Intervention de Florence Parly

Réunion du 3 décembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Défense

Florence Parly :

Si ce contrat avec la Grèce était finalement conclu, il s’agirait d’une triple bonne nouvelle.

Politiquement, d’abord, ce contrat marquerait le développement des exportations d’armement au sein de l’Union européenne, que nous appelons de nos vœux.

Économiquement, ensuite, cette commande de 6 Rafale neufs par la Grèce, complétée par celle de 12 Rafale neufs par l’armée de l’air et de l’espace française pour compenser les prélèvements réalisés au profit de la Grèce, mobiliserait 7 000 emplois et 500 PME pendant dix-huit mois. Dans la période actuelle, personne dans cet hémicycle ne pourrait s’en plaindre !

Enfin, cette vente contribuerait activement à l’interopérabilité de nos forces.

Pour en revenir au budget, le ministère des armées sera en 2021 une véritable fabrique de l’emploi : il sera le premier recruteur de l’État, avec près de 27 000 recrutements, soit 300 de plus que l’année précédente. L’effort en termes d’apprentissage sera poursuivi. Nous recruterons des jeunes venus de tous les territoires de notre pays et de tous les niveaux de formation. Nous poursuivrons également l’effort engagé dans les domaines du renseignement, du cyber et du numérique.

J’en viens au détail du contenu du budget et je vous propose de l’examiner en reprenant les quatre axes de la loi de programmation militaire.

Sur le premier axe, tout d’abord, l’amélioration des conditions de travail et de vie des personnels, je souligne quatre éléments clés pour illustrer un budget à « hauteur d’homme ».

Premièrement, en 2021, nous consacrerons 237 millions d’euros à l’amélioration des conditions d’hébergement des militaires, dans le cadre du programme Hébergement, qui prévoit un investissement de 1 milliard d’euros d’ici à 2025. Nombre d’entre vous l’ont relevé : en la matière, on peut nettement progresser. Toutefois, comme dans bien d’autres domaines concernant la défense, il nous faut rattraper des décennies non de sous-investissement, mais de non-investissement.

Deuxièmement, nous procédons au renouvellement des petits équipements de nos militaires, avec notamment 12 000 nouveaux fusils HK416 et 126 000 nouveaux treillis ignifugés F3. Ceux qui ont eu la chance de se rendre en opération sur le terrain ont pu constater qu’en 2020, conformément à l’objectif fixé, 100 % de nos soldats déployés en OPEX en sont équipés.

Troisièmement, nous modernisons la solde. Avec 38 millions d’euros dans le budget 021, nous amorçons la nouvelle politique de rémunération des militaires, avec un dispositif renforcé d’indemnisation de la mobilité géographique.

Quatrièmement, nous accroissons les crédits consacrés au service de santé des armées en 2021. Cet élément me semble très important à la lumière de la crise sanitaire que nous traversons. J’ai décidé cette année d’augmenter le budget de ce service de 160 millions d’euros d’ici à la fin de la LPM. Cette décision s’inscrit dans la dynamique de l’effort entamé depuis 2017, lorsque nous avons mis fin – enfin ! – à la déflation des effectifs du service de santé des armées. Nous avons également pris plusieurs mesures de revalorisation salariale au profit des praticiens et du personnel paramédical, à hauteur de 31 millions d’euros entre 2017 et 2020.

Une question a été posée sur les mesures de protection que nous prenons à l’égard de nos militaires lorsque ceux-ci partent en opération ou en mission. Nous avons eu l’occasion d’évoquer ces questions à maintes reprises au printemps dernier, notamment dans le cadre de nos échanges au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Les militaires sont isolés puis testés soixante-douze heures avant leur départ. En sens inverse, lorsqu’ils rentrent de mission, ils sont de nouveau testés, et bien sûr isolés si le test se révèle positif. Il me semble que nous avons progressivement trouvé les méthodes qui permettent de préserver la santé de nos militaires et de leurs familles, mais aussi des populations au contact desquelles ils peuvent être amenés à évoluer.

J’en viens au deuxième chapitre de la loi de programmation militaire. Les livraisons et les commandes se poursuivront pour moderniser les matériels et les équipements lourds. Sur les 1, 7 milliard d’euros de croissance du budget en 2021, les deux tiers seront consacrés aux programmes d’armement majeurs.

Je procéderai à quelques illustrations de nos commandes et livraisons prévues pour 2021.

L’armée de terre recevra ainsi 150 blindés Griffon et 20 blindés Jaguar dans le cadre du programme Scorpion. Nous consoliderons également les commandes de 21 hélicoptères interarmées légers et 120 véhicules blindés légers.

Pour la marine, 2021 verra notamment la livraison de 3 avions de patrouille Atlantique 2 rénovés et d’une nouvelle frégate multimissions. Nous engagerons les commandes d’une nouvelle frégate de défense et d’intervention ainsi que de 8 hélicoptères légers.

Comme la question du porte-avions de nouvelle génération a été abordée, je tiens à vous rassurer. Nous avons travaillé vite, nous ne sommes absolument pas en retard. Nous avons réalisé au cours des deux dernières années des études et nous sommes donc parfaitement en ligne avec l’objectif de la LPM d’être prêts lorsque le porte-avions Charles-de-Gaulle sera retiré du service en 2038. Nous avons d’ailleurs prévu, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, des crédits très substantiels pour ce programme – 330 millions d’euros en autorisations d’engagement et 113 millions d’euros en crédits de paiement –, afin de poursuivre les travaux sur le porte-avions de nouvelle génération.

Enfin, l’armée de l’air et de l’espace réceptionnera en 2021 3 avions ravitailleurs MRTT Phénix, 14 avions de chasse mirage M2000D rénovés et un avion de transport A400M supplémentaire. Les commandes concerneront le lancement du démonstrateur du système de combat aérien du futur.

Le troisième chapitre de la LPM concerne la consolidation de notre autonomie stratégique. Ce budget 2021 y contribuera, notamment avec 5 milliards d’euros pour poursuivre le renouvellement des deux composantes de la dissuasion française. Le ministère des armées poursuivra son effort en faveur de la stratégie spatiale, en lui allouant 624 millions d’euros. J’ai souhaité faire de l’espace une priorité de la loi de programmation militaire et ai donc proposé au Président de la République une stratégie spatiale de défense à la hauteur des défis qui se présentent à nous. Nous y consacrons des moyens considérables : 4, 5 milliards d’euros pour la période 2019-2025.

En 2021, le secteur spatial verra notamment la livraison d’un satellite MUSIS/CSO. Je tiens à cette occasion à remercier les sénateurs d’avoir soutenu la mesure introduite par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, qui nous permet d’assurer la sécurité et la souveraineté dans le domaine spatial.

J’en viens enfin au dernier chapitre de la LPM, la préparation du futur : 2021 sera l’année de la commande du démonstrateur du système de combat aérien du futur que nous construisons avec les Allemands et les Espagnols. Celui-ci devrait prendre son envol en 2026, pour être opérationnel à l’horizon 2040.

Là aussi, je remercie le Parlement de son soutien et des contacts réguliers qu’il organise avec les parlementaires allemands. Pour répondre à une question qui a été posée, l’Espagne est un partenaire important, d’ores et déjà intégré aux travaux d’architecture et de recherche et développement, qui avaient été initialement lancés dans un cadre franco-allemand. Pour la phase du démonstrateur, qui devrait être lancé d’ici à la mi-2021, l’Espagne sera un contributeur majeur, aux côtés de la France et de l’Allemagne.

La préparation du futur passe aussi par l’innovation : en 2021, nous consacrerons près de 900 millions d’euros pour concevoir les technologies de demain et nous serons donc en bon chemin vers le milliard d’euros annuel qui sera atteint en 2022. L’année 2021 sera également celle de la mise en œuvre du nouveau Fonds Innovation défense, qui viendra compléter les mécanismes existants de soutien aux PME, tels que le dispositif Rapid.

Ce nouveau fonds sera doté de 200 millions d’euros pour soutenir le développement des technologies duales et transversales, par le financement en fonds propres d’entreprises innovantes.

J’ai également noté l’interrogation concernant la nature des soutiens apportés par les banques privées. J’ai demandé au délégué général pour l’armement d’examiner avec les organisations professionnelles des industries de défense, les services de Bercy et les représentants de la profession bancaire l’existence de clauses ou de pratiques qui pourraient conduire à restreindre l’accès au crédit et au financement des entreprises du secteur de la défense. Nous devons en effet être attentifs à ce point.

Enfin, je me réjouis que le Fonds européen de défense, fortement soutenu par la France, voie le jour. Il sera doté de 7 milliards d’euros constants pour la période 2021-2027. C’est la première fois que des financements européens seront affectés à la recherche et au développement dans le secteur de la défense.

Notre devoir à tous est de mettre en œuvre la loi de programmation militaire, de veiller à son exécution, dans chaque régiment et chaque unité, en métropole comme en outre-mer. J’y veille personnellement, chaque jour.

Je conclus sur la gestion 2020, qui n’est pas encore tout à fait close, et sur laquelle nous reviendrons.

La loi de finances initiale pour 2020 sera intégralement exécutée dans les montants prévus. Les surcoûts OPEX et Missint, d’un montant de 1, 46 milliard d’euros, sont couverts en 2020 par les provisions constituées en loi de finances initiale sur la mission « Défense », par des contributions internationales et redéploiements internes, pour un montant total inférieur à 60 millions d’euros et, enfin, par des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, pour 200 millions d’euros.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion