Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 5 décembre 2020 à 9h30
Loi de finances pour 2021 — Compte d'affectation spéciale : pensions

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je vais lever d’emblée le suspense : le groupe Les Républicains votera ces crédits.

Cependant, le 29 octobre dernier, la ministre du travail déclarait que le télétravail était, non pas « une option », mais bien une « obligation » qui serait « inscrite dans le nouveau protocole national en entreprise » et que « le temps de travail effectué en télétravail » était « porté à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer leurs tâches à distance ». Heureusement qu’elle n’a pas tenu ces propos lors du premier confinement ! Je doute que la fonction publique aurait alors été en mesure d’appliquer une telle injonction.

En effet, le déclenchement des plans de continuité d’activité ministériels a mis en lumière la forte dépendance des modes de travail actuels aux technologies numériques. Les investissements contraints des années antérieures ont eu de fortes conséquences sur un taux d’équipement limité des agents en matériel de bureautique portable ou sur la fluidité des accès à distance.

Ainsi, au ministère de la transition écologique – je suis rapporteur spécial des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » –, à la fin de l’année 2019, seuls 39 % des agents en administration centrale étaient équipés en ordinateur portable ; ils seront 75 % à la fin de l’année 2020. On comprend bien que le télétravail était compliqué…

Dans un autre ministère, alors que le télétravail était interdit au mois de septembre, c’est-à-dire avant le début du deuxième confinement, il est devenu complètement obligatoire du jour au lendemain sans qu’il soit possible de télétravailler hors de son lieu de résidence administrative. Cela me semble contrevenir au décret du 5 mai 2020, qui est venu actualiser le décret de 2016 sur le télétravail dans la fonction publique. Dans ce même ministère, dont je tairai le nom, les services support refusent catégoriquement d’installer du matériel personnel, par exemple une imprimante, sur l’ordinateur portable de l’agent en télétravail : « Absurdistan » !

Au-delà de l’équipement, ce sont aussi les procédures qui doivent être dématérialisées et simplifiées. Certains ici se rappelleront peut-être comme moi avec nostalgie du parapheur qui monte et qui redescend entre les échelons hiérarchiques pour changer une virgule ou un mot. Je me souviens aussi de la complexité de la gestion des courriers parlementaires, avec l’absence d’un fichier partagé entre le cabinet du ministre et l’administration centrale.

Heureusement, au ministère de la transition écologique, la modernisation est « en marche » ! En 2021 sont prévus des travaux relatifs à la mise en cohérence des dispositifs de gestion du courrier, la mise en place du parapheur électronique, la préparation du recours au vote électronique pour les élections professionnelles de 2022 ou encore le développement des libres-services agents et la dématérialisation des actes administratifs dans la gestion des ressources humaines, le déploiement d’un système d’information (SI) d’archivage électronique ou l’interconnexion des premiers SI. Les collectivités territoriales sont vraiment bien en avance !

Cette mutation de la fonction publique soulève des questions sur le calendrier du plan de relance et les 4 milliards d’euros inscrits pour la rénovation thermique des bâtiments publics.

Certes, les appels à projets lancés le 7 septembre ont rencontré un grand succès, avec 4 000 projets présentés, pour un montant de près de 8 milliards d’euros. Mais le délai de réponse était tout de même très court, un mois, puisqu’il fallait renvoyer les dossiers pour le 9 octobre. N’a-t-on pas retenu des dossiers déjà prêts qui étaient sur les étagères et qui ont ainsi bénéficié d’un effet d’aubaine ?

L’immobilier de l’État va nécessairement devoir évoluer sous l’effet de la généralisation du télétravail, de la transformation numérique, de la transition écologique et de la modernisation des services publics. Nous en avons débattu jeudi lors de l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

L’immobilier doit s’inscrire dans un temps long. Il peut être un levier de la transformation publique.

L’État est aujourd’hui face à un double défi : gérer son parc dans le temps long tout en répondant à l’impératif du dispositif Éco-énergie tertiaire, introduit par la loi ÉLAN (loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique). Les objectifs sont ambitieux : il va falloir réaliser 40 % d’économie d’énergie en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050.

Pourtant, comme l’a souligné le rapporteur spécial, la direction de l’immobilier de l’État n’est même pas vraiment en capacité aujourd’hui de donner les volumes du parc qui sont soumis à ce décret, et il n’y a pas encore partout un logiciel de gestion des fluides. Je rejoins donc Albéric de Montgolfier sur l’absence de politique immobilière aujourd’hui. Je la constate en tant que membre du Conseil de l’immobilier de l’État.

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