Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 6 avril 2011 à 14h30
Bioéthique — Articles additionnels après l'article 7

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

Nous avons l’habitude de dire que le don en France est gratuit, et que cet élément important participe de la construction de l’éthique à la française.

Or, parallèlement à ce discours, se développe un véritable marché du médicament dérivé du sang obtenu à l’étranger contre rémunération ; un marché que les multinationales opérant en France voudraient bien importer dans notre pays, comme l’attestent les propos tenus en juin 2008, lors d’une réunion à Lingolsheim dans le Bas-Rhin, par ces industriels, qui ont clairement plaidé pour un changement de régime en France, prônant pour la rémunération des donneurs.

Si les laboratoires portent attention à ces médicaments dérivés du sang, communément appelés MDS, c’est que le marché est grand. En effet, ces médicaments sont utilisés par près de 500 000 malades par an et interviennent pour des maladies particulièrement graves, telles que le déficit immunitaire, le déficit de la coagulation, les maladies auto-immunes, les maladies rares liées à un déficit spécifique et l’incompatibilité du rhésus sanguin entre la mère et le fœtus.

Pour les personnes malades, il est tout simplement impossible de se priver de tels médicaments, ce qui assure à ceux qui les commercialisent de belles perspectives de vente, donc de bénéfices.

La loi actuelle, depuis l’adoption des lois de bioéthiques, prévoit déjà au second alinéa de l’article L. 5121-11 du code de la santé publique une dérogation au principe fondamental de gratuité du don.

Cet article précise ainsi qu’à titre dérogatoire « une autorisation de mise sur le marché peut, par dérogation, être délivrée à un médicament préparé à partir de sang ou de composants de sang prélevés dans des conditions non conformes au second alinéa de l’article L. 1221-3 », c’est-à-dire obtenu à partir de sang prélevé à l’étranger contre rémunération.

Or, cette disposition, qui affaiblit déjà considérablement notre droit national, ne leur suffit pas. En 2009, comme le rappelle M. Jean-Pierre Basset, militant du don du sang, dans un article paru dans le journal L’Humanité, trois multinationales ont déposé plainte contre la France auprès de la Commission de Bruxelles en dénonçant le contenu de l’article L. 5121-11 du code de la santé publique qui impose l’utilisation de produits éthiques issus du don de sang bénévole.

Sans surprise, la Commission européenne, pour qui l’essentiel réside toujours dans la satisfaction des marchés et le respect de la libre concurrence, a mis en demeure la France de se conformer au droit communautaire. Autrement dit, pour la Commission européenne, la loi du marché l’emporte sur les principes éthiques.

Nous ne partageons naturellement pas cette analyse et considérons que les médicaments dérivés du sang obtenus par des prélèvements contre rémunération ne peuvent naturellement pas être considérés comme des produits comme les autres. Il est de notre responsabilité de nous assurer que ce mode de prélèvement reste l’exception.

Aussi proposons-nous avec cet amendement d’exiger, à la charge des établissements pharmaceutiques qui formulent auprès de l’agence compétente une autorisation de mise sur le marché, la preuve que le MDS qu’ils entendent commercialiser n’a pas été fabriqué à partir de sang prélevé contre rémunération, le régime actuel de la simple déclaration n’étant naturellement pas satisfaisant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion