En matière de sécurité publique, nos principales critiques ont toujours principalement porté sur la politique menée, donc budgétisée, qui pose de nombreuses difficultés. Je pense à la très mauvaise gestion du maintien de l’ordre, qui est notamment porteuse de tensions et de violences policières. Je pense encore au niveau de formation de nos agents, qui est bien insuffisant. Je pense surtout au manque de proximité avec la population, à l’origine de deux maux pour nos forces de l’ordre : d’une part, le relâchement du lien, qui a entraîné la rupture de confiance entre police et population, d’autre part, pour les forces de l’ordre, la perte de sens de leur mission de service public, expliquant en partie le mal-être de nombre d’entre eux qui vont parfois jusqu’à commettre l’irréparable.
Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas de stigmatiser nos forces de l’ordre, qui sont confrontées au quotidien à la misère sociale et dont le travail anxiogène donne trop souvent lieu au pire. Selon nous, toutefois, mal-être policier et violences policières, deux tabous de notre société, doivent être abordés avec la même rigueur et sans détour. L’actualité brûlante dans laquelle s’inscrit cette discussion nous y invite plus que jamais.
Si l’attention médiatique s’est focalisée sur l’article 24 de la loi relative à la sécurité globale, il n’en demeure pas moins que nous pointons un autre problème d’envergure : le glissement dangereux de notre sécurité publique vers une privatisation. Il s’agit d’un enjeu phare qui n’aura pas échappé à la lecture de la commission des lois, puisque le rapporteur pour avis souhaite, pour alléger les tâches de procédure pénale, pour renforcer la présence policière dans l’espace public et diminuer leurs missions « périphériques », « la montée en puissance des autres acteurs de la sécurité », comme le suggère précisément ce texte à l’origine de la crise politique en cours et comme le ministre de l’intérieur l’appelle de ses vœux dans le Livre blanc de la sécurité intérieure récemment publié.
Pour notre part, nous persistons à dire que la sécurité publique est du ressort du pouvoir régalien et que les fonctionnaires de police et de gendarmerie sont des acteurs du service public. Glisser vers une privatisation n’améliorera en rien les conditions de travail de nos forces de l’ordre. Vouloir se couper de la police républicaine au profit d’un service de sécurité mercantile et servile, bien éloigné des fonctions régaliennes de l’État, est une grave erreur.
En réalité, cette question de la présence dans l’espace public de nos forces de l’ordre est non pas une question budgétaire, mais une question de doctrine d’emploi des forces de l’ordre. C’est une question éminemment politique !
Le chemin est encore long pour que convergent notre conception de la police républicaine et l’idée que vous vous en faites. C’est pourquoi nous voterons contre ces crédits, qui, d’ailleurs, mais je n’ai pas le temps d’aborder le sujet, sont également loin d’être à la hauteur en matière de sécurité civile.