Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 6 avril 2011 à 14h30
Bioéthique — Article additionnel après l'article 5 quater, amendements 14 2011

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Si j’ai souhaité être cosignataire de cet amendement n° 14 rectifié, c’est parce qu’il me paraît aberrant que, en 2011, la France puisse encore cautionner une telle discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

Je rappellerai à mon tour, madame la secrétaire d'État, que l’annexe II de l’arrêté dit « Bachelot » du 12 janvier 2009, érige en « contre-indication » au don de sang et d’organes, sans faire de différence, la donnée suivante : « Homme ayant eu des rapports sexuels avec un homme ». C’est exactement ce qui y est écrit ! À l’évidence, nos concitoyens homosexuels et bisexuels masculins sont discriminés, car exclus du don de sang et d’organes.

Je n’ai pas été convaincue par les explications que vous avez données, hier, lors la discussion générale, en tentant de revenir sur les regrettables déclarations que vous avez pu faire en commission des affaires sociales.

Non, madame la secrétaire d'État, les critères de sécurité sanitaire ne sont pas différents lorsqu’il s’agit du sang, qui est d’ailleurs un organe, ou d’un autre organe, comme la moelle osseuse. Non, l’homosexualité n’est pas un facteur de risque pour le VIH.

Ce n’est pas l’orientation sexuelle qui est en cause dans la transmission du virus, ce sont les comportements à risques.

Par ailleurs, on essaie de nous convaincre du bien-fondé de cette discrimination au motif que le taux de séropositivité serait plus important chez les homosexuels que chez les hétérosexuels.

Cependant, je me permets de vous rappeler ce que précisait, à juste titre, M. Xavier Bertrand en 2006 : il y a non pas des « groupes à risques », mais des « pratiques à risques ».

Aujourd'hui, les chiffres peuvent être mis en question, puisque plusieurs rapports montrent que les hétérosexuels sont davantage concernés par les nouvelles contaminations que les homosexuels. Le virus progresse donc plus vite chez ceux qui ne paraissent pas constituer un risque pour vous !

Rappelons également que, de nos jours, la sécurité de la transfusion sanguine est assurée à plusieurs niveaux. Elle permet d’écarter la quasi-totalité des dons contaminés.

Comment justifier une interdiction, instaurée en 1983 et qui paraît désormais totalement incompréhensible, alors que nous accusons pourtant une pénurie de dons ? Malheureusement, chaque année, vous le savez, 277 personnes décèdent du fait d’un manque de greffons.

Enfin, au-delà des indications chiffrées, je rappelle qu’en pratique un questionnaire est réalisé au moment du don. Certains citoyens peuvent tout à faire considérer que leur orientation sexuelle, qui ne regarde qu’eux, appartient au domaine de l’intimité de leur vie privée. Il est normal que des hommes ne souhaitent pas indiquer, lors du don, qu’ils ont eu des rapports sexuels avec d’autres hommes.

Nous connaissons tous des hommes homosexuels qui ont donné ou donnent leur sang. L’interdiction est donc aussi discriminante qu’inefficace.

Pour toutes ces raisons, je souhaite que le Sénat vote cet amendement.

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