Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans un souci de moralisation de la vie des affaires, il est en principe interdit aux dirigeants d’une entreprise, ou à leurs parents ou alliés, ou à ceux du débiteur, de se porter acquéreurs d’une entreprise en difficulté dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. L’objectif est d’éviter la fraude, qu’elle soit aux intérêts des créanciers ou à l’assurance.
La proposition de loi qui nous est soumise ce matin a pour objet d’abroger l’article 7 de l’ordonnance 2020–596 du 20 mai 2020, qui a temporairement assoupli – jusqu’au 31 décembre 2020 – la procédure permettant aux dirigeants d’une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire ou à leurs parents ou alliés, ou encore à ceux du débiteur lorsqu’il s’agit d’une personne physique, de présenter une offre de rachat partiel ou total de l’entreprise.
Cet assouplissement prévu par l’ordonnance est d’ordre procédural. Il permet au débiteur ou à l’administrateur de former lui-même une requête en vue d’une offre de rachat sans exiger que le ministère public la reprenne à son compte.
Il reste toutefois très encadré : non seulement le jugement doit être spécialement motivé et rendu après avis des contrôleurs, comme le droit commun l’exige, mais l’ordonnance rend également obligatoire la présence du ministère public à l’audience, au cours de laquelle il peut présenter des observations et, le cas échéant, interjeter l’appel. Dans ce cas, l’appel du parquet est suspensif.
Enfin, les conditions de fond régissant le choix du cessionnaire par le tribunal demeurent : l’offre choisie doit être celle qui satisfait le mieux aux trois objectifs de maintien des activités, de préservation des emplois et d’apurement du passif.
Selon notre collègue Sophie Taillé-Polian, auteure de la proposition de loi, cet assouplissement de la procédure de reprise prévu par l’ordonnance du 20 mai 2020 a constitué un effet d’aubaine pour les dirigeants dont la mauvaise foi ou la mauvaise gestion avaient elles-mêmes contribué aux difficultés de leur entreprise.
Nous comprenons bien l’émoi que plusieurs affaires très médiatisées ont suscité. Toutefois, nous partageons la position du ministère de la justice, qui considère que cet assouplissement procédural temporaire se justifie par le risque que les repreneurs potentiels soient beaucoup moins nombreux qu’habituellement en cette période, compte tenu du contexte économique très incertain et du fait que les dirigeants d’entreprises mises en difficulté par la crise sanitaire n’en portent aucunement la responsabilité. Aussi, il apparaît légitime de leur permettre de présenter plus facilement des offres de reprise.
Par ailleurs, les juridictions ont fait une application prudente de cette possibilité, le plus souvent avec l’accord des organes de la procédure, des salariés et du parquet, et au vu de l’ensemble des circonstances de chaque cas.
En tout état de cause, compte tenu des délais qu’implique la navette parlementaire, nous nous interrogeons sur la pertinence de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour, dans la mesure où nous sommes à quelques jours seulement du terme du dispositif que cette proposition de loi entend abroger, celui-ci étant fixé au 31 décembre prochain, soit dans vingt et un jours.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne prendra pas part au vote.