Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit sur cette mission, que nous pouvons considérer de deux façons.
Tout d’abord, elle doit être examinée à l’aune de la réforme de l’organisation territoriale de l’État et du cycle électoral.
Le programme 354, « Administration territoriale de l’État », montre une stabilisation des crédits en trompe-l’œil, cela a été dit. Les mesures de mutualisation consécutive à la réforme de l’organisation territoriale de l’État, annoncée par la circulaire de juin 2019, expliquent les mouvements des crédits et des effectifs du programme.
Je souligne, comme d’autres avant moi, le maintien – et non le renforcement – des moyens des préfectures, après plusieurs années d’érosion et donc de retrait de la présence de l’État dans les territoires, dans une logique de rationalisation de la dépense publique.
La création des secrétariats généraux communs et la mutualisation des fonctions supports des directions départementales visent à créer de la transversalité dans l’action publique, ce qui est une bonne perspective. Mais nous ne pourrons apprécier l’efficacité de cette réforme que dans les années à venir. Nous sommes donc dubitatifs quant à l’ensemble de la mission.
Par ailleurs, on a pu observer une administration sous tension, même si elle a su être réactive, dans le contexte de la crise sanitaire. Cela doit nous amener à nous interroger sur le calendrier et le rythme de la poursuite de la réforme.
Les crédits du programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », sont en augmentation en raison du cycle électoral de 2021, et ce à juste titre.
Je tiens à rappeler que l’impact de la crise sanitaire sur les élections municipales de 2020 a entraîné un surcoût de 29, 3 millions d’euros.
Le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », finance des projets numériques à forts enjeux. Le programme reste stable, mais le financement est exogène, lié à la mission « Plan de relance » pour soutenir des projets numériques dont les enjeux sont très lourds. Je salue néanmoins la création, par la direction interministérielle du numérique (Dinum), d’un observatoire de la qualité des services publics numériques pour renforcer l’accessibilité numérique, point essentiel à la réussite de la modernisation de notre administration.
Nous partageons les préoccupations de Mme la rapporteure spéciale sur les moyens du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).
Ce programme doit garantir la continuité du service public et de la démocratie. La continuité du service public impose une action de proximité renforcée. Les réformes organisationnelles ne doivent pas se faire aux dépens de l’exercice de missions prioritaires, telles que le contrôle de légalité ou le soutien juridique aux collectivités. En 2020, on relève que 53 % des préfectures ont pourtant réduit les effectifs affectés à ce contrôle.
Par ailleurs, si la dématérialisation est une nécessité, et bien que les apports des évolutions technologiques soient positifs, elle ne doit pas cependant exclure, en retour, les plus fragiles ou ceux qui s’estiment oubliés. Le Défenseur des droits et la mission d’information du Sénat sur l’illectronisme ont d’ailleurs souligné ces points à plusieurs reprises. Il faudrait en réalité mobiliser le produit des économies réalisées pour renforcer l’accessibilité des services publics aux citoyens les plus fragiles et les plus éloignés du numérique.
Cela suppose néanmoins de définir une véritable doctrine territoriale de l’État. Or il n’y en a toujours pas ! Nous nous concentrons sur la dématérialisation – c’est une bonne chose –, mais elle continue d’être vécue sur certains territoires comme un abandon.
Les réformes administratives et comptables continuent de se succéder, pour autant nous recherchons toujours quel est le sens de la politique territoriale de l’État. Ce dernier s’appuie de plus en plus sur les collectivités, comme nous l’observons dans le cadre du recours aux maisons France Services : en effet, sur les 856 maisons de ce réseau, 543 sont financées, non pas par l’État, mais par les collectivités. Nous espérons que le projet de loi « 3D », « 4D, voire « 5D » – peu importe la puissance ! –, apportera des éclaircissements sur la conception de l’État territorial, telle que l’envisage l’exécutif.
S’agissant de la continuité démocratique, il est évident que parler d’une adaptation du calendrier électoral, en tant que telle, ne peut suffire. Il faut déterminer à la fois les conditions de la participation et celles de l’amélioration de la légitimité des élus.
Beaucoup de discours portent aujourd’hui sur le vote à distance, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, dont la commission des lois a créé une mission d’information consacrée à ce sujet. Ce qui est certain, c’est que le report des élections ne pourra se faire dans les mêmes conditions, sans que des modalités complémentaires aient été définies. Le report seul n’a pas de sens : certes, la démocratie ne se réduit pas qu’au vote, mais sans vote il n’y a pas de démocratie ; encore conviendra-t-il d’en aménager les modalités d’organisation.
Vous comprendrez forcément l’attitude particulièrement dubitative de notre groupe !