Nous examinons le rapport de M. Laurent Duplomb, Mme Françoise Férat et M. Jean-Claude Tissot sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2021.
Avant de commencer, j'en profite pour saluer M. Fabien Gay, dont le travail sur l'affaire des faux steaks hachés distribués aux associations caritatives a été mis en lumière par une grande chaîne de télévision nationale hier soir.
Le budget, après examen par l'Assemblée nationale, est proposé à hauteur de 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) pour 2021, soit un recul de 34 millions en AE et une augmentation de 34 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiales pour 2020.
Deux évolutions ont un impact à la baisse sur le budget en AE. La première est la baisse des cofinancements des dotations aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) par rapport à l'année dernière, même si c'est un effet d'optique puisque ces dotations avaient été exceptionnellement accrues en 2020 pour engager une nouvelle vague de contrats MAEC. J'en veux pour preuve que nous aurons encore en 2021 des crédits à engager à un niveau deux fois supérieur à celui de 2019. La seconde évolution est la baisse des dotations du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) de 11 millions en AE et de 23 millions en CP.
J'ajoute, pour information, que les crédits de paiements pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) seront en recul de 2 millions d'euros en raison de la fin de la compensation pour les communes sortantes du nouveau zonage.
En parallèle ont été augmentées plusieurs lignes budgétaires. Pour le programme 149, je veux mentionner la dotation pour aléas de provisions, tout d'abord, qui passe de 175 à 190 millions d'euros. Il en va de même pour les crédits de l'action dédiée à la forêt, en hausse de 7 millions d'euros.
Le programme 206, dédié à la sécurité sanitaire, augmente également de 33 millions d'euros en AE et 32 millions d'euros en CP, principalement pour boucler le plan de recrutement des contrôles aux importations dans le cadre du Brexit et pour réformer la base de données nationale d'identification animale (BDNI), conformément à nos engagements européens.
Enfin, le programme 215, dédié aux moyens du ministère, est également en augmentation en raison, principalement, d'investissements immobiliers et informatiques.
On le voit, c'est un budget de gestion. À ce budget finalement assez stable s'ajoutent plusieurs points positifs : le maintien du dispositif d'exonérations de charges patronales pour les employeurs de travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emplois en agriculture pour deux années supplémentaires - le Sénat l'a d'ailleurs, et à juste titre, pérennisé dans le PLFSS ; le maintien du budget des chambres d'agriculture et l'abandon, cette année, du projet de baisse de leur budget de 45 millions d'euros envisagé l'année dernière par le Gouvernement ; la mise en place d'un volet agricole dans le plan de relance pour 1,2 milliard d'euros comportant plusieurs mesures favorables à l'investissement, notamment des aides aux investissements favorables à la réduction d'intrants, au bien-être animal et à la réduction des risques liés aux aléas climatiques, ce que nous défendons lors des discussions sur le projet de loi de finances depuis longtemps et que le Gouvernement s'est enfin décidé à reprendre. Avec MM. Franck Montaugé, Bernard Buis et Franck Menonville, nous avions, au nom de la cellule de veille et de contrôle de notre commission sur la crise sanitaire, fait des propositions et appelé le Gouvernement à prendre de telles mesures. Nous ne pouvons donc que nous en féliciter : dans le détail, un milliard sera consacré à l'agriculture et 200 millions à la forêt.
Toutefois, nous constatons trois points négatifs qui nous opposent à ce budget. Le premier, et M. Jean-Claude Tissot y reviendra, concerne la diminution de 10 millions d'euros du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar).
Le second concerne les aides de crise. Vous le savez, certaines filières agricoles n'ont pas été épargnées par le premier confinement, notamment en l'absence de débouchés à l'export ou en restauration hors foyer (RHF) et en raison de la fermeture de certains canaux de distribution. Je pense à la viticulture, à l'horticulture, aux brasseurs, aux producteurs de cidre, aux petites filières de la volaille ou aux producteurs de pommes de terre. Nous avons obtenu l'engagement du précédent ministre de l'agriculture d'obtenir des aides ciblées pour les viticulteurs, l'horticulture, la pomme de terre, les brasseurs et producteurs de cidre, ainsi que des aides européennes pour les pisciculteurs et conchyliculteurs.
Mais nous avons découvert trois anomalies. À ce stade, aucune aide nationale n'a été versée ! Seules les aides européennes ont été décaissées pour les viticulteurs pour la distillation de crise. Aucune aide française n'a été versée depuis le début du confinement au mois de mars : le Gouvernement répond-il ainsi à l'urgence dans ces conditions en attendant plusieurs mois avant d'agir ?
Le ministre a aussi annoncé une baisse de certaines enveloppes, c'est le cas pour les pommes de terre, les montants étant réduits à 4 au lieu de 10 millions d'euros. Et les viticulteurs craignent que les services du ministère ne reviennent sur leurs promesses de fonds pour compenser les sanctions américaines en considérant que la distillation de crise valait solde de tout compte. C'est une remise en doute de la parole de l'État qui pose des difficultés.
Enfin, tout occupé à assurer le versement, on l'a compris tardif et réduit, des aides du premier confinement, le ministère n'a pas envisagé, encore aujourd'hui, un plan d'aides liées au second confinement. Or les problèmes sont les mêmes et les mêmes filières sont en difficulté : volailles à l'approche de Noël, pommes de terre et brasseurs sans débouchés avec la fermeture des restaurants, horticulteur en l'absence de fleuristes, etc.
Nous aurons encore un retard qui mettra en péril certaines filières. Avec MM. Franck Montaugé, Bernard Buis et Franck Menonville, nous craignions cet été qu'à défaut d'aides, le potentiel productif ne soit réduit, notamment dans les plus petites filières. Nous y voici ! Pour la pintade, par exemple, 15 % du matériel génétique a été détruit depuis mars. C'est une perte pour la France. Il en va de même pour les pigeons ou les cailles. En ajoutant une saison de Noël potentiellement catastrophique et un risque d'influenza aviaire, la filière pourrait ne pas s'en remettre. Il faut les aider et vite ! Nous appelons le ministre à réagir sur ce sujet rapidement, avant qu'il ne soit trop tard.
Le troisième point négatif concerne enfin la sincérité du budget. Il est étonnant de constater que des mesures nouvelles annoncées, ici même, par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ne figurent pas dans le budget, par exemple les 7 millions d'euros afin d'accélérer la recherche sur les alternatives au glyphosate ou les 7 millions d'euros destinés à financer le plan de recherche d'alternatives aux néonicotinoïdes pour la betterave sucrière. Enfin, aucune mention du plan d'indemnisation des planteurs betteraviers touchés par l'épidémie de jaunisse en 2020 ne figure dans les documents budgétaires, alors que cette mesure a été annoncée par le ministère, sans être à ce stade chiffrée.
Lors de son audition, le ministre a assuré que ces crédits seraient financés par des « redéploiements » en cours de gestion à la fois sur le Casdar et les crédits de la mission, c'est-à-dire en imposant des économies sur d'autres dispositifs, notamment en mobilisant la réserve, et sans informer préalablement le Parlement de ces mesures. Cela n'est pas conforme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et nous prive d'un débat sur ces sujets.
Au fond, il me semble que nous ne pouvons pas accepter le budget présenté cette année. Il commet une erreur stratégique sur le Casdar, une erreur tactique sur les aides d'urgence liées à la covid-19 et suscite des inquiétudes en ne prenant pas en compte certains risques évidents. Comment comprendre que les Pays-Bas soutiennent massivement leurs horticulteurs dans la crise, alors que le Gouvernement français qui leur avait promis 25 millions d'aides n'a toujours pas versé un centime...
C'est pour ces raisons que nous vous proposons d'adopter un avis défavorable sur les crédits de la mission et sur le Casdar.
Nos auditions nous ont conduits également à étudier certains facteurs de risque que le budget ne prend pas en compte à ce stade. Ce sont des défis. Ils sont source d'inquiétude. J'en prendrai trois : l'adaptation au changement climatique, la sécurité sanitaire et la forêt.
Les crédits dédiés à compenser les pertes agricoles liées au changement climatique sont avant tout tracés, dans le budget, par le biais de la provision pour aléas. Créée en 2018, à hauteur de 300 millions, cette provision avait pour mission de couvrir les effets des crises agricoles selon le Gouvernement. Notre commission avait, de son côté, relevé l'intérêt manifeste de cette réserve, à savoir masquer un budget pour l'agriculture en forte baisse en 2018, compte tenu de la fin de la compensation à la Mutualité sociale agricole (MSA) de l'exonération de cotisation maladie des exploitants agricoles. Elle avait craint que cette provision ne serve, au fur et à mesure, de variable d'ajustement budgétaire.
Depuis, force est de constater que cette provision est devenue cette variable d'ajustement utilisée par le ministère de l'agriculture pour donner des économies à Bercy lors de la construction du budget. Elle a été réduite de 100 millions d'euros en 2019 et de 25 millions en 2020. Il faut le regretter dans la mesure où ces crédits sont censés couvrir les frais engagés en cas de crise agricole, qu'elle provienne d'un aléa climatique ou sanitaire, mais aussi les frais engagés pour régler les apurements communautaires.
Or nous constatons, chaque année, sur l'ensemble du territoire français, que la nature et la fréquence de ces crises augmentent. J'en veux pour preuve les sécheresses à répétition connues depuis 2016 ou, plus spécifiquement cette année, les impacts très forts sur les rendements de l'épidémie de jaunisse sur les betteraves.
Et chaque année nous constatons que la provision pour aléa a été sous-dotée. Cette année par exemple, l'État avait prévu une provision de 175 millions d'euros - il en dépensera finalement 230 pour compenser les effets de la sécheresse 2019 au Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) et payer les apurements communautaires.
En 2020, compte tenu de la sécheresse de cet été, les indemnisations à payer aux producteurs de betterave en raison de la jaunisse et les aides de crise à payer aux filières en difficulté en raison du confinement l'année prochaine, notre boule de cristal nous fait voir que la réévaluation de 15 millions d'euros de la provision ne sera pas suffisante.
J'ajoute à ces craintes les risques importants liés aux épidémies cette année, et c'est le second défi que le budget ne semble pas vouloir relever.
Depuis octobre 2020, plusieurs virus d'influenza aviaire hautement pathogènes sévissent partout au nord de l'Europe. Et la France n'est pas en reste : nous avons eu confirmation, hier, de la détection d'un troisième foyer d'influenza aviaire en France. Les trois cas sont situés dans des animaleries ou des basses-cours et les élevages ne sont pas, à ce stade, touchés. Des zones de protection et de surveillance sont imposées autour de ces foyers. Un premier zonage de trois et dix kilomètres va être effectué autour de ces sites. En parallèle, l'ensemble du territoire national a été placé sous surveillance avec un renforcement des mesures de biosécurité et une surveillance événementielle de l'avifaune plus musclée. Toutefois, la sanction est tombée : la France n'a plus le statut indemne et les exportations de produits en seront altérées.
À cet égard, la tuberculose bovine doit également nous inquiéter. Le nombre de foyers en France est en continuelle augmentation et atteint près de 150 foyers prévalents aujourd'hui, principalement en Nouvelle-Aquitaine, en Normandie et en Côte-d'Or. Au regard de cette augmentation des cas, les mesures de gestion font l'objet d'une dotation supplémentaire de crédits cette année. Enfin, demeurent également les risques d'épidémie de peste porcine africaine, moins élevés désormais depuis la Belgique, mais qui se rapproche lentement depuis l'Allemagne. Et c'est sans parler des impacts des abattages de visons en raison de la covid-19.
Tous ces risques épidémiques font peser un risque fort sur le budget. Pour mémoire, le coût budgétaire de l'épisode H5N8 de 2017 a été estimé à plus de 64 millions d'euros pour le seul programme 206. Il va de soi que, dans ces conditions, le budget qui nous est présenté ne prend pas suffisamment en compte ces éléments en matière de prévention et d'indemnisation.
Enfin, venons-en au défi posé par la forêt. La crise sanitaire que subit notre forêt n'est pas due à l'apparition soudaine de nouveaux insectes. C'est une crise d'affaiblissement des défenses naturelles de nos arbres, qui n'ont pas bien supporté les variations climatiques et les épisodes de sécheresse. Il en résulte une baisse des prix du bois qui met en péril le modèle de notre Office national des forêts (ONF), dont les déficits et l'endettement sont désormais très inquiétants. Nos communes forestières et les propriétaires privées sont également touchés, et ce, au pire moment, à savoir celui où il faudrait investir pour massivement replanter.
Le plan de relance propose d'avancer sur ce sujet en mettant 150 millions d'euros sur la table pour replanter. Mais rappelons que l'Allemagne consacre un effort de près de 800 millions d'euros pour sa forêt. Nous risquons de n'être pas au rendez-vous.
Finalement, le budget de gestion détaillé par M. Laurent Duplomb, ne répond pas aux principaux défis posés à notre monde agricole et forestier. C'est pourquoi je rejoins mon collègue en vous proposant de lui donner un avis défavorable.
En complément des arguments mentionnés par mes collègues, nous avons, en outre, un sérieux désaccord avec le ministre : c'est le sujet du Casdar. Je rappelle que ses dépenses financent la recherche appliquée agricole par les instituts techniques et des appels à projets et, en parallèle, son développement sur le terrain, par l'aide de conseils techniques des chambres. Le Casdar est financé par une taxe sur le chiffre d'affaires des agriculteurs, mise en place explicitement pour financer la recherche agricole appliquée, l'argent revenant pour un tiers aux instituts techniques, pour un tiers aux chambres d'agriculture et, pour un dernier tiers, aux appels à projets. Il s'agit donc d'argent des agriculteurs, pour les agriculteurs, via de la recherche appliquée par des agriculteurs.
Le ministère estime que la baisse des prévisions de recettes, compte tenu d'un chiffre d'affaires 2020 en recul dans les exploitations en raison de la mauvaise récolte de céréales et de la baisse d'activité due à la covid-19, justifie une baisse des dépenses du Casdar de 10 millions d'euros.
En pratique, de nombreux projets ne pourront pas être financés. Je rappelle qu'en 2019, l'État a récupéré 7 millions d'euros, car les prévisions étaient supérieures au plafond manifestement sous-évalué. Cela sera 4 millions cette année. Avec la baisse du budget de 10 millions d'euros l'année prochaine, le Gouvernement aura amputé le budget de la recherche appliquée agricole de 21 millions d'euros ! Les instituts techniques nous ont transmis une liste de 47 projets majeurs refusés ces dernières années malgré leurs intérêts.
Et ces tours de passe-passe budgétaires arrivent au pire moment, comme l'ont rappelé les débats sur les néonicotinoïdes, qui ont bien démontré, malgré nos désaccords sur le fond, que la solution résidait dans la recherche ! Réduire le budget du Casdar est un non-sens. D'autant que le ministre nous a indiqué que les 7 millions d'euros de crédits supplémentaires de recherche pour la betterave seraient affectés depuis un Casdar en baisse. D'autres filières ne pourront donc plus être financées.
Pour 2021, c'est un recul de 8 % du budget du compte d'affectation spéciale par rapport à l'année dernière, qui s'imputera, sans doute, à hauteur de 5 millions d'euros sur les chambres et de 5 millions d'euros sur les instituts techniques, en réduisant leurs dotations ou les appels à projets qui leur reviennent.
Ce qui est étonnant, c'est que l'Insee ne prévoit pas un tel recul de l'activité dans ses prévisions d'octobre pour l'activité agricole, les chiffres étant estimés à - 1 %.
Sans même retenir cet argument de la prévision, que personne ne connaît par construction, je tenais à rappeler que le Gouvernement avait d'autres choix. Il pouvait, par exemple, maintenir le plafond actuel et constater, en cours d'année, une recette inférieure, comme il l'a fait entre 2014 et 2017. C'est ce qui avait le mérite de préserver les dépenses de recherche. Pourquoi ne pas le faire dans ce budget ?
Il pouvait également compenser la baisse des prévisions des recettes en couvrant les dépenses par le budget général, par exemple en dégageant 10 millions d'euros sur les crédits de la mission agricole pour garantir le financement des instituts techniques. L'article 21 de la loi organique pour les finances publiques (LOLF) le permet. Encore une fois, pourquoi ne pas le faire dans ce budget ?
Le sentiment qui nous animait tout au long de nos auditions était que cette baisse du plafond du Casdar de 10 millions était une manière d'imposer une mesure d'économies sur les chambres d'agriculture, ce qui rappelle d'autres tentatives passées, et sur les instituts techniques. L'audition du ministre nous a convaincus que cela était bien le cas. Il a reconnu, entre les lignes, qu'il avait obtenu la survie du Casdar une année de plus contre cette mesure d'économies.
L'enjeu va donc bien au-delà des 10 millions d'euros cette année, qui posent déjà de graves difficultés : il s'agit de la survie du Casdar. Une mission des corps d'inspection aura lieu, et il faudra, sans doute, se battre l'année prochaine pour sauver le Casdar. Accepter cette mesure d'économies, c'est déjà accepter sa suppression, telle est ma conviction. Si son fonctionnement peut être amélioré, il faut absolument préserver cet outil qui, je le rappelle, est un fléchage de cotisations des agriculteurs vers le financement d'une recherche appliquée qui leur vient en aide.
Pourquoi remettre en cause le budget des instituts techniques alors qu'ils sont à la pointe de l'innovation en matière de recherches d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques par exemple ? À l'heure de la réduction de l'usage des pesticides, la recherche est la clé. En réduire les moyens à ce moment de l'histoire, c'est une erreur stratégique.
Le ministre se justifie en nous rassurant sur le plan de relance et le programme d'investissements d'avenir, qui prévoiront sans doute des crédits à la recherche agricole. Mais ce sont des fusils à un seul coup, alors que la réduction des pesticides va prendre du temps, des années, et que la recherche a besoin de visibilité et de lisibilité.
En outre, contrairement à ces instruments, le Casdar permet une mutualisation de la recherche entre filières. L'institut technique du houblon est financé par exemple à plus de 70 % par le Casdar, d'autres filières cotisant finalement pour financer la recherche des plus petites. C'est essentiel !
Enfin, le Casdar permet d'avoir un instrument visible, global, lisible rassemblant toutes ses initiatives en matière de recherche agricole appliquée pour réduire l'usage d'intrants. C'est essentiel pour mieux en suivre les résultats. C'est essentiel pour le travail parlementaire. C'est essentiel pour également mieux communiquer les avancées.
Nous ne pouvons donc accepter une telle décision d'économie cette année et nous devons signifier au ministre que nous nous opposerons à toute réforme dénaturant le Casdar. C'est pourquoi je rejoins l'avis de mes collègues en vous proposant d'adopter un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission et du Casdar.
Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit par les rapporteurs. Nous avions longuement échangé en amont et nous partageons les mêmes avis.
Nos rapporteurs proposent un avis défavorable. Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (SER) est aussi défavorable, mais pour d'autres raisons que je détaillerai lors de la discussion générale en séance. Je rejoins les rapporteurs sur la nécessité de défendre les crédits du Casdar, mais encore faut-il préciser leur utilisation. D'une manière générale, nous sommes très déçus par les crédits de cette mission, car les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Il ne faut rien céder sur le Casdar, il est important de rétablir ses crédits. Pour le reste, ce budget comporte néanmoins des avancées. On a l'impression, malgré tout, que le ministre nous écoute et qu'il a pris en compte certaines de nos demandes, comme sur les retards de paiements, par exemple. C'est pourquoi je suis partagé.
Je partage la position des rapporteurs. La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi « Egalim », visait à donner des prix rémunérateurs aux paysans. Deux ans plus tard, on est loin du compte ! Nous devrons interpeller le Gouvernement sur ce sujet.
De même, si l'on n'investit pas massivement dans la recherche pour trouver des méthodes de culture alternatives sans glyphosate ni néonicotinoïdes, rien ne changera et on risquera de se retrouver dans la même situation que cette année, lorsque nous avons dû maintenir l'usage des néonicotinoïdes pour la culture des betteraves.
Enfin, on ne peut aborder ce budget de l'agriculture sans poser la question du libre-échange. Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) n'a toujours pas été inscrit à l'ordre du jour du Sénat. C'est un déni de démocratie ! J'ai interrogé le Gouvernement à ce sujet. En vain ! On ne peut pas prétendre vouloir défendre les paysans et le bio et continuer à signer dans le même temps de tels accords de libre-échange !
Nous soutenons la position de nos rapporteurs. Ils insistent à juste titre sur la recherche. Celle-ci est essentielle si l'on veut réussir la mutation de notre agriculture et mettre un terme à l'usage des produits phytosanitaires. Le plan de relance n'est qu'un fusil à un coup. On a donc besoin de financements pérennes, si l'on veut pouvoir mener des recherches dans des domaines variés : sur les méthodes de culture, les semences, etc.
Je suis tout à fait à fait d'accord avec les propos de M. Laurent Duplomb sur les aides de crise ou sur le Casdar. Un budget est aussi un moyen de préparer l'avenir. Or la stratégie du Gouvernement sur la Politique agricole commune (PAC) n'est pas claire. Il reste dans le flou. Rien, dans ce budget, ne traduit des orientations concrètes pour le moyen terme. Je pense notamment à la gestion des risques en agriculture sur laquelle le texte est muet. Quant à l'appréciation sur le ministre, je crois qu'il est encore trop tôt pour se prononcer.
Le groupe Les Indépendants - République et Territoires s'abstiendra sur ce budget, car il comporte des améliorations que le Sénat réclamait comme, par exemple, la régularisation des retards de paiements, la reconduction du dispositif TO-DE ou encore la mise en place d'un volet agricole de 1,2 milliard d'euros au titre du plan de relance. En revanche, vous avez raison, il ne faut pas céder sur le Casdar. La recherche appliquée en agriculture est un sujet stratégique, comme nous avons pu le constater, il y a peu, avec la question des néonicotinoïdes dans les champs betteraviers. On ne peut pas non plus mobiliser les chambres d'agriculture si on les prive de moyens.
Comment évoluent les moyens consacrés l'indemnisation des éleveurs face aux prédations des loups, des lynx et des ours ? En Haute-Savoie, les attaques des loups ont augmenté de 20 %.
S'il est vrai que l'on peut regretter la baisse des crédits du Casdar, je tiens à souligner les avancées de ce budget, comme la prolongation du dispositif TO-DE, le maintien des budgets des chambres d'agriculture ou encore le volet agricole du plan de relance de 1,2 milliard d'euros, alors que le Sénat ne réclamait qu'un milliard.
Je partage la position de nos rapporteurs, même si on peut se féliciter de la stabilité des crédits de la mission. Toutefois, en cette période de crise, le compte n'y est pas. Surtout la méthode n'est pas bonne. La priorité devrait être de sauver notre agriculture. Or les crédits de crise n'ont pas été versés, à l'exception des aides pour la distillation de crise. Il faudra ensuite travailler à la relance. Or, pour cela, il faudra innover. La baisse des crédits du Casdar est un très mauvais signal à cet égard. Lors des débats du PLFSS, nous avions demandé des exonérations de charges supplémentaires pour la viticulture. À chaque fois le Gouvernement a refusé, au motif que des aides pour la distillation de crise avaient déjà été versées. Le Gouvernement joue au marchand de tapis et, finalement, ce budget n'est pas à la hauteur. L'aide à la distillation permet de réduire les stocks des coopératives, mais, faute de marchés et de débouchés, les vignerons indépendants du Languedoc ne peuvent écouler leurs bouteilles. C'est pourquoi je voterai contre ce budget.
Monsieur Louault, nous comprenons votre sentiment partagé. Nous sommes aussi passés par une période de doutes. Nous avons beaucoup échangé avec les rapporteurs de la commission des finances et, pour la première fois depuis des années, nous avons véritablement travaillé ensemble et sommes parfaitement d'accord. Nous avons hésité : fallait-il adopter le budget en l'amendant ou bien le refuser ? Je vous proposerai de le refuser, tout en l'amendant.
Monsieur Gay, pour parvenir à un prix rémunérateur, on a besoin de mesures de soutien fortes, afin de compenser des prix de vente qui restent bas. C'était initialement le rôle de la PAC ! Or, celle-ci est de moins en moins commune et vise de moins en moins à soutenir le revenu des agriculteurs. Si le soutien de la PAC disparaît, il faudra augmenter les prix de vente. Mais les consommateurs sont-ils prêts à consacrer à nouveau 30 à 40 % de leurs revenus à l'alimentation ?
Développer la recherche en agriculture, c'est évidemment nécessaire, mais il faut aussi mettre un terme aux injonctions sociétales paradoxales à l'agriculture de la part de personnes qui n'y connaissent rien et qui pourtant nous expliquent tout ce que les agriculteurs devraient faire... Si les demandes sont irréalisables, on n'en sortira pas.
Il ne faut pas non plus se focaliser sur la recherche de solutions alternatives à certains produits phytosanitaires : on peut aussi essayer de développer de nouveaux agroéquipements qui permettraient de réduire massivement la consommation de ces produits. Nous sommes tout à fait favorables à la disparition des produits phytosanitaires, pourvu que l'on préserve la compétitivité et les revenus des agriculteurs. Si cela n'est pas possible dans l'immédiat, il ne faut surtout pas se priver, par dogme, de ces solutions qui permettent de réduire l'utilisation d'intrants, tout en se donnant le temps de trouver des méthodes alternatives à terme.
Quant au CETA, le Sénat n'est pas respecté et nous sommes tous placés devant le fait accompli.
Monsieur Montaugé, je partage votre analyse sur la PAC. Les propositions de la Commission européenne ne sont pas satisfaisantes, tout comme celles du Parlement européen et même, voire encore moins, celles du Conseil européen. On s'oriente vers une PAC de moins en moins commune. L'accent est mis sur la subsidiarité. Dès lors, l'écart sera grand entre les pays qui mettront l'accent sur la compétitivité et ceux qui n'auront de cesse d'ajouter des contraintes à leurs agriculteurs...
Je ne comprends pas votre position, Monsieur Menonville : vous avez fait partie de la cellule de suivi de notre commission. Celle-ci a proposé un plan de relance. Or, ce plan n'est pas mis en place et les aides ne sont pas versées. Comment donner un blanc-seing à ce budget dans ces conditions ?
Cela revient au même : on ne peut pas demander des aides rapides à certaines filières et ne pas sanctionner le Gouvernement lorsqu'il n'agit pas...
Les crédits liés à l'indemnisation des éleveurs victimes de la prédation ne fait pas partie de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » mais de la mission « Écologie ». Les charges liées à la prédation et aux indemnisations ont augmenté en 2020 de 3 millions d'euros. Une hausse supplémentaire d'un million d'euros est prévue pour l'an prochain en raison de la hausse de la fréquence des attaques et de la revalorisation des barèmes d'indemnisation : + 14 % pour le loup et le lynx et + 30 % pour l'ours.
Monsieur Pla, le budget est stable, mais le Gouvernement met en avant le volet agricole du plan de relance. Il reste toutefois à voir si celui-ci sera réalisé...
Avant d'en venir aux amendements, je voudrais vous faire partager ma déception. J'espérais beaucoup de ce budget et de notre nouveau ministre, mais je reste sur ma faim. Nous n'avons pas instruit à charge et nous avons mis en avant les points positifs dans notre rapport. Ce budget constitue un rendez-vous manqué à l'heure où l'agriculture traverse une période difficile. Le Gouvernement manque de stratégie, de vision. Je crains que le plan de relance ne serve avant tout à colmater les brèches.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 33
État B
Il peut sembler paradoxal de proposer de rejeter le budget tout en l'amendant. Nous rejetons le budget pour les raisons que nous avons évoquées : la baisse des crédits du Casdar, les doutes sur le plan de relance ou encore l'insincérité du budget. Nous proposons simplement deux amendements pour appeler le Ministre à réagir, et lui donner quelques idées.
L'amendement AFFECO.1 vise à rétablir la sincérité du budget, en affichant clairement les crédits de recherche annoncés par le Gouvernement et votés par le Parlement, tout en rétablissant, au fond, les crédits du Casdar. Le Casdar fait l'objet d'un plafonnement défini chaque année en loi de finances à hauteur des recettes prévisionnelles estimées par le Gouvernement. Toutefois, en 2019, les recettes fiscales effectivement constatées ont dépassé de 7 millions d'euros le plafond du compte d'affectation spéciale, empêchant l'engagement de nouvelles dépenses de recherche. Le même phénomène devrait se produire pour 4 millions d'euros en 2020. Enfin, le Gouvernement propose de réduire le plafond du compte de 10 millions d'euros en 2021. Au total, cela représente 21 millions d'euros perdus pour la recherche agricole sur 3 ans. Nous proposons donc simplement d'augmenter d'autant les crédits du CAS. Techniquement, à défaut de pouvoir augmenter le plafond du Casdar par voie d'amendement, nous proposons de flécher de l'argent de la mission vers les crédits du compte d'affectation spéciale. La LOLF le permet comme l'a rappelé M. Jean-Claude Tissot. Il appartiendra au Gouvernement de lever le gage.
Ces 21 millions d'euros permettront de financer les 7 millions d'euros annoncés pour la recherche d'alternatives au glyphosate ainsi que les 2 millions d'euros annoncés pour la recherche d'alternatives aux néonicotinoïdes pour la culture des betteraves sur le budget général, auxquels s'ajouteront 5 millions depuis le plan de relance ; 12 millions d'euros resteront donc disponibles pour financer d'autres actions de recherche pour d'autres filières : par exemple pour les petites filières, comme la noisette ou la lentille verte du Puy, qui risquent de se retrouver dans des impasses techniques en raison des injonctions nombreuses auxquelles elles sont soumises. On pourrait aussi faire un diagnostic des sols : à l'heure où beaucoup appellent à changer de modèle, à développer des méthodes alternatives, voyons comment les sols peuvent évoluer !
Cet amendement ne cautionne-t-il pas ce que souhaite faire le Gouvernement : financer le Casdar à partir du budget général ?
Non, nous annulons simplement la baisse de crédits de 10 millions prévue par le Gouvernement l'année prochaine, tout en reprenant les excédents de 2019 et 2020, qui proviennent, je le rappelle, des cotisations des agriculteurs, mais qui n'ont pas servi à financer la recherche agricole. Il s'agit de flécher cet argent, issu des cotisations et destiné à la recherche, vers le Casdar, alors que le Gouvernement y voit des crédits publics susceptibles d'être utilisés à d'autres fins.
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
L'amendement AFFECO.2 est un amendement d'appel. Il vise à octroyer des aides exceptionnelles de crise aux secteurs les plus en amont des filières de production animale et végétale. On entend beaucoup, et c'est normal, les filières qui perdent de l'argent, comme la pomme de terre, les brasseurs, les horticulteurs. Mais on néglige souvent ceux qui sont en amont, comme les accouveurs dans la filière volailles ou les producteurs d'orge de brasserie ou de houblon. Or, sans eux, les filières ne pourraient se développer. Il s'agit non seulement de sauver les filières, mais aussi de préserver nos capacités de production et notre savoir-faire en matière génétique - je pense par exemple à l'horticulture.
Je voterai ces amendements. Je ne voterai pas, en revanche, le budget. Les promesses prises n'ont pas été tenues. Il y a donc une perte de confiance dans la parole de l'État. Celui-ci doit donc être réaliste dans les engagements qu'il prend.
Je ne voudrais pas revenir sur la betterave sucrière, mais je ne vois rien dans ce budget qui puisse compenser les pertes abyssales de la récolte cette année, estimées à 285 millions d'euros, et qui sont liées à une décision politique d'interdire une molécule dont on découvre le caractère indispensable et qui n'est pas remplaçable pour le moment.
L'amendement AFFECO.2 est adopté.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », ainsi qu'à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».
Mes chers collègues, je tiens à saluer notre collègue Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie », qui va nous présenter les conclusions très attendues de son avis budgétaire.
Madame la Présidente, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2021 intervient dans un contexte très particulier : un an après l'entrée en vigueur de la loi « Énergie-Climat », qui a fixé nos objectifs énergétiques et climatiques ; huit mois après le début d'une pandémie dont les effets n'ont pas fini d'être ressentis sur notre économie, et singulièrement sur le secteur de l'énergie.
Ce contexte génère beaucoup d'inquiétudes quant à la capacité des États parties à l'Accord de Paris, dont la France fut l'hôte, à maintenir le cap de la « neutralité carbone ». Pire, dans nos territoires, les collectivités territoriales, les acteurs économiques mais aussi les ménages, ne disposent plus toujours des ressources concrètes à la hauteur de cette ardente ambition.
Notre politique de transition énergétique est donc entrée dans une véritable zone de turbulences.
Pour autant, je veux le dire très clairement ici : oui, en matière de transition énergétique, les résultats obtenus sont en-deçà des discours affichés ; non, l'ambition fixée par la loi « Énergie-Climat », ainsi que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui en découle, n'est pas devenue inatteignable ou caduque.
Pour la réaliser, le Gouvernement doit mettre des moyens financiers et administratifs en regard des objectifs énergétiques et climatiques adoptés par le législateur : il doit faire mieux en faveur de la transition énergétique ! Je dis mieux et pas forcément plus car les crédits « Énergie » sont bien là cette année, même si leur réévaluation est bien tardive et mal calibrée.
Les crédits « Énergie » de la mission Écologie dont nous sommes saisis s'élèvent à 12,1 milliards d'euros pour 2021.
Ils sont complétés par la mission Relance : sur 110 milliards d'euros, un dixième, sont, dans ce cadre, alloués à la transition énergétique.
Si cet effort mérite d'être salué, il doit d'emblée être relativisé.
En effet, la moitié des crédits « Énergie » ne présentent une apparence haussière que grâce à des redéploiements de crédits ; à périmètre constant, ils sont en baisse de plus d'un milliard d'euros !
Plus spécifiquement, ces crédits sont caractérisés par :
- la suppression du compte d'affectation spéciale Transition énergétique (CAS TE) ;
- une forte diminution du programme 174 Énergie, climat, après-mines (- 15 %) et du programme 345 Service public de l'énergie (- 5 %) ;
- la stabilité du compte d'affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (CAS FACÉ).
Plus substantiellement, ces crédits présentent trois difficultés.
Premier domaine : le soutien aux énergies renouvelables (EnR).
Sur ce sujet, je déplore vivement la suppression du CAS TE, dès le 1er janvier prochain, car ce compte constitue de très loin le premier dispositif de financement des EnR : ce sont en effet 6,3 Mds d'euros, financés par des taxes énergétiques affectées, qui leur sont ainsi attribués.
À l'évidence, ce compte apporte de la visibilité et de la sécurité aux porteurs de projets d'EnR, en sanctuarisant les moyens dont ils disposent. Il favorise, de surcroît, l'acceptation de la fiscalité énergétique, en identifiant clairement son utilisation aux yeux des contribuables.
Une autre difficulté tient à la révision des contrats d'achat conclus par certaines installations photovoltaïques de plus de 250 kilowatts, qui a été introduite par un amendement du Gouvernement n'ayant fait l'objet d'aucune évaluation ou concertation : 800 installations seraient concernées !
Cette disposition soulève de très lourdes difficultés :
- en intervenant à titre rétroactif, elle érode la confiance des acteurs économiques en la parole de l'État et remet en cause les hypothèses sur lesquelles ils se sont fondés pour développer leurs activités et contracter des emprunts : disons-le tout net, plus personne ne se risquera à lancer de tels projets, en faveur de la transition énergétique dans nos territoires, si le soutien qui leur est apporté par l'État fluctue désormais au gré des projets de loi de finances ;
- en induisant une différence de traitement selon la date de conclusion du contrat, la puissance de l'installation mais aussi entre les différentes filières d'EnR, cette disposition sera assurément l'objet de contentieux ;
- on ne voit pas bien ce qui pousse le Gouvernement à réviser aussi tardivement des contrats d'achat qui ont été conclus il y a maintenant 10 ans ;
- enfin, si la ministre a indiqué espérer 2 Mds d'euros d'économies, cette somme renvoie en réalité, non au coût des installations concernées, mais à celui de l'ensemble de la filière photovoltaïque avant 2011 !
La dernière difficulté concerne l'évolution des charges de service public de l'énergie (CSPE), qui sont au fondement des dispositifs de soutien public aux EnR, si la crise du Covid-19 devait perdurer et les prix des énergies diminuer.
En effet, plus le prix de l'électricité est faible, plus le niveau de ces charges est élevé ; selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), la baisse de ce prix liée à la crise du Covid-19 a ainsi renchéri ces charges d'un milliard d'euros pour 2020 !
Pour le reste, les dépenses de soutien aux EnR, désormais intégrées au budget général, connaissent des évolutions contrastées : + 120 % pour le biogaz, ce dont je me réjouis car cette filière est utile aux agriculteurs dès lors que l'on concilie bien tous les usages, mais - 85 % pour les effacements de consommation - ce qui m'inquiète car nous en aurons vraiment besoin pour garantir la sécurité d'approvisionnement cet hiver !
Enfin, si les dépenses de soutien du Fonds chaleur sont maintenues à 350 millions d'euros, elles se heurtent à des difficultés de mise en oeuvre dues aux effectifs de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Deuxième domaine : la rénovation énergétique.
Le 1er janvier 2021, le crédit d'impôt pour la transition énergétique sera supprimé au profit de « MaPrimeRénov' », dont je salue l'ouverture à tous les ménages et aux propriétaires bailleurs - notre commission a suffisamment bataillé lors des derniers exercices budgétaires pour s'en féliciter aujourd'hui !
Seuls deux crédits d'impôt très spécifiques subsistent à la suppression du CITE : pour les bornes de recharge électriques et pour la rénovation énergétique des PME.
Cette situation n'est pas satisfaisante : en effet, les crédits alloués à « MaPrimeRenov' » pour 2021 sont inférieurs de 15 % à ceux du CITE pour 2018 !
Surtout, « MaPrimeRénov' » connaît des difficultés de gestion par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) : 65 000 dispositifs ont en effet été attribués en 2020, contre un objectif de 200 000.
Il en est de même du chèque énergie, qui n'est utilisé que dans 0,02 % des cas pour le financement des travaux de rénovation énergétique !
Troisième domaine : la mobilité propre.
Là aussi, le constat est mitigé : si la prime à la conversion et le bonus automobile ont été réévalués en 2020, leur niveau diminue de 17 % dès 2021 !
Cela s'explique par l'instabilité normative de ces dispositifs, la prime à la conversion n'ayant été prolongée que jusqu'au 1er juillet prochain.
Cela nuit à leur déploiement : seules 50 000 primes à la conversion ont ainsi été attribuées en 2020, contre un objectif de 250 000.
Les crédits « Énergie » de la mission Relance sont-ils plus satisfaisants ? Pas vraiment.
Tout d'abord, les financements croisés entre la mission Écologie et la mission Relance, ainsi que la juxtaposition de deux ministres responsables, rendent l'ensemble totalement illisible et augurent de lourdes difficultés de gestion.
Les objectifs et indicateurs de performance ne sont parfois pas les mêmes !
Sur le fond, plusieurs problèmes m'ont été signalés :
- les crédits attribuées à la rénovation énergétique manquent de visibilité car ils ne sont programmés que jusqu'en 2022 ;
- par ailleurs, il existe une ambiguïté quant aux projets d'hydrogène susceptibles de faire l'objet d'un soutien selon leur source d'énergie - nucléaire ou renouvelable - ; la CRE a appelé à n'effectuer aucune distinction : je partage totalement ce point de vue ;
- de son côté, l'énergie nucléaire ne bénéficie que de 200 millions d'euros sur un total de 110 milliards, alors qu'elle représente les trois quarts de notre mix ;
- enfin, les EnR sont les grandes oubliées du Plan de relance, à commencer par l'hydroélectricité, les biocarburants et le biogaz.
Si les crédits « Énergie » des missions Écologie et Relance sont en définitive décevants, y a-t-il des progrès cette année en matière de fiscalité énergétique ? Assurément, non.
En premier lieu, ces prélèvements augmentent de 5,1 Mds d'euros.
Loin du gel annoncé en 2018, les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques, le gaz naturel et l'électricité progressent à un niveau bien supérieur à leur croissance spontanée.
Parmi ces évolutions, celle relative de l'électricité est la plus inquiétante ; en effet, le PLF pour 2021 prévoit que la TICFE intègre les taxes sur l'électricité communale et départementale.
Cette évolution pose un risque de hausse de la taxation de l'électricité et d'érosion de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
En second lieu, les incitations fiscales diminuent de 1,7 milliard d'euros, avec notamment la suppression : depuis cette année, du remboursement de TICPE pour les transporteurs routiers ; au 1er janvier, de l'exonération de TICGN sur le bio-méthane injecté dans les réseaux ; au 1er juillet, du tarif réduit de TICPE sur les carburants « sous conditions d'emploi ».
Au total, la fiscalité énergétique bénéficie toujours plus à l'État, dont les recettes issues de la TICPE doublent, sous l'effet de la suppression du CAS TE.
Dans ce contexte, il me paraît crucial que notre commission modifie substantiellement les dispositions du PLF pour 2021 relatives à l'énergie.
Pour ce qui concerne la première partie, j'ai présenté plusieurs amendements, à titre personnel, largement cosignés par les membres de notre commission : je suis heureux que nous ayons obtenu satisfaction sur la fiscalité, notamment énergétique, appliquée aux carburants « sous conditions d'emploi », aux transporteurs routiers, aux biocarburants, au biogaz, aux batteries ou encore aux bornes de recharge électriques.
S'agissant de la seconde partie, je veux soumettre à notre commission plusieurs propositions d'amendement.
Le premier (AFFECO.1) tend à supprimer la révision des contrats d'achat des installations photovoltaïques pour les raisons que j'ai indiquées.
Le deuxième amendement (AFFECO.2) vise à abonder de 100 millions d'euros les crédits attribués au chèque énergie, pour permettre aux ménages de financer leurs dépenses de rénovation énergétique ; il est d'autant plus justifié que la crise du Covid-19 augmente le risque de précarité énergétique et rend urgente une régulation de la consommation d'énergie, pour surmonter la « pointe » de consommation à venir.
Le troisième amendement (AFFECO.3) tend à porter à 50 millions d'euros les crédits attribués à la revitalisation des territoires touchés par les fermetures de certaines centrales, qui ont baissé de 83 % cette année.
Cette évolution est incompréhensible, alors que nos territoires vont être très durement affectés par la fermeture de 4 centrales à charbon d'ici 2022 et de 14 réacteurs nucléaires d'ici 2035. Je vous rappelle que ces territoires n'ont pas demandé ces fermetures et vont en subir les conséquences ! Il est donc nécessaire d'anticiper ces fermetures et d'accompagner ces territoires.
Les derniers amendements (AFFECO. 4 et AFFECO.5) tendent à créer deux fonds d'urgence pour soutenir, dans la crise du Covid-19, les fournisseurs d'énergie - pour 20 millions d'euros - et les stations-service - pour 10 millions d'euros.
Les premiers sont confrontés à une hausse des impayés de facturation, due au report du paiement des factures des micro-entreprises et de la « trêve hivernale », en application de la loi d'urgence du 27 juin 2020.
Les seconds sont affectés par la baisse des ventes de carburants, liée aux mesures successives de confinement.
Ces amendements permettraient d'aider les plus petits fournisseurs d'énergie, tels que les entreprises locales de distribution (ELD), ainsi que les stations-service rurales du réseau routier secondaire. Ils sont également utiles en termes d'aménagement du territoire.
En définitive, même si les crédits « Énergie » qui nous sont soumis ne sont pas pleinement satisfaisants, je propose à notre commission d'émettre un avis favorable, sous réserve de l'adoption des amendements précités.
Certaines priorités de ce budget sont bonnes et j'observe que notre commission les a portées depuis longtemps : je pense à la rénovation énergétique, à l'hydrogène, à la mobilité propre !
Sur la rénovation énergétique, je veux rappeler tout le travail conduit au Sénat, lors de l'examen de la loi « Énergie-Climat », ou encore avec nos anciens collègues Roland Courteau et Daniel Dubois, dans le cadre de notre plan de relance en juin.
Pour ce qui est de l'hydrogène, c'est un dossier hautement stratégique pour l'indépendance énergétique de notre pays.
Je crois, au total, que l'urgence générée par la relance économique et les changements climatiques impose de modifier, de compléter, ces dispositifs fiscaux et budgétaires, plutôt que de les rejeter d'un bloc.
C'est tout l'enjeu des amendements de première et de seconde partie que j'ai proposés.
Je remercie vivement notre collègue Daniel Gremillet de son avis budgétaire, sur ce sujet important pour le budget de l'État et notre commission.
Je passe la parole à Jean-Claude Tissot, Fabien Gay et Franck Montaugé.
Je souhaiterais évoquer quelques éléments sur les crédits de cette mission.
Malgré une augmentation des moyens alloués, le dispositif « MaPrimeRénov' » ne répond pas à l'ampleur des travaux de rénovation thermique. Dans ce projet de budget, il est doté de 740 millions d'euros. Nous devons poser la question suivante : les crédits proposés sont-ils réellement à la hauteur des objectifs fixés ? Pour mettre fin aux passoires thermiques le plus rapidement possible, et atteindre l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050, des crédits plus ambitieux doivent être déployés, l'objectif de rénovation étant de 750 000 logements par an !
Face à la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons, l'enjeu de la revalorisation du chèque énergie aurait dû être examiné en amont et mieux pris en compte par le Gouvernement. Ce chèque a été institué par la loi relative à la « Transition énergétique pour la croissance verte », afin d'aider les personnes en difficulté à payer les factures énergétiques de leurs logements. Or le montant du chèque énergie est de 200 euros par ménage environ. Ainsi, il ne sert qu'à régler une partie des factures d'énergie alors que ces factures constituent une dépense captive, de l'ordre de 10 % du budget des ménages ... bien loin donc du niveau de 200 euros accordés !
Les personnes en situation de précarité sont les premières affectées, économiquement et humainement, par la pandémie de Covid-19. À cause de la crise sanitaire, le nombre de ménages en grande difficulté ne fait qu'augmenter. La hausse annoncée des crédits semble bien insuffisante pour couvrir ces besoins croissants et soutenir les Français les plus touchés.
Comme lors des précédents projets de loi de finances, nous ne pouvons que constater la diminution des crédits destinés à la gestion économique et sociale de l'après-mines, ces baisses atteignant directement les retraités des mines fermées et leurs ayants droits. Certes, le nombre de bénéficiaires diminue mais la coupe budgétaire de cette année est particulièrement importante et va certainement se traduire par une réduction des prestations versées. Comment le Gouvernement peut-il justifier un tel abandon des mineurs à la retraite et de leurs ayants droits ?
Dans le même ordre d'idées, les crédits attribués à la revitalisation des territoires touchés par la transition énergétique semblent bien insuffisants. La transition énergétique exige des décisions de la part des pouvoirs publics, une planification sur le long terme, avec des mesures fortes d'accompagnement des secteurs concernés. Penser dès aujourd'hui le long terme peut aussi être une chance pour l'emploi et les territoires. C'est un sujet dont le Haut-Commissaire au Plan devrait s'emparer.
Pour conclure, ce budget s'avère insuffisant au regard des enjeux et de l'urgence de la transition énergétique de notre pays. Nous voterons donc contre les crédits « Énergie » de la mission Écologie, développement et mobilités durables.
Je salue les conclusions du rapporteur pour avis ; mon intervention portera moins sur son avis budgétaire que sur la politique gouvernementale et nous voterons donc contre.
Beaucoup de sujets sont sur la table.
Sur la rénovation thermique des logements, je me remémore les propos tenus par notre collègue Dominique Estrosi Sassone, la semaine dernière encore : si l'on en reste à un même niveau d'accompagnement, il faudra des années pour rénover les bâtiments les plus dégradés, de catégories F et G ; 140 ans pour l'application de la loi Élan ! Même si les crédits se chiffrent en milliards, ils n'atteignent pas le montant nécessaire. J'ai suivi, avec beaucoup d'attention, l'examen de la première partie du budget, et nous avons débattu hier de la question du logement. Nous ne serons pas à la hauteur des enjeux, malgré quelques amendements adoptés.
Sur le chèque énergie, il existe un débat. Nous pensons qu'il faut agir sur la TVA et les taxes, qui pèsent à hauteur de 30 à 40 % sur la facture d'électricité, notamment la contribution au service public de l'électricité (CSPE), créée à l'origine pour promouvoir les énergies renouvelables. Qui développe aujourd'hui ces énergies ? Le secteur privé ; elles sont une niche pour ce secteur. Tout cela est payé par le consommateur !
Au-delà des amendements examinés ou adoptés, le budget est également un moment de débat politique sur l'action gouvernementale. Dans le secteur de l'énergie, le Gouvernement est en train d'aller au bout de sa logique, pour démanteler l'entreprise publique EDF. Comment, dans ce contexte, amorcer la transition énergétique ? Le défi du XXe siècle était que tout le monde ait accès à l'électricité, ce qui demeure d'ailleurs d'actualité car 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique ! Mais le grand défi d'aujourd'hui est de disposer d'une énergie décarbonée, accessible à tous, et d'amorcer la transition énergétique, avec une place plus importante pour les énergies renouvelables. Quand tout aura été cédé au secteur privé, comment l'État pourra-t-il répondre à ce défi ?
Je suis contre le projet « Hercule », qui vise à démanteler EDF et à confier une grande partie de ses missions, notamment sur les énergies renouvelables, au secteur privé - avec une filiale cotée en bourse ! -, tout en faisant peser l'intégralité de la dette de l'entreprise sur le secteur public. Lors de son audition la semaine dernière, la ministre Barbara Pompili maîtrisait peu ce sujet. En réponse à ma question, elle a toutefois indiqué qu'il faudra en passer par une loi. Un projet de loi est donc dans les cartons pour finir de démanteler EDF, après l'avoir fait pour GDF devenu Engie !
Le rapporteur pour avis a évoqué les centrales à charbon. Avec mon groupe, nous avions voté l'arrêt des centrales à charbon, dans le cadre de la loi « Énergie-Climat », car c'est le sens de l'histoire. Nous l'avions dit aux salariés et syndicats majoritaires de ces entreprises. Mais nous avions mis deux conditions : la nécessité d'un sac à dos social, notamment pour les sous-traitants ; la prise en compte par l'État des conséquences de sa propre décision, sans renvoyer la balle aux collectivités territoriales.
Nous avions aussi relevé le risque de black-out en cas de fermeture de centrales à charbon avant 2022, notamment celle de Cordemais. Tant que l'EPR de Flamanville n'est pas en activité, ce risque existe. Le projet de transition énergétique de Cordemais, autour de la valorisation de pellets issus de la biomasse, fonctionne. J'y ai effectué une visite, il y a trois semaines. Pour autant, cette centrale ne bénéficie toujours pas de l'autorisation nécessaire du Gouvernement pour fonctionner. Réseau de transport d'électricité (RTE) a alerté sur un risque de black-out, qui ne résulte pas tant de la fermeture des réacteurs de Fessenheim que du report du Grand Carénage, induit par le confinement, et de l'arrêt de réacteurs cet été, dû à un stress hydrique. Les centrales à charbon ont donc tourné à plein régime, y compris cet été. Nous pourrons rencontrer une situation de black-out en 2022, notamment dans l'Ouest de la France, avec des coupures d'électricité pour 200 000 à 300 000 personnes. Nous pourrons recourir au délestage et à l'effacement, avec les entreprises, mais cela ne règlera pas tout.
Je souhaite vous alerter sur tous ces enjeux.
Je voudrais avoir des précisions sur les troisième, quatrième et cinquième amendements présentés par le rapporteur pour avis, étant entendu que nous serons favorables aux deux premiers.
Concernant la revitalisation des territoires, est-ce le bon vecteur ? Ces crédits sont-ils bien ceux à revaloriser pour répondre aux difficultés des territoires désindustrialisés ? C'est un sujet important qui nécessite une action particulière, bien dimensionnée, en concertation avec les élus locaux concernés. Nous sommes sceptiques et nous nous abstiendrons.
Sur les impayés de facturation, faut-il davantage aider les producteurs ou les consommateurs ? Un accompagnement des consommateurs serait aussi nécessaire. Nous nous abstiendrons également sur cet amendement.
Pour ce qui concerne les stations-service, le soutien envisagé par cet amendement, par ailleurs intéressant, concernera-t-il également les stations publiques mises en place par les collectivités territoriales ? Je connais plusieurs exemples, en milieu rural, sur mon territoire.
Je propose un avis favorable sur les crédits « Énergie » de la mission Écologie uniquement sous réserve de l'adoption des amendements proposés. Si tel n'était pas le cas, il aurait effectivement un problème !
Sur la rénovation énergétique, je relève que 3,7 milliards d'euros du plan de relance sont alloués à la rénovation énergétique des bâtiments publics et 2 milliards au dispositif « MaPrimeRénov' ». Je rappelle tout le combat que nous avons mené depuis l'an dernier avec de nombreux collègues de notre commission, notre présidente en tête, pour obtenir l'ouverture des dispositifs de soutien à l'ensemble des ménages, quel que soit leur décile. Nous avions alerté le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle je suis moins critique sur ce sujet que lors de la présentation de mon avis budgétaire de 2020. Un certain nombre de réponses ont été apportées aux exigences et aux questionnements formulés très précisément par le Sénat. Nous pouvons revendiquer ces avancées accomplies ! À l'automne 2021, nous devrons évaluer les moyens effectivement déployés et en tirer toutes les conséquences. Pour autant, je partage le fait que nous sommes encore loin des objectifs fixés. J'ai indiqué, dans mon intervention, qu'il existe un décalage entre ce qui est affiché et la réalité, s'agissant du nombre de bénéficiaires et des montants. Nous sommes bien loin du compte.
Pour ce qui concerne la précarité énergétique, cela fait partie des sujets de tout premier ordre. J'ai effectué beaucoup d'auditions et me suis rendu compte qu'en cas d'impayés de facturation, les fournisseurs acquittent malgré tout des taxes : c'est une double peine ! La précarité énergétique a des effets collatéraux assez importants.
S'agissant du projet « Hercule », il ne relève pas tellement de ce projet de loi finances. Je partage tout à fait ce qui a été dit sur les centrales à charbon. Nous avons trouvé au Sénat un consensus sur des exigences sociales, notamment à l'égard des sous-traitants, dans le cadre de la loi « Énergie-Climat ». Je partage aussi le besoin d'accompagnement des territoires. Je constate enfin que le Gouvernement a fermé des centrales à charbon sans aucune certitude sur des capacités de production énergétique de remplacement.
Effectivement, il faut espérer que l'hiver 2020-2021 ne soit pas trop rigoureux, sinon nous allons être en grande difficulté. Mais je veux aller plus loin et dire que le risque d'importer de l'électricité produite à partir du charbon est très élevé : cela serait le comble ! La crise du Covid-19 n'a pas permis de tenir le calendrier de la mise à niveau et de l'entretien des réacteurs nucléaires et certains ne seront pas en situation de fonctionner à une période où nous en aurions pourtant grand besoin. Cela montre la légèreté avec laquelle le volet nucléaire est abordé par le Gouvernement ; je vous rappelle que seuls 200 millions d'euros sont alloués à cette filière dans le cadre du plan de relance ! C'est dérisoire au regard des enjeux d'aujourd'hui et de demain.
Pour ce qui est des demandes de précisions sur les amendements, le troisième sera financé par des crédits de fonctionnement.
Je remercie notre rapporteur pour avis et lui propose de nous présenter ses amendements pour examen par la commission.
J'ai longuement envisagé de proposer un avis défavorable sur les crédits « Énergie » pour une unique raison, très simple : le fait que l'État revienne sur sa parole en matière d'installations photovoltaïques ! Dans cette période aussi complexe, comment envisager que des investisseurs puissent continuer à avoir confiance et à prendre des risques en faveur de la transition énergétique ? Si la disposition du Gouvernement était adoptée, nous ne serions tout simplement plus un pays innovant. Je rappelle que la filière photovoltaïque française n'existait pas il y a dix ans et que les profiessionnels visés aujourd'hui ont donc pris des risques ! C'est pourquoi le premier amendement consiste en la suppression de l'article 54 sexies.
Je veux signaler que je suis très favorable à cet amendement car les professionnels nous ont alertés de ses conséquences dans les outre-mer. L'article du Gouvernement fait encourir un risque de pertes de 42 millions d'euros et d'un millier d'emplois, dans l'ensemble des territoires ultramarins.
À mon tour, je souhaite indiquer que je suis très favorable à cet amendement car le contexte d'alors n'était pas si facile pour le photovoltaïque. Le coût et l'efficience des panneaux n'étaient pas le même qu'aujourd'hui. Surtout, je crois à un principe essentiel : le respect de la signature d'un engagement contractuel, sur lequel les investisseurs ont misé pour développer leurs projets. J'ai rencontré, dans mon département, des professionnels concernés. Ce que souhaite faire le Gouvernement est absolument inacceptable, d'autant qu'il s'agit d'une disposition adoptée au détour d'un amendement au projet de loi de finances à l'Assemblée nationale !
Nous sommes aussi très favorables à cet amendement. Nous avions envisagé de réserver les subventions à certaines catégories, par exemple aux agriculteurs, qui n'ont pas besoin de cela... et ont effectivement pris des risques. Je crois que l'argument développé par le rapporteur pour avis est très fort - je dirais fondamental : il s'agit du respect de la parole de l'État, nécessaire pour que ceux qui souhaitent prendre des risques puissent le fait en toute confiance et sérénité.
Nous sommes effectivement très favorables car il s'agit d'un très mauvais signal donné à tous les projets qui sont en train d'émerger aujourd'hui. Certains agriculteurs voient ces projets comme une opportunité, un complément de rémunération par rapport aux cours agricoles, par ailleurs en baisse en ce moment. Si demain leur modèle économique est totalement bouleversé par la rupture de la parole donnée, ce ne sera même plus la peine d'essayer de développer des projets innovants dans le domaine des énergies renouvelables !
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
Le deuxième amendement vise à relever le montant des crédits alloués au chèque énergie pour deux raisons : la première, c'est que son niveau actuel est parfois inférieur à celui des taxes payées par les bénéficiaires, ce qui est tout de même incroyable ! ; la seconde, c'est qu'il n'est pas utilisé pour les travaux de rénovation énergétique, point sur lequel a beaucoup insisté le président du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE).
L'amendement AFFECO.2 est adopté.
Le troisième amendement tend à répondre aux engagements pris par le Gouvernement, en matière d'accompagnement des fermetures de centrales, dans le cadre de l'examen de la loi « Énergie-Climat » - nous avions d'ailleurs dû beaucoup batailler en ce sens !
Il n'est pas concevable de constater aujourd'hui une diminution des crédits car les territoires concernés ne sont pas responsables des fermetures et doivent être accompagnés. Ces centrales ne sont pas fermées parce qu'il existerait un problème, un risque ou une incapacité à produire mais pour des raisons stratégiques, au bénéfice du climat. Il est donc absolument nécessaire que les populations concernées - mais aussi le personnel évoqué tout à l'heure - soient accompagnés.
J'ajouterai que, dans le cadre de l'examen du projet de loi Asap, nous avons observé une tentative, de la part du Gouvernement, de supprimer la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (CNEF). Le Sénat a, au contraire, maintenu cette commission et conforté ses compétences ; c'est donc plutôt une bonne chose.
Nous mesurons tous la très grande importance de ce sujet. En tant que législateur, il mériterait que l'on dispose d'une véritable étude d'impact, site par site, afin de pouvoir prendre position, en toute connaissance de cause. Nous comprenons tout à fait le sens de cet amendement mais nous ne disposons pas des éléments suffisants pour statuer sérieusement. Notre groupe s'abstiendra donc pour ce motif.
L'amendement AFFECO.3 est adopté.
Le quatrième amendement a pour but de compenser, aux petits fournisseurs d'énergie, une partie des impayés de facturation induits par l'application de la loi d'« urgence sanitaire ». Un nombre très important de petits fournisseurs d'énergie en sont victimes, dans l'ensemble de nos territoires. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, même en cas d'impayés, les fournisseurs doivent reverser des taxes à l'État.
L'amendement AFFECO.4 est adopté.
Le dernier amendement a pour but de soutenir les petites stations-service rurales car elles sont en difficulté, compte tenu du ralentissement économique généré par la crise du Covid-19. Il faut sauver ces petites stations dans nos territoires.
Même si une station a perçu des concours de la part d'une collectivité territoriale, il serait logique qu'elle puisse bénéficier du fonds ainsi institué, dès lors qu'elle est frappée comme les autres par la crise du Covid-19. Je rappelle que, sans l'appui des collectivités territoriales, il n'y aurait plus aucune station, à des kilomètres à la ronde, dans certaines zones rurales. Nous devons progresser en termes d'aménagement du territoire : demain, certains territoires seront peut-être relégués, à mesure de la progression des véhicules électriques. C'est un sujet préoccupant.
Je suis tout à fait d'accord pour aider les stations-service publiques car les communes ou leurs groupements assurent parfois leur équilibre économique.
Je m'interroge sur la notion de « petites stations-service ». Ne risque-t-on pas de voir des stations de taille moyenne, appartenant à de grands groupes et subissant des pertes face à la crise du Covid-19, bénéficier de ces aides ? Il ne faudrait pas que 80 % des aides aillent à 20 % des stations. Nous devons nous assurer que ces aides bénéficient aux petites stations-service qui jouent vraiment tout leur rôle dans l'aménagement du territoire.
L'amendement a pour cible les petites stations-service, dont le rôle relève parfois plus de l'aménagement du territoire que de l'économie.
La définition précise des stations-service visées relève du pouvoir règlementaire.
L'amendement AFFECO.5 est adopté.
Je remercie à nouveau notre rapporteur pour avis de ses conclusions. Je vous rappelle qu'il est favorable à l'adoption des crédits « Énergie », sous réserve de l'adoption de l'ensemble des amendements précités.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
« Le logis, c'est le temple de la famille. Il est permis d'y vouer toute sa ferveur, toutes les ferveurs. » Il m'a semblé qu'après l'examen de deux avis budgétaires, cette phrase de l'architecte Le Corbusier, datant de 1956, était de circonstance au moment d'examiner le troisième, sur le budget du logement ! Plus sérieusement, elle me paraît parfaitement illustrer les enjeux du moment pour le logement, dont le caractère de bien de première nécessité pour les Français est une nouvelle fois mis en exergue, que ce soit par la crise du secteur de la construction, qui est dans l'angle mort du plan de relance, à travers les questions que soulèvent le financement des aides personnelles au logement (APL), ou la nécessaire amplification de l'effort en faveur de l'hébergement d'urgence dans un contexte de crise économique, de paupérisation et de précarisation.
Ce qu'on appelle le budget du logement comprend, au sein de la mission « Cohésion des territoires », trois programmes : le Programme 109, d'aide à l'accès au logement, le Programme 135, consacré à l'urbanisme, aux territoires et à l'amélioration de l'habitat, et le Programme 177, consacré à l'hébergement, aux parcours vers le logement et à l'insertion des personnes vulnérables.
Ces trois programmes forment une enveloppe de 15,2 milliards d'euros en crédits de paiement, en augmentation de 5,6 % par rapport à 2020. Dans cet ensemble, les APL pèsent à elles seules pour près de 12,5 milliards d'euros de crédits budgétaires. S'y ajoutent de très importantes dépenses fiscales, qui s'élèvent à plus de 10 milliards d'euros.
Sans vous noyer sous les chiffres, je vais aborder chacun de ces programmes à travers une question : la crise du secteur de la construction, le financement des APL et l'hébergement après la crise, après l'urgence.
Tout d'abord, le secteur de la construction neuve apparaît bien comme un angle mort du plan de relance. Je voudrais en premier lieu souligner la gravité de la situation.
Malgré le rebond observé après le premier confinement, qui a permis de retrouver en septembre le niveau d'activité de l'année passée, le retour à la normale n'a pas comblé le déficit accumulé. Selon les chiffres transmis par le ministère du logement, sur les neuf premiers mois de l'année, 53 000 logements ont été perdus, sur un total de 400 000 environ. Nous ne disposons pas encore de données sur l'impact du second confinement, mais il est certain que nous serons sous les 400 000 en fin d'année. Mme Wargon nous l'a indiqué ici la semaine passée lors de son audition. Les professionnels estiment que l'on finira l'année avec moins de 350 000 permis de construire, ce qui aura des effets de contagion sur 2021, où l'on devrait aussi constater une perte non négligeable.
Au total, entre 2020 et 2021, il n'est pas exclu que l'on déplore 100 000 logements de moins, comme pronostiqué au printemps. Vous vous souviendrez que, dans le rapport que nous avions rendu, avec Mme Annie Guillemot, sur les conséquences de la crise et les mesures de relance, nous avions très clairement alerté sur ce point, en indiquant que « la crise du logement allait succéder à la crise sanitaire ». Malheureusement, nous y sommes.
Face à cette situation, les solutions mises en oeuvre par le Gouvernement sont insuffisantes. Vous le savez, car cela a été détaillé par notre collègue Anne Chain-Larché dans son avis sur la mission « Relance », le plan du Gouvernement comprend près de 7 milliards d'euros pour le bâtiment. C'est une très bonne chose mais, à l'exception du Fonds friches de 300 millions d'euros et de l'aide de 350 millions d'euros aux maires densificateurs, l'ensemble de ces sommes sera consacré à la rénovation thermique des logements. Aucune mesure ne vient soutenir la construction neuve, alors que l'on considère que 100 000 logements construits équivalent à 200 000 emplois préservés ou créés.
Face à l'inquiétude du secteur, d'autant plus vive que les dispositifs d'investissement locatif intermédiaire « Pinel » et d'aide à l'accession sociale à travers le prêt à taux zéro, le PTZ, arrivaient à leur terme, le Gouvernement a finalement accepté de les prolonger jusqu'en 2022. Au-delà, jusqu'en 2024, le dispositif Pinel sera réservé aux opérations les plus vertueuses d'un point de vue énergétique et environnemental et aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ces décisions, et surtout cette visibilité, étaient très attendues par les professionnels. C'est donc une bonne chose. Mais il faut remarquer qu'elles ont été obtenues sur le fil, grâce un arbitrage du Premier ministre et des amendements que le Gouvernement a rectifiés sous la pression. Je voudrais aussi souligner que ces prolongations ne sont pas des mesures nouvelles pour la construction neuve. Elles ne permettent donc pas de la relancer.
Pour relancer la construction, d'autres mesures étaient possibles, dans le plan de relance, d'une part, et de manière structurelle, d'autre part.
Dans le budget 2021 et le plan de relance, il était possible de prendre des mesures à effet immédiat pour relancer la construction. J'ai déposé en ce sens plusieurs amendements sur la première partie du budget. Je voudrais citer notamment le retour à une TVA de 5,5 %, au lieu de 10 %, pour les logements les plus sociaux financés par des prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et des prêts locatifs à usage social (PLUS). Ce taux réduit, c'est 5 000 euros de moins par logement. On comprend bien l'effet massif que l'on peut obtenir en l'appliquant à plusieurs dizaines de milliers de logements par an. J'ai également proposé de faciliter les opérations de reconversion de locaux en logements en ne limitant plus à certains locaux - les bureaux notamment - le bénéfice des avantages fiscaux.
Dans le même ordre d'idées, je vous proposerai d'adopter tout à l'heure un amendement rétablissant l'APL-Accession, dispositif peu coûteux - environ 50 millions d'euros - et essentiel pour faciliter l'accession à la propriété et les parcours résidentiels. Elle permet aussi de solvabiliser la demande de logements.
Je crois ensuite que le plan de relance était une occasion assez unique de remettre en cause ou de s'attaquer à des sujets financièrement lourds. Je voudrais en donner deux exemples : la réduction de loyer de solidarité, la RLS, et le statut du bailleur privé.
La RLS pèse 1,3 milliard d'euros par an sur les comptes des bailleurs sociaux. Elle les a durablement fragilisés en réduisant leurs capacités d'investissement et donc de construction et de rénovation. Le Gouvernement nous dit avoir répondu au problème en allouant 500 millions d'euros sur deux ans à la rénovation des logements sociaux. Pour moi, cela ne répond absolument pas à l'enjeu. C'est une occasion manquée.
Il en est de même du statut du bailleur privé. Là aussi à force de considérer l'investisseur immobilier comme un rentier improductif et non comme un entrepreneur en logement, on a obéré durablement le logement locatif. Pourtant, en juin 2018, le rapport du Comité d'Action publique 2022 invitait clairement à changer de pied. Là aussi, c'est une occasion manquée, alors que cela aurait eu un impact durable et structurel pour relancer la construction. Pour lancer ce débat, j'ai déposé un amendement qui double le déficit foncier imputable par le particulier bailleur lorsqu'il réalise des travaux d'économie d'énergie au bénéfice du locataire. Pour mémoire, le déficit foncier n'a pas été réévalué depuis 1995.
Dans le second volet de cet avis, je voudrais m'interroger sur le financement des aides personnelles au logement, les APL. Jusqu'où le Gouvernement fera-t-il des économies ?
Je rappellerai tout d'abord que, comme je l'avais montré dans mon rapport sur la proposition de loi du groupe CRCE sur les APL, depuis le début du quinquennat, les différentes mesures prises ont conduit à une économie cumulée, d'environ 7 milliards d'euros. Or, cette économie a été réalisée au détriment des plus démunis qu'elle a fragilisés, comme l'a relevé la Cour des comptes, et à la seule fin de faire sortir la France de la procédure européenne de déficit excessif. Au regard de la situation actuelle et de la grande fragilité de bon nombre de nos concitoyens, que révèle la forte hausse des demandes de RSA, il y a de quoi s'interroger.
Je sais que certains auraient souhaité reprendre plusieurs dispositions de cette proposition de loi, qui a été votée à l'unanimité par le Sénat, à l'occasion du projet de loi de finances, mais il s'agirait d'un accroissement des dépenses et c'est donc impossible du fait de l'article 40.
Je voudrais en revanche pointer que, dans ce projet de loi de finances, le Gouvernement empoche deux nouvelles économies : la réforme de la contemporanéisation et le doublement de la contribution d'Action Logement.
La réforme du calcul des APL consiste à ne plus calculer le montant des aides sur les revenus de l'année n-2 mais sur les douze derniers mois glissants, avec une révision tous les trois mois. Difficile techniquement, nécessitant d'en maîtriser tous les effets de bord, la réforme a été reportée plusieurs fois. Elle sera appliquée à partir du 1er janvier 2021. Selon les informations disponibles, il ne devrait pas y avoir d'effets indésirables sur les jeunes ou sur les allocataires qui doivent eux-mêmes déclarer leurs revenus. Des précautions importantes ont été prises. C'est une réforme juste, sans changement du mode calcul et, comme l'an passé, j'en approuve le principe. Cependant, d'un point de vue budgétaire, elle entraîne mécaniquement une économie puisque, normalement, les ressources plus récentes prises en compte sont plus élevées que les revenus de l'année n-2. À l'origine, l'économie espérée par le Gouvernement était de l'ordre de 1,2 milliard d'euros. Compte tenu de la dégradation très forte de la conjoncture, elle sera vraisemblablement moins importante de moitié, soit d'environ 600 millions d'euros.
La seconde économie est le doublement du prélèvement décrété sur les fonds d'Action logement au profit du Fonds national d'aide au logement (FNAL), qui finance les APL. De 500 millions d'euros l'an passé, le prélèvement passerait à 1 milliard d'euros cette année.
Ainsi, au total, dans le projet de loi de finances pour 2022, en l'absence de nouvelles économies structurelles sur les APL ou de nouveaux prélèvements sur Action Logement, c'est un montant de l'ordre 1,5 milliard d'euros que le Gouvernement devra trouver pour « une politique publique pour laquelle la France dépense plus que ses voisins et dont l'efficience est insuffisante », selon les mots de M. Gérald Darmanin en réponse au rapport déjà cité de la Cour des comptes. Cette situation fait donc courir un vrai danger. Lors des auditions, un interlocuteur a d'ailleurs comparé ces prélèvements sur Action Logement en faveur du FNAL à de la drogue dure, tant le risque d'addiction des finances publiques est élevé.
C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues Valérie Létard, Viviane Artigalas et Marie-Noëlle Lienemann, nous vous avons proposé un amendement supprimant ce prélèvement prévu à l'article 47, non rattaché à la mission.
Nous devons être d'autant plus vigilants que le Premier ministre a annoncé la reprise des travaux sur le Revenu universel d'activité (RUA), devant théoriquement fusionner tous les minima sociaux et dans lequel la préservation de la spécificité des APL n'est pas encore complètement garantie dans ses modes de calcul comme de versement, et notamment le tiers payant du loyer.
Le troisième volet de cet avis est relatif à l'hébergement d'urgence. Là aussi, je voudrais regarder non pas tant dans le rétroviseur que vers l'avenir en posant la question de l'après-crise.
Si l'on commence par regarder, à travers ce programme, l'action du Gouvernement pendant la crise sanitaire, je crois vraiment qu'il nous faut saluer l'action menée. Le ministre Julien Denormandie a fait montre d'une grande volonté. Pendant tout le premier confinement, il est resté tout au long des événements à l'écoute des associations, avec lesquelles il tenait des réunions très régulières. Sans entrer dans tous les détails, retenons que le Gouvernement a organisé la mise à l'abri de plus de 180 000 personnes et assuré l'isolement des malades dans des structures spécifiques. Quelque 61 400 places de nuitées hôtelières ont été financées, soit 12 000 de plus qu'en 2019, en augmentation de 24 %. Budgétairement parlant, pour un programme qui pèse environ 2 milliards d'euros, 450 millions de crédits ont été ouverts dans les lois de finances rectificatives de juillet et novembre, soit une hausse de 22,5 %. Des consignes ont été données aux préfets pour qu'à la fin de la trêve hivernale, qui a été reportée à l'été, aucune personne ne soit remise à la rue sans solution de logement. Aujourd'hui, selon les informations qui m'ont été données, plus de 28 000 personnes sont sans solution.
C'est sur ce point que je voudrais attirer votre attention : comment gérer l'après-crise ?
Dans le projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement a pris des mesures importantes. Comme ces dernières années, le budget du programme 177 consacré à ces questions a fait l'objet d'un rebasage pour atteindre 2,2 milliards d'euros, soit moins que l'exécution 2020 - 2,4 milliards d'euros - mais 210 millions d'euros de plus que dans le budget 2019. Ces moyens supplémentaires vont servir à pérenniser 14 000 nouvelles places d'hébergement sur deux ans, dont 1 000 pour les femmes victimes de violence, et financer le développement de la politique dite du logement d'abord, avec 64,5 millions d'euros pour favoriser l'intermédiation locative et les pensions de famille. Il consacrera également 12 millions d'euros supplémentaires pour le repérage et l'orientation des personnes hébergées en créant notamment 150 postes dans les Services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO).
Par ailleurs, 1,7 % du plan de relance, soit un peu moins de 200 millions d'euros, est consacré aux personnes précaires. La moitié environ sera dévolue aux associations de lutte contre la précarité et l'autre moitié sera employée à améliorer les structures d'hébergement. 50 millions d'euros iront à la création de places et à l'humanisation des structures et 30 millions d'euros au rachat d'hôtels, à la construction de logements modulaires et à l'accélération du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants.
Ce sont des évolutions que nous avions demandées dans notre rapport sur la crise et les moyens de la relance, notant en particulier que les hébergements collectifs sans intimité ni isolement étaient complètement dépassés à l'heure de la Covid-19. Je m'en félicite donc. J'ai en outre l'expérience, dans les Alpes-Maritimes, du pilotage de deux territoires d'accélération de cette politique du logement, d'abord à travers la communauté d'agglomération de Sophia Antipolis et la métropole de Nice-Côte d'Azur et je peux témoigner de son efficacité. De même, je suis très sensibilisée à la nécessité de rénover les foyers de travailleurs migrants (FTM), qui accueillent une population vieillissante et fragile, notamment dans le cadre de l'épidémie actuelle. Les conditions d'hébergement datent souvent, comme à Nice, des années 1970. Leur transformation en résidence sociale contemporaine, moderne et de qualité, est donc très attendue : elle est impérative.
La crise que nous traversons doit être l'occasion d'impulser une vraie évolution structurelle de la manière dont nous abordons le sans-abrisme et le mal-logement.
Dans cet esprit, je vous propose trois amendements qui viendraient conforter cette dynamique.
Le premier porte sur les pensions de famille. Il s'agit de petites structures accueillant, sans limitation de durée, en moyenne 22 personnes en forte exclusion sociale. Il en existe 911. Elles accueillent 19 000 personnes. Or, depuis 2007, le forfait journalier par personne accueillie, qui permet de rémunérer les hôtes et de faire vivre la maison, n'a pas été réévalué, et est resté fixé à 16 euros. Les conséquences en sont graves, puisque c'est devenu un handicap pour leur développement. Les objectifs de création de maisons de famille, fixés à 10 000 pendant le quinquennat, ne sont pas atteints, et leur sous-financement entraînait la dégradation du suivi social. L'équivalent d'un tiers d'emploi à temps plein (ETP) a été perdu dans chaque pension. Seules les plus grandes, accueillant plus de 30 pensionnaires, peuvent s'en sortir. Ce manque de fonds complique le recrutement de personnels qualifiés et accélère leur rotation, puisqu'il est impossible d'augmenter les salaires et que les conditions de travail se dégradent. Comme je l'avais demandé l'année dernière, le Gouvernement revalorisera en 2021 le forfait journalier des pensions de familles de 2 euros en le portant de 16 à 18 euros. Mais une revalorisation complète, suivant l'inflation, exigerait de passer à 19 euros, ce qui coûterait 8,3 millions. C'est l'objet de ce premier amendement.
Le deuxième amendement que je compte proposer est une demande de rapport... Je sais que de telles demandes sont souvent rejetées.
L'objectif de ce rapport serait de connaître enfin le nombre des sans domicile fixe dans notre pays. Vous savez que la Fondation Abbé Pierre indique qu'ils seraient au moins 300 000. Mais aucune étude récente ne permet de corroborer ou d'infirmer ce chiffre. Or, il est indispensable de le connaître, aussi bien d'un point de vue humain que dans une perspective budgétaire, pour prendre les décisions appropriées.
Enfin, je vous propose de sécuriser le financement du Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL). Ce fonds est consacré à des personnes en détresse. Il est financé par les astreintes dues par l'État en raison de la mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO) et, depuis cette année, par un versement de 15 millions d'euros des bailleurs sociaux. Au total, ce fonds dispose normalement de 40 à 45 millions d'euros. Mais durant le confinement, les astreintes DALO ont été gelées et environ un tiers de leur montant devrait manquer l'année prochaine alors que les besoins augmentent. C'est pourquoi je propose un abondement forfaitaire de 10 millions d'euros pour inciter le Gouvernement à traiter le sujet.
En conclusion, malgré les insatisfactions concernant la construction neuve et les inquiétudes que soulève ce projet de budget, au regard de l'action menée pendant la crise et des moyens déployés en direction des plus fragiles, je vous propose, après avoir échangé avec notre collègue Philippe Dallier, rapporteur spécial, de donner un avis favorable.
En ce qui concerne la construction, le plan de relance est inquiétant. Le PTZ, comme nous l'avons dit à la ministre, ne va pas forcément dans les zones où il devrait aller. Bref, on reste sur notre faim, malgré une mesurette, que nous avons réussi à arracher au dernier moment, sans doute pour nous calmer... Nous ne saurions trop souligner l'importance de la construction, pourtant, ni celle du logement dans la crise qui va suivre. Sur l'APL en temps réel, nous ne sommes pas vraiment d'accord. Pourquoi pas ? Mais on oublie les jeunes actifs et ceux qui vont entrer sur le marché du travail. La crise a montré que leurs emplois seront très précaires... Je ne demande pas forcément qu'on revienne sur la réforme, mais il faut une compensation pour ces jeunes. J'ai été choquée par ce qu'a dit la ministre : quand elle a parlé de ce sujet, elle a dit que ce n'était pas si grave, puisque les intéressés ne sont pas très nombreux ! Comment considérer les jeunes qui entrent sur le marché du travail comme quantité négligeable ?
Le prélèvement d'un milliard d'euros sur Action Logement n'est pas acceptable, nous sommes d'accord. Encore, si cette somme devait financer la construction de logements, on pourrait l'accepter. Mais, dans les conditions actuelles, il faut supprimer ce prélèvement, et tout le monde en convient - à part Bercy !
De vrais efforts ont été faits sur la question de l'hébergement d'urgence à la fois dans le plan de relance et pendant la crise. Mais nous devons être vigilants sur la manière dont ces annonces se traduiront en actes. À cet égard, le rapport que vous demandez sera utile. En connaissant les chiffres, nous pourrons proposer au Gouvernement les moyens nécessaires pour résorber - ou, au moins, limiter - ce problème. Nous voterons donc les amendements proposés par la rapporteur pour avis.
Je partage beaucoup d'éléments du rapport, mais pas sa conclusion ! On observe une chute de la construction neuve et de logements sociaux, qui d'ailleurs n'est pas simplement liée à la crise, puisque ce mouvement était engagé auparavant. Ce sont les politiques engagées ces dernières années qui ont, structurellement, produit cette chute de la construction neuve, alors que notre pays en a fondamentalement besoin, en particulier dans le logement social. Nous ne pouvons pas approuver un budget qui n'améliorera aucunement la situation.
Nous avons peut-être sauvé le PTZ mais la ministre va lui donner un nouveau cadre, qui privilégiera l'ancien, sous prétexte d'éviter l'étalement urbain, mais en favorisant les plus aisés. Je souhaiterais donc qu'il y ait une prime d'accession, puisque les conditions d'accès au crédit vont devenir plus difficiles.
Sur l'APL en temps réel, nous sommes très dubitatifs, d'autant plus qu'on constate encore 6 millions d'euros d'économie sur le dispositif antérieur. C'est clairement une mesure budgétaire, dont le résultat est que les APL solvabilisent de moins en moins nos concitoyens. Nous sommes tous d'accord, sur ce point, pour dire que les crédits prévus sont insuffisants et qu'en tout cas il faut regarder avec la plus grande circonspection l'arrivée nouvelle du RUA, qui vise encore à réduire la partie APL.
L'amendement sur les propriétaires privés me laisse perplexe : il est ciblé écologiquement, mais pas socialement. Pourtant, il y a un fort effet prix dans l'immobilier, que nous n'avons toujours pas conjuré : + 5 % dans les grandes villes, malgré la crise ! Je suis dubitative aussi sur le dispositif Pinel. Dans certains cas très limités, il peut être utile, mais toutes ces aides fiscales totalisent 1,2 milliard d'euros, contre 19 millions d'euros seulement d'aide à la pierre... On dépense sans doute plus que les autres pays : c'est que les aides fiscales au privé n'ont pas tant une vocation sociale qu'elles ne soutiennent les prix de marché. Nous approuvons donc le rapport, mais pas ses conclusions.
Nous ne sommes pas d'accord sur les crédits du logement, et ne prendrons donc pas part au vote sur cette mission.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article additionnel après l'article 54 ter
Mon amendement AFFECO.4 demande au Gouvernement de rendre, avant le 1er septembre 2021, un rapport évaluant le coût, pour l'État, des mesures d'hébergement, à partir de données précises sur le nombre de personnes sans domicile - à ne pas confondre avec les personnes sans abri, qui vivent dans l'espace public.
L'amendement AFFECO.4 est adopté.
Article 33
État B
Mon amendement AFFECO.3 augmente d'un euro le forfait journalier des pensions de famille, pour tenir compte de l'inflation et passer à un forfait journalier de 19 euros.
L'amendement AFFECO.3 est adopté.
Mon amendement AFFECO.2 concerne le FNAVDL. Il s'agit de l'augmenter, en dépit du gel des astreintes dues au titre du DALO, du fait du confinement : un tiers des montants manqueront pour l'année 2021. Comme les besoins vont continuer à augmenter, mon amendement propose un abondement forfaitaire de l'ordre de 10 millions d'euros, pour inciter le Gouvernement à véritablement traiter ce sujet, si important pour les personnes en situation de détresse.
L'amendement AFFECO.2 est adopté.
Mon amendement AFFECO.1 rétablit, comme le Sénat le demande année après année, et comme l'Assemblée nationale le refuse à chaque fois, l'APL-accession, qui a été supprimée par la loi de finances pour 2018. Le coût de ce dispositif n'est que de 50 millions d'euros, et il s'agit d'un outil très efficace pour aider les ménages qui sont bénéficiaires des APL à accéder enfin à la propriété, mais également pour fluidifier le parcours résidentiel. Dans les territoires d'outre-mer, l'APL-accession a été rétablie, et l'on voit combien c'est essentiel. Mme Lienemann insiste souvent sur toutes les opérations d'accession sociale à la propriété. Elle sait combien cet outil est extraordinairement pertinent. Il est déplorable que le Gouvernement s'obstine ne pas vouloir la rétablir.
L'amendement AFFECO.1 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Logement » de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
La réunion est close à 17 h 40.