Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, si le budget général de la mission, s’établissant à 4, 2 milliards d’euros, est en légère augmentation par rapport à l’année précédente, soit +3, 6 % en autorisations d’engagement et +6 % en crédits de paiement, il révèle, en réalité, une hausse en trompe-l’œil en fonction des programmes budgétaire concernés.
Cette mission appelle donc trois remarques.
Tout d’abord, sur la présence de l’État dans nos territoires, avec le programme 354 : s’il est vrai que, pour la première fois depuis 2008, l’administration territoriale de l’État ne subit pas de diminution de ses effectifs en 2021, la stabilisation des moyens humains et financiers va à l’encontre de la déclaration de politique générale du Premier ministre du 16 juillet dernier.
Or les préfectures, notamment de département, ont été progressivement dépouillées de leurs leviers d’action par les réformes menées depuis des décennies. Ainsi, dans de nombreux territoires, les moyens humains et matériels de l’État déconcentré sont aujourd’hui minimes, donc insuffisants, notamment – nous l’avons vu – pour faire face à la crise sanitaire, et ce malgré l’engagement des agents, que je tiens à saluer.
Pour y répondre, le Gouvernement annonce la création d’une nouvelle catégorie de représentants de l’État, les sous-préfets à la relance. L’occasion est donc donnée de doter les services départementaux de l’État qui en ont le plus besoin de ces moyens exceptionnels. Or il n’y a rien de précis sur ce point dans le PLF, pas plus que dans les axes de déploiement de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.
Pourtant, la territorialisation du plan de relance est la condition de sa réussite. Et seules les préfectures de département peuvent être l’échelle garante de l’efficacité escomptée.
En outre, la nouvelle rationalisation proposée dans ce budget, associée à la montée en puissance de la direction numérique du programme 216, ne doit pas être synonyme, comme c’est trop souvent le cas, de baisse de la qualité de service, comme nous avons pu le constater avec la fermeture de trop nombreuses trésoreries locales.
Ma deuxième remarque concerne les prochaines échéances électorales, dont le financement relève du programme 232. L’augmentation des crédits de ce programme explique, presque à elle seule, la hausse du budget de la mission.
En effet, le calendrier de 2021 sera chargé, avec les élections départementales et régionales en mars prochain. Il faut donc anticiper certaines dépenses, notamment celles permettant de garantir la sécurité sanitaire. Mais il est regrettable que, malgré les leçons budgétaires que nous aurions pu tirer des élections municipales passées, l’éventuel report des élections au mois de juin et la majoration du plafond des dépenses de campagne, proposés par Jean-Louis Debré, ne soient pas budgétés dans le cadre de cet exercice budgétaire.
Par ailleurs, madame la ministre, au nom des principes qui fondent notre démocratie, il y a urgence à lever le flou qui entoure la date des scrutins. L’absence de décision prend aujourd’hui en otages élus et collectivités. Ces rendez-vous sont des moments importants pour nos territoires et leurs habitants, qui ont besoin de lisibilité.
Enfin, je souhaite faire part de mon incompréhension face à la baisse continue, depuis 2018, du budget alloué au fonds interministériel de prévention de la délinquance, alors que notre pays est confronté à une menace terroriste élevée, à une montée de la violence et à une radicalisation dont nous avons pu mesurer encore récemment les conséquences tragiques.
Ainsi, et contrairement à ce que son titre pourrait laisser entendre, cette mission a une incidence directe et très concrète pour nos compatriotes dans les territoires, surtout les plus ruraux. Le maillage territorial de l’État et sa capacité d’action dans nos territoires doivent être renforcés, à plus forte raison dans le contexte actuel, marqué par une crise sanitaire sans précédent, un ordre républicain abîmé et une société plus que jamais fracturée.
L’État doit prendre ses responsabilités et ne peut constamment se reposer sur les collectivités territoriales, pour lesquelles faire mieux avec moins n’est pas seulement un slogan, mais une réalité – fortement accentuée par le contexte financier de baisse attendue des recettes et d’explosion actuelle, mais aussi à venir, des dépenses. Je pense à cet égard aux conseils départementaux, et notamment à celui de l’Oise, que je connais bien pour avoir eu l’honneur de le présider, et qui va sûrement voir la charge du revenu de solidarité active (RSA) bondir, sans parler de celle relative aux mineurs étrangers isolés.
Vous le savez, les collectivités agissent au cœur de la crise sanitaire pour préserver les services rendus à leurs administrés et pour limiter l’impact économique de ladite crise. En retour, elles doivent pouvoir compter sur l’État.
Madame la ministre, constance et cohérence ont guidé mon intervention, par rapport à celle de l’année précédente. Je vous invite à faire de même afin de renforcer la parole de l’État vis-à-vis de nos élus, de nos territoires et de leurs habitants.