Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 6 avril 2011 à 14h30
Bioéthique — Article 9, amendement 19

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Monsieur le ministre, voilà quelques semaines, vous évoquiez dans un quotidien, à propos du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, les « vrais garde-fous » et les « vraies valeurs », sans lesquelles « la confiance se délitera ».

Je suis curieuse de savoir quels sont ces « garde-fous » concernant l’article 9. Pourrait-il s’agir, comme le prévoit l’article, des « associations spécialisées et agréées dans l’accompagnement des patients atteints de l’affection suspectée et de leur famille » ? On pourrait le penser, puisque c’est avec l’avis favorable du Gouvernement que l’Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que le médecin propose une liste de ces « garde-fous ».

Cet amendement vise à fournir à la femme enceinte une liste des associations concernées. Certes, celle-ci a le droit de refuser cette information, mais cette garantie paraît bien faible lorsque l’on songe à l’extrême fragilité émotionnelle dans laquelle se trouve une femme à qui l’on vient d’apprendre que le fœtus qu’elle porte présente une « affection d’une particulière gravité ».

N’usons pas d’hypocrisie en l’occurrence ! Cette disposition, en fait, ne vise qu’à influencer, voire à culpabiliser la femme qui se trouve déjà devant un choix extrêmement douloureux. La décision d’interrompre une grossesse, même pour raison médicale, est toujours d’une incroyable difficulté. La pression sociale et morale que l’ont fait ainsi peser sur la femme est inacceptable.

Mes chers collègues, on ne nous fera pas croire que confronter une femme enceinte, en situation de particulière vulnérabilité, à des parents qui, en toute sincérité, revendiqueront leur bonheur, exprimeront l’amour qu’ils partagent avec leur enfant lourdement handicapé, lui permettra de disposer d’une information libre, éclairée et objective.

Et il n’a bien évidemment pas été envisagé de proposer à la femme une liste des centres de planning familial où elle pourrait, si elle décidait d’interrompre sa grossesse, trouver une « information complète et objective », pour reprendre l’expression de M. le rapporteur, et rencontrer des personnes ayant vécu la même situation.

Cette disposition ne fait en réalité que relayer la croisade engagée par certains contre l’interruption médicale de grossesse. Leur détermination est redoutable, comme en témoignent les accusations « d’eugénisme d’État » que j’ai entendu proférer dans cet hémicycle ! Ces propos sont indignes. Je demande aux législateurs que nous sommes de voir au-delà de leurs convictions personnelles et de ne pas perdre de vue l’intérêt général.

Le choix d’élever un enfant handicapé est un acte courageux et respectable, et je ne doute pas un seul instant de la joie que cet enfant apporte à sa famille. Il n’en demeure pas moins qu’il est profondément malhonnête de ne donner à la femme qui peut être confrontée à cette situation qu’une vision nécessairement parcellaire des difficultés qu’elle devra affronter.

Les dispositions du projet de loi prévoyant que la femme reçoit connaissance des « possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge adaptée du fœtus ou de l’enfant né » sont absolument nécessaires, mais aussi suffisantes à une prise de décision en toute sérénité.

C’est la raison pour laquelle, vous l’aurez compris, je suis signataire de l’amendement n° 19, déposé par notre collègue Jean-Pierre Godefroy, visant à supprimer la phrase visant les associations que j’ai évoquées ci-dessus.

Pour terminer, je me félicite que la commission des affaires sociales soit revenue sur la disposition adoptée par l’Assemblée nationale qui subordonnait la proposition de certains examens permettant un diagnostic prénatal à l’existence de conditions médicales le nécessitant, et j’espère que les multiples amendements qui visent à la rétablir ne seront pas adoptés.

Ce projet de loi relatif à la bioéthique est, avec raison, souvent accusé de « frilosité ». Il ne s’agirait pas que, de surcroît, il puisse être qualifié de rétrograde. Nous nous sommes battus durant des décennies pour que la femme se libère de toute tutelle. L’assujettir au bon vouloir du médecin ne constitue rien d’autre qu’une incroyable régression que nous ne pouvons accepter !

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