Mon intervention portera sur l’ensemble du champ de la mission, à l’exception notable des crédits de l’audiovisuel et de la chaîne du cinéma, dont parlera notre collègue Catherine Morin-Desailly.
À l’instar de tous les secteurs culturels, la presse a bien sûr énormément souffert de la crise sanitaire.
Notre rapporteur, Michel Laugier, dont je salue au passage l’excellence du travail, vient de rappeler les chiffres : la diffusion a diminué de 20 %, les recettes publicitaires de 80 %.
C’est un séisme, surtout pour un secteur dont les difficultés sont antérieures à la crise de la covid, et qui doit subir par ailleurs le double choc de l’émergence du numérique et de la faillite de Presstalis.
Avec notre commission, nous ne pouvons donc que saluer le maintien de l’effort de soutien au secteur, de même que les avancées positives dans la reconnaissance de la presse en ligne, la création du fonds de lutte contre la précarité dans la profession de journaliste et sur le dossier clef des droits voisins.
Depuis le début de la crise, la situation du livre, via celle des librairies, est sous le feu des projecteurs. Et pour cause, elles auraient dû, selon nous, rester ouvertes. À notre connaissance, les librairies n’ont jamais été des clusters.
Or le présent budget ne traduit pas l’inquiétude exprimée dans l’opinion publique à leur sujet. En effet, le soutien à la filière ne fait pas l’objet d’une augmentation de crédits au sein de la mission.
Seul le plan de relance concrétise un soutien financier ponctuel, mais un soutien mesuré : sur les 370 millions d’euros consacrés au secteur culturel, seuls 30 millions d’euros doivent aller au livre. C’est peu.
Heureusement, les librairies ont bénéficié après le premier confinement d’un effet rebond. Nous espérons que le phénomène se reproduira pour les fêtes de fin d’année. De plus, même si le click and collect ne remplacera jamais une activité normale, les commandes en ligne ont pu permettre aux librairies de sauvegarder un minimum d’activité, entre 20 % et 30 %.
La situation de la Bibliothèque nationale de France est à surveiller. En effet, bien que ses crédits soient en hausse continue ces dernières années, les grands et ambitieux projets dans lesquels elle s’est lancée, ainsi que la crise sanitaire, pourraient à terme fragiliser son équilibre financier et entamer sérieusement ses marges de manœuvre.
Le recours au mécénat, que je salue ici, ne doit cependant pas se substituer graduellement au soutien de l’État.
La situation des salles de cinéma est tout autre. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à abonder de 70 millions d’euros l’action Culture dans le plan de relance. Nous regrettons fortement qu’il n’ait pas été adopté. En effet, depuis le début de la crise, le manque à gagner pour les salles de cinéma avoisinerait déjà le milliard d’euros.
Une aide exceptionnelle de 100 millions d’euros a été débloquée en LFR 3 pour le dernier trimestre 2020, mais le plan de relance est très sous-dimensionné pour prendre le relais de cette aide.
Seuls 37 millions d’euros sont prévus pour les salles en 2021. Le risque est grand de les voir mourir. Même lorsqu’elles pourront rouvrir, les salles vont souffrir d’un effet psychose persistant. La jauge à 50 %, avec une place sur deux, et le port du masque tout au long du film pourrait aussi faire s’envoler l’effet « détente » d’une séance de cinéma.
Vous le savez, mes chers collègues, les salles de cinéma sont l’un des maillons essentiels de l’écosystème de la création cinématographie dans notre pays. Si les salles disparaissent, c’est toute la filière qui sera menacée. Il y aura toujours des producteurs pour faire des films, mais s’il n’y a plus personne pour les diffuser, c’est l’industrie entière qui perd sa base. Sans oublier non plus toute l’importance des cinémas dans l’animation culturelle et artistique de nos territoires.
J’en terminerai par le secteur de la musique, dont la situation est, elle aussi, très préoccupante hélas !
Heureusement, le soutien financier qui lui est accordé n’est pas négligeable. Le Centre national de la musique a reçu 50 millions d’euros en LFR 3 et va recevoir 200 millions d’euros, soit treize fois sa dotation, pour mettre en place le soutien à la filière musicale dans son ensemble – spectacles, concerts et musique enregistrée. Ce soutien compensera notamment les pertes de billetterie.
Plusieurs points de vigilance sont toutefois indispensables. Une institution si jeune sera-t-elle en mesure d’accomplir une telle mission ?
Par ailleurs, malgré l’effort, ce soutien sera sans doute lui aussi insuffisant. Pour le compléter, nous proposerons dans les articles non rattachés un amendement exonérant de cotisation foncière des entreprises (CFE) les TPE de musique enregistrée et d’édition musicale, ce qui devrait profiter à toute la chaîne de production musicale.
Enfin, le présent PLF consacre la montée en charge des crédits propres au CNM, qui doit prendre pleinement ses fonctions en 2021. Sa subvention atteint presque 16 millions d’euros. C’est conforme aux engagements gouvernementaux, mais le financement pérenne du CNM n’est toujours pas assuré. C’est un dernier point de vigilance.
Madame la ministre, sous ces réserves et celles qu’exprimera ma collègue Catherine Morin-Desailly concernant l’audiovisuel, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».