Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de cette séance budgétaire, il convient, comme les années précédentes, de rappeler tout d’abord que nos forces de l’ordre connaissent depuis quelques années une tension permanente : crise du terrorisme, crise migratoire, drame des suicides, crise sanitaire. Il appartient au Sénat de leur renouveler son soutien.
Nous examinons aujourd’hui la mission « Sécurités ». Le débat pourrait être rapide, puisque les crédits sont structurellement faibles, comme les années précédentes, ce qui laisse peu de marge au budget d’investissement et de fonctionnement de la police et de la gendarmerie. Le titre 2, « Dépenses de personnel », dérape année après année et n’est pas maîtrisé. C’est la raison pour laquelle, ces quatre dernières années, le Sénat a chaque fois rejeté les crédits de cette mission.
En dix ans, les dépenses du titre 2 « Dépenses de personnel » ont augmenté de 23 %, tandis que les effectifs, eux, n’ont augmenté que d’un petit peu moins de 6 %. Quant aux dépenses de fonctionnement et d’investissement de la mission « Sécurités », elles connaissent une diminution de 0, 4 % sur cette même période.
Il nous faut reconnaître que les caractéristiques déplorables de cette mission sont totalement bouleversées par la mission « Plan de relance », qui affecte près de 1, 5 milliard d’euros, en deux ans, à l’équipement et à l’investissement des forces de l’ordre. Dans une hypothèse faible, en fonction de ces futures affectations, nous pouvons considérer que ces deux postes, qui sont l’objet de nos préoccupations, progresseront de 20 %.
Le ratio qui préoccupe la majorité sénatoriale connaît donc un rééquilibrage, madame la ministre. Autrefois de 80 % pour les dépenses de personnel versus 20 % pour les dépenses de fonctionnement et d’investissement sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le ratio s’élève aujourd’hui à 90 % versus 10 %. Le plan de relance permet au minimum une inversion de cette tendance.
Ainsi, des fournitures d’équipements sont prévues pour des dépenses courantes, telles que gilets, armes et caméras-piétons. Surtout, le plan de relance répondra à deux préoccupations qui ont focalisé l’attention du Sénat ces dernières années, à savoir le parc automobile et l’immobilier.
Le plan de relance consacre 133 millions d’euros au parc automobile de la police nationale, auxquels s’ajoutent 36 millions d’euros adoptés dans la troisième loi de finances rectificative. Pour la gendarmerie, le plan de relance porte sur 4 500 véhicules. Le Gouvernement annonce le renouvellement d’un véhicule sur quatre – nous en sommes très satisfaits, car nous mettons ainsi un terme au vieillissement du parc. Il nous faut cependant relativiser ces déclarations : le remplacement d’un véhicule sur quatre en deux ans signifie le remplacement d’un véhicule sur huit par an ! Or nous connaissons tous l’état d’un véhicule de gendarmerie après huit ans.
J’en viens à l’immobilier. Concernant les appels à projets, 740 millions d’euros sont destinés à la police nationale et 440 millions d’euros à la gendarmerie nationale. L’enveloppe varie entre 1, 15 milliard d’euros et 1, 2 milliard d’euros. Cela répond à nos préoccupations.
La méthode nous laisse cependant un peu perplexes. Des dépenses courantes, comme dans d’autres budgets, sont financées par le plan de relance. Par exemple, aucune acquisition d’armes n’est prévue dans le programme 152, « Gendarmerie nationale » ; toutes sont prévues dans le plan de relance. L’achat de tasers fait-il partie du plan de relance ? Voilà une question pertinente !
Nous serons vigilants quant à l’exécution de ce plan de relance, sur la forme – nous souhaiterions que, l’an prochain, ces crédits soient inclus dans la mission « Sécurités » – et sur le fond. Depuis 2015, j’ai connu cinq budgets d’équipement pour les forces de l’ordre. Chaque fois, nous connaissons le même effet de stop and go : nous répondons à une demande, à une pression, à une insatisfaction des forces de l’ordre, puis, en réalité, rien ne fonctionne.
Pour la mission « Sécurités », les crédits de paiement n’augmentent que de 1, 6 %, les autorisations d’engagement diminuent de 0, 4 % et, je le répète, le titre 2 continue à déraper. Madame la ministre, il faut bien reconnaître que la mission « Sécurités » a été écrite par vos prédécesseurs et par l’ancien ministre de l’intérieur, avant l’élaboration de la mission « Plan de relance ». Sans doute avez-vous trouvé le moyen de convaincre l’actuel titulaire de Bercy, ce que n’avait pas réussi à faire le précédent ministre de l’intérieur. C’est une bonne chose.
Je souligne la réussite du programme 207, « Sécurité et éducation routières » : avec 3 500 décès en 2019, le nombre de personnes tuées sur les routes a été divisé par deux en dix ans. Dans le contexte pandémique actuel, le chiffre peut paraître faible, mais les efforts de l’État ont été constants. Les équipements ont été modernisés, par exemple avec les nouveaux radars tourelles, solution innovante pour rénover le parc. Des voitures radars à conduite externalisée seront déployées dans les régions françaises. Les recettes sont estimées à 2 milliards d’euros pour les amendes. À ce sujet, il faut reconnaître que le compte d’affectation spéciale devient de plus en plus opaque et qu’il se doit d’être rapidement réformé et révisé. Il constitue un problème de plus en plus prégnant pour l’ensemble des élus.
En conclusion, madame la ministre, la commission est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités », à la condition que l’effort perdure et devienne constant. Il faut que vous puissiez convaincre le chef du Gouvernement et le Président de la République que nos forces de sécurité ne doivent plus faire l’objet du désintérêt des pouvoirs publics, comme c’était le cas dans les années précédentes.