Intervention de David Assouline

Réunion du 2 décembre 2020 à 21h00
Loi de finances pour 2021 — Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les crédits de tous les programmes liés au ministère de la culture sont en hausse – et je le salue –, seuls ceux du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » sont en baisse ; nous ne les approuverons donc pas.

Comme souvent, il y a les mots, les mots, et puis… Et puis, il y a le budget !

Il y a les éloges pour le service public de l’audiovisuel, pour ses missions essentielles pour la citoyenneté et les valeurs de la République, pour l’exigence et la diversité culturelle, pour son rôle éducatif conforté dans la crise sanitaire inédite que nous traversons, et puis… Et puis, il y a la baisse de son budget, qui continue, en particulier pour France Télévisions et Radio France. En d’autres termes, on assiste à une baisse des moyens permettant, à force d’innovation et grâce à la qualité des personnels, de faire face non seulement à cette crise, qui – nous l’espérons – est conjoncturelle, mais à une concurrence qui est non plus uniquement celle du privé, mais celle de géants du net. À eux seuls, ces derniers ont la puissance financière d’États et de nations riches.

Je le dis franchement, vous avez abandonné toute ambition pour le service public de l’audiovisuel, pas seulement en réduisant son budget, alors que les recettes publicitaires manquent à cause de la pandémie, mais en abandonnant dans le même temps la grande réforme annoncée de l’audiovisuel et celle de la redevance, une redevance que vous continuez en plus à baisser par rapport à l’augmentation du coût de la vie. Vous le faites alors que les États européens qui nous entourent non seulement ont réformé la redevance, devenue ainsi universelle, mais perçoivent un montant nettement supérieur au nôtre : plus 180 euros au Danemark, plus 78 euros en Allemagne, plus 38 euros au Royaume-Uni, quand vous mégotez pour un ou deux euros qui rapporteraient 30 à 60 millions d’euros supplémentaires directement affectés au financement de notre audiovisuel public.

C’est ainsi que vous remerciez les résultats d’audience remarquables et la qualité des programmes de plus en plus remarquée de Radio France et France Télévisions, qui ont réalisé pourtant tant de sacrifices, d’efforts et d’économies depuis plus de cinq ans.

Ces baisses ne sont pas nouvelles. C’est une trajectoire budgétaire que votre gouvernement a imposée depuis plusieurs années et que vous allez poursuivre froidement, y compris dans les circonstances dramatiques d’aujourd’hui. Vous proposez que l’audiovisuel public connaisse une perte de 69 millions pour 2021 alors que sa dotation était déjà en baisse de 3, 36 % en 2020.

Avec une telle trajectoire, même le niveau d’investissement dans la création, qui était jusqu’à maintenant préservé, ne pourra plus l’être demain. Déjà, les émissions de flux, d’information et de sport, qui consacrent pourtant plus que jamais la télévision en linéaire, sont rognées.

Après la fermeture de France Ô et celle, programmée, de France 4, vous continuez à affaiblir dans les faits notre audiovisuel public. C’est la réalité ! Avec des amis comme ce gouvernement, l’audiovisuel public n’a pas besoin d’ennemis.

Je veux maintenant aborder l’aide au cinéma, qui continuait à enregistrer de bons résultats avant la crise sanitaire, avec une croissance de 18 % à l’export en un an, et le deuxième plus haut niveau de fréquentation des cinémas depuis cinquante-trois ans en 2019, avec 213, 3 millions d’entrées.

Mais, en 2020, sous les effets de la pandémie elle-même et des mesures sanitaires chaotiques qui ont été imposées, le cinéma vit une situation dramatique, avec une baisse de plus de 50 % des fréquentations des salles, le tout entraînant notamment des reports de film.

Félicitons la réactivité du CNC, qui a mis en place de nombreux systèmes d’aide et d’accompagnement dès le début du premier confinement et qui a ensuite prévu des dispositifs englobant plus largement les acteurs susceptibles d’en bénéficier lors du deuxième.

Je salue les aides du plan de relance et la progression non négligeable de 11, 6 millions d’euros des crédits liés au programme « Livre et industries culturelles ». Je vous demande tout de même – c’est l’objet de deux amendements que j’ai déposés – de ne pas oublier les radios associatives et locales ni l’aide aux documentaires.

Le système de financement de la création audiovisuelle que tant de pays nous envient est vertueux. Il contribue à faire rayonner l’exception culturelle française ! Continuons à le défendre ensemble. Pour cela, transposons sans perdre de temps les directives SMA et droits d’auteurs, comme le Sénat l’a permis dès le mois de juillet.

La presse est affaiblie depuis plusieurs années par un changement de modèle à marche forcée. Je salue les aides apportées dans le plan de relance et dans le programme « Presse et médias », qui est en augmentation de 8 millions d’euros.

J’espère néanmoins que les pouvoirs publics s’investiront davantage pour peser dans les négociations ouvertes avec Google afin d’appliquer la loi dont je suis l’auteur sur les droits voisins en faveur des éditeurs et – je le rappelle, car elles sont un peu oubliées – des agences de presse. D’ailleurs, j’espère que mon amendement, voté par le Sénat, visant à ramener la TVA des productions d’agences de presse de 10 % à 5, 5 % ne sera pas annulé par l’Assemblée nationale.

Mais à quoi bon une telle aide à la presse si c’est pour, parallèlement, tenter de la mettre sous contrôle avec l’article 24 du projet de loi « sécurité globale » ou l’article 25 de la loi dite « contre les séparatismes », et même en rendant possible la censure par une circulaire fortement contestée du ministère de l’intérieur ?

En s’attaquant à la loi de 1881, au-delà de la presse, c’est la liberté d’expression tous les citoyens dans notre pays que l’on touche.

Car comme le déclarait Victor Hugo dès 1848 : « […] Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. […] Ces deux principes s’appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c’est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l’une, c’est attenter à l’autre. »

Madame la ministre, oui à l’aide financière à la presse ; non à sa mise en cage, même dorée !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion