Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 3 décembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Défense

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour la mémoire de nos militaires disparus et rends hommage à l’engagement de tous ceux qui participent à la défense de notre pays et œuvrent pour la paix et la sécurité, en France et à l’étranger, ainsi qu’à leur famille. N’oublions jamais en effet que les proches d’un militaire représentent le soutien indispensable et l’ancrage qui participe aussi à la réussite de leur mission.

Madame la ministre, vous nous présentez un budget de la défense pour 2021 conforme à vos engagements et à la trajectoire de la LPM. Nous observons avec satisfaction que les crédits de paiement s’élèvent à 39, 2 milliards d’euros, soit une augmentation de 1, 6 milliard d’euros, dont une grande part sera consacrée au programme 146.

Ce fléchage vers le renouvellement des matériels est à souligner du fait de la très grande attrition et de l’obsolescence des matériels utilisés sur les théâtres d’OPEX. Il faut une politique de maintien en condition opérationnelle (MCO) plus réactive, capable de mieux anticiper les besoins des hommes sur le terrain. Il y va du principe même de notre capacité opérationnelle. Des efforts ont été réalisés en amont avec les industriels, et nous nous en félicitons.

Néanmoins, la question se pose encore plus avec les conséquences de la covid, qui n’ont pas épargné l’industrie française de défense, grands groupes ou PME, en France et à l’étranger, avec un lourd impact sur les trésoreries et les capacités de production.

Les efforts de la direction générale de l’armement (DGA) en direction des 1 000 PME sous-traitantes des fournisseurs sont bienvenus, mais restent insuffisants en comparaison des autres pays, dont les usines ont poursuivi leur activité.

Nous regrettons que le plan de relance ne concerne la défense qu’au titre de l’accélération de commande d’aéronefs, et pour 600 millions d’euros.

À cela s’ajoutent les très grandes difficultés pour les sociétés françaises à trouver des soutiens financiers, les banques restant trop frileuses vis-à-vis du secteur de la défense. C’est ubuesque.

À titre de comparaison, les Britanniques ont annoncé qu’ils consacreront à leur défense près de 27 milliards d’euros sur les quatre prochaines années, ce qui en fait le deuxième contributeur budgétaire au sein de l’OTAN, après les États-Unis. Cette décision, qui n’est pas seulement liée au Brexit, entraînera la création de 10 000 emplois et de nouvelles capacités, quand nous supprimons des postes militaires dans nos ambassades. Pourtant, avec la dégradation de l’environnement sécuritaire, jamais nous n’en avons eu autant besoin.

Sur le volet capacitaire toujours, comment imaginer que nos capacités resteront inchangées à la suite du prélèvement des 18 avions Rafale sur la flotte de l’armée de l’air ? C’est l’incarnation de la politique du « en même temps » : d’un côté, vous augmentez les crédits des programmes 146 et 144 ; de l’autre, vous amputez l’armée de l’air de 25 %.

Comment obtenir la garantie que le produit de cessions des Rafale à la Grèce reviendra au budget des armées, alors même qu’il ne bénéficie plus de la solidarité interministérielle pour le financement des OPEX ?

Il y avait l’option d’un compte d’affectation spéciale, mais ce serait un retour en arrière en termes de « sincérisation » budgétaire, car c’est un retour à la logique du financement par recette exceptionnelle, comme sous le précédent quinquennat.

En outre, nous devons reconnaître – hélas ! – que notre soutien matériel à la Grèce est lié à une incapacité politique et stratégique de l’Alliance et de l’Union européenne vis-à-vis de la Turquie. En tant que vice-présidente de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, très attachée aux valeurs de l’Alliance, je ne peux que regretter la faiblesse des réactions de cette organisation, de l’Union européenne et de leurs États membres face à des agressions caractérisées envers un autre État membre, Chypre, et envers des pays partageant les valeurs otaniennes, comme l’Arménie. Dans cette affaire, la France subit une double peine : du point de vue diplomatique et du point de vue de son outil militaire.

La politique de fidélisation des armées, enjeu majeur pour leur avenir, constitue un autre sujet primordial. Recruter, c’est bien ; préserver et conserver les effectifs, c’est mieux. Pour cela, la mise en place d’une véritable politique dédiée au quotidien des familles prenant en compte la spécificité de l’état militaire est cruciale.

Nous saluons les 95, 5 millions d’euros pour 2021 pour le renouvellement du parc locatif et l’augmentation des places d’hébergement, notamment dans les zones tendues. Sur ce point, madame la ministre, pourriez-vous nous dire où en sont les discussions avec la maire de Paris ?

Le Val-de-Grâce, contre la fermeture duquel je m’étais beaucoup élevée, sera cédé en 2024. Pour quoi, à qui et pour combien ? Pourquoi ne pas l’avoir réhabilité pour les acteurs de la défense ?

N’oublions pas non plus que les infrastructures dédiées à l’hébergement des militaires doivent répondre à des critères de sécurité, les militaires étant eux-mêmes des cibles.

Enfin, je tiens à vous remercier de l’ouverture d’une journée défense et citoyenneté (JDC) en ligne, accessible aux Français de l’étranger, tout en rappelant l’importance du présentiel pour nos jeunes qui participent à cette journée, dès que la crise covid sera derrière nous.

Madame la ministre, je vous remercie de prendre en compte ces observations.

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