Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense », elle émet toutefois plusieurs réserves.
Je regrette tout d’abord, au sein du programme 146, « Équipement des forces », l’annulation de 124 millions d’euros de crédits de paiement en loi de finances rectificative. Ensuite, je note que la solidarité interministérielle prévue par la LPM pour le financement du surcoût des OPEX et des missions intérieures (Missint) n’est pas mise en œuvre. Enfin, qu’en est-il aujourd’hui du dégel attendu de 504 millions d’euros de réserve de précaution ?
L’année 2021 doit être celle de l’actualisation de la loi de programmation militaire. Cette actualisation devra consolider la programmation : ce n’est que dans la durée, d’ici à 2030, que la LPM actuelle et la suivante produiront tous leurs effets. Nous serons très vigilants, car nos trois armées ont de nombreux besoins sous-financés ou non encore programmés. Depuis trois ans, l’effort va dans le bon sens. La modernisation est en cours, mais, nous le savons tous, les marches les plus hautes restent à franchir.
Pour l’armée de terre, les deux tiers du programme Scorpion restent à contractualiser. L’effort sur les équipements « à hauteur d’homme » doit se poursuivre. Pour la marine, il est urgent de lancer le porte-avions de nouvelle génération. À cet égard, la commission préconise une propulsion nucléaire, mais la décision présidentielle est attendue depuis maintenant près d’un an.
Nous serons vigilants, car nous avons le sentiment que, entre deux LPM, le Parlement, en particulier les rapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, est mis à l’écart de la réflexion. Nous le ressentons tous, madame la ministre, je tenais à vous le dire avec la plus grande sincérité.
Il n’est pas concevable que la trajectoire financière et, donc, les ambitions de la politique de défense puissent être demain révisées en dehors de tout contrôle parlementaire. Madame la ministre, nous confirmez-vous, comme vous l’a déjà demandé le rapporteur spécial, que la voie législative est bien celle qu’a retenue le Gouvernement ?
J’en viens au contrat d’exportation du Rafale en cours de négociation avec la Grèce, qui conduit à prélever 12 avions sur nos forces et à décaler de plusieurs mois les livraisons à l’armée de l’air d’appareils neufs prévues à partir de 2022. Nous craignons des conséquences opérationnelles, voire un effet déstructurant si l’opération devait se renouveler avec la Croatie, ce que nous espérons par ailleurs.
L’exportation du Rafale est évidemment une bonne nouvelle. Ce pari de la LPM, qui est en passe d’être tenu, permettra, je le rappelle, de maintenir en activité les chaînes de production.
Des questions financières se posent : le produit de cession doit revenir au ministère des armées, sans diminution concomitante de ses ressources budgétaires Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que c’est bien ainsi que cela se passera ?
Les montants sont en cours de négociation, non seulement pour les appareils eux-mêmes, mais aussi pour les capteurs et l’ensemble du matériel qui sera cédé. La somme de 600 millions d’euros est évoquée. Celle-ci sera évidemment loin d’être suffisante pour financer l’acquisition d’avions et d’équipements neufs. Il manque plusieurs centaines de millions d’euros. Comment dégagerez-vous les crédits nécessaires, madame la ministre, alors que les budgets sont déjà conçus au plus juste ?
Nos armées, nos industriels ont besoin de perspectives de long terme, encore plus en cette année de crise et alors que la base industrielle et technologique de défense est la grande oubliée du plan de relance.