Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la situation due à l’épidémie de covid-19 que nous connaissons depuis dix mois a eu des conséquences sanitaires, économiques et sociales dramatiques. Il en est de même sur le plan démocratique, avec le report du second tour des élections municipales et l’installation tardive des équipes communales et communautaires.
Aujourd’hui, le Gouvernement sollicite du Parlement, dans l’urgence, l’autorisation de reporter l’élection législative partielle de la sixième circonscription du Pas-de-Calais, ainsi que celle de la quinzième circonscription de Paris.
Ce projet de loi organique, qui prend en considération ces deux vacances de poste et celles qui pourraient advenir tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, arrive tardivement, alors que le second confinement a été décidé le 29 octobre, que l’état d’urgence sanitaire a été reconduit le 14 novembre et que l’élection législative partielle du Pas-de-Calais devait avoir lieu les 13 et 20 décembre prochain.
De ce point de vue, madame la ministre, il est regrettable et déplorable que les candidats, alors qu’ils étaient en campagne et qu’ils avaient préparé leurs documents, n’aient été prévenus par un mail de la préfecture que le 25 novembre de l’annulation des commissions de propagande des 30 novembre et 16 décembre, et qu’il ait fallu attendre le 3 décembre pour que l’élection soit officiellement annulée.
Le second texte relatif aux élections municipales doit permettre de traiter le cas de plus de 160 élections municipales partielles devant être organisées en raison de vacances de poste ou d’annulations totales ou partielles des scrutins. Une centaine concerne des communes de moins de 1 000 habitants.
Les élections régionales et départementales ne sont pas concernées par ce texte. À la suite du rapport remis par Jean-Louis Debré, elles feront l’objet d’un projet de loi propre.
Sont donc concernées à ce jour les élections législatives et sénatoriales partielles – c’est l’objet du projet de loi organique –, et les élections municipales partielles – c’est l’objet du projet de loi ordinaire.
Pour en fixer les dates, le Gouvernement devra solliciter, au moment qu’il choisira, le conseil scientifique pour que celui-ci émette un avis sur la question de la faisabilité sanitaire. Mais rien ne l’oblige à le faire rapidement.
Par ailleurs, les élections législatives partielles ne pourront pas avoir lieu après le 20 juin 2021. Il ne peut en effet être procédé à une élection partielle dans les douze mois qui précèdent l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale.
Si les partielles devaient être organisées au plus tard à cette date, cela entraînerait la publication d’un décret de convocation des électeurs le 1er mai, le premier tour étant organisé le 13 juin et le second le 20 juin.
Tout siège de député qui deviendrait vacant après le 1er mai le resterait jusqu’au prochain renouvellement, de même que tout siège qui ne ferait pas l’objet d’un renouvellement avant cette date si la situation sanitaire ne le permettait pas.
Un report aussi lointain ne nous paraît ni souhaitable ni acceptable. D’une part, la situation sanitaire s’améliorant quelque peu, le Président de la République a annoncé un calendrier de déconfinement progressif ; d’autre part, l’état d’urgence sanitaire prend fin le 16 février prochain.
Dès lors, comment admettre que l’on rouvre les commerces, les cinémas, les salles de sport et, potentiellement le 20 janvier, les bars et restaurants, mais que les élections – et donc la vie démocratique – soient renvoyées à un calendrier incertain s’étalant jusqu’à fin juin ?
C’est pourquoi nous proposons d’ajouter un report supplémentaire de trois mois au maximum au délai légal d’organisation d’une partielle, qui est déjà de trois mois à compter du fait générateur de la vacance du siège.
Ainsi, l’élection partielle de la sixième circonscription du Pas-de-Calais pourrait avoir lieu au cours de la seconde quinzaine de mars, tandis que l’élection partielle de la quinzième circonscription de Paris se tiendrait au cours de la première quinzaine de mai.
Avons-nous la certitude pour autant que, à cette période, la situation sanitaire sera maîtrisée ? Non. Mais il n’en demeure pas moins que, s’agissant de la sixième circonscription du Pas-de-Calais, dont le scrutin se tiendrait le plus tôt, la campagne a déjà eu lieu, les documents ont été distribués, tandis que l’on sait aujourd’hui tenir des bureaux de vote en respectant la distanciation sociale.
En ce qui concerne la quinzième circonscription de Paris, il nous semble que la date butoir est suffisamment éloignée pour considérer que campagne et scrutin pourront se tenir sans difficulté. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement pourrait de nouveau solliciter le Parlement.
L’avantage de notre proposition est qu’elle permet de borner le délai limite dans un temps plus court et de ne pas laisser les habitants de ces deux circonscriptions sans représentant à l’Assemblée nationale. En tout état de cause, nous considérons qu’il n’est pas sain de confiner la démocratie au-delà du mois de février.
S’agissant des sénatoriales partielles, je pense, madame la ministre, que vous avez fait preuve d’empressement ou d’excès de prévention car, à ce jour, aucun siège n’est vacant. Certes, des recours sont pendants, mais il ne semble pas nécessaire de prévoir un régime dérogatoire.
Dans l’hypothèse, peu probable, où une vacance interviendrait aujourd’hui même, le délai maximum normal de trois mois conduirait à organiser des élections au plus tard le 8 mars, date à laquelle il est probable, selon le Président de la République, que nous ayons retrouvé nos restaurants préférés…
Là encore, il nous paraît difficile de conjuguer un retour à une situation plus normale et l’impossibilité d’exercer son droit de vote en respectant les gestes barrières, d’autant qu’une campagne sénatoriale ne nécessite pas de grands rassemblements. D’ailleurs, le scrutin de septembre a montré que les préfectures pouvaient s’adapter.
Il ne nous paraît donc pas judicieux d’instaurer aujourd’hui un dispositif qui repousserait d’éventuelles élections sénatoriales partielles au-delà du mois de mars.
Concernant les municipales, le Gouvernement calque son dispositif sur celui des législatives. Or la date butoir du 20 juin n’a aucun rapport avec ces élections. En revanche, dans 63 communes à ce jour une élection partielle est nécessaire, communes pour lesquelles le délai de trois mois court déjà. Il convient donc d’en prévoir le report.
Pour les mêmes raisons que celles que j’ai précédemment développées, nous estimons qu’un report tardif n’est pas acceptable.
Trois éléments plaident en faveur d’un délai bref.
D’abord, bon nombre de communes comptent moins de 1 000 habitants. Il ne s’agit donc pas d’espaces densément peuplés, et il est par conséquent plus facile d’y assurer le bon respect des gestes barrières, tant pour la campagne que pour le vote.
Ensuite, il s’agit souvent de pourvoir au remplacement d’un ou de deux sièges vacants. De plus, dans les communes plus importantes, ces élections interviennent quelques mois après le renouvellement général et les forces en présence sont connues de la population. La campagne sera donc nécessairement différente et pourra s’adapter aux règles sanitaires.
Enfin, 60 communes à ce jour sont sous le « joug », si je puis dire, d’une délégation spéciale qui assume les fonctions du conseil municipal. Ces communes sont donc dans une situation transitoire qu’il ne faut pas maintenir, car elle les prive de leur capacité à relancer leur activité locale, tandis que les citoyens n’ont pas de représentation légitime.
Une date moins lointaine que celle prévue par le Gouvernement nous semble donc souhaitable. C’est pourquoi, comme pour les législatives partielles, nous proposons d’ajouter un délai supplémentaire de trois mois au délai de droit commun, soit six mois entre le fait générateur et la date ultime pour l’élection.
Concrètement, si l’application du délai de droit commun de trois mois aboutissait à l’organisation d’une élection pendant l’état d’urgence sanitaire, le dispositif dérogatoire s’appliquerait. Au-delà du 16 février, le droit commun redeviendrait la règle. Il en irait de même pour les conseils d’arrondissement et les commissions syndicales.
Pour finir, nous notons avec satisfaction que le Gouvernement a pris en compte les conséquences d’un allongement de la durée des campagnes électorales sur le plafonnement des comptes de campagne, en octroyant une majoration des plafonds de dépenses.
La question des opérations de vote nous semble néanmoins imparfaitement traitée. Bien entendu, le principe de la double procuration est une bonne chose, et je salue également la proposition de Mme la rapporteure visant à permettre aux personnes vulnérables d’établir une procuration depuis leur domicile sans justificatif. Néanmoins, je pense qu’il faudrait ajouter une expérimentation en matière de vote par correspondance ; c’est sans doute le moment.
Madame la ministre, comme je vous l’ai déjà dit, il faut déconfiner la démocratie. Eu égard au travail qui a été accompli par la commission des lois, nous voterons ces textes.