non prioritaires.
Un rapport conjoint de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale des affaires sociales a été rendu sur ce sujet au mois de juin dernier. À ce jour, il n’a connu aucune suite. Il formule dix recommandations pour améliorer les pratiques, trop disparates selon les territoires, pour rationaliser le recours aux services de secours et d’incendie, pour assouplir les contraintes opérationnelles et pour revoir le fameux mode de calcul du tarif de l’indemnisation. Aujourd’hui fixée à 124 euros, cette indemnisation est très inférieure au coût réel supporté par les SDIS, que l’on estime entre 450 euros et 500 euros.
Cette situation ne peut perdurer, madame la ministre : le reste à charge est trop élevé pour les collectivités locales. Pour un département comme le mien, l’Indre, il s’établit au-dessus de 250 000 euros. L’Assemblée des départements de France (ADF) a proposé que ce tarif d’indemnisation soit fixé à 251 euros. Il vous revient donc maintenant de prendre une décision, désormais urgente, en concertation avec le ministre de la santé.
La revalorisation de l’indemnité de feu allouée aux sapeurs-pompiers professionnels, dite prime de feu, est quant à elle unanimement considérée comme légitime. Reste qu’elle résulte d’une décision unilatérale du Gouvernement, alors que son impact budgétaire pour les départements, les communes et les intercommunalités qui financent les SDIS n’est pas négligeable : il s’élève à près de 300 000 euros dans l’Indre.
Les collectivités connaissent un contexte budgétaire très contraint, comme l’a rappelé Mme la rapporteure pour avis Françoise Dumont. Dès lors, c’est pour elles une charge difficilement supportable, alors qu’aucune ressource supplémentaire n’a été prévue ni aucune suppression de charge existante envisagée.
La récente décision du Parlement de supprimer la part employeur de la surcotisation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a permis de dégager 40 millions d’euros, soit la moitié du surcoût que représente la revalorisation de cette indemnité. C’est une avancée considérable, surtout compte tenu des perspectives budgétaires des départements, mais elle ne compense pas totalement cette augmentation.
En revanche, au-delà du parallélisme des formes, nous regrettons, madame la ministre, l’opposition du Gouvernement à la suppression de la part salariale de cette surcotisation.
Un autre sujet d’actualité est européen : la directive européenne relative au temps de travail et la question de son application aux sapeurs-pompiers volontaires. La Commission européenne vient d’apporter une réponse, mais celle-ci n’est pas rassurante. Si elle affirme ne remettre en cause ni le principe du volontariat ni le modèle français de sécurité civile, elle rappelle que c’est au cas par cas qu’elle se prononce, et non sur des organisations générales qui ne sont pas de sa compétence. Selon les critères retenus par l’Union européenne, c’est sur le caractère accessoire des revenus et de l’activité que l’attention doit être portée afin d’exonérer le volontariat du statut de travailleur. Seule une volonté politique forte permettra le maintien de notre modèle de sécurité civile.
Mme Nadine Bellurot. Je termine en vous faisant part d’une idée. Lorsque j’étais maire de Reuilly, j’ai conditionné l’aide apportée aux candidats au permis de conduire à une formation aux premiers secours. Peut-être y aurait-il là une piste à creuser pour donner le goût du volontariat à la population, à l’image des 29 000 jeunes sapeurs-pompiers, qui sont un bel exemple pour notre jeunesse.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il serait mesquin de nier les efforts engagés par le Gouvernement sur la mission « Sécurités », mais on peut regretter un défaut de transparence globale sur les crédits qui rend parfois difficile de bien comprendre la réalité des annonces faites.
Mon collègue Éric Jeansannetas avait dénoncé à cet égard un tour de passe-passe budgétaire. M. le rapporteur spécial a pour sa part indiqué que les crédits pour l’année 2021 étaient structurellement faibles et que la méthode était parfois un peu confuse. De fait, ces crédits peuvent se révéler moins ambitieux qu’annoncés.
J’ai déjà fait remarquer, en commission, qu’entre le plan de relance, le Livre blanc de la sécurité intérieure ou encore la loi de programmation des finances publiques, on ne sait plus ce qui relève des crédits sonnants et trébuchants et ce qui n’est qu’un effet d’annonce. Il est vrai que, sur le terrain, les policiers et les gendarmes sont globalement satisfaits des améliorations apportées à leurs conditions matérielles de travail, notamment en matière de véhicules, de gilets et d’armes. Cependant, des questions restent en suspens, comme le temps de travail ou l’utilisation des effectifs.
Le sujet de la sécurité est particulier et le contexte est des plus confus. Il est donc difficile d’aborder le débat sur cette mission sous le seul angle budgétaire. En traitant de ces crédits, nous aurons aussi à l’esprit les questions d’organisation de nos forces de sécurité, de commandement, d’encadrement, de déontologie et de doctrine d’emploi. Dès lors, madame la ministre, mes chers collègues, vous comprendrez que notre vote dépendra du sort qui sera fait à nos amendements. Mes collègues, notamment Marie-Pierre de la Gontrie, auront l’occasion de revenir sur ces divers sujets.
Je profite de cette discussion budgétaire pour aborder un point sensible du débat actuel sur les images. Madame la ministre, nous avons déposé un amendement qui vise à vous aider à acheter davantage de caméras-piétons de meilleure qualité. Je sais que le Gouvernement est mobilisé sur ce sujet et c’est heureux.
J’ai toutefois cru comprendre, lors des échanges que j’ai eus avec des policiers – M. Darmanin et vous-même avez d’ailleurs abordé ce sujet devant notre commission –, que la récupération des images enregistrées via les stations d’accueil posait problème. Pouvez-vous nous donner des indications sur les conséquences du choix d’une transmission dématérialisée, via un cloud que l’on espère souverain, des images enregistrées par les caméras-piétons ?
Par ailleurs, une question se pose quant à l’effectivité du droit des citoyens à avoir accès aux images qui sont enregistrées d’eux. Si je ne me trompe, pour les caméras fixes, l’accès est supposé être direct. Or on a vu, dans l’histoire du jeune homme agressé au bois de Boulogne, que ce droit pouvait se révéler virtuel. Qu’en sera-t-il des images enregistrées par les caméras-piétons, pour lesquelles, me semble-t-il, le droit d’accès est indirect, puisqu’il passe par le filtre des magistrats de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ? Je vous remercie par avance de vos éclairages sur ce sujet sensible.
On a beaucoup parlé de la nécessité d’améliorer la formation initiale et continue des forces de l’ordre pour contribuer à la nécessaire réconciliation de la police avec la population. Nous avons donc déposé des amendements dans ce sens. M. Darmanin a regretté que les amendements déposés par le groupe socialiste sur ce sujet à l’Assemblée nationale n’aient pas été adoptés : voilà donc de quoi vous sortir de cet inconfort, madame la ministre !
Enfin, beaucoup plaident pour que plus d’indépendance soit donnée à l’IGPN. Nous vous proposons de préparer dès aujourd’hui une telle réforme dans le budget.
J’en viens au programme 161, « Sécurité civile » que Hussein Bourgi suit pour notre groupe. Rappelons qu’il ne contient pas l’intégralité du budget de la sécurité civile, dont 90 % est financé par les collectivités locales. Cette année, un élément supplémentaire est venu s’ajouter : le financement de l’État en faveur de la sécurité civile devient de moins en moins lisible, sachant qu’il repose désormais sur dix programmes, pilotés par six ministères différents. Le programme 161 ne représentera plus en 2021 que 43 % de l’effort financier de l’État pour la sécurité civile, contre 50 % ces dernières années.
Notre attention doit aussi se porter sur la situation financière des associations agréées pendant une crise sanitaire qui met à mal leur trésorerie. Le soutien de l’État se révèle nécessaire, faute de quoi elles risquent de ne plus pouvoir poursuivre leurs actions, qui sont unanimement reconnues, aux côtés des sapeurs-pompiers. Acteurs essentiels de la sécurité civile, ces derniers ont, entre le mois de mars et le mois de mai 2020, effectué plus de 122 000 interventions de secours d’urgence afin de porter assistance à des personnes présentant des symptômes de la covid-19, le plus souvent pour les transporter vers un centre hospitalier.
La question des carences ambulancières est rapidement abordée quand on a l’occasion d’échanger avec un officier des SDIS. Ce sujet appelle, sur le terrain, une meilleure collaboration entre les SDIS et les services d’aide médicale urgente (SAMU).
En effet, les sapeurs-pompiers ne sont pas seulement les soldats du feu : ils jouent un rôle de plus en plus important en matière de santé, dans la prise en charge d’urgence et le secours aux personnes.
J’évoque enfin la reconnaissance professionnelle. Une bataille a été remportée au Sénat avec la suppression, dans le cadre des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, de la part salariale de la surcotisation perçue par la CNRACL, alors que l’Assemblée nationale avait décidé de ne supprimer que la part employeur. Une dizaine d’amendements avaient été déposés en ce sens, dont l’un de notre groupe. C’est finalement l’amendement d’Hervé Maurey qui a été adopté, ce qui constitue une bonne nouvelle dans le cadre budgétaire pour 2021.
J’insiste en conclusion sur la nécessité de la réconciliation entre policiers, gendarmes et pompiers, d’une part, et le reste des citoyens, d’autre part. Nous sommes tous ici persuadés que l’immense majorité des Français et des Françaises qui ont choisi ces métiers remplissent leur mission correctement. Dès lors que le Gouvernement a reconnu l’existence de problèmes systémiques, nous devons tous travailler à pacifier les relations entre la police de la République et les citoyens.
Il ne faudrait pas que ces problèmes systémiques et les égarements de quelques-uns nous fassent oublier la vertu du plus grand nombre. Les réformes, les clarifications et les modernisations doivent désormais venir vite, madame la ministre. C’est le sens de nos apports à cette construction budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la sécurité est devenue l’une des premières préoccupations des Français. Ces derniers mois ont vu le modèle républicain de sécurité durement mis à l’épreuve. Nouvelles attaques terroristes, persistance des radicalismes de tous bords, augmentation préoccupante des atteintes aux personnes, catastrophes naturelles telles que la tempête Alex : les défis à relever étaient innombrables.
L’examen du budget de la mission « Sécurités » nous permet d’abord d’évaluer l’adéquation des moyens prévus avec l’ampleur de ces défis. À cet égard, nous constatons un effort d’investissement important, grâce au plan de relance. Nous nous en félicitons.
Au-delà de cette réponse ponctuelle, décidée dans le cadre de la crise sanitaire, il est toutefois nécessaire d’anticiper les défis du jour d’après. Le nouveau Livre blanc de la sécurité intérieure permet précisément de se livrer à cet exercice. Il doit également constituer la matrice d’une future loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi). Nous connaissons en effet l’efficacité de ce modèle dans le cas des armées, avec les lois de programmation militaire. À cet égard, une nouvelle Lopsi serait insuffisante si elle ne comportait qu’un volet juridique : une véritable programmation des moyens est absolument indispensable.
Je souhaite d’ailleurs exprimer un regret au sujet du Livre blanc de la sécurité intérieure. S’il aborde les enjeux communs à la police et à la gendarmerie, il n’évoque que très peu le statut militaire des gendarmes. Or cette singularité des gendarmes est pourtant un aspect central du modèle de sécurité intérieure français, que le rattachement des gendarmes au ministère de l’intérieur en 2009 n’a pas remis en cause.
La réactivité de la gendarmerie nationale, sa polyvalence et sa capacité à répondre présent auprès des populations et des élus en toutes circonstances, le tout dans le respect des règles républicaines, découlent en grande partie de ce statut militaire. C’est bien lui qui garantit la résilience et la disponibilité de la gendarmerie nationale. Aussi, nous sommes très attachés à ce modèle. C’est pourquoi il ne faut en aucun cas le laisser se scléroser.
Cela suppose, en premier lieu, de reconnaître les sujétions imposées par l’état militaire et de prendre les mesures de ressources humaines et d’investissement qui en sont la contrepartie nécessaire.
Contrairement aux policiers, les gendarmes ne peuvent pas se syndiquer, même si nous avons approuvé, en 2015, la création des associations professionnelles nationales de militaires (APNM), qui ont ouvert des possibilités limitées de revendication. C’est donc le rôle de la représentation nationale que d’évaluer constamment le respect de l’équilibre entre les sujétions liées à la condition militaire et les mesures dont bénéficient les gendarmes.
Les mutualisations avec la police nationale, qui sont nécessaires et utiles dans le domaine des fonctions de support ou de la police technique et scientifique, ne doivent pas porter atteinte à la spécificité du statut des gendarmes ni aux domaines d’excellence de la gendarmerie. Nous nous étions ainsi émus, l’année dernière, des projets de centralisation ministérielle des fonctions liées au numérique. Par chance, nous avons été entendus et la gendarmerie a pu continuer à innover dans ce domaine.
Par ailleurs, la gendarmerie ne peut rester à l’écart des débats sur l’équilibre nécessaire entre sécurités et libertés. Ainsi, dans le domaine du maintien de l’ordre, la doctrine doit être modernisée en permanence. C’est aussi le cas pour l’utilisation des technologies numériques. Les drones, la généralisation des caméras-piétons ou encore la numérisation intégrale des procédures suscitent des interrogations et des réticences, comme l’a montré le débat autour de l’application GendNotes. Nous avons une totale confiance dans la capacité de la gendarmerie à relever ces défis. En effet, le statut militaire, loin d’être un handicap, constitue selon nous un atout dans cet exercice délicat de conciliation entre éthique républicaine et sécurité.
Comme la commission d’enquête du Sénat sur l’état des forces de sécurité intérieure l’a déjà établi il y a deux ans, la police nationale connaît actuellement une crise multifactorielle. Ne croyons pas que la gendarmerie soit à l’abri de telles vicissitudes ! Au contraire, l’histoire nous invite à la prudence. À nous et à vous, madame la ministre, de faire évoluer ce modèle et de l’améliorer constamment, afin qu’il continue à offrir un service de sécurité de proximité unanimement apprécié !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me faut évoquer en peu de temps la mission « Sécurités », qui regroupe la sécurité intérieure et la sécurité civile. Je m’efforcerai donc d’être synthétique.
Deux rapporteurs spéciaux de la commission des finances et quatre rapporteurs pour avis de la commission des lois et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se sont penchés sur cette mission particulièrement importante en masse financière. Philippe Dominati nous a donné les chiffres : 9 milliards d’euros sont consacrés à la gendarmerie nationale et 11, 13 milliards d’euros à la police nationale, sans oublier le plan de relance, qui libère des crédits pour les équipements, l’immobilier et les véhicules.
Cette mission est surtout importante du point de vue de la valeur humaine et des moyens humains : le budget de l’État rémunère 252 350 policiers et gendarmes qui assurent la sécurité des personnes et des biens, sans oublier nos nombreux sapeurs-pompiers ni les agents qui relèvent d’autres administrations, comme les douanes, ou encore les policiers municipaux, placés sous l’autorité des élus locaux. Il faut y associer les militaires, qui relèvent de la mission « Défense » : ils sont engagés dans nos opérations extérieures, mais aussi dans la lutte contre le terrorisme. En somme, toutes nos forces de sécurité sont de plus en plus sollicitées.
Je veux, comme les orateurs précédents, leur rendre hommage, car elles méritent beaucoup de respect et de reconnaissance. C’est pourquoi, chaque année, dans nos départements respectifs, sous l’autorité du ministre de l’intérieur, sont organisées des journées nationales de la gendarmerie, de la police et des sapeurs-pompiers, sans oublier nos militaires. Malheureusement, chacun de ces corps déplore chaque année cinq à dix décès.
Les forces de sécurité, disais-je, sont de plus en plus sollicitées. Il y a eu les gilets jaunes, des manifestations de plus en plus violentes, auxquelles sont confrontées toutes les forces de sécurité, les compagnies républicaines de sécurité (CRS) comme les gendarmes mobiles, mais aussi la crise sanitaire : beaucoup de personnes étaient en première ligne, mais les forces de sécurité se sont elles aussi largement impliquées en la matière ; les conséquences de la crise sanitaire pour elles sont importantes.
N’oublions pas non plus le rôle social majeur de nos forces de sécurité, madame la ministre. La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Mme Annick Billon, peut en témoigner. Nos forces de sécurité sont impliquées sur des sujets sociaux particulièrement importants, en liaison avec la justice.
Nous restons également très attachés aux sapeurs-pompiers. Comme notre collègue Nadine Bellurot l’a exprimé, nous les soutenons, car les collectivités locales fonctionnent au quotidien avec les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS.
Les sapeurs-pompiers sont en effet très sollicités pour assurer la sécurité des personnes et des biens, par exemple face aux catastrophes naturelles. Le recrutement de volontaires est de plus en plus difficile. Je veux à cet égard saluer l’engagement des jeunes sapeurs-pompiers (JSP) ; il est primordial d’entretenir un lien avec l’éducation nationale. Enfin, je tiens à souligner le rôle de proximité et de maillage territorial de nos brigades et de nos forces de sécurité.
M. Marc Laménie. Par conséquent, le groupe Les Républicains votera les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi d’être avec vous, aujourd’hui, pour présenter le budget du ministère de l’intérieur.
Avant toute chose, je vous prie d’excuser l’absence de M. Gérald Darmanin, retenu par d’autres obligations.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il vous revient d’examiner les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2021 au titre de trois missions budgétaires, relevant du ministère de l’intérieur, en commençant par la mission « Sécurités » et le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Comme le ministre de l’intérieur et moi-même l’avons fait, voilà quelques jours, devant la commission des lois, je veux tout d’abord me réjouir que, conformément à la volonté du Président de la République et du Premier ministre, le budget du ministère de l’intérieur connaisse une augmentation significative de ses crédits, de 1, 14 milliard d’euros.
Cette augmentation des crédits est rendue possible tant par l’augmentation du budget dit « ordinaire », à hauteur de 400 millions d’euros, que par un premier renfort du plan de relance, à hauteur de 740 millions d’euros, hors appels à projets. Cela porte donc l’augmentation totale des crédits du ministère de l’intérieur, depuis le début du quinquennat, à 2, 7 milliards d’euros, hors retraites.
Des moyens supplémentaires, certes, mais pour quoi faire ? Je vous rappelle les priorités que le ministre de l’intérieur et moi-même nous sommes fixées et auxquelles seront largement dédiés ces moyens nouveaux.
La première de ces priorités est d’imposer les valeurs de la République sur l’ensemble du territoire national. Au cours des dernières années, notre pays a de plus en plus souvent été l’objet d’attaques de la part de groupes organisés, notamment liés à l’islamisme radical. À cet égard, le projet de loi confortant les principes républicains sera déposé dans quelques jours.
Notre deuxième priorité est de mener une lutte intense contre les stupéfiants, qui sont à l’origine de nombreux faits de délinquance, de l’insécurité du quotidien jusqu’aux règlements de compte les plus violents, en passant par le narcobanditisme et le financement du terrorisme.
Notre troisième priorité, enfin, est de lutter contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles. Le Président de la République en a fait la grande cause du quinquennat. Nous devons agir sans relâche en continuant le travail d’accueil des victimes de ces violences et en apportant des réponses immédiates et fortes à ces faits. À cet égard, le ministère de l’intérieur est le premier contributeur, en moyens tant humains que financiers, à la protection des femmes face aux violences. C’est une priorité qu’ont rappelée certains orateurs, notamment Mme Duranton.
Ces priorités s’inscrivent naturellement dans la politique constante du chef de l’État et du Gouvernement, notamment dans la politique de lutte contre les actions terroristes.
Les crédits des quatre programmes de la mission « Sécurités » – « Police nationale », « Gendarmerie nationale », « Sécurité et éducation routières » et « Sécurité civile » – sont fortement mobilisés au service de ces priorités du ministère de l’intérieur.
Nous avons souhaité nous concentrer essentiellement, en 2021, sur l’amélioration du quotidien des agents du ministère de l’intérieur, singulièrement des forces de sécurité, afin de donner à nos agents les moyens d’agir et d’exercer leur métier dans des conditions dignes. Ainsi, cette année, les crédits de la mission « Sécurités » sont en forte augmentation : en prenant en considération le plan France Relance, la progression des crédits est de 645 millions d’euros par rapport à l’année dernière, ce qui porte l’augmentation du budget de la mission, depuis le début du quinquennat, à 1, 7 milliard d’euros.
La commission des finances a émis un avis favorable sur les crédits de cette mission, du fait de leur augmentation. Je tiens à l’en remercier sincèrement.
L’évolution des dépenses de personnel sera marquée, d’une part, par la tenue de l’engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires dans les forces de sécurité intérieure au cours du quinquennat et, d’autre part, par des mesures catégorielles très ciblées.
En premier lieu, en ce qui concerne les créations de postes, le plan 10 000 créations prévoit une augmentation de 2 000 emplois au sein de la mission « Sécurités », pour 2021 : 1 500 dans la police et 500 dans la gendarmerie.
En second lieu, en 2021, la masse salariale au sein de la mission « Sécurités » progresse de 190 millions d’euros, hors compte d’affectation spéciale « Pensions ». Il s’agit d’une progression maîtrisée, destinée à récompenser le mérite des agents et à nous permettre d’assurer plus efficacement nos missions. Plusieurs de ces efforts méritent d’être cités : le geste inédit pour les nuiteux, la réforme des voies d’avancement des gardiens de la paix, notamment au travers de la priorité donnée à l’investigation, la réforme du statut de la police technique et scientifique, la poursuite de la politique d’indemnisation et de revalorisation – à hauteur de plus de 6 % – des heures supplémentaires et la prise en compte, pour nos gendarmes, de la nouvelle politique de rémunération des militaires.
J’en viens à l’augmentation des crédits de fonctionnement et d’investissement, par laquelle nous avons voulu donner la priorité au quotidien de ceux qui nous protègent. Plusieurs d’entre vous l’ont dit – vous connaissez bien les commissariats et les brigades de nos territoires –, il faut absolument améliorer les conditions dans lesquelles nos forces de l’ordre exercent leurs missions ; cela correspond d’ailleurs à une attente exprimée dans le Livre blanc de la sécurité intérieure. Je l’ai indiqué, les crédits hors dépense de personnel de la mission « Sécurités » augmenteront, compte tenu du plan de relance, de 455 millions d’euros, dont 315 millions d’euros pour la seule année 2021.
Pour nos forces de police et de gendarmerie, cela représente, concrètement, une hausse du budget de matériel et d’équipement de 21 millions d’euros, une augmentation du budget des véhicules de 213 millions d’euros – cela permettra de remplacer un véhicule sur quatre d’ici à la fin du quinquennat –, une progression inédite de 10 millions d’euros, soit de 18 %, de l’action sociale ministérielle, de nouvelles dépenses en matière de numérique, notamment pour assurer la généralisation des caméras-piétons à l’horizon de juillet 2021 et un accroissement du budget immobilier de 31 millions d’euros.
Au sujet de ce dernier poste, je tiens à indiquer à la représentation nationale que, grâce aux crédits adoptés par les parlementaires, nous pourrons engager, d’ici à la fin de l’année, plus de 5 000 opérations, pour 26 millions d’euros, dans nos casernes de gendarmerie et nos commissariats, afin de répondre à des situations d’urgence. Le détail de ce plan dit Poignées de porte est disponible en ligne, sur le site du ministère de l’intérieur.
Quant à la sécurité civile, notre objectif est de renforcer sa capacité de prévention, d’anticipation et d’adaptation. C’est une nécessité pour faire face aux événements et aux catastrophes naturelles, comme nous l’a encore, hélas, démontré la tempête Alex, qui a durement frappé les Alpes-Maritimes le 2 octobre dernier.
Au titre du seul programme 161, les crédits restent stables par rapport à loi de finances initiale pour 2020 ; les crédits de paiement s’établissent à 520 millions d’euros, contre 518 millions d’euros l’année dernière.
La sécurité civile bénéficiera, au titre de la relance, d’un soutien important : 37, 5 millions d’euros pour le secteur aérien, avec l’achat d’hélicoptères et 2, 2 millions d’euros en faveur du financement du système d’alerte aux populations. Globalement, le budget de la sécurité civile enregistrera, en 2021, d’un effort budgétaire de 40 millions d’euros, soit une augmentation de près de 8 %. Madame Carrère, vous avez cité les risques naturels ; nous y répondrons justement dans le cadre de ce plan de relance.
J’évoque d’un mot l’éducation et la sécurité routières. En matière d’accidentalité, les résultats de l’année 2020 seront, selon toute vraisemblance, les meilleurs que nous aurons jamais enregistrés, mais, nous le savons tous, ce résultat extraordinaire, au sens propre du mot, est en grande partie dû aux effets de la crise sanitaire et du confinement. Néanmoins, notre objectif est bien évidemment de maintenir ce résultat en 2021.
Pour cela, nous poursuivrons la pédagogie déployée auprès des usagers de la route et le déploiement de la conduite externalisée des voitures radars, lancée dans quatre régions, entre 2018 et 2020. Cette pratique se poursuivra dans quatre nouvelles régions – Hauts-de-France, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Bourgogne-Franche-Comté –, avant d’être progressivement étendue à de nouvelles régions métropolitaines.
Avant de conclure, je répondrai, en quelques mots, aux propos de M. le sénateur Ravier sur le ministre de l’intérieur. Chacun le sait, Gérald Darmanin a toujours soutenu les forces de l’ordre, tout en défendant les valeurs fondamentales de la République qu’incarnent, précisément, les gardiens de la paix. Il l’a fait y compris en dénonçant les comportements violents, qui sont minoritaires, car c’est aussi cela, soutenir les valeurs de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Son soutien, qui se manifeste tant dans ses mots que dans son budget, n’a jamais manqué, et l’augmentation que j’ai l’honneur de vous présenter ce soir est d’ailleurs inédite, extraordinaire, comme cela a été noté.
La question de la répartition entre police nationale et gendarmerie nationale ayant été posée, je tiens à vous rassurer sur ce point. Il s’agit non de faire une révolution, mais de mieux tenir compte de l’évolution du tissu urbain, en concertation, bien évidemment, avec les élus concernés et avec le Sénat.
En ce qui concerne la mise en réserve de crédits de la gendarmerie nationale, nous allons en demander un dégel en début de gestion.
Pour le reste, je propose à Mme Goulet, qui a des messages personnels à m’adresser, de m’en parler à la suspension de la séance, afin que l’on examine les choses dans le détail. Nous sommes toujours à la disposition des sénateurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si ces chiffres sont importants – ils doivent bien sûr être confirmés par le vote du Parlement –, ils ne resteront que du sable s’ils ne se traduisent pas par l’amélioration concrète de la situation sur le terrain. C’est ce à quoi Gérald Darmanin et moi-même nous attelons tous les jours, au ministère de l’intérieur.
Permettez-moi de conclure par une note plus personnelle, mesdames, messieurs les sénateurs. Je salue, devant la Haute Assemblée, le travail exceptionnel mené au quotidien par nos forces de l’ordre. Quelques jours après le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, j’insiste sur le fait que, chaque jour, des policiers et des gendarmes entrent dans les domiciles pour sauver des femmes et des enfants des violences intrafamiliales. Je les en remercie sincèrement, car on ne souligne pas assez l’action des forces de l’ordre à cet égard.
Le ministère de l’intérieur compte 290 000 femmes et hommes engagés, tous les jours, pour la protection des plus fragiles, des plus faibles, parfois au péril de leur propre vie. Je tenais à leur exprimer ma reconnaissance.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-et-une heures quarante, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.