Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 3 décembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Défense

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, suivant la trajectoire de la loi de programmation militaire, le budget de la défense est en hausse de 4, 6 % et atteint 39, 2 milliards d’euros, soit une hausse de 21 % depuis 2017. Force est de constater que, dans la lignée de votre prédécesseur, vous défendez bien votre portefeuille, madame la ministre.

Je ne vous cache pas que, en cette période de disette budgétaire, les priorités d’action du Gouvernement, essentiellement tournées vers le régalien, ont de quoi susciter des interrogations. Le traitement de la crise n’est pas identique dans les différents ministères.

Contrairement à nos homologues allemands ou américains, les parlementaires que nous sommes sont impuissants à déterminer la stratégie de défense française, notamment en ce qui concerne les opérations extérieures. Notre rôle revient essentiellement à signer un chèque quand vous nous présentez la facture, sur laquelle nous n’avons pas notre mot à dire.

Nous pourrions néanmoins saluer cette hausse des crédits si votre action était davantage tournée vers les soldats et les personnels, notamment vers leurs conditions matérielles de vie. Or ce n’est pas tout à fait le cas : les deux tiers des montants ouverts en autorisations d’engagement sont dédiés à l’équipement des forces et un tiers seulement est consacré aux dépenses de personnel. Finalement, il reste moins de 1 milliard d’euros pour soutenir matériellement les femmes et les hommes qui servent la France. Nous sommes donc loin du budget « à hauteur d’homme » que vous aviez annoncé, madame la ministre. Un tel budget est pourtant nécessaire.

Les militaires ont besoin, outre les moyens techniques déployés en opérations, d’être accompagnés. Leurs missions sont pesantes et l’omerta est encore trop souvent la règle. Nous l’avons vu à Castres récemment : cela peut conduire à des drames.

Vous l’aurez compris, même si je salue l’augmentation des crédits alloués à l’action Contrôle général des armées, je pense qu’elle est encore insuffisante pour véritablement démocratiser des outils comme la plateforme Thémis. Au-delà de la dimension humaine, la cohésion au sein des armées est essentielle d’un point de vue stratégique.

Un budget « à hauteur d’homme » doit aussi permettre d’améliorer les conditions de vie matérielle des soldats. Or l’effort en ce sens dans ce budget est encore loin de répondre aux besoins. Ainsi, le programme Hébergement comprend 237 millions d’euros en autorisations d’engagement et le plan Famille 160 millions d’euros pour l’année 2021.

Il s’agit ici de rénover les logements des militaires, qui « ne correspondent plus au XXIe siècle », selon vos propres mots, madame la ministre. Nous partageons donc un même constat. Cependant, je pense que les logements du XXIe siècle méritent plus que le simple déploiement des réseaux wifi prévu dans ce budget. Je sais que la rusticité est une valeur chère à nos armées. Je sais aussi que les familles des militaires devraient pouvoir vivre dans les meilleures conditions. L’État doit montrer l’exemple et prévoir des travaux de rénovation de grande ampleur, par exemple pour mettre fin aux passoires thermiques.

En parlant de rénovation énergétique, nous saluons l’effort entrepris pour diminuer la consommation d’énergie de nos armées. J’ai cru relever que vous visiez l’éradication des chaudières au fioul et au charbon d’ici à 2031. Cette échéance me semble encore très lointaine, sachant que le Gouvernement a prévu, et c’est heureux, d’interdire les chaudières au fioul neuves en 2022 et d’éradiquer les chaudières au fioul d’ici à 2028.

Il serait souhaitable que la puissance publique ne soit pas à la traîne sur les objectifs qu’elle fixe aux particuliers et qu’au contraire elle montre l’exemple. Ce n’est tout de même pas comme si vous vous manquiez de moyens pour consacrer plus de 500 millions d’euros en six ans à l’amélioration des performances énergétique de nos armées !

Ces deux points, le mal-être et les conditions de vie de nos militaires, m’amènent à la question de la fidélisation. Le recrutement d’un militaire coûte 42 000 euros, je ne vous apprends rien. Fidéliser nos soldats est donc primordial pour des raisons budgétaires, mais aussi, vous en conviendrez, pour des raisons de professionnalisation et d’efficacité des armées. Pourtant, je le répète, le mal-être et les conditions de vie que nous offrons à nos militaires sont loin d’être « à hauteur d’homme ». Les problématiques de recrutement qui en résultent sont donc logiques.

Je conclurai par une remarque d’ordre plus général : la crise que connaît l’OTAN, avec le retrait américain et les provocations de la Turquie, remet sur la table le besoin d’une Europe de la défense. Cela justifierait le maintien et le développement de notre appareil militaire, notamment de la dissuasion nucléaire double, qui n’est pas dimensionnée pour le seul besoin national.

La France doit être leader dans le processus de désarmement nucléaire mondial ; elle doit faciliter le dialogue entre États nucléaires. A minima, elle doit respecter les dispositions du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, dont nous célébrons cette année le cinquantième anniversaire. En attendant, les puissances nucléaires modernisent leur arsenal et la perspective d’un monde sans armes nucléaires est bien lointaine.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission « Défense ».

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