En complément des arguments mentionnés par mes collègues, nous avons, en outre, un sérieux désaccord avec le ministre : c'est le sujet du Casdar. Je rappelle que ses dépenses financent la recherche appliquée agricole par les instituts techniques et des appels à projets et, en parallèle, son développement sur le terrain, par l'aide de conseils techniques des chambres. Le Casdar est financé par une taxe sur le chiffre d'affaires des agriculteurs, mise en place explicitement pour financer la recherche agricole appliquée, l'argent revenant pour un tiers aux instituts techniques, pour un tiers aux chambres d'agriculture et, pour un dernier tiers, aux appels à projets. Il s'agit donc d'argent des agriculteurs, pour les agriculteurs, via de la recherche appliquée par des agriculteurs.
Le ministère estime que la baisse des prévisions de recettes, compte tenu d'un chiffre d'affaires 2020 en recul dans les exploitations en raison de la mauvaise récolte de céréales et de la baisse d'activité due à la covid-19, justifie une baisse des dépenses du Casdar de 10 millions d'euros.
En pratique, de nombreux projets ne pourront pas être financés. Je rappelle qu'en 2019, l'État a récupéré 7 millions d'euros, car les prévisions étaient supérieures au plafond manifestement sous-évalué. Cela sera 4 millions cette année. Avec la baisse du budget de 10 millions d'euros l'année prochaine, le Gouvernement aura amputé le budget de la recherche appliquée agricole de 21 millions d'euros ! Les instituts techniques nous ont transmis une liste de 47 projets majeurs refusés ces dernières années malgré leurs intérêts.
Et ces tours de passe-passe budgétaires arrivent au pire moment, comme l'ont rappelé les débats sur les néonicotinoïdes, qui ont bien démontré, malgré nos désaccords sur le fond, que la solution résidait dans la recherche ! Réduire le budget du Casdar est un non-sens. D'autant que le ministre nous a indiqué que les 7 millions d'euros de crédits supplémentaires de recherche pour la betterave seraient affectés depuis un Casdar en baisse. D'autres filières ne pourront donc plus être financées.
Pour 2021, c'est un recul de 8 % du budget du compte d'affectation spéciale par rapport à l'année dernière, qui s'imputera, sans doute, à hauteur de 5 millions d'euros sur les chambres et de 5 millions d'euros sur les instituts techniques, en réduisant leurs dotations ou les appels à projets qui leur reviennent.
Ce qui est étonnant, c'est que l'Insee ne prévoit pas un tel recul de l'activité dans ses prévisions d'octobre pour l'activité agricole, les chiffres étant estimés à - 1 %.
Sans même retenir cet argument de la prévision, que personne ne connaît par construction, je tenais à rappeler que le Gouvernement avait d'autres choix. Il pouvait, par exemple, maintenir le plafond actuel et constater, en cours d'année, une recette inférieure, comme il l'a fait entre 2014 et 2017. C'est ce qui avait le mérite de préserver les dépenses de recherche. Pourquoi ne pas le faire dans ce budget ?
Il pouvait également compenser la baisse des prévisions des recettes en couvrant les dépenses par le budget général, par exemple en dégageant 10 millions d'euros sur les crédits de la mission agricole pour garantir le financement des instituts techniques. L'article 21 de la loi organique pour les finances publiques (LOLF) le permet. Encore une fois, pourquoi ne pas le faire dans ce budget ?
Le sentiment qui nous animait tout au long de nos auditions était que cette baisse du plafond du Casdar de 10 millions était une manière d'imposer une mesure d'économies sur les chambres d'agriculture, ce qui rappelle d'autres tentatives passées, et sur les instituts techniques. L'audition du ministre nous a convaincus que cela était bien le cas. Il a reconnu, entre les lignes, qu'il avait obtenu la survie du Casdar une année de plus contre cette mesure d'économies.
L'enjeu va donc bien au-delà des 10 millions d'euros cette année, qui posent déjà de graves difficultés : il s'agit de la survie du Casdar. Une mission des corps d'inspection aura lieu, et il faudra, sans doute, se battre l'année prochaine pour sauver le Casdar. Accepter cette mesure d'économies, c'est déjà accepter sa suppression, telle est ma conviction. Si son fonctionnement peut être amélioré, il faut absolument préserver cet outil qui, je le rappelle, est un fléchage de cotisations des agriculteurs vers le financement d'une recherche appliquée qui leur vient en aide.
Pourquoi remettre en cause le budget des instituts techniques alors qu'ils sont à la pointe de l'innovation en matière de recherches d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques par exemple ? À l'heure de la réduction de l'usage des pesticides, la recherche est la clé. En réduire les moyens à ce moment de l'histoire, c'est une erreur stratégique.
Le ministre se justifie en nous rassurant sur le plan de relance et le programme d'investissements d'avenir, qui prévoiront sans doute des crédits à la recherche agricole. Mais ce sont des fusils à un seul coup, alors que la réduction des pesticides va prendre du temps, des années, et que la recherche a besoin de visibilité et de lisibilité.
En outre, contrairement à ces instruments, le Casdar permet une mutualisation de la recherche entre filières. L'institut technique du houblon est financé par exemple à plus de 70 % par le Casdar, d'autres filières cotisant finalement pour financer la recherche des plus petites. C'est essentiel !
Enfin, le Casdar permet d'avoir un instrument visible, global, lisible rassemblant toutes ses initiatives en matière de recherche agricole appliquée pour réduire l'usage d'intrants. C'est essentiel pour mieux en suivre les résultats. C'est essentiel pour le travail parlementaire. C'est essentiel pour également mieux communiquer les avancées.
Nous ne pouvons donc accepter une telle décision d'économie cette année et nous devons signifier au ministre que nous nous opposerons à toute réforme dénaturant le Casdar. C'est pourquoi je rejoins l'avis de mes collègues en vous proposant d'adopter un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission et du Casdar.