Intervention de Jean-Louis Lagourgue

Réunion du 3 décembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Compte d'affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Photo de Jean-Louis LagourgueJean-Louis Lagourgue :

La France a-t-elle un problème avec la police ? Le sujet des violences policières fait trop souvent l’actualité et la polémique a encore été alimentée ces derniers jours. Nous avons vu des images, qui, comme l’affirme le Président de la République, « nous font honte ». L’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale, qui sera bientôt soumise à l’examen de notre assemblée, cristallise une colère qui semble sur le point de se déchaîner. Ceux qui y voient un blanc-seing délivré aux forces de l’ordre profitent des récentes violences policières pour jeter l’opprobre sur l’ensemble de la profession, en accusant le Gouvernement de la soutenir, voire de la couvrir. Disons-le tout net : oui, il y a parmi les forces de l’ordre des fonctionnaires qui commettent des actes répréhensibles, sur lesquels la justice doit se prononcer.

Cependant, il me semble que nous portons tous une partie de la responsabilité de ces images de la honte. Le métier des forces de l’ordre est dangereux. De nombreux agents sont blessés et tués chaque année. En première ligne dans le combat contre le terrorisme, ils continuent d’assumer leurs missions de maintien de l’ordre public et de lutte contre le crime. Ils s’usent à arrêter des délinquants aussi vite relâchés, qui ne se gênent pas pour les narguer. L’immense majorité d’entre eux accomplissent leurs fonctions avec l’exemplarité à laquelle ils sont astreints, risquant leur vie, parfois celle de leur famille.

Reste que leurs conditions de travail sont telles qu’environ 40 policiers et 30 gendarmes se suicident chaque année. Il n’est pas ici question de chercher des excuses à des comportements qui ne sauraient le justifier ; il s’agit de prendre conscience que les conditions de travail de nos forces de l’ordre ne contribuent pas suffisamment à garantir leur sécurité et celle de nos concitoyens. Nous devons remédier à cela si nous voulons aller vers une société plus apaisée.

À cet égard, nous soutenons la poursuite du plan de recrutement. Le maintien de la paix durant les manifestations du mouvement des gilets jaunes a montré les limites d’un effectif insuffisant. La quantité d’heures supplémentaires non payées illustre aussi la nécessité d’un recrutement massif : malgré les mesures prises, il en restait près de 22 millions au mois de juin dernier. Ce chiffre est colossal ; il dit beaucoup de la réalité du terrain et des limites du modèle actuel. La création de près de 1 500 postes pour l’année 2021 est donc la bienvenue. Il faudra veiller à ce que cette augmentation des effectifs serve à soulager les unités les plus exposées.

Pas assez nombreux, nos gendarmes et nos policiers ne sont pas non plus assez équipés. Ce projet de loi de finances prévoit un effort significatif, tant pour renouveler le matériel des fonctionnaires que pour réhabiliter le parc immobilier. Une attention particulière a été portée aux flottes de véhicules de la police et de la gendarmerie. Le vieillissement est un problème qu’il faut rapidement résoudre et nous saluons le fait que le Gouvernement s’y attelle via ce projet de loi de finances.

Concernant l’équipement, nous voulons encourager le Gouvernement à investir davantage dans un matériel essentiel que notre groupe Les Indépendants soutient depuis longtemps, à savoir les caméras mobiles. Voilà plus de deux ans que la loi de Jean-Pierre Decool relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique a été votée et promulguée. Elle concerne les pompiers, les agents pénitentiaires, mais aussi les policiers.

Nous regrettons que ces deux années n’aient pas été mieux employées pour avancer sur cette question. En effet, plusieurs études, dont certaines ont été conduites aux États-Unis, indiquent que le port de ces caméras par les policiers fait chuter significativement le nombre d’incidents liés à l’usage de la force, ainsi que le nombre de plaintes contre les policiers. Nous sommes convaincus que leur utilisation peut grandement contribuer à renforcer la sécurité des fonctionnaires et la confiance de nos concitoyens.

Par ailleurs, le parc immobilier se trouve dans une situation préoccupante. La réponse apportée d’année en année au besoin de rénovation n’est pas suffisante. Le plan de relance remédiera y pour 2021, mais n’apporte pas de solution durable.

Les moyens de la mission « Sécurités » progressent cette année encore. Le contexte sécuritaire et social rend ce renforcement d’autant plus nécessaire. Pour qu’elles puissent remplir leurs missions dans des conditions optimales, pour la sécurité de tous, nos forces de l’ordre ont besoin d’encore plus de moyens. Le budget 2021 participe à cette montée en puissance, mais nous souhaiterions qu’elle soit davantage pérennisée. L’État devra trouver les financements pour ce faire, car, si la qualité a un prix, le manque de moyens finit aussi par se payer tôt ou tard.

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