Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour étudier l’inscription dans la loi de la possibilité de reporter des élections partielles, nouvelle conséquence de la crise sanitaire sur notre vie démocratique.
Après le report du second tour des municipales au printemps dernier, puis le report de l’élection de six des douze sénateurs représentant les Français de l’étranger à la fin de l’été, notre pays est de nouveau en questionnement quant aux conditions de maintien des temps démocratiques à venir.
L’incompréhension et l’incertitude suscitées par le délai entre les deux tours des municipales ont laissé des traces. Certes, les circonstances à l’époque n’ont peut-être pas permis d’anticiper suffisamment les risques que pouvait faire peser une telle épidémie sur l’exercice de la démocratie, mais la sincérité d’un scrutin à deux tours pouvait-elle être maintenue avec un si grand écart entre les deux scrutins ?
Sans revenir sur les polémiques liées au choix du maintien des élections municipales – en tout cas du premier tour – lors de la première vague, la deuxième vague que nous vivons et l’évolution épidémiologique incertaine pour le premier trimestre 2021 nous obligent à intervenir afin de préserver à la fois le temps de la campagne et celui du vote.
Les discussions que nous avons eues mettent bien en avant le motif impérieux d’intérêt général que constituerait le haut niveau de l’épidémie de la covid-19, qui devrait entraîner le décalage des élections prévues pour l’an prochain.
Les deux textes que nous étudions en même temps sont donc guidés par un impératif lié à l’incertitude sanitaire des prochains mois, mais aussi par les règles interdisant l’organisation de scrutins législatifs au cours de l’année précédant l’expiration des mandats de député, à savoir le 21 juin 2022.
Nous devons donc concilier deux impératifs : l’obligation d’organiser des scrutins répondant à plusieurs critères dans la jurisprudence constitutionnelle, et l’impérieuse nécessité de protéger la santé de la population au nom de l’intérêt général.
À ce jour, il n’y a que deux législatives partielles à organiser, mais l’élection d’une dizaine de nos collègues sénateurs fait toujours l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel, ce qui pourrait rendre nécessaire la tenue d’élections partielles.
De même, dans 63 communes, dont 80 % comptent moins de 1 000 habitants, il est nécessaire d’organiser des élections municipales partielles.
Aux termes du présent projet de loi, il serait permis d’organiser, par dérogation, une élection partielle au-delà du délai de trois mois prévu par le droit en vigueur à dater de la vacance du siège.
Des amendements ont été adoptés lors de l’examen de ces deux textes en commission tendant à permettre à chaque mandataire de disposer jusqu’à deux procurations au lieu d’une et de recueillir les procurations à domicile.
Dans l’attente du rapport de la mission d’information de la commission des lois sur le vote à distance, électronique ou par correspondance, nous émettons un doute sur cette facilitation des procurations. Celles-ci nous sont certes plus familières, car pratiquées de longue date, mais elles restent néanmoins peu sûres et ne garantissent pas la sincérité du vote.
Ce projet de loi nous est soumis alors que, d’ici peu, la traduction législative du rapport Debré sur la faisabilité des élections départementales et régionales sera sur le bureau du Sénat.
Ce rapport, dans ses conclusions, indique ceci : le scénario d’un report à la fin du mois de juin 2021, assorti d’une évaluation de la situation sanitaire – effectuée par le conseil scientifique et remise directement au Parlement – avant la tenue des scrutins, est celui qui est susceptible de répondre au mieux aux contraintes sanitaires et de recueillir le plus large assentiment possible parmi les forces politiques du pays.
Je souhaite attirer votre attention sur ce dernier point.
Oui, la décision de convoquer les élections émane de l’exécutif, mais les discussions sur les textes actuels ont permis de mettre au jour l’importance pour les partis politiques d’être informés, en toute transparence et sans délai, sur d’éventuelles dates afin d’assurer la nécessaire préservation de l’équité entre candidats.
La commission a, ce matin, fait le choix de se détacher de l’avis du conseil scientifique pour fixer la date des nouvelles élections. Elle a proposé de la déterminer en fonction des données chiffrées émanant des ARS. Afin d’avoir une vision plus territorialisée, ces rapports devraient être publics afin de permettre une bonne information de l’ensemble des acteurs des élections.
Nous trouvons cependant qu’un certain flou persiste : qui analysera les critères bruts fournis par l’ARS pour évaluer la faisabilité sanitaire ? Quels critères seront retenus pour convoquer l’élection ? Quelles seront les conséquences en cas de rapports intermédiaires des ARS – ils seront publiés tous les quinze jours – montrant une nouvelle dégradation des conditions sanitaires ?
Malgré ces réserves, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ces deux textes.