Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun s’accordera à dire que les questions liées à la sécurité trouvent dans notre pays un écho de plus en plus important, trop souvent pour de mauvaises raisons.
De trop nombreuses lois, décisions gouvernementales ou juridictionnelles intéressant le maintien de l’ordre public sous toutes ses formes amènent leur lot de polémiques, là où nous devrions rechercher le consensus républicain quant aux finalités et le débat démocratique dans les modalités. C’est le rôle d’ailleurs dévolu au Parlement, me semble-t-il, en tant que représentant de la Nation : discuter la loi en toute transparence et améliorer sa rédaction grâce à la navette parlementaire.
La discussion budgétaire en fait pleinement partie, puisqu’il est coutume de dire que, derrière les chiffres, c’est une politique qui est menée. Aussi, à notre sens et c’est notre préoccupation, ce budget devrait traiter du lien de confiance entre les forces de l’ordre et les citoyens, socle fondamental de la légitimité de l’État et, plus largement, de notre démocratie. Cela suppose de mettre en place les conditions du soutien que doivent l’État et la société aux forces de l’ordre.
Depuis des mois, l’actualité, parfois déformée par le prisme des réseaux sociaux, nous rappelle combien ces liens sont fragiles, tant ils subissent des événements toujours tragiques. D’un côté, la terrifiante attaque du commissariat de Champigny-sur-Marne, mais aussi les agressions devenues régulières de fonctionnaires de police durant les interpellations, comme la semaine dernière en Seine-et-Marne ; de l’autre, l’indignation suscitée par les images de l’évacuation de la place de la République, voilà quinze jours, ou encore par celles du véritable passage à tabac de Michel Zecler, la semaine dernière.
Que révèle cette triste litanie ? Qu’entre violence policière et violence contre les policiers, il y a un va-et-vient quasi schizophrénique, l’expression d’un symptôme préoccupant pour la santé de notre État de droit, voire de la confiance de nos concitoyens envers l’État, à l’heure où le complotisme a pignon sur rue et n’a rien à envier aux superstitions d’antan.
L’heure n’est pas à prendre parti pour un camp ou un autre : il faut trouver la voie de l’apaisement, dans le respect de la loi et de l’ordre public. Notre Nation ne doit pas s’enliser dans ce chemin insupportable qui fait que, chaque semaine, de nouveaux événements alimentent les chaînes d’information, boulimiques de polémiques, et font le lit des populismes qui n’attendent que de prospérer sur cette crise de confiance.
Certes, nous pourrons bien nous rassurer en nous disant que les gendarmes ou les pompiers conservent une bonne image dans la population, mais rien n’est acquis. Nous le constatons tous les jours. Notre réponse doit donc être pensée et structurée pour le long terme.
Face à cela, le budget que nous examinons apporte des premiers éléments de réponse. En particulier, il poursuit en 2021 la mise en œuvre du plan de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes sur le quinquennat, conformément à la loi de programmation, en prévoyant la création nette de 1 145 emplois dans la police nationale et de 335 emplois dans la gendarmerie nationale. Ces emplois supplémentaires devraient principalement venir renforcer les effectifs de sécurité publique. Nous nous réjouissons de cette évolution.
Néanmoins, cette évolution ne dit pas tout. Les enjeux liés aux missions de sécurité ne tiennent pas qu’à une question d’effectifs. Une fois le nouveau personnel recruté, encore faut-il qu’il puisse effectuer ses tâches dans des conditions à la hauteur de leur importance.
Garantir l’ordre public est d’abord une question de moyens. Les gendarmes et les policiers nous alertent constamment là-dessus : ils doivent disposer des matériels qui leur permettront d’assurer leur mission efficacement.
La formation de nos forces de l’ordre est devenue un enjeu essentiel, en particulier au regard de l’évolution de notre doctrine du maintien de l’ordre et des techniques d’interpellation, sujet sur lequel Catherine Di Folco et moi-même travaillons.
Le budget de la mission « Sécurités » apporte encore des réponses en prévoyant de financer la modernisation des équipements, d’élargir le parc automobile ou encore d’engager des travaux de rénovation immobilière. Là aussi, c’est un motif de satisfaction.
Enfin, s’agissant des questions liées à la sécurité civile, nous soulignerons la légère hausse d’effectifs qui est prévue. Cependant, les crédits de cette mission sont stables. Or cette stagnation peut se révéler inquiétante, lorsque l’on sait qu’une grande partie de la sécurité civile est assumée par les collectivités territoriales, tandis que le réchauffement climatique démultiplie les risques de catastrophes naturelles ou d’incendies de forêt. Comment parvenir à maintenir les moyens des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) dans ces conditions ? Je m’associe à cette préoccupation, qui est assez largement partagée.
Sous réserve de ces observations, mes collègues du groupe RDSE et moi-même voterons en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Sécurités ».